Le refus du bonheur
Nous pouvons tous être bien plus heureux que nous le sommes, être pleinement heureux, et cette affirmation « audacieuse » fait l’objet exclusif de cette nouvelle petite série de chroniques. Oh, il est bien probable que vous ne soyez pas plus heureux après les avoir lues, que la résistance tienne bon encore un certain temps, mais cependant, il se pourrait aussi, selon votre disposition, que vous en compreniez mieux la raison, que vous en perceviez comme jamais l’évidence. Et cette compréhension pourrait alors constituer comme une ouverture, voire se faire intention de vous disposer à vivre autre chose que la seule réalité très étriquée que vous avez connue jusque-là.
À cette fin, pour contribuer au changement, au basculement, peut-être pouvons-nous d’emblée vérifier à quel degré nous sommes disposés à recevoir ! Sommes-nous ouverts, réceptifs, bien disposés ? Nous gagnons tous à nous questionner ainsi de temps en temps ! Nous ne vivrons jamais ce que nous ne sommes pas disposés à vivre. Juste dans l’instant, pouvons-nous chérir l’idée d’être heureux ? Et pouvons-nous réellement nous poser cette question ou sommes-nous davantage intéressés par un « oui, mais… » ?
Vous déplorez ou pourriez être prompt à déplorer beaucoup de choses dans votre existence, dans bien des domaines (santé, relations, travail, confort matériel, etc.). Vous pourriez donc confier : « En effet, je ne suis pas heureux ». Or, outre cette confidence déjà honnête, sauf si vous êtes foncièrement résigné, il se peut que vous vous donniez une raison ou diverses raisons pour chacune des épreuves que vous endurez. Personne n’est obligé de faire sienne l’affirmation d’Un cours en miracles qui nous dit que nous ne sommes jamais contrariés pour les raisons auxquelles nous croyons, que nous imaginons, mais rien ne nous empêche cependant de considérer cette affirmation, de l’envisager !
Quoi qu’il en soit, malgré la tendance commune à ne pas le reconnaître, à ne pas s’y arrêter, il se trouve donc que vous vous sentez mal trop souvent. Et il n’en demeure pas moins que votre cœur aspire à un plein épanouissement, ce qui n’est pas forcément reconnu davantage. Ainsi, vous pourriez aspirer au bonheur sciemment, en toute conscience. Observez en effet que vous n’avez « jamais » réellement eu l’intention de vous sentir bien. D’ailleurs, de façon plus ambitieuse ou généreuse, vous pourriez avoir l’intention pure et simple, l’intention véritable d’être pleinement heureux. En quoi cette intention-là pourrait-elle être incongrue ou superflue ?
Voilà donc une intention que vous n’avez pas, que vous n’avez pas encore eue, et c’est le problème, un problème, le vôtre ! « Mais si, je veux être heureux », pourriez-vous me dire d’un ton assuré. Vouloir quoi que ce soit est une chose, avoir l’intention de le vivre ou de le recevoir en est une toute autre. Quand nous avons réellement une intention, nous « agissons » dans ce sens, à partir d’un nouvel état d’esprit, parfois d’abord à travers l’expression, une forme d’expression. Le vouloir n’est donc pas requis, n’est pas sollicité. De plus, vouloir veut dire en général attendre, hésiter, avoir peur, vivre impatience et frustration, parfois se battre, exiger, revendiquer, et les résultats ne peuvent pas être réjouissants.
Nous sommes tous conditionnés, nous l’avons tous été et nous le restons. De surcroît, notre conditionnement comprend aussi la croyance que rien ne peut changer, que nous sommes, pourrait-on dire, condamnés à jamais. N’est-ce pas effroyable ? Et il n’y a pas lieu de nous en étonner : en tant qu’enfants, adolescents et jeunes adultes, quelle expérience avons-nous eue de la possibilité de vivre un changement radical de l’art de vivre ? Nous n’avons probablement pas rencontré beaucoup de gens qui ont littéralement basculé d’une certaine souffrance dans un état de plein épanouissement, quoiqu’il en existe, bien sûr.
Ainsi, à partir de la croyance en la condamnation perpétuelle et d’un manque d’expérience, l’intention d’être heureux ou la disposition à l’être n’a pas trouvé grande place en nous-mêmes. Au mieux, certains se disposent à un peu plus de santé, à un peu plus de confort, à un peu plus de contentement, lesquels ne sont pas très nombreux. Et, de toutes façons, pourquoi en effet ne pas être plus ambitieux ? Que nous coûterait-il d’affirmer ici et maintenant « j’ai l’intention de me sentir de plus en plus heureux, je m’y dispose » ? Quel effet a sur vous une telle affirmation ? Par ailleurs, sachez ou rappelez-vous que « vivre du soulagement » est, non pas « être heureux », mais compenser le bonheur absent. Nous aurons à rappeler cette confusion piégeuse de temps en temps.
Ici, je ne vous suggère pas d’être heureux, de faire comme si vous l’étiez, de vous faire croire que vous l’êtes, mais je vous propose simplement d’en aimer l’idée, de faire vôtre l’idée caressée d’être heureux. Allez-vous vous sentir agressé ou simplement non respecté si je vous invite même à avoir l’intention d’être enfin heureux ? En principe, vous ne devriez pas pouvoir vous sentir vraiment offensé, mais reconnaissez la façon dont vous recevez l’invitation. La recevez-vous ? Comment la recevez-vous ? Comment cela y répond-il en vous ? À quel degré vous intéresse-t-elle ?
Certes, on n’a pas l’intention d’être heureux, ni d’être quoi que ce soit d’autre, de la même façon d’avoir un jour l’intention de s’acheter une maison ou de changer de travail, par exemple, mais n’utilisons pas des considérations éventuellement philosophiques pour nous priver encore de la possibilité de nous ouvrir. Cela étant dit, rien ne vous empêche de remplacer « l’intention d’être heureux » par « aimer l’idée d’être heureux » ou « préférer être heureux ». Personnellement, je préfère depuis longtemps être dans l’amour que dans le conflit (malgré mes limites résiduelles). Arrêtons-nous de temps en temps sur ce que nous préférons et disposons-nous à en tenir le plus grand compte.
Quand Un cours en miracles nous demande si nous voulons avoir raison ou être heureux, il nous suggère ou nous confirme bien, notamment, qu’être heureux n’est pas notre intention. Et sans cette intention, il serait vain de nous demander comment être heureux, même qu’il nous soit rappelé que le monde de la forme ne nous apportera jamais le bonheur. Le nécessaire à une réalisation surgit toujours de l’intention véritable. Depuis que j’ai eu l’intention de m’entraîner à voir sans les yeux, de l’aide m’arrive de toute part. Je suis même invité gracieusement à suivre des nouveaux séminaires et ce n’est qu’un exemple parmi bien d’autres, sans parler des nombreux résultats de mon entraînement, plus encourageants les uns que les autres.
Il y a pire encore que de ne pas avoir l’intention d’être heureux, sachez-le, c’est « ne pas vouloir être heureux ». On pourrait bien dire que c’est complètement fou, mais c’est surtout une réalité très commune. On aura d’autant plus de mal à reconnaître que l’on ne veut pas être heureux que l’on déplore en conscience de ne pas l’être, mais certains faits peuvent nous trahir. N’avez-vous pas connu des gens qui avaient tendance à refuser le bon, le bien, l’aide, ce qui était manifestement susceptible de leur convenir ? Cela ne vous serait-il jamais arrivé à vous-même? À moi, oui !
Suivez-moi bien, « nous ne sommes pas heureux », parce que telle n’est pas notre intention, parce que « nous ne le voulons pas ». Nous ne voulons rien de mieux que ce que nous avons, que ce que nous vivons. Cela ne m’empêche cependant pas de vous dire ici tout de même que je n’ai pas cessé dans ma vie, comme bien d’autres, comme certains d’entre vous, d’être de plus en plus heureux, à partir de mes 18-19 ans, tout en continuant de m’attirer de quoi m’éprouver, de quoi me libérer, de quoi vivre des ouvertures successives. Oserais-je dire que je « sais » donc de quoi je parle ? Et tout en étant de plus en plus heureux, je croise encore parfois la résistance au meilleur, mais elle ne peut jamais me duper très longtemps !
Bien entendu, à travers un plein accueil, nous avons à reconnaître et à relâcher notre état réactionnel, des croyances notamment autoaccusatrices, des vieilles douleurs, entre autres, mais à quoi bon tout cela si une forme de bonheur n’est pas notre priorité ? D’ailleurs, ne serait-ce pas un comble ? À mesure que nous nous rendons compte, proportion gardée, que nous refusons le bonheur, nous nous y disposons simultanément. Il est là question de notre état d’inconscience dont nous avons longuement parlé les deux mois derniers et dont il nous faut sortir, s’ouvrir d’abord à la possibilité d’en sortir.
Pour certains une vieille honte abyssale, pour la plupart un sentiment irrationnel de culpabilité, pour d’autres le seul intérêt à se plaindre ou à s’indigner, par exemple, tous la proie de la croyance en la séparation d’avec la Source, on serait sans peine à expliquer la résistance au bonheur, mais ici, je me limite exclusivement à faire un constat « incontestable », à dire une vérité effroyable : « nous refusons le bonheur ». Une fois devenus conscients de notre non-disposition à être heureux, nous pourrons plus difficilement déplorer de ne pas l’être et nous pourrons surtout envisager doucement les choses de façon plus favorable, plus positive, plus « heureuse ».
En ne répondant pas aux sourires de la vie, nous choisissons d’être malheureux. En ne demandant rien, en voulant user de contraintes ou de subterfuges, nous choisissons d’être malheureux. En ignorant ou en réprimant nos élans inspirés, lesquels pourraient se muer en intentions, nous choisissons d’être malheureux. En accusant le monde, par autoaccusation projetée, ou en nous accusant nous-même directement, nous choisissons d’être malheureux. Trouver ou inventer des coupables dans le monde n’a jamais rendu personne heureux. Pour avoir choisi d’être malheureux, nous refusons donc le bonheur.
Essayez de me suivre. Essayez de me comprendre. Voyez si vous pouvez transposer mon expérience à l’une des vôtres, mon exemple spécifique à l’un des vôtres. La disposition à m’entraîner « sérieusement », véritablement à voir sans les yeux me demande de renoncer à ma tendance personnelle à subir l’existence, en l’occurrence la cécité. La subir est d’abord une habitude, un positionnement bien ancré, un mode de fonctionnement vécu d’instant en instant, depuis 60 ans.
Nous pouvons subir bien des choses sans les déplorer. Nous subissons ainsi en silence les effets de notre ignorance, de notre conditionnement ignoré, de notre vécu éprouvant réel que nous n’avons pas pu reconnaître. Nos positionnements malencontreux font partie de ces effets. Puissions-nous reconnaître ces positionnements-là et cesser de nous maintenir dans notre prison imaginaire !
J’ai écouté le témoignage d’un aveugle qui a commencé à voir bien plus que moi sans les yeux. Il explique qu’il ne regarde pas tout le temps, parce que voir sans les yeux lui demande une grande concentration. Or, j’ai entendu que ce que la chose lui demandait était surtout le basculement d’un positionnement bien enraciné à quelque chose de tout à fait nouveau pour lui, à quelque chose de complètement inhabituel.L’aveugle qui se dispose à voir sans les yeux doit basculer du non-regard au regard, et cette exigence n’est pas à prendre à la légère. Elle n’est pas anodine. On ne se met pas à regarder du jour au lendemain de façon naturelle quand on n’a « jamais » regardé. Il convient de noter que personne ne considère un changement radical comme étant spontané ou évident.
Alors, que vous demanderait à vous de vous mettre au sport, de faire des formations qui pourraient vous intéresser, d’apprendre enfin à jouer d’un instrument (juste parce que cela pourrait vous plaire), de vous inscrire dans une association ou de créer celle à laquelle vous avez déjà pensé… ? Considérez cela de près en prenant votre propre exemple, en trouvant quelque chose qui occasionnerait un grand changement dans votre vie. Qu’impliquerait pour vous-même votre investissement ? Notez donc au passage ce que vous vous dites pour ne pas suivre votre élan et soyez sûr que ce ne sont que des croyances !
Entendez bien que j’évoque ici quelque chose qui vous ferait plaisir, quelque chose qui renvoie bien sûr symboliquement à la possibilité d’être plus heureux. S’il n’y a rien à attendre du monde pour être heureux, il ne s’agit pas non plus de réprimer ses élans, encore moins de refuser le bon, l’amour, la lumière. Ce qui parle du bonheur n’est pas un but atteint, mais c’est l’état d’esprit qui l’a permis. Ne doutez pas que toutes nos conditions de vie, notamment relationnelles, sont le reflet de notre état de conscience (ou d’inconscience).
Pour favoriser un grand changement dans sa vie, l’abandonné devra d’abord reconnaître et relâcher sa résignation, le dévalorisé sa soumission, le maltraité sa lamentation, le rejeté son indignation et le trahi son renoncement. Et le grand changement en question peut aussi être la disposition à être heureux, laquelle ne sera précisément jamais envisageable à partir de la résignation, de la soumission, de la lamentation, de l’indignation ou du renoncement. C’est une évidence ! Arrêtez-vous un moment sur cette évidence. Voyez, sentez, reconnaissez, accueillez votre réalité, votre fonctionnement ordinaire. Ne le jugez pas ! Et vérifiez donc le degré de votre disposition à emprunter le chemin qui conduit au but que vous chérissez.
Comment pourrions-nous être heureux quand toute notre attention reste toujours fixée sur ce qui ne va pas, sur ce qui va de travers ? Comment pourrions-nous passer un bon moment avec un partenaire quand on ne fait rien d’autre que lui reprocher une chose ou une autre ? Comment passer du bon temps avec des amis ou dans son club favori quand on culpabilise de confier ses enfants à une nounou ou même à son partenaire ? Comment s’occuper vraiment de soi avec la croyance qu’il faut toujours faire passer les autres avant soi ? Dans ces cas comme dans bien d’autres, mieux vaut « refuser le bon, le bonheur ».
Quand nous lisons ou entendons ici ou là des évocations favorables au bonheur qui pourraient nous toucher, nous touchent peut-être, vérifions ce qui pourrait expliquer que nous ne les recevons pas pleinement, voire que nous les refusons. Est-ce parce que leur auteur ne nous plaît pas, nous dérange par ailleurs, que nous serions vexés d’accepter quelque chose de lui, que nous serions comme embarrassés par une gratitude à laquelle nous résistons ? Est-ce parce que nous n’entendons pas, donc nous ne recevons pas les évocations ou propositions sages comme étant aussi pour nous ? Pour envisager le bonheur, il n’y a aucun prérequis. Sans nous préoccuper du « comment faire », invitons-nous juste un bref à moment à sentir et répéter l’affirmation suivante : « Je peux être heureux ici et maintenant, j’en ai la capacité. Oui, je le peux ».
Faisons une expérience. Provoquons-nous un peu : pour les quelques minutes qui suivent, invitons-nous à sentir et à maintenir l’intention d’être heureux. Je le fais avec vous : « Maintenant, j’ai l’intention d’être heureux, d’être vraiment heureux ». Spontanément, c’est comme si j’élevais déjà mon « niveau de bonheur ». Ordinairement, en pareil cas, des pensées surgissent, mais là, l’idée semble gagner davantage. Voici qu’émerge cependant une vieille ambiance qui n’est pas effroyable, mais elle n’est pas non plus heureuse. Bienvenue ! Je peux juste la reconnaître, puis l’accueillir et vivre une libération.
Si vous vous prêtez à l’expérience, voyez ce qui se passe pour vous. Un flot de pensées éventuel seraient de celles qui voilent ou repoussent ordinairement le bonheur. Des croyances ou des jugements pourraient encore vous édifier davantage. Reconnaissez ce qui vous habite sans rien en penser. Pouvez-vous faire cela ? Pouvez-vous parfois considérer des choses, les avoir à l’esprit, sans rien en penser, sans rien rajouter ? La disposition manifestée au bonheur en dépend. Et c’est juste pour vous que vous vérifiez tout cela. Et l’intention d’être heureux est-elle toujours là ?
La façon dont vous avez répondu à ma proposition, dont vous pourriez encore y répondre, pourrait vous informer de ce qu’il en est de votre disposition à agir, à passer à l’action, à vous prêter à des expériences nouvelles, à envisager même des changements radicaux. Y mettriez-vous des conditions ? La disposition à être heureux ne dépend aucunement de preuves, de données, de connaissances, d’informations, d’explications. Elle se suffit à elle-même en tant qu’élan reconnu et honoré. Quand l’élan n’a pas la priorité, que des conditions sont plus importantes, être heureux n’est pas encore accessible. Fort notamment de cet éclairage, cela le deviendra.
Vous est-il possible de reconnaître ou d’envisager qu’il reste encore en vous, psychiquement, quelque chose des effets de ce que vous avez vécu en tant que bébé et petit enfant, que la façon dont vous vous êtes senti traité (dont vous avez d’ailleurs été traité) a laissé des traces toujours agissantes ? Je ne peux rien pour une personne qui ignore cela, pire qui le nie. Je ne peux guère plus pour une personne qui ne le relate que pour accuser ses parents, tout son contexte familial ou encore, par projection, pour incriminer des conditions de vie extérieures. Il s’agit seulement de considérer bienveillamment ce dont nous restons porteurs, en termes de réactions, de positionnements, de croyances et de douleurs, mais non pas non plus pour sublimer sa propre histoire ou mettre en avant de la résilience..
D’aucuns pourraient assimiler ce dont nous restons porteurs à « l’enfant intérieur », au moins pour son aspect « blessé ». Mais cet « enfant » est bien là, ici et maintenant, et implique toute chose, toute interaction, toute manifestation, y compris de la retenue et de la malveillance (d’abord envers lui-même). C’est ainsi que nous menons notre vie avec lui plus ou moins comme si nous étions perdus, impuissants (abandon), comme si nous avions fait une bêtise ou une autre (dévalorisation), comme si nous allions être harcelés (maltraitance), être rembarrés (rejet) ou comme s’il était exclu de recevoir le moindre soutien (trahi).
Des cinq cas de figure qui précèdent, permettez-vous d’identifier lequel se rapproche le plus de votre vécu originel, à identifier à travers ce que vous revivez couramment, même si vous avez déjà pu vous en libérer en bonne partie. Ajustez votre propre traduction en sachant aussi que plusieurs cas peuvent nous concerner. Enfin, voyez surtout que le maintien en nous de ce personnage infantile, souvent au premier-plan, est tout à fait incompatible avec la possibilité d’être heureux, même avec l’intention d’être heureux. Ce personnage ne peut fonctionner qu’à partir de ses propres réactions et positionnements associés. Autrement dit, pour vivre du nouveau, il va falloir délaisser l’ancien et une pratique ou une forme de pratique va se révéler indispensable.
Vous avez pu déjà entendre ici ou là, s’agissant de quelque démarche que ce soit, l’injonction « pratiquez, pratiquez, pratiquez » et peut-être vous sentir découragé par les efforts qu’elle semblait impliquer. Pour ma part, je ne parlerais pas de pratique, mais s’il faut en conserver l’idée, je vais dire autrement ce qu’elle suggère : se mettre à faire de façon « constante » ou le plus souvent possible ce que requiert ce à quoi l’on aspire. Dans ce cas, « pratiquer » veut dire « le faire » ou encore « changer ». Dès lors que nous suivons une nouvelle intention, un changement intérieur et parfois extérieur s’impose, se produit. Plus l’intention est forte ou réelle, plus ce changement est maintenu facilement. Le découragement ou la notion d’efforts pénibles n’accompagnent pas l’écoute d’une aspiration du cœur.
Si vous voulez véritablement apprendre à nager, à danser, à jouer d’un instrument de musique ou à parler une langue étrangère, vous n’y parviendrez pas en vous y consacrant cinq minutes toutes les trois semaines. Un jour, à 67 ans, j’ai décidé d’apprendre l’espagnol. Deux mois plus tard, j’avais ma première discussion prolongée en espagnol. Je m’y étais consacré entre deux et dix heures par jour (fonction de mon emploi du temps). Est-ce que j’ai « pratiqué, pratiqué, pratiqué » ? Non, je me suis fait plaisir ! Je voulais lire, parler et comprendre l’espagnol, alors je l’ai fait.
Avec des résultats rapides et suffisants pour moi, j’ai fait bien d’autres choses de cette même manière dans ma vie (apprentissage du Braille, de l’abrégé Braille allemand et anglais (cet abrégé permet de lire et d’écrire plus rapidement), de la sténographie Braille (pour mon métier un temps), allemand, anglais, espagnol, musculation, hathayoga…). Je me suis mis au vélo (tandem) pour la première fois à 56 ans et à 60 ans, j’ai gravi le Mont-Ventoux (21 km de dénivelé – sans pause).
À 9 ans et demi, au lieu de retourner auprès de l’institutrice qui me faisait vivre un enfer depuis trois ans, m’ayant dit que je n’avais rien à faire dans sa classe, étant malvoyant, et ne sachant donc ni lire ni écrire (pas même mon prénom), je suis « d’autorité » allé rejoindre l’instituteur du niveau supérieur, M. CHRISTmann. En fait, j’ai été poussé par un ange, pourrait-on dire, et M. Christmann ayant fait ce qu’il fallait pour m’accueillir, trois mois plus tard, j’étais devenu un élève moyen ordinaire. J’évoque cette expérience « miraculeuse » dans l’aparté de mon dernier livre, « Cap sur l’acceptation ». Et c’est surtout ici mentionner le premier exemple dans ma vie des effets heureux de l’intention, de la détermination, d’abord ici de l’écoute de son coeur…
Je me rends compte (janvier 2024), s’agissant de l’entraînement à voir sans les yeux, que ma motivation incontestable ne s’est pas encore traduite par une « pratique » suffisante, = que je ne regarde pas encore suffisamment. C’est le changement qui est à vivre. J’ai cessé de regarder il y a 60 ans et puissé-je être disposé à voir sans être disposé à regarder ? Je connais le plaisir à écouter, le plaisir à toucher, le plaisir à sentir, le plaisir à goûter, que je découvre désormais le plaisir à regarder. Voici que j’ai plaisir à regarder mes mains et le clavier. Je ne parlerai pas ici des impressions visuelles que j’en ai déjà eues, mon attention étant pour le seul « regarder ».
Non, je n’ai pas oublié notre intention défaillante d’être heureux, ni ne me suis même écarté du sujet. Être heureux, c’est voir ou c’est regarder, c’est savoir danser ou apprendre à danser ? Il arrive que certains manifestent de la joie en apprenant une chose que d’autres qui la connaissent pratiquent en se montrant blasés. Comme je dis qu’il faut regarder pour voir, d’une certaine manière, je suis en train de dire qu’il faut être heureux pour être heureux. Et pour être heureux, comme pour regarder, il faut juste cesser de s’y refuser. D’abord, reconnaissez et acceptez votre refus d’être heureux, tout comme j’ai reconnu et accepté mon refus de regarder. Je me dispose de plus en plus à regarder et, avec vous, à être heureux. Ne pas être heureux, c’est d’abord pour beaucoup d’entre nous (à un certain degré) ne pas vouloir l’être.
« Il faut être heureux pour être heureux », ai-je écrit juste avant et mon amie Muriel, relectrice de mes chroniques (avec Shiraz, une autre amie), de commenter : « Surtout formulé de cette façon, c’est précisément une partie du problème, avoir l’intention d’être heureux sans pouvoir se référer à une expérience, qu’on l’ait oubliée ou qu’on ne l’ait jamais vécue). Certes, et c’est pertinent, mais il n’en demeure pas moins vrai que tout le monde « veut » être heureux. Que l’on en soit conscient ou non, tout ce que l’on fait est pour être heureux. Or, vouloir être heureux comme on le veut n’est pas heureux. Aspirer sciemment à être heureux est déjà heureux. Vérifiez-le ! Et n’oubliez pas que la difficulté réelle est « le refus du bonheur » !
Je me rends compte en écrivant que le thème « être heureux » est, non pas forcément vaste, mais précieux, essentiel. J’ai dans l’idée que je vais pouvoir en écrire bien d’autres pages. En fait, parler du bonheur comme je le fais ici me rends heureux. Puisque je nourris l’intention d’être heureux, toujours de plus en plus heureux, alors je parle du bonheur, à ma manière ! En attendant de me retrouver le mois prochain, reconnaissez comme jamais que mon intention est aussi la vôtre.
En vérité, même si c’est de façon voilée, tout le monde aspire au bonheur. Et pour cristalliser votre intention d’être heureux, peut-être pour en témoigner, même de façon pratique, voyez si vous pouvez découvrir, laisser émerger une intention concrète. Offrez-vous d’avoir une nouvelle intention, quelle qu’elle soit ! Indépendamment de sa réalisation, une intention vraie, heureuse, parle déjà de bonheur, forcément. (À suivre)
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