Notre réalité profonde : la Présence, la Conscience, l’Amour, le Bonheur
Le mois dernier, une quatrième chronique a été consacrée au « Moi séparé », cette dernière étant présentée sous la forme d’un dialogue imaginaire. Nous poursuivons ici ce même dialogue. Peut-être donnera-t-il envie de relire ou de lire le précédent, voire toute la série. N’hésitez pas à questionner et commenter !
« Interlocuteur » – Il m’arrive de ne pas me sentir au mieux physiquement sans aucune raison apparente, ni pouvoir reconnaître une réaction particulière. Dans ce cas, je ne vois pas comment engager le « moi séparé », sans pour autant douter de son implication. Je sais bien que le corps reflète toujours notre état d’esprit. Comment puis-je alors m’en sortir ?
« Expérience » – En effet, au niveau corporel aussi bien que dans ses conditions de vie, si une perturbation physique survient soudainement, il y a d’abord une perturbation psychique, même lorsqu’elle ne se fait pas en conscience éprouver sur le plan émotionnel. C’est au moins une possibilité à considérer. Pour être la proie d’une nouvelle perturbation, il peut suffire d’avoir vécu quelque chose qui a rappelé un malaise – en fait récurrent – qui n’a jamais reçu notre attention, auquel nous avons toujours résisté.
Avant que ne se fasse effectivement éprouver un malaise physique ou même un problème matériel, si l’on a vécu ou appris la veille (peu avant) quelque chose d’inhabituel, sans en avoir apparemment été affecté, il peut être très utile d’y mettre plus d’attention. Cet épisode qui ne semble pas nous avoir contrarié, ne rappellerait-il pas un vécu et un ressenti familiers qui auraient pu jusque-là retenir insuffisamment notre attention ? Dans ce cas, bien sûr, du douloureux serait à reconnaître, à accueillir et donc à libérer. Et ici, ce serait encore surprendre ou repérer le « moi séparé », alors qu’il reste dans le déni, l’évitement, l’ignorance.
Par ailleurs, en toute circonstance, on tirera toujours grand avantage à considérer de près notre « machine à penser », ce que j’appelle aussi le « penser inutile ». Étant le porte-parole du « moi séparé », il explique à lui seul nos divers malaises physiques et nos humeurs plus ou moins sombres. (Le « penser inutile » pourra faire l’objet d’au moins une chronique en cours d’année.) En tout cas, tant que nous restons à bonne distance de notre nature profonde, rappelons-nous toujours que ce qui domine, ce qui est au premier-plan, c’est le « moi séparé » et qu’il ne peut causer rien d’autre que de la souffrance. On peut dire aussi que la souffrance est le « moi séparé » lui-même ou, donc, que le « moi séparé » est manifesté par la souffrance. Autrement dit, dès que ça ne va pas, le « moi séparé » est systématiquement en cause.
INT. Essentiellement à travers ses effets fâcheux multiples, je pourrais dire que tu m’as encouragé à considérer le « moi séparé », d’abord à découvrir sa réalité, aussi illusoire soit-elle, mais j’avoue que je ne le saisis pas vraiment en tant que tel. Mon attention s’arrête, non pas sur le « moi séparé » lui-même, mais sur ses effets : le vouloir, la résistance, la souffrance (peur, honte, culpabilité, ressentiments, etc.), sur les intérêts compensateurs (fabriquer des relations, devenir quelqu’un, quelque chose, acquérir des biens…).
Et cela me rappelle, lorsque tu m’as aidé à accueillir ma peur, que j’ai eu du mal à m’y arrêter. Mon attention restait ou revenait sans cesse sur ce qui me faisait peur, sans pouvoir vraiment reconnaître le ressenti « peur » lui-même. J’aime bien ce qui est concret, pratique : j’aspire donc à percevoir le « moi séparé » comme j’ai fini par pouvoir distinguer la peur et divers autres ressentis douloureux. Peux-tu m’aider à identifier mieux la « réalité » du « moi séparé » ? Comment est-ce que je le subis d’instant en instant ?
EXP. – C’est une excellente question, un point incontestablement très important. On ne peut se libérer que de ce que l’on reconnaît. L’exemple de la peur que tu prends ou de toute autre douleur est plus qu’une métaphore, parce que le « moi séparé » est en lui-même une douleur ou, comme nous venons de le dire, il est la souffrance elle-même. Je rappelle que la souffrance est de la douleur mentalisée et que la mentalisation pourrait très bien définir le « moi séparé ».
Quand tu déplores l’un des effets évoqués, la honte, par exemple, ou un conflit relationnel, il y a cette chose déplorée, et il y a ce qui en est conscient. Eh bien, il y a encore autre chose ! Entre la chose déplorée et ce qui en est conscient, donc ce que nous sommes, il y a ce qui s’empare de la chose. C’est le « moi séparé ». Tu peux reconnaître une peur, par exemple, mais cependant continuer aussi d’avoir peur. Ce qui a peur, c’est le « moi séparé ». Il est et/ou devient la peur, la vibration « peur ».
Or, de quoi est « séparé » ce « moi » qui est donc conditionné ? Il est séparé de sa nature véritable, de sa source, du Divin, de la paix, de la joie, de l’amour, de l’insouciance joyeuse, de la liberté, de la légèreté, de la Présence, de la Conscience, de la lumière : du bonheur. Par quoi est-il séparé ? En réalité, par pas grand-chose, juste par une croyance, celle d’être séparé, laquelle donne cependant lieu à un positionnement fermement établi, adopté depuis toujours, jamais remis en question : « se vivre en tant qu’entité séparée ». Pour prendre une image, pense à une personne qui se promène au soleil sous un parapluie. Le soleil représente la conscience, le parapluie la séparation et ce qui se trouve en-dessous, bien accroché à la séparation, le « moi séparé ».
Le « moi séparé » est contracté, recroquevillé, alors que la Conscience est vaste, illimitée ; le moi séparé est retenue, alors que la conscience est liberté ; le moi séparé est relativement glacial, alors que la Conscience est chaleureuse ; le moi séparé est prétention, la Conscience est sagesse ; le moi séparé est agitation, la Conscience est paix ; le moi séparé est blocage, blindage, la Conscience est ouverture ; le moi séparé est préoccupation, la conscience est insouciance joyeuse ; le moi séparé est dur, lourd, la Conscience est tendre, légère ; le moi séparé est dans les ténèbres, la Conscience est la lumière ; le moi séparé est démoniaque, la Conscience est divine ; le moi séparé juge, la Conscience aime ; le moi séparé est division, alors que la conscience est unité…
S’il peut rester difficile d’identifier le « moi séparé », de le considérer de façon exclusive, sans plus s’attarder alors sur ses effets éprouvants, c’est parce qu’il est notre état ordinaire, un état qui ne laisse place à rien d’autre. Nous y sommes précisément identifiés. Nous nous prenons exclusivement pour un « moi séparé ». Nous nous prenons pour un « moi séparé » avec la même force que nous nous prenons pour un homme ou pour une femme, sachant, il est vrai, que cette dernière identification est également le « moi séparé ».
En effet, ce que nous sommes en essence, la conscience que nous sommes n’a pas de genre. Nous sommes ce qui est conscient, la Conscience, non pas le corps. Nous sommes la conscience avant d’être conscient de quoi que ce soit d’autre. Si tu devais avoir à choisir entre perdre la conscience ou perdre le corps (te dirait Francis Lucille), tu choisirais logiquement de perdre le corps car à quoi te servirait-il sans conscience ?
Les « importuns » de toute espèce, les malveillants notoires sont animés par le « moi séparé », mais tout autant ceux qui s’y soumettent, se résignent ou restent dans l’ignorance, voire dans le déni. Quand tu es dans l’attente, dans le vouloir, dans la résistance ou dans l’aveuglement, c’est le « moi séparé » qui agit, interagit. Quand tu es mal, te sens mal, ce qui souffre, c’est le « moi séparé ». Ce n’est pas si difficile de le repérer, il est tout le temps là. Certes, il peut se faire plus discret, plus subtil, mais en le reconnaissant sous sa forme grossière, parce que l’on devient alors plus conscient d’être conscient, que l’on manifeste de plus en plus ce que l’on est, il nous échappe de moins en moins.
Tu as judicieusement évoqué la peur et la possibilité de l’observer sans ses objets. Considère l’aveu « j’ai peur de l’avenir ». Ici, l’avenir est l’objet, le ressenti douloureux que représente la peur est la chose à accueillir. Maintenant, si ce qui l’observe est ce qui est conscient, donc la conscience que nous sommes, ce qui l’éprouve est le « moi séparé ». Il ne faut pas les confondre et pour ne pas les confondre, de même que tu dis avoir fini par pouvoir observer la peur, en délaissant son objet (l’avenir), de même dirige maintenant ton attention sur ce qui a peur, sur celui qui a peur. Perçois pour un moment uniquement ce qui a peur, celui qui a peur. Ce qui perçoit est ce qui est conscient et ce qui est perçu est le « moi séparé ». Le vois-tu ?
Retourne une seconde sur la douleur, puis reviens à ce qui l’éprouve. Regarde-le comme jamais. Sois conscient que tu le regardes, que tu regardes le « moi séparé », ce pour quoi tu te prends ». Regarde-le encore, regarde-le sciemment. Envisage au moins la possibilité d’être ce qui regarde et non pas ce qui est regardé, non pas le « moi séparé ». Réalise petit à petit ce que tu es et ce que tu n’es pas. Puisque telle est ta demande, ici même, saisis ce « moi séparé », perçois-le. Ce faisant, ne t’étonne pas s’il a déjà disparu, momentanément ! Ce que tu es serait alors au premier-plan. Ordinairement, bien sûr, c’est le « moi séparé » qui occupe cette place.
Notons au passage que ce qui a été expliqué concernant la possibilité de diriger son attention vers les racines plutôt que les branches, sur la peur plutôt que sur son objet, sur le « moi séparé » plutôt que sur ses effets, peut encore s’appliquer notamment à l’intention. Par exemple, si tu es disposé à te laisser aller dans une situation particulière, au lieu de focaliser ton attention sur cette situation, concentre-la sur l’acte de ‘te laisser aller’. Comprends qu’il s’agit simplement de ne pas te limiter, que ce qui se limite est toujours le « moi séparé ». Pour prendre un autre exemple, si tu as remarqué, dans une circonstance donnée, que tu étais dans le contrôle et que tu aspires à y remédier, tu peux bénéfiquement t’inviter à renoncer au contrôle en toutes circonstances.
Sache ou réalise que c’est le « moi séparé » qui veut contrôler, qui ne se laisse pas aller, qui ne laisse pas aller, qui cantonne son attention à des cibles choisies, et que tu peux à ton avantage le considérer de façon globale. De même que l’on observe ou bien que l’on pense encore, on pourrait dire ultimement que l’on est conscient du « moi séparé » ou bien qu’on le manifeste de façon revendicatrice. On fait ce que l’on peut, on voit les choses de mieux en mieux… Sache aussi ou rappelle-toi que c’est l’intention qui compte. Être sincèrement disposé à quoi que ce soit nous place sur la voie. Ce qui observe le « moi séparé » n’en pense rien, ne le juge pas, toute considération mentale ne pouvant émaner que du « moi séparé ».
INT. Je tiens justement à revenir sur la difficulté à ne pas juger, ayant même dit que la chose me paraissait impossible. En fait, ce qui me semble le plus impossible est de ne pas me juger moi-même ou de ne pas m’en vouloir. Est-ce vraiment possible, j’insiste, de ne pas se juger soi-même, de ne pas se sentir coupable ?
EXP. – OK, tu m’invites à réévoquer ici nos blessures. Je rappelle que nous manifestons tous le « moi séparé » à travers une blessure spécifique. Il se trouve que l’une d’elles, l’abandon, favorise plus directement la culpabilité revendiquée, donc le fait de s’en vouloir. L’abandonné ne cesse pas de se reprocher délibérément une chose après l’autre. Tout le monde se sent coupable, mais en général, la plupart des gens sont enclins à projeter à l’extérieur leur culpabilité.
Et le « c’est impossible » est précisément l’une des croyances limitantes de l’abandonné. L’abandon peut ne pas être notre blessure principale, mais nous sommes tous plus ou moins concernés par toutes les blessures. En outre, nous sommes d’autant plus concernés par la blessure d’abandon que c’est celle qui se rapproche évidemment le plus directement de la blessure originelle que nous partageons tous, à savoir la blessure de séparation.
Toutes les blessures renvoient à la séparation, mais le rejet et l’abandon sont les deux qui en témoignent de façon très nette et directe. Rejeter et abandonner, c’est fabriquer de la séparation de façon incontestable. Et celui qui se sent rejeté ou abandonné pourrait tout aussi bien dire qu’il se sent séparé. Et ce n’est pas seulement que l’on se sent séparé, on se sépare également et, bien que le tout soit inconscient, refoulé, on se le reproche très amèrement. En effet, on est inconscient en général de ce reproche sinistre et ravageur.
Tes auto-jugements et ton auto-ressentiment reposent sur le sentiment irrationnel de culpabilité que tu as rapporté de ta prime enfance. De quoi un bébé ou un petit enfant pourrait-il être coupable ? En pleine conscience, accuserais-tu un petit enfant ? L’Amour ne te reproche rien. Tu n’as pas à te traiter comme tu as pu te sentir traité. Ne cherche pas à t’aimer, reconnais seulement comme jamais que tu ne t’aimes pas, qu’inconsciemment et en tout cas à tort, tu te honnis.
Délaisse ton sentiment de culpabilité en faveur de l’assomption de ta responsabilité. La culpabilité revendiquée retient le passé de manière aussi éprouvante qu’inutile et la responsabilité assumée est la jouissance du pouvoir qui propulse dans la joie. La responsabilité est mal comprise lorsqu’elle est confondue avec la culpabilité. En continuant de se culpabiliser, jusqu’à résister à y renoncer, on ne peut finir que par en vouloir aux autres. La culpabilité finit par être projetée, parce qu’elle devient insupportable. Ici et maintenant, cesse d’écouter ta tête, le « moi séparé », et écoute ce que te souffle le cœur, la Conscience que tu es. En suivant chaque élan inspiré, tu verras se manifester de plus en plus spontanément joie, pouvoir et responsabilité (la responsabilité est le pouvoir de répondre).
Enfin, tu m’as demandé plus tôt de t’aider à voir notamment quand tu subis le « moi séparé ». Eh bien, lorsque tu te sens coupable, tu confirmes et même revendiques le « moi séparé », tu le renforces ! Lorsque tu as peur, lorsque tu t’en veux, lorsque tu es dans le jugement, qu’il s’agisse des circonstances, d’autrui ou de toi-même, tu ne fais rien d’autre que de te manifester en tant qu’entité séparée. Tu te fais alors le porte-parole d’un passé particulier, d’un vieux conditionnement, tu n’existes qu’en tant que « moi séparé ». C’est surtout fonctionner de façon autodestructrice.
Tu peux finir par retirer tout crédit aux pensées qui surgissent, que tu n’as donc pas choisies, ainsi que retirer toute attention angoissée à ce qui se passe ici et maintenant, aussi à l’extérieur. De la sorte, tu pourras être conscient de ce qui permet ou englobe le tout, la Présence, la Conscience. Tu peux alors percevoir avec une sorte de neutralité bienveillante tout ce qui est manifesté. Là, tu as quitté le « moi séparé », tu vis ce que tu es, tu manifestes ta nature profonde et tu es en paix, dans la joie et l’amour. C’est le bonheur que nous recherchons de façon maladroite, détournée.
INT. – J’aime bien t’écouter et j’en reçois beaucoup. Toutefois, dans mon quotidien, je retrouve mon fonctionnement de toujours, mon fonctionnement « moi séparé », et je me demande ce qu’il me manque pour cesser de me laisser avoir aussi facilement par ce que tu nommes le « penser inutile » et pour rester de plus en plus en paix, tranquille, heureux. De près ou de loin, des pensées fréquentes rappellent de la peur, de la honte ou de la culpabilité. Bref, qu’est-ce que je ne vois pas ? Qu’est-ce qui m’échappe ?
EXP. – Comme souvent, une bonne partie de la réponse est dans la question : tu te laisses avoir et tu cultives des pensées oppressantes ! Tu te laisses TOI-MÊME avoir, comme tout un chacun ! De cette même manière, nous éprouvons la séparation, parce que nous nous séparons NOUS-MÊMES. Ce que nous déplorons, c’est ce que nous nous faisons. Ce point est aussi important car beaucoup imputent ce qu’ils déplorent à la fatalité, au non-mérite, à l’injustice, à l’infortune ou à la malédiction, voire à Dieu, alors qu’ils devraient ou pourraient reconnaître ce qu’ils se font subir (à eux-mêmes).
Cesser de se prendre pour un « moi séparé », pour le « moi séparé pensant et souffrant », c’est essentiellement cesser de se nuire, de se tourmenter, de se traiter injustement. Or, ce que nous nous faisons, nous ne nous le faisons pas en réalité, ne le faisant qu’à une illusion, qu’au « moi séparé ». Nous ne sommes pas séparés et ce que nous sommes ne subit rien, ne peut rien subir. Le « moi séparé souffrant » s’entretient lui-même.
Il peut s’avérer assez évident qu’il est très important de vérifier ce que sont nos pensées lorsque nous ne nous sentons pas bien. Nos pensées engendrent notamment nos émotions. Or, nous pouvons aussi nous questionner de façon très directe : « Qu’est-ce que je suis en train de me faire ? Qu’est-ce que je me fais subir ? Comment est-ce que je me traite ? » Ne nous lassons pas de le répéter : nous nous traitons comme nous nous sommes sentis traités, comme nous avons peur d’être traités. Et nous le faisons bel et bien !
Tout cela étant dit, as-tu néanmoins observé ce qui a changé dans ta manière d’être ? Dirais-tu que rien n’a changé ? Rappelle-toi que le « moi séparé » ne voit que l’ombre, qu’il ne voit pas la lumière. Ne compte pas sur le « moi séparé » pour repérer les « espaces lumineux » qui le désactivent à l’occasion, peut-être de plus en plus. Ainsi, c’est le « moi séparé » de retour qui déplore le manque de paix et de joie. Il s’accroche ! Tu lui joues un « mauvais tour » si tu lui souris, si tu l’acceptes, si tu lui permets de se débattre. D’autres te l’ont peut-être déjà dit, tu n’es plus le même, tu es plus détendu, tu es plus tranquille, tu manifestes plus de bienveillance… N’est-ce pas ?
Maintenant, à juste titre, tu mentionnes le « penser inutile ». Précisons que le « penser inutile » est aussi envahissant et parfois même divagant. Réalise que tu ne peux pas te le reprocher, parce que tu ne décides pas des pensées qui surgissent, qui s’imposent (moi non plus). Il s’agit bien entendu du « moi séparé », disons ici du « moi séparé pensant ». Ne serait-ce pas une possibilité très concrète de le reconnaître ? Les pensées inutiles peuvent s’imposer, parce que le « moi séparé » règne en maître.
Cependant, comme nous l’avons dit en évoquant la responsabilité, tu n’es pas sans pouvoir et venons-en donc à une manière concrète ou une possibilité très efficace de subir de moins en moins le « penser inutile ». D’abord, tu peux l’observer de plus en plus, donc t’y perdre de moins en moins. Tu peux découvrir que tu n’es pas tenu d’accorder tant crédit à tes pensées, à des pensées dictées par un vieux conditionnement, par du passé, et qui, plus elles sont alimentées, moins elles laissent l’accès aux idées nouvelles, à l’inspiration.
Si tu te prêtes à la proposition qui va suivre, tu pourrais être positivement surpris par ses effets. Rappelle-toi que ce qui nous aide est l’expérience, non pas le fait de croire ou de ne pas croire quoi que ce soit. Lorsque le « penser inutile » est actif et que tu l’as surpris, que tu as vu que tu avais mordu à l’hameçon, tu peux utilement jouer avec les questions ou affirmations listées ci-dessous. Selon les moments, c’est tantôt l’une tantôt une autre qui produira son effet, mais c’est effectivement l’expérience qui t’éclairera. Peut-être trouveras-tu aussi ta propre formulation.
• À quel moment aurais-je donc décidé de penser à ça ?
• Je n’ai pas décidé de penser à ça et je n’ai même pas du tout décidé de penser à quoi que ce soit !
• Je ne décide pas de penser, encore moins de continuer à penser à ça.
• Mais au fait, est-ce que j’ai vraiment envie de penser à ça ?
• Mais je n’ai pas envie de penser à ça, moi !
• Non, ça ne m’intéresse pas de penser à ça.
• Ça peut penser comme ça veut, en moi, mais pourquoi est-ce que je continuerais d’accorder tant d’attention à des pensées dont je n’ai pas la maîtrise ?
• Ça peut penser comme ça veut, en moi, sans avoir à en rajouter, à le déplorer, mais rien ne peut m’empêcher de faire un autre choix.
Il est plus simple et peut-être même conseillé de faire cet exercice avant de te laisser emporter par tes émotions. Cela pourrait t’aider à ne pas tomber dans le piège. Avec le temps et une bonne disposition, tu réaliseras que la chose est tout à fait possible.. L’exercice fait basculer du subir à l’observation, à la manifestation de ce qui est conscient, du « moi séparé » au « je Conscience » (même si ce que nous sommes ne brandit pas de « je »). Il fait lâcher le « penser inutile » ou y crée des brèches.
Un jour, peu après le réveil, la première pensée qui a surgi fut « non, je n’ai pas l’intention de penser à quoi que ce soit ». Certes, c’était une pensée, mais celle-ci m’a surpris et surtout beaucoup plu. C’était un peu comme si je percevais que le penser allait démarrer et que je pouvais décider qu’il en soit autrement. Cela me rappelle les fois où je vois qu’une réaction pourrait surgir et que je ne m’y prête pas.
En faisant l’exercice des questions et affirmations, s’il y a une sorte de résistance ou un intérêt maintenu pour le penser, tout n’est pas perdu. À ce moment-là, ne lutte pas, ne le déplore pas, mais au contraire, encourage-le : « OK, puisque ça tient à penser, pensons, allons-y ! » En revanche, fais-le en pleine conscience. Si c’est si important ou si intéressant, pourquoi ne pas y être pleinement présent ? « Ben oui, elle va encore… ; je suis sûr qu’il… ; oui, ces gens sont vraiment odieux… » Et, toujours en conscience, n’hésite pas à en rajouter ! Tu découvriras tôt ou tard que ça ne marche pas ainsi, mais l’effet te réjouira. En fait, pour fonctionner, le « moi séparé » a besoin de l’ombre et s’il est observé, il est aussi éclairé, ce qui « l’intimide », en fait le démobilise.
Il est encore possible que le seul fait de lâcher le « penser inutile », ne serait-ce que pour de brefs moments, te laisse avec un malaise, une sorte d’inconfort moral. C’est alors se retrouver avec ce qui fait que nous pensons comme nous pensons, avec ce que nous cherchons à éviter. Pour faire simple ou être direct, c’est se rapprocher de la peur de la séparation qui reste en nous. C’est donc dire que nous nous prenons encore pour le « moi séparé », que notre réalité, que notre nature profonde, que la Vérité est encore voilée. Sachons cela, comprenons cela. Disposons-nous au dévoilement, disposons-nous à la libération.
Regarder et reconnaître ce qui se joue (se rejoue) en nous, c’est en quelque sorte démasquer le « moi séparé », à seule fin d’en être de moins en moins la proie. Puisque les relations sous toutes les formes sont le domaine de prédilection du « moi séparé », soyons également très attentifs à la manière psychique dont nous sommes positionnés lorsque nous sommes en relation ou sur le point d’interagir : sommes-nous avec une posture de fuite, d’évitement, de la peur, de l’attente, même une attente négative, une disposition agressive, du vouloir contrôler, du vouloir épater, de l’ergoterie ou de la contradiction acharnée, de la honte, de la culpabilité, du ressentiment… ?
En effet, il est aussi essentiel d’être au clair avec la manière dont on continue de se comporter d’une manière générale. Notre déploration de bien des choses pourrait nous inviter à tenir grand compte de nos comportements persistants éventuellement très fâcheux. Nous avons relativement besoin d’être en relation et nous pouvons avoir à découvrir que nous restons positionnés de sorte à décourager ou à conflictualiser les relations. Nous avons déjà évoqué nos contradictions et nos fonctionnements inversés.
Soyons conscients que le « moi séparé » que nous interpellons, que nous consentons à reconnaître, est à la base de tous nos problèmes, manifestement de nos difficultés et de nos conflits relationnels. On y trouve greffées toutes sortes de douleurs dont le manque n’est pas la moindre. C’est ainsi que le « moi séparé pensant » est aussi le « moi séparé souffrant ». Soyons conscients que se détacher du « moi séparé », c’est surtout se libérer de la souffrance et la remplacer par le bonheur.
INT. – Pour faire suite à ce que tu viens d’expliquer à propos des relations, pourrais-tu m’aider à adopter une attitude moins réactionnelle face à une personne qui agit envers moi de manière odieuse, voire cruelle ?
EXP. – Beaucoup peut être dit ici, mais l’essentiel pourrait être de savoir ou de se rappeler que l’on se sent traité et se fait même à l’occasion traiter comme on se traite soi-même. C’est surtout ce que tu rééprouves dans l’interaction apparemment odieuse que tu peux découvrir le renvoi à la manière déplorable dont tu continues de te traiter toi-même. Il serait bien dommage que tu ne considères pas cet aspect, parce que cela signifierait que tu continuerais à être injuste envers toi-même.
Ne préférerais-tu pas le bonheur ? Tout ce qui nous arrive est intelligent, toujours utile. L’assomption de notre responsabilité est ici requise, une fois de plus pour favoriser la libération et donc le bonheur. Si tu t’arrêtes un peu sur ce qu’endurent quelques-uns de tes proches, peut-être pourras-tu aisément voir le lien entre ce qu’ils déplorent et la manière dont ils se traitent eux-mêmes. Bien sûr, on se fait aussi traiter comme on traite autrui, sauf que cela ne suffit pas de traiter bien autrui, il importe de ne pas se traiter mal.
D’ailleurs, si nous traitons mal autrui, c’est toujours parce que nous nous traitons mal nous-mêmes. C’est vrai pour toi, c’est vrai pour moi, c’est vrai pour celui qui se montre injuste et cruel envers toi, envers les autres. Vérifie si l’un ou l’autre des cas de figure ci-après pourrait faire écho à certains de tes vécus/revécus :
• « Elle me néglige, me laisse manifestement tomber, et je me sens malheureux. » N’est-ce pas que tu te négliges toi-même d’une manière très générale et que pour te sentir malheureux, tu ne l’as pas attendue ?
• « Elle me critique tout le temps et je me sens comme moins que rien. » Oui, sans elle, tu te crois moins que rien et tu te critiques toi-même depuis toujours.
• « Ils sont tous injustes envers moi et ils m’angoissent. » Quand n’es-tu pas angoissée ? À toi de découvrir quand, comment et combien tu es effectivement injuste envers toi-même (envers d’autres probablement également) !
• « Ce sont des tire-au-flanc qui disent n’importe quoi et ils m’exaspèrent. » Es-tu vraiment sûr que ce n’est pas là ce que beaucoup pourraient dire à ton sujet et que ce n’est pas ce qu’il t’arrive de te reprocher ?
• « Non seulement elle est ingrate envers moi, mais elle m’a mis dans une galère, et j’ai honte. » Quand apprécies-tu tes propres actions et dispositions ? Quant à cette honte, ne la connais-tu pas de très longue date ?
Même si ça n’est pas ta question, comprends que si tu n’es pas aimable avec certains de tes proches ou avec certaines personnes autour de toi, tu l’es encore moins envers toi-même en diverses circonstances. Donc, ceux qui manquent d’amabilité envers toi ou envers d’autres personnes se font eux aussi souffrir d’une manière ou d’une autre. On traite les autres de la même manière que l’on se traite soi-même. Nous sommes là avec le « moi séparé souffrant ». Ce bougre déplore la souffrance autant qu’il y tient. Or, nous ne sommes pas ce « moi séparé », ni ne le sont les malheureux qui nous entourent et qui ne font cependant que nous rappeler pour qui nous nous prenons à tort.
Nous l’avons dit, nous ne faisons rien qui ne soit pas dans le but d’être heureux, mais le « moi séparé » est particulièrement maladroit à cet égard, pouvant même commettre le pire. Il se bat contre la peur et « la peur est un appel à l’amour », nous dit Un cours en miracles. Bien que nous choisissions la souffrance, qui prend racine dans la peur, nous languissons d’amour, de bonheur. Nous ne recevrons pas ce que nous refusons aux autres par indifférence ou réaction. Le mal que nous infligeons, le cas échéant, reflète celui que nous nous faisons. Bien sûr, nous nous positionnerons toujours de façon ajustée à la manière dont se comporte autrui, mais simplement, nous le ferons sans haine. C’est l’amour qui nous inspirera, non plus la peur.
En restant positionné en tant que « moi séparé », on fait de la peur notre guide. Que l’Amour soit désormais notre seul maître ! Laissons-nous encore inspirer (au besoin) par Un cours en miracles : « Si tu veux voir l’amour, qui est la réalité du monde, comment pourrais-tu faire mieux que de reconnaître, dans chaque défense contre lui, l’appel sous-jacent pour lui ? Et comment pourrais-tu mieux apprendre ce qu’est sa réalité qu’en répondant à cet appel en le donnant ? » (À suivre)
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