Notre réalité profonde : la Présence, la Conscience, l’Amour, le Bonheur
Ce sont parfois des demandes et sinon d’autres circonstances qui me soufflent le thème de « La chronique du mois ». Et c’est l’inspiration qui me fait maintenir depuis quelques mois un dialogue imaginaire comme mode rédactionnel. Il va sans dire qu’il me convient bien. Je rappelle aussi que je suis ouvert à toutes les propositions.
INTERLOCUTEUR – Nous avons largement évoqué le « vouloir » et les intérêts compensateurs. Comment transcender les désirs matériels, et en particulier ceux qui servent de compensation, pour les remplacer par une aspiration sincère à la sagesse, à la Vérité, à Dieu, à l’amour — en somme, au véritable bonheur ?
EXPÉRIENCE – Disons-le clairement, rappelons-le, désir ou autres, le vouloir est le vouloir et il n’est jamais un outil positivement efficace, que l’on veuille du sexe, une Rolls ou Dieu. Ce que l’on veut ou désire, on a peur de ne pas l’obtenir, et plus la peur est inconsciente, plus elle attire ou maintient ce qui est craint. Découlant d’un esprit de revanche ou de vengeance, toute forme de vouloir est pareillement stérile ou illusoire. Or, s’agissant des attributs divins (paix, joie, amour, puissance, liberté…), s’il y a vouloir, si on les « veut », la difficulté est accrue. En fait, c’est plus qu’une difficulté, c’est du non-sens : nous ne pouvons pas obtenir ce que nous sommes, ce que nous sommes déjà et à jamais. Imaginez que le soleil réclame la chaleur ou la lumière ! Le « vouloir » est l’apanage du seul « moi séparé ».
À mesure que nous délaissons le vouloir, entre autres, nous réalisons que nous avons déjà tout ce dont nous avons besoin pour vivre le plein épanouissement. En réalisant que nous ne sommes pas ce que nous croyions être, mais la Conscience elle-même, nous levons le voile qui occultait la lumière. Ce qui confirme le bonheur est, non pas le vouloir, mais l’amour. Vouloir une chose et aimer l’idée de la vivre produisent des effets opposés. Pour manifester ce que nous sommes, aimons ! Pour recevoir, donnons ! L’amour est plus attractif que la peur et ce qu’il attire est indubitablement d’une toute autre nature.
Cela étant dit, aimer l’idée de vivre ce que nous nous disons vouloir ne va pas de soi ; cela suppose un certain dépassement. S’il est mieux d’être d’accord pour vivre une chose, plutôt que de la vouloir, nous pouvons parfois découvrir que nous n’y sommes pas vraiment disposés, que nous ne sommes pas d’accord, que nous ne sommes pas en accord, que nous ne vibrons pas sur la fréquence appropriée. Quand ce qu’on voulait se présente, sans qu’on ait donc plus à le vouloir, sommes-nous capables de l’accueillir et de l’apprécier ? Examine attentivement cela ! Réalise que le « moi séparé » n’est pas friand d’harmonie. L’Amour ne fait qu’aimer, tel le soleil qui ne peut que briller. Le « moi séparé », illusion née de l’oubli de l’Unité, se meut dans le manque qu’il projette.
INT. – « Pour manifester ce que nous sommes, aimons ! Pour recevoir, donnons ! », viens-tu de dire. Or, j’ai l’impression d’avoir aimé souvent et de donner beaucoup, sans en vivre les effets attendus ou simplement imaginables. Pourrais-tu en dire un peu plus à cet égard ?
EXP. – Comprends bien, lorsque j’évoque une idée, dans un contexte parfois nouveau, je ne peux pas redire à chaque fois tout ce que j’ai déjà mentionné sur le sujet. Cela étant dit, même les lecteurs assidus ne sont pas censés se rappeler tout. Il leur reste la possibilité de questionner. La répétition est toujours bonne, aussi bien pour celui qui la reçoit que pour celui qui l’exprime.
Rappelons donc que l’amour qui guérit, qui transforme, qui libère, infailliblement, est l’amour inconditionnel, sans attente et même sans objet. Si tu peux te remémorer des instants où cet amour-là prédominait en toi, tu devrais pouvoir noter que, globalement, tout se présentait bien pour toi. Quant au don qui occasionne le « recevoir », il est également désintéressé. Et tu ne peux pas connaître le don véritablement désintéressé si tu ne bénéficies pas toi-même de ta générosité, si tu ne te donnes rien d’essentiel à toi-même. La vie nous traitera toujours comme on se traite soi-même : « Aide-toi, et le Ciel t’aidera ».
INT. – Je perçois de mieux en mieux le « moi séparé », le « moi » qui est donc accapareur, mû par le manque, ce « moi » qui nous isole, qui fait notre misère, mais justement, comment envisager le monde et surtout les relations à partir de cette prise de conscience plutôt bouleversante ?
EXP. – D’abord, précisons que l’adjectif « séparé » dans l’expression « moi séparé » sert à qualifier le « moi », mais il n’implique pas réellement l’existence d’un « moi » non séparé. En effet, dès que l’on dit ou ressent « moi », cela suggère une forme de séparation. Ainsi, l’expression « moi séparé » peut être considérée comme un pléonasme. Or, si nous nous prenons pour ce que nous ne sommes pas, nous prenons aussi les autres pour ce qu’ils ne sont pas. Nous sommes conditionnés à percevoir le monde à travers le prisme de l’illusion. Il est essentiel de se souvenir que nul objet, nulle personne extérieure ne peut être la source de notre bonheur.
Au lieu de chercher à être heureux ou satisfaits à travers des moyens et contingences extérieures, nous pouvons considérer autrement ce que nous déplorons ou endurons. Nous le vivons grâce à l’Intelligence infinie et cela contient toujours un cadeau libératoire. (Bien d’autres chroniques nous invitent à le reconnaître et à le recevoir.) Nous résistons à ce qu’il nous est donné de vivre, alors que cela ne nous arrive que pour nous faire grandir en sagesse et ultimement nous rendre heureux. Ainsi, comprenons que basculer du « moi séparé » à ce que nous sommes, c’est passer de l’obscurité à la lumière, du mensonge à la vérité, du jugement à l’amour… Comprenons qu’il est question d’un changement radical, d’un plein épanouissement alors accessible.
Incluant nos relations, le monde extérieur ne peut que changer à partir de notre propre changement intérieur, aussi subtil que soit le changement. Pour saisir cela, observons comment le monde se modifie parfois au gré de nos états d’âme, ce qui semblait pesant, par exemple, devenant léger. Il arrive même que la différence soit énorme. Certes, elle est plus souvent discrète et vous ne saurez jamais ce que vous avez permis à certaines personnes par des mots et des gestes spontanés, voire par un simple sourire. Déplorer le monde, c’est en nourrir la forme actuelle. Et vouloir le transformer depuis le mental, c’est agir dans le rêve, sans impact sur la réalité.”
Avec de la bienveillance, envers nous-mêmes, comprenons que tant que d’autres nous font réagir ou nous affectent encore, seul le « moi séparé » en nous peut être concerné. Ayons même l’humilité de reconnaître qu’il domine la plupart du temps ! D’ailleurs, nos diverses réactions peuvent constituer un excellent moyen pour savoir où nous en sommes, si nous sommes animés par l’amour ou le jugement, par la lumière ou par l’ombre, par ce que nous sommes ou par le « moi séparé ». Et le simple fait que cet intérêt émerge révèle qu’un basculement heureux est déjà en cours.
Pour éprouver quoi que ce soit, nous devons absolument être erronément positionnés comme si nous étions une entité séparée, un « moi séparé ». Nous avons du mal à réaliser cela ou à en tenir compte, parce qu’en réalité, tel a toujours été notre positionnement. En conséquence, si nous sommes intéressés à confondre le « moi séparé », sachant que c’est à notre plus grand avantage, sachons qu’il est seul concerné dès lors que nous nous sentons mal. Et non seulement la perception aimante et lumineuse de ce qui se passe autour de nous ne nous laissera pas indifférents, ni inertes, mais elle nous inspirera au besoin la parole ou l’action juste.
INT. – Il semble que la grande majorité des humains ignorent la réalité spirituelle, la réalité de notre potentiel, la possibilité accessible à tout un chacun de passer d’un état de mal-être à une sorte de plénitude que rien n’avait laissé présager. Ne souffririons-nous pas tous pour rien ?
EXP. – Nous souffrons tous pour rien, c’est sûr, mais ne le dramatisons pas. N’en faisons pas de la souffrance supplémentaire qui, là encore, ne servirait à rien. Disons que notre ignorance se manifeste par le fait de rester positionnés comme si nous savions ce que nous ne savons pas en réalité. C’est fonctionner avec des croyances, et c’est bien sûr problématique. L’un des effets principaux de l’ignorance doit être relevé d’emblée : en restant positionnés comme sachant ce que nous ne savons pas, nous ne pouvons pas découvrir, pas apprendre, pas comprendre, pas accueillir, ni donc nous libérer. Cela pourrait être suffisant pour déclarer que nous souffrons pour rien ou que nous souffrons du seul fait de notre ignorance non considérée.
Et si la plupart des gens se trouvent prisonniers de l’ignorance, en effet, il nous incombe de découvrir les aspects où elle nous piège nous-mêmes. Trop souvent, nous projetons à l’extérieur ce que nous refusons de voir en nous-mêmes. Autrement dit, nous accusons le dehors de ce que nous n’avons pas encore reconnu en nous-mêmes. Or, nous n’allons évidemment pas nous reprocher notre propre ignorance. Il s’agit seulement de ne pas l’ignorer et de savoir que ce que nous ignorons est colossal.
Commençons par reconnaître tranquillement que nous ne savons pas lorsque nous ne savons pas. Les occasions ne devraient pas nous manquer. Certains, peut-être nous-mêmes, ne l’envisagent pas, ne parviennent pas à l’envisager. Les plus belles compréhensions sont pourtant précédées d’un « je ne sais pas » tranquillement identifié, humblement accueilli. Ce sont essentiellement les expériences véritables qui nous informent. Les ressentis et inspirations sont déjà des expériences. Il est important de reconnaître toutes nos expériences, de les apprécier et d’en tenir compte.
Lorsque nous disons, par exemple, « je n’y arriverai pas », avant d’essayer ou en renonçant très vite, nous pouvons malgré nous faire l’expérience de nous retrouver régulièrement en situation de dire et surtout d’éprouver « je n’y arrive pas ». Cette expérience mériterait toute notre attention. Par ailleurs, lorsque nous découvrons que nous contribuons au maintien de ce que nous déplorons, nous nous défaisons d’une ignorance qui nous lèse.
Il est certain qu’en expérimentant notre réalité sciemment, en nous observant de bonne grâce, l’ignorance disparaît. Par exemple, en assumant notre colère habituelle, nous pouvons réaliser que ses causes apparentes (croyances) étaient erronées. Rappelons qu’en réagissant à ce dont nous avons à faire l’expérience, nous l’entretenons. Nous participons « activement » à la souffrance contre laquelle nous réagissons. « Ce à quoi l’on résiste persiste » : cette affirmation de Carl Jung n’est pas simplement une idée abstraite, mais c’est une vérité essentielle. Cela, ne l’ignorons pas, ne l’ignorons plus.
INT. – Serait-ce possible de définir mieux ce que nous sommes, puisque nous ne sommes pas le « moi séparé », celui qui fait notre conditionnement et qui nous influence tous ?
EXP. – Tu ne peux pas définir ce que tu es à la manière dont tu peux définir tout autre chose, toutes sortes de choses et même des choses abstraites, comme une douleur, l’euphorie ou une réaction par exemple. Les choses ont un début et une fin, non pas ce que tu es. Elles peuvent avoir une taille, une couleur, une texture, non pas ce que tu es. La douleur, l’euphorie et la réaction peuvent varier en fréquence et en intensité, non pas ce que tu es. Tu peux observer n’importe quel objet et n’importe quelle émotion, non pas ce que tu es. Tu es ce qui observe.
Pouvoir s’observer soi-même, en son essence, pourquoi pas ? Mais cela revient peut-être à dire que l’eau peut se mouiller et le soleil se chauffer. À mesure que tu reconnais ce que tu n’es pas, ce que tu es peut rayonner, se manifester, ce qui vaut plus que sa définition hypothétique. Laissons-nous dire que nous sommes ce qui perçoit (ces mots par exemple), donc ce qui est conscient ; nous sommes le regard, la reconnaissance, l’accueil ; nous sommes la lumière, la paix, la joie, l’amour, la puissance…
INT. – Certaines personnes se plaignent plus ou moins, et peuvent même sembler s’intéresser à des solutions, sans jamais remettre en question une de leurs tendances profondément malveillantes. Comment leur venir en aide ou se positionner face à elles de façon ajustée ?
EXP. – Invariablement, le premier élément de réponse à cette sorte de questions revient à vérifier ce qu’il en est pour soi-même. Autrement dit, « quand, comment ou combien est-ce que je peux me montrer malveillant, mal intentionné ? À quelque niveau que ce soit, quel comportement contre l’amour est-ce que je pourrais maintenir ? » Certaines personnes peuvent aisément trouver de quoi illustrer les mauvais traitements qu’il s’infligent à eux-mêmes, ce qui est fort utile. Or, également envers autrui, sommes-nous toujours bons et justes ? Intéressons-nous aussi à cet aspect ! D’ailleurs, il ne devrait pas être très difficile de discerner que l’état de réaction est antinomique à la manifestation de la bienveillance, ni de reconnaître, en principe, que nous sommes souvent dans la réaction.
Profitons-en pour dire que toute forme d’aide que nous pouvons demander et recevoir restera limitée, que ses effets seront de courte durée, tant que nous ne prendrons pas en considération nos éventuels comportements qui peuvent être discutables, inharmonieux, voire répréhensibles. En général, nous connaissons ces comportements, les nôtres, mais nous nous gardons bien de nous y arrêter, de les confier. « Faute avouée est à moitié pardonnée », dit-on. C’est très vrai puisque l’expérience montre que l’on se libère tôt ou tard de tout ce que l’on reconnaît. Chaque remise en question sincère ouvre un peu plus d’espace à la vérité de ce que nous sommes. Le meilleur reste toujours possible et accessible à tous.
Quant au positionnement à adopter face à une personne aux agissements manifestement fâcheux ou désalignés, disons qu’il est important de se respecter. Nous ne sommes pas tenus d’entretenir des relations qui s’opposent à l’amour, à la vérité, à l’harmonie. Sachons aussi que nous ne pouvons pas aider directement qui n’est pas en demande. De la communication est parfois envisageable, mais veillons alors à ne pas user de contrôle ou de morale. Et autant que possible, évitons de maintenir dans notre esprit le « moi séparé » de qui que ce soit. Nous sommes tous d’essence divine et nous nous attirons exactement les personnes qu’il nous faut pour laisser émerger ce dont nous avons encore à nous libérer (peur, colère, honte, ressentiments, culpabilité…).
Et l’on peut considérer un acte pour ce qu’il est, agir au besoin comme il convient, sans juger ni accuser son auteur illusoire, un « moi séparé ». Francis Lucille raconte que, pour relever un comportement malvenu d’une personne, au lieu de l’accuser, Jean Klein lui disait : « Ça, ce n’est pas toi, cela ne te ressemble pas ! » Cette formulation est à la fois très juste, élégante et potentiellement efficace. C’est à sentir, bien sûr, à envisager avec générosité, mais pourquoi ne pas tester la proposition une fois ou l’autre. Personnellement, il m’est arrivé de désamorcer un rabat-joie agressif en lui disant, au moment opportun, alors qu’il tentait de m’entraîner dans son indignation du moment : « Tu sais, je n’ai jamais eu l’occasion de te le dire, mais j’adore quand tu parles des choses que tu aimes ! »
INT. – Cette dernière question me permet d’évoquer quelque chose qui m’incommode beaucoup. Ce sont précisément les moments où s’imposent à moi par vagues des pensées hostiles, des pensées d’indignation, voire de méchanceté. Je peux aussi bien m’en prendre (mentalement) à une circonstance actuelle qu’à une relation passée et même utiliser le vécu d’un autre. Je ne revendique pas ces pensées, mais j’ai parfois bien du mal à ne pas m’y laisser prendre. Qu’est-ce qui pourrait m’aider ?
EXP. – Ta conscience du phénomène représente déjà de l’aide. Sois sûr que sans cette conscience, tu serais pris plus longtemps et plus souvent. Tu dois savoir aussi que là encore, il ne s’agit que de revécu et du « moi séparé ». La persistance de ce vieux schéma peut notamment reposer sur du douloureux en toi que tu n’as pas encore vraiment pu accueillir ou sur le déni de la manière dont tu t’es toujours senti traité, dès ton plus jeune âge. Et au lieu de te laisser incommoder par ces pensées harceleuses, tu pourrais précisément reconnaître le « moi séparé » à l’œuvre et simplement te dire, pour faire écho aux mots de Jean Klein : « Mais ça, ça n’est pas moi. Ça, ça ne me ressemble pas ».
Précisons que ce type de pensées, réactionnelles et basées sur la résistance, représente l’aspect opposé du vouloir et des pensées compensatrices. Tu devrais pouvoir confirmer que tu bascules régulièrement de la dynamique réactionnelle à l’imaginaire compensatoire, les deux pouvant même se chevaucher parfois. Ne luttons pas contre ces deux schémas, ne nous les reprochons pas, mais reconnaissons-les de mieux en mieux, accueillons-les. C’est seulement de la sorte que nous cessons peu à peu d’en être la proie malheureuse.
Et l’on peut encore décliner le « ça n’est pas moi, ça ne me ressemble pas » d’une manière différente : « Non, en toute conscience, je n’ai pas envie de fonctionner comme ça, de penser comme ça, ni de faire ce que je fais pourtant trop souvent ». Or, il ne s’agirait pas de donner à ces idées une base essentiellement mentale. En fait, que ces idées restent, non pas des pensées, mais des idées, des possibilités, des auto-invitations. On suit plus facilement une idée qui nous sourit qu’une pensée qui ne serait qu’une injonction mentale, morale, même en se voulant « spirituelle ». Veillons à toujours passer du concept à l’expérience vécue. Une perception directe et tangible surpasse même l’idée la plus séduisante.
INT. – J’ai observé que, parfois, je résiste à te parler ou à te reparler de l’une de mes difficultés ou contrariétés, comme à en parler à qui que ce soit. J’aurais l’impression d’être alors sur le point de me plaindre, peut-être d’avoir envie de me plaindre, donc de jouer à la victime. Je sais que toute forme de réaction ne mène nulle part, mais je reste du coup avec un malaise encombrant – parfois indéfini – et je me sens surtout démuni.
EXP. – D’abord, laisse-moi te dire que certains semblent effectivement « aimer » se plaindre, adoptant ainsi la posture de victimes, tandis que d’autres, à l’inverse, éprouvent une difficulté à reconnaître leur condition de victime, même lorsqu’ils se retrouvent brusquement confrontés à des situations de vie terribles, souvent causées par une malveillance manifeste. Ces deux postures opposées méritent bien que nous nous y arrêtons un moment.
L’attitude de ceux qui aiment se plaindre peut refléter un mécanisme psychologique où la plainte devient un mode d’expression privilégié pour obtenir de l’attention ou pour externaliser un malaise intérieur relativement inconscient. Ces personnes se mettent « volontairement » dans une posture de victime, parfois au détriment d’une prise en main responsable de leurs difficultés. Cela peut aussi traduire une difficulté à dépasser un schéma mental négatif ou une habitude acquise de se focaliser sur le négatif.
L’attitude de ceux qui résistent à reconnaître leur condition de victime peut pour certains être motivée par la fierté ou l’orgueil, par la peur de paraître faible ou, pour d’autres, par la seule incapacité à reconnaître et accepter une situation injuste et douloureuse. Paradoxalement, cela peut les priver du soutien dont ils auraient besoin pour faire face aux épreuves. Ce déni peut également découler d’une volonté de surmonter les épreuves à tout prix, où le refus d’admettre une injustice les pousse à endurer l’inacceptable en silence.
D’ailleurs, ceux qui sont restés dans le déni face à l’indifférence ou aux mauvais traitements qu’ils ont subis en tant qu’enfants, ayant éprouvé leurs conditions de vie comme normales ou inévitables, auront du mal à se confier, à exprimer leur mal de vivre ou à demander de l’aide. Ils adhèrent souvent à des croyances telles que « je ne mérite pas mieux, je n’ai pas droit au meilleur » ou « je n’ai pas le droit d’exprimer mes émotions, ni même d’avoir mal, de me sentir mal, pas le droit d’exister ». Ainsi, ils associeront pendant longtemps l’idée de partager un problème à de la plainte, à de l’exagération ou à l’impression de déranger.
Tu serais dans la plainte si tu rabâchais ton problème, sans rien avoir à exprimer de nouveau, si tu passais sans cesse d’un problème à un autre, si tu ne manifestais aucun intérêt réel au retour qui peut t’être fait, si ta confidence n’était pas soutenue par une vraie demande d’aide, par une disposition réelle à être aidé… Ton seul souci de ne pas être dans la plainte indique très probablement que la plainte ne te concerne pas. Précisons enfin qu’il arrive aussi que nous ne nous confions pas à la « bonne personne », du fait même de notre conditionnement, et que nous recevions alors un retour qui peut nous laisser avec l’impression d’abuser et de déranger… En sortant du déni, nous nous mettons à voir clair. (Le déni est un aveuglement.)
INT. – Et pour se libérer émotionnellement et plus encore spirituellement, que faut-il croire en priorité ? En quoi faut-il croire ? Plus directement, suis-je censé croire ce que tu évoques, tout ce que tu relates ?
EXP. – Je suis amené à répéter de temps en temps que « croire » ou « ne pas croire » ne mène nulle part. Je ne doute pas que certaines croyances semblent faire du bien, au moins pendant un temps, mais toute forme de libération ne s’appuie pas sur le mental. Croire et ne pas croire impliquent le jugement, favorable ou défavorable, donc le mental. Notons au passage que ce qui aboutit aux guerres de religion, ce sont des croyances. Y a-t-il une croyance qui ne soit pas défendue ? Et « la meilleure défense est l’attaque », dit-on parfois, d’où la persistance des conflits de tous ordres.
S’il peut être utile de s’intéresser à ses croyances, pour les remettre en question au besoin, il peut l’être encore davantage de reconnaître le seul besoin de croire. « Il faut bien croire en quelque chose », dit-on ! En effet, on entend des choses comme : il faut bien avoir des illusions pour vivre ; l’espoir fait vivre ; il faut bien se raccrocher à quelque chose ; l’homme a besoin de croire ; on ne peut pas vivre sans croire à rien… Or, si le but est d’être heureux, il ne devrait pas être très difficile de se rendre compte qu’aucune croyance ne permet d’y parvenir.
De surcroît, on peut tout à coup se sentir plus ou moins mal, juste pour avoir découvert que ce que l’on croyait ne peut pas tenir. Si l’on bouscule la croyance d’une personne, avec une rafale de preuves, on risque de la mettre très mal à l’aise. Une personne sans attente et qui ne croit rien, qui ne dépend pas du « croire », ne peut pas, par exemple, être déçue, ni se sentir frustrée. Ne crois pas ce que tu lis ici ou ailleurs, mais vérifie ce que cela te fait, ce que cela te fait ressentir.
L’outil essentiel de la transformation ou de la libération est l’expérience et l’expérience commence par ce que nous ressentons. Par exemple, nous pouvons nous sentir interpellés par une proposition, par une invitation, et c’est alors que nous pouvons y répondre. Et la réponse aboutit plus encore à de l’expérience. Une prise de conscience est une expérience. Lorsqu’il y a expérience, la question du « croire » ou du « ne pas croire » ne se pose plus. Rien n’est plus important que de savoir ce qui nous rend le plus heureux, et ce qui le permet, ce ne sont pas des croyances, mais de l’expérience.
INT. – Je me sens un peu comme inondé d’informations, plus alléchantes les unes que les autres, mais du coup, je me sens aussi un peu perdu. Pourrais-tu me proposer, pour me faciliter la tâche, un seul « truc », un seul mot clé ou la chose essentielle à se rappeler, à mettre régulièrement en « pratique » ?
EXP. – Ah, en fait, ce seul mot clé pourrait être différentes choses ! Pour certains ou pour nous tous à différents moments, le rappel du mot « Amour » peut produire un effet heureux immédiat. On peut aussi remplacer le mot « amour » par les mots « douceur », « bonté » ou « bienveillance ». Le mot « gratitude » ou « appréciation » peut jouer le même rôle que le mot « amour ». Juste se sentir dans l’amour change tout et il y a toujours de quoi rendre grâce, quelque chose à apprécier. Bien sûr, le mot « Présence » ou le mot « Conscience », voire « pleine conscience », peut aussi représenter une auto-invitation très efficace.
Or, comme ce premier paragraphe risque de te rappeler « l’inondation » et pour tenter de répondre utilement à ta demande, je vais ici m’en tenir à un seul « truc », à un seul mot, à un seul mot clé. Peut-être est-ce d’ailleurs celui que j’utilise personnellement le plus depuis fort longtemps (peut-être depuis toujours). Et c’est le mot « Observation ». Tu emprunteras un chemin magnifique en faisant de l’observation ton auto-invitation. Alors, laisse-moi t’en parler brièvement ! « Le regard qui transforme » est précisément cette observation.
Juste regarder, c’est poser son regard, souvent de manière passive ou momentanée, alors qu’observer, c’est regarder avec attention et intention, dans un objectif de compréhension et même d’apprentissage. On peut regarder dans le vide, mais on n’observe pas dans le vide. L’observation implique l’attention. À ce niveau, on est dans le don, on accorde son attention. Et pourtant, c’est là où l’on reçoit le plus. Observer, c’est se mettre dans une posture d’accueil. Accueillir, c’est simultanément donner et recevoir ; c’est favoriser l’harmonie.
Lorsque tu observes un paysage, par exemple, tu reçois bien plus qu’une image : tu captes des textures, des sons, des odeurs, une ambiance, des énergies… Eh bien, en te disposant à observer aussi ce qui se passe en toi, avec patience et surtout bienveillance, tu découvres des « paysages » insoupçonnés. Ils te présentent ce que tu as pu oublier, éviter, voire nier. Ils te montrent ce dont tu as à te libérer, ce que tu n’es pas et tout un potentiel à ta disposition.
L’observation implique que l’on n’impose pas une interprétation immédiate (comme dans la pensée), ni une réaction instinctive (comme dans les revécus émotionnels), mais qu’on permette à l’objet de l’observation de se révéler par lui-même. Cette permission est le don et la révélation est le cadeau, la réception. Les enfants apprennent beaucoup par simple observation de leur environnement avant même de mettre des mots sur ce qu’ils perçoivent. L’observation dépasse la pensée ou le « penser », parce qu’elle inclut tout ce qui ne peut pas être formulé. Elle est plus riche, plus directe.
Observer, c’est être dans l’instant présent, sans chercher à modifier ce que l’on perçoit. C’est une posture d’humilité, où l’on reconnaît que ce qui est devant nous, a quelque chose à offrir, même si cela ne correspond pas à nos attentes ou à nos cadres mentaux. Cela fait de l’observation une clé précieuse pour développer une conscience plus vaste, pour cultiver une réceptivité ouverte, pour éviter les biais imposés par nos jugements ou réflexes, pour accueillir nos vieilles douleurs et nos vieux schémas psychiques encore à dénouer.
Étant une clé essentielle, comme nous l’avons mentionné, l’observation permet notamment la compréhension, l’apprentissage, la réceptivité – et donc l’acquisition, voire l’intégration – mais surtout le détachement du passé et du connu, conduisant ainsi à une véritable libération. Et lorsque tu t’invites à cette observation, tu t’invites aussi (sans le dire) à la Présence, à élever ton niveau ou ta qualité de présence. Il n’y a pas d’observation sans une présence consciente à l’instant. L’observation est une forme de méditation active, une méditation pratique, très pratique ! Et lorsque nous sommes dans l’observation pure, nous avons momentanément quitté le « moi séparé ».
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