Le lien en souffrance et de souffrance
Le lien en souffrance et de souffrance
Dites-moi, comment allez-vous ? Non, ne me répondez pas ! Ne me répondez pas maintenant, parce que j’ai peut-être pour vous une question plus pertinente, plus « décoiffante », plus utile ! Voir plus loin. Cependant, à cette première question familière, on répond souvent et poliment « merci, ça va bien ! », même quand tout va de travers. Selon la personne qui pose la question, on peut pourtant se montrer très bavard, raconter par le menu ce qui ne va pas (quand c’est le cas). Santé, travail, relations… il y a différents domaines où l’on peut être réactivé émotionnellement et éprouver donc que « ça ne va pas ». Et quand on déclare que tout va bien, de quoi parle-t-on pour en témoigner ? Il se pourrait bien qu’on mette en avant des conditions matérielles qui ne soient rien d’autre que des compensations éphémères.
Dans une chronique récente, on a vu que l’on continue de réagir pareillement à ce à quoi l’on est confronté aussi longtemps qu’on ne reconnaît pas purement et simplement les vieux ressentis ambiants, évités autant qu’on le peut. Voilà pourquoi, disais-je, nous revivons sans cesse les mêmes circonstances ou, si l’on préfère, la même façon d’être contrarié, affecté. Dans ces circonstances, on se sent finalement traité comme on s’est toujours senti traité. On y réagit d’une façon ou d’une autre, tantôt très véhémente, tantôt plus discrète, mais on ne s’arrête jamais sur ce qui est réellement ressenti dans l’instant, sur ce qui est effectivement éprouvé (voir la chronique du mois de juin 2014).
La réactivation émotionnelle permise par les circonstances conflictuelles est une chose significative, mais on va s’intéresser ici à un autre positionnement qui révèle ou peut révéler tout autant notre conditionnement. Il implique les relations, la relation avec autrui, la relation souhaitée, attendue, préférée. On va ne pas vouloir ceci ou cela, donc y réagir d’une façon ou d’une autre, mais on peut aussi vouloir une relation, une meilleure relation, vouloir améliorer une relation déjà existante, vouloir plus de relations en général, plus d’amis, plus de clients, plus de contacts, vouloir élargir ses divers réseaux relationnels.
Bien sûr, il y a un lien étroit entre la tendance à réagir émotionnellement et la difficulté de vivre les relations auxquelles on aspire, mais il y a ce qui arrive – à quoi l’on réagit donc, ce que l’on ne veut pas – et il y a ce que l’on veut, ce que l’on recherche et qui n’arrive pas finalement ou si peu. Ce second cas mérite aussi notre attention et l’on comprendra que l’attention accordée ici pourra progressivement favoriser le relâchement de la résistance, des attitudes réactionnelles.
Que nous désirions longtemps une certaine relation ou une certaine qualité relationnelle, que nous enviions inlassablement une autre relation, une nouvelle relation, que nous espérions simplement des relations, voire les fantasmions, que nous ayons même tendance à les revendiquer ou à les exiger, selon notre conditionnement (notre blessure), on peut dire que, dans tous les cas, ce que nous voulons finalement, c’est créer du lien. On n’en est pas nécessairement conscient, mais on essaie de combler un manque relationnel, un manque de lien, le sentiment d’être coupé. Plus ou moins consciemment, on peut vouloir de la qualité relationnelle ou simplement en éprouver l’absence (ce qui revient au même).
De temps en temps, nous pouvons tout de même avoir notre attention consciente sur cette « belle relation » qui fait plus ou moins défaut dans notre vie, sur un cercle trop réduit d’amis ou de connaissances, sur des collègues et responsables peu sympathiques et peu coopératifs, sur des voisins trop distants, sur une clientèle peu nombreuse, sur un public qui n’est pas au rendez-vous, etc., mais la tentative de créer du lien peut encore se cachée derrière certains de nos actes et projets. Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ? Pourquoi avons-nous tel ou tel projet ? Certes, pour certains, la résignation peut être telle que la possibilité de vivre des relations harmonieuses a été laissée de côté depuis bien longtemps. D’autres peuvent même fuir toute relation (rester fermés).
Oui, il y a entre autres les relations professionnelles, les relations amicales, les relations conjugales, lesquelles sont bien distinctes à certains égards, mais c’est notre façon de les envisager ou d’en éprouver le manque qui renvoie à une même préoccupation, à la tentative compensatrice de réparer un lien en souffrance et de souffrance. Pour le dire autrement, c’est parce qu’existe en nous ce lien souffrant que nous vivons toutes les relations comme nous les vivons, que nous y mettons ce que nous y mettons, que nous continuons d’être frustrés, de souffrir (quand c’est le cas).
Or, c’est de façon très confuse que nous éprouvons le manque de lien et en fait, nous ne voulons surtout pas l’éprouver ; nous nous donnons de quoi l’éviter momentanément, au coup par coup, donc illusoirement. Par exemple, si nous pouvons avoir un carnet de rendez-vous bien rempli, ouf, l’impression désagréable est atténuée ! Quand les clients se font rares et que nous en sommes affectés (outre l’aspect économique), c’est que peut être rappelé le manque de lien. Si d’aucuns peuvent multiplier les aventures « amoureuses », c’est le soulagement optimal ! Les voici à chaque fois rassurés… jamais pour très longtemps, d’où l’urgence de la rencontre suivante ! Et quand nous nous adonnons à nos dépendances habituelles (quelles qu’elles soient), c’est toujours en résistance à l’absence de lien que « rappelle » une certaine réalité.
Quoi qu’il en soit, il y a comme un « problème de lien » (lien attendu ou refusé). Il y a un problème relationnel, des relations si souvent disharmonieuses. Alors, pourquoi y a-t-il ce problème ? En fait, que peut-il nous révéler ? Et pourquoi ne résout-on pas ce problème ou comment est-ce qu’on le résout ? Le moins qu’on puisse dire est que nos tentatives ordinaires toujours réitérées ne donnent aucune satisfaction durable.
Quelle fut la qualité de notre lien avec nos parents, à certains égards davantage encore avec le parent de l’autre sexe que le nôtre ? Tout cela est passé, mais dans notre existence, nous nous sentons traités par les autres de la façon dont nous nous sommes sentis traités enfants. Nous ne sommes pas traités par les autres comme nous les traitons, mais comme nous nous traitons nous-mêmes. Et nous nous traitons nous-mêmes comme nous nous sommes sentis traités par notre entourage quand nous étions enfants.
Si ces dernières lignes semblent compliquées, elles sont juste à relire doucement et tranquillement. C’est parfois ce qui est très simple et très direct qui paraît compliqué. Venons-en toutefois à d’autres éléments. D’une façon ou d’une autre, plus ou moins marquée, l’enfant est affecté par la façon dont il est traité et/ou par la façon dont il voit qu’on traite le parent de son propre sexe (auquel il s’identifie normalement). Par exemple, la petite fille qui voit que sa mère est traitée comme une bonne à rien – d’autant plus par son père – en conclura vite que la femme en devenir qu’elle est elle-même est pareillement une bonne à rien.
Or, l’enfant ne s’arrêtera pas longtemps sur la façon dont il est traité, juste parce que ce serait insupportable. Il choisira de croire que c’est sa faute. Il est traité mal, éventuellement, et il culpabilise. D’ailleurs, s’il a accès à de la réaction contre ses parents suite à la façon dont ils le traitent, il finira par se le reprocher – de la culpabilité toujours. Donc, l’enfant se croit coupable quand il est traité mal et tout autant quand il réagit à cette façon dont il est traité : « Si l’on me fait du mal, c’est de ma faute = je culpabilise ; si je réagis à ce qu’on me fait, par du ressentiment, de la colère, je me vois mauvais, indigne = je culpabilise… ».
Eh bien, proportion gardée, nous sommes encore cet enfant prétendu coupable. Même si c’est toujours seulement « se croire coupable » en réalité, être coupable, c’est être « coupé » (le jeu de mots confirme la séparation inévitable éprouvée, causée par la culpabilité). Ce n’est pas seulement être coupé de son parent, de ses parents, mais surtout de soi-même. Et c’est à partir de cette culpabilité enfouie en nous, à partir de cette coupure, de cette rupture, de ce non-lien, que nous cherchons en vain à créer du lien. Il y a comme une séparation intérieure que nous voudrions panser par des liens extérieurs. Notre besoin n’est pas de dire au monde comment nous allons, mais de reconnaître en quelque sorte, et juste pour nous-mêmes, « combien nous nous en voulons ».
Alors, juste ici, juste entre nous, plutôt que de vous demander comment vous allez, permettez-moi de vous demander sans détours : « Combien vous en voulez-vous, aujourd’hui ? ». Tout ce dont on parle autrement, tout ce qu’on raconte, tout ce qui nous arrive, tout ce qu’on vit…, ce ne sont que des effets de cette culpabilité intérieure jamais considérée. « Comment vous en voulez-vous ? Quand vous en voulez-vous ? Combien vous en voulez-vous ? ». La culpabilité est très enfouie et la réponse à la question ne va certainement pas jaillir directement, mais y mettre son attention de la sorte pourrait commencer à faire une différence libératrice.
C’est donc surtout une question à se poser à soi-même : « Y compris dans cette situation qui me perturbe, alors que ma première réaction superficielle semble incriminer le monde, ce pourrait-il que je m’en veuille au fond, que je flirte obscurément avec de la culpabilité ou de la honte ? Comment est-ce que je m’en veux ? Combien est-ce que je m’en veux ? ». Plus on s’en veut et, pour se soulager ponctuellement, plus on projette sa culpabilité à l’extérieur, sur le monde, sur des boucs émissaires (si faciles à trouver).
Avec plus ou moins d’émotions, cela vous arrive-t-il de juger et d’accuser autrui ? Êtes-vous porté à relever les injustices subies partout ? Avez-vous tendance à vous justifier beaucoup, même en mentant, en exagérant ou à travers des bavardages mentaux ? Vous excusez-vous pour un oui ou pour un non ? Taisez-vous généralement vos sentiments et/ou des vraies demandes ? Hésitez-vous ou résistez-vous à vous laisser aller, à vous faire plaisir ? Cela se peut-il que la simple idée de solliciter de l’aide ne vous vienne jamais ? Est-ce que vous vous isolez souvent, disons même vous cachez, tenez absolument à ne pas être vu ? Une réponse affirmative à l’une ou l’autre de ces questions témoigne d’un certain degré en vous de honte ou de culpabilité. Et voici de quoi le débusquer encore davantage :
Comment vous sentez-vous, que ressentez-vous à l’idée de cesser de donner autant, si vous avez tendance à donner toujours ou beaucoup trop ?
Comment vous sentez-vous, que ressentez-vous à l’idée de ne pas vous montrer sous un jour favorable dans votre apparence ou vos activités, vos prestations, quand c’est un fonctionnement auquel vous vous soumettez à l’ordinaire ?
Comment vous sentez-vous, que ressentez-vous à l’idée d’opposer un refus aux demandes qui vous sont faites et qui ne vous conviennent pas en réalité ?
Comment vous sentez-vous, que ressentez-vous à l’idée de confier certaines choses que vous gardez secrètes (penchants, attentes, vécus…) ?
La honte ou la culpabilité que vous pourriez découvrir là est en vous depuis bien longtemps et vous conditionne d’une façon dont « vous n’avez pas idée ». Sans rien en penser, sans vraiment rien en penser, reconnaissez la honte et la culpabilité en vous, ne serait-ce qu’en les soupçonnant aussi peu que ce soit. Vous vous en libérerez ainsi et, peu à peu, vous verrez alors changer la qualité de vos relations, de vos liens relationnels.
À la lecture attentive du présent texte, dans l’idéal, vous pourriez vivre déjà un effet libérateur, fruit de la perception pure et directe de ce qui fonde tout votre conditionnement. Certaines personnes le liront sans être interpellées de quelque façon que ce soit et n’y trouveront donc aucun intérêt, signe probable que la culpabilité est vraiment très enfouie, ce qui n’a rien d’étonnant et qui est au contraire tout à fait compréhensible. Enfin, d’autres personnes pourraient se sentir plus ou moins mal à l’aise à travers cette même lecture.
Si ce dernier cas est le vôtre, sachez que c’est encourageant ! Sachez surtout que ces ressentis de honte et/ou de culpabilité que vous laissez remonter des profondeurs sont toujours irrationnels, que vous n’êtes en vérité ni honteux, ni coupable. Or, ultimement, ce qui vous aide n’est pas de savoir que vous vous accusez à tort, que vous vous en voulez à tort, mais de percevoir qu’effectivement, vous vous accusez, vous vous en voulez, vous avez honte.
Votre besoin est de percevoir ce qui est et non pas d’être consolé. Certes, savoir que ces sentiments douloureux proviennent de croyances, de conclusions suite à ce qu’a vécu l’enfant, le tout petit enfant peut en faciliter l’accueil, la reconnaissance, le fait de les laisser enfin être en pleine lumière, en pleine conscience, en pleine perception directe et dépourvue de tout rajout mental, de toute pensée. Alors, combien vous en voulez-vous, maintenant ? Percevez-le… simplement !
Créer du lien de façon appropriée, vivre des relations harmonieuses, c’est ne plus être en situation « d’en vouloir », dans tous les sens du terme. Oui, ou bien on vit les choses, ou bien on les veut. Et « en vouloir » signifie ici de surcroît « éprouver du ressentiment ». Pour qu’il se reflète à l’extérieur, on crée le « lien intérieur » ou l’harmonie intérieure en renonçant à ce qui est contraire, à ce qui coupe, à la culpabilité et ce, par la perception directe.
Cette perception directe est comme une forme d’amour en action. Elle est donc d’une autre nature que la honte ou la culpabilité qu’elle perçoit tandis que la réaction à la culpabilité est de même nature que cette dernière. On n’éteint pas le feu avec du feu. Pourrait-on douter que tout « regard aimant » puisse toucher ce sur quoi il se pose ? Avec bienveillance, regardez votre (sentiment de) culpabilité !
Lisez ou relisez le texte consacré à la culpabilité :
La vieille culpabilité cachée
Bonjour Robert !
Un grand merci pour ce texte si bien écrit, pensé et profond.
Une profondeur qui me permet d’aller voir en moi-même et d’y découvrir effectivement,
cette culpabilité qui me coupe de moi-même.
Une aide presque miraculeuse de reconnaître cette culpabilité qui quand on l’a reconnait on n’a plus
besoin ou envie de la rejeter sur les autres.
cependant si le fait de le voir en nous permet de ne plus projeter sur autrui son malaise, comment faire pour se pardonner d’en éprouver, même si l’on sait qu’originellement ce n’est pas de notre faute.
Comment s’aimer, se pardonner et accueillir sa propre lumière ?
En consolant l’enfant intérieur qui souffre en nous ?
Cordialement
Quand tu vois ce qui est en toi, le vois vraiment, c’est-à-dire sans rien en penser (soit on voit, perçoit, soit on pense), quand tu vois qu’ordinairement, tu projettes, vois là encore, quand tu vois (ressens) cette culpabilité qu’ordinairement, tu évites, quand tu vois ainsi tout cela et le reste, tu n’as pas de lumière à accoeuillir, encore moins ta « propre lumière » car, mieux que cela, tu es à ce moment-là cette lumière. Tu es la lumière qui perçoit la culpabilité, la projection et tout ce qui se présente. Ce que tu es n’est pas un autre « objet » à accueillir. Tu es ce qui accueilles, tu es la lumière, tu es l’amour quand amour il y a.
Il n’y a donc personne à accueillir, à pardonner, à aimer, le quelqu’un (coupable ou non coupable) n’existe pas. Ce que l’on prend pour le quelqu’un, pour soi, ce n’est qu’un amas de pensées, d’émotions, de sensations, de souvenirs, mais puisque tout cela peut être observé, perçu, reconnu, il y a bien ce qui le perçoit, et cela est ce que tu es, ce que je suis, la présence, la conscience consciente…
Percevant ainsi et enfin les choses, l’enfant est consolé ou il n’y a plus d’enfant à consoler.
« Je suis coupable », c’est une pensée, une croyance, un ressenti aussi. Ordinairement, on l’évite, cherche à démentir la chose, compense, recherche des consolations. Le besoin libérateur n’est pas une aute consolation, mais une absorption et cette absorption est l’effet de la perception pure et directe : « Ce à quoi l’on fait face… s’efface ; ce à quoi l’on résiste… persiste ».
Cela répond-il suffisamment ?
Amitiés,
Robert
Oui, cela répond suffisamment, merci Robert, cela fait du bien, en relisant votre texte plusieurs fois je commence à comprendre les mécanismes aux-quels je m’identifie, oui en accueillant à chaque seconde ce que je ressens, ce qui se présente dans mon corps physique, émotionnel ou mental, je laisse la pensée ou l’émotion s’amplifier elle-même, j’observe sans jugement, ni justifications et alors ce qui me fait souffrir se répand et se dissout ou disparaît et laisse place à la paix, le silence intérieur ou la joie.
Je viens d’en faire l’expérience, oui merci Robert, cela fonctionne, se sont mes pensées qui collées à l’émotion empêchent et freine la dissolution du malaise, je me suis levée ce matin en me demandant qui je suis, tout au long de la journée cette question était sur mes lèvres et dans ma tête, je comprend dans mon coeur que je suis la présence d’amour éternel, oui merci Robert pour ces explications simples et précises qui m aident à observer ce qui se passe en moi, à accueillir l’émotion,” je suis la lumière qui perçoit ” que c’est beau ! cela me toûche profondément, tel un mantra je vais lire et relire cette jolie phrase, en m’y plongeant complètement corps et âme, grâce à vos explications j’ai la réponse à mon questionnement, une réponse qui éclaire mon être et mon chemin de vie, merci !
J”avais déjà lu et relu que nous sommes “la source” “la lumière divine” mais jusqu’à aujourd’hui je ne le croyait pas vraiment, je n’avais pas compris que je suis la lumière qui perçoit, la lumière qui accueille, l’amour , le silence …..
Amitiés et gratitude
Fabienne
Ce témoignage est magnifique, outre l’appréciation exprimée, aussi en ce sens qu’il peut devenir l’auto-invitation à l’observation pure. Merci Fabienne de nous l’offrir !
Robert,
la culpabilité est tellement installée, intégrée dans mon ADN comme on dit beaucoup en ce moment, que pour la décrypter et la mettre au jour autrement qu’intellectuellement, il y a chez moi une énorme résistance. L’envie de dormir arrive et j’ai du brouillard dans le cerveau. Et en prenant la posture du témoin si j’y arrive, le mental est très fort, en insistant, je vois à quel point elle est partout cette bonne vieille culpabilité, dans ma vie. Dans mes relations professionnelles, conjugales, avec mes enfants. Voyez-vous Robert, je suis fatiguée d’aller regarder l’histoire d’Odile. Beaucoup de lectures, des thérapies, comme tout le monde…Tout cela abandonné progressivement quand j’ai découvert ma véritable nature. J’ai l’impression que se regarder, aller fouiller dans les profondeurs ne fait que conforter l’ego. Toujours tourner autour de lui. Je n’en ai plus envie mais je vois bien que j’y suis encore, bien sûr. Je suis vivante. Je ne vous pose pas de question j’ai juste besoin d’exprimer. Merci pour votre attention.
Chère Odile, en l’occurrence, rien ne vous demande de “regarder l’histoire d’Odile”, encore moins d’aller “fouiller dans les profondeurs”. Certes, il arrive que ce soit une aide pour débusquer, par exemple la culpabilité et la résistance, mais puisque l’une et l’autre apparaissent déjà à la conscience, il suffit bien de les accueillir, mieux encore de les savoir accueillies. Percevez-les tranquillement, mieux ou davantage que vous ne le faites en les évoquant ici. Accueillir une chose, de façon libératrice, c’est notamment ne rien en penser. Vous résistez, par exemple, et voici soudainement que c’est perçu. Le sentiment d’abandon provient bien sûr d’une histoire, mais il y a surtout, quand il se fait éprouver, qu’il est ici et maintenant. Rien n’est à fouiller. Il n’est question que d’accueil, de perception pure, de douceur ou d’amour.