190 – L’issue à l’incohérence du monde, à la nôtre
L’issue à la folie du monde, à la nôtre : nous ne sommes pas de ce monde !
L’incohérence du monde s’apparente souvent à la folie, à la malveillance et à la cruauté. L’histoire regorge d’exemples dramatiques, mais les temps actuels n’ont rien à envier au passé plus lointain. Or, ces exemples ne sont encore qu’une partie émergée, dérisoire, d’un iceberg incommensurable et insoupçonné. Certains exemples historiques sont cités partout, parfois avec une sorte de stupéfaction, comme s’ils seraient impossibles de nos jours, dans l’ignorance (éventuelle) qu’aujourd’hui même, beaucoup d’autres sont bien pires.
Certains vrais trouveurs, découvreurs, inventeurs, guérisseurs ou lanceurs d’alertes ont pu se réjouir à l’idée d’apporter une grosse contribution au bénéfice de l’humanité et être parfois éliminés sans même avoir eu le temps d’être désappointés. Les exemples sont légion (on les trouve sur Internet), mais nous avons ici mieux à faire que de déplorer un fonctionnement tactique très répandu. Et hélas, on ne le rencontre pas que dans les milieux financiers et politiques ! Il sévit dès qu’un groupe se forme, donc aussi dans sa famille. Il apparaît même là où on l’attendrait le moins.
D’ailleurs, précisons-le tout de suite, cette chronique ne va pas dénoncer, ni même évoqué plus longuement la démence du monde, mais elle va considérer notre seul problème, collectif. Et il ne s’agira pas davantage de le dénoncer. La folie du monde n’existe que parce qu’elle est nôtre, collectivement. Et plus nous allons la reconnaître, donc nous en libérer, moins cette folie pourra subsister. C’est dire que nous sommes détenteur d’un pouvoir incroyable, magnifique, gratifiant. L’action juste est à chérir, la réaction à proscrire.
En effet, nous sommes tous voués à l’éveil de la conscience, laquelle ne se limite pas à notre « petite personne ». Nous pouvons l’ignorer, mais nous ne nous éveillons pas seuls. Dans certains groupes familiaux et autres, on peut observer que l’un des membres avec une certaine « ouverture spirituelle » a souvent un bel impact sur tout le groupe. Et de façon plus subtile et énergétique, cet impact dépasse aussi son propre entourage. Même si la notion de responsabilité pourrait ici nous impressionner quelque peu, c’est encore la découverte possible d’une raison d’être que nous n’avions pas soupçonnée et qui fait ou peut faire du bien. Nous le rappeler sera un encouragement pour peu que nous n’y cherchions pas un gain de valeur ou d’importance. La raison d’être mentionnée est celle de tout un chacun.
Des sages nous ont dit que le monde de la forme était dément, pervers, mais nous ne l’avons pas saisi. Au mieux, nous avons cru que cela s’appliquait à l’histoire et à des pays lointains. « Le monde que tu vois est le système délirant de ceux que la culpabilité a rendus fous », nous dit Un cours en miracles, lequel ajoute : « Ce monde est dément, et ne sous-estime pas l’étendue de sa démence ». La bonne nouvelle est que nous ne sommes pas de ce monde, ce qui nous reste également à intégrer, à percevoir de façon juste et féconde.
La sagesse nous dit en effet que nous sommes dans ce monde, mais que nous ne sommes pas de ce monde. C’est une affirmation profonde, certes, mais si nous l’entendons effectivement, à partir de quelle posture (blessure) l’entendons-nous ? Des adhésions spirituelles hâtives risquent parfois de perpétuer du déni et les enseignements profonds sont alors perdus. Si l’on se revendique comme étant spécial, à part ou « subisseur », on ne saisira pas que l’on n’est pas de ce monde, ni la profondeur de cette vérité. Il est bon de savoir que nous n’appartenons pas à ce monde, mais la non-appartenance au monde, éprouvée douloureusement, doit être reconnue comme telle. Car de fait, nous nous trouvons bel et bien dans ce monde !
Selon l’une ou l’autre de nos blessures spécifiques, il se peut que nous ayons à reconnaître que nous sommes bien impliqués dans ce monde, de sorte, par exemple, à ne pas maintenir le déni de l’impression éprouvante d’être laissé sur la touche, de ne pas y avoir notre place, de ne pas y être bienvenu, de ne pas y être intégré. Celui qui souffre de ne pas être de ce monde ou de ne pas lui appartenir méconnaît surtout la bénédiction ou la sérénité à se savoir et à se sentir dans l’appartenance au « monde divin ». Il ignore sa véritable nature.
Nous appartenons forcément au « monde divin », parce qu’il est notre source, notre origine, et qu’il s’agit de racines indestructibles. De même que nous pouvons habiter dans un pays sans en être originaire, nous habitons le monde de la forme avec nos racines « dans un autre ». La considération de notre blessure principale représente une aide précieuse pour conscientiser la façon dont nous vivons le monde, ainsi que l’impression de séparation commune à tous. Cette fois-ci, je vais montrer un peu plus l’implication particulière des cinq grandes blessures dans notre façon d’appréhender toute notre existence.
La plupart d’entre nous se vivent comme appartenant au monde, donc comme étant de ce monde. Ainsi, il se vivent comme appartenant à leur famille, leur village, leur pays, leur école, leur entreprise, leur religion, leur parti politique… Si nous n’avons rien à attendre de ce monde, nous n’avons pas pour autant à nous attendre à y vivre le pire. Le problème n’est pas le monde, mais toute forme d’attachement et de résistance à celui-ci.
L’abandonné éprouve « je n’appartiens pas au monde », le dévalorisé « je ne m’appartiens pas », le maltraité « je veux un autre monde », le rejeté « le monde m’appartient » et le trahi « je ne suis pas de ce monde (ni même dans ce monde) ». La croyance de ce dernier s’applique aussi bien au monde de la forme qu’au « monde divin ». L’abandonné se vit comme étant abandonné aussi par le Divin. L’intérêt spirituel du dévalorisé est particulièrement influencé par son environnement. Le maltraité croit qu’il doit souffrir pour mériter le Ciel, le rejeté qu’il n’existe pas et le trahi qu’il n’y a pas droit.
L’abandonné qui éprouve qu’il n’appartient pas au monde et le trahi qu’il n’en est pas impliquent pour eux, non pas que personne n’est de ce monde (ce qui est la vérité), mais la façon dont ils se sentent traités l’un et l’autre (leur blessure). Éprouvant qu’il n’appartient pas au monde, l’abandonné pourrait dire que le monde ne veut pas de lui. Éprouvant qu’il n’est pas de ce monde, le trahi constate de plus le décalage entre sa vision et celle du monde. Quant au rejeté qui éprouve « le monde m’appartient », il se fait l’écho du rôle d’enfant roi dans lequel il a été mis un temps ou répond ensuite au vécu ou à l’impression de sa place perdue ou contestée. Il s’approprie toute la place (le monde).
Ce que nous déplorons aujourd’hui sont les effets de nos pensées, paroles et actions d’hier. Nous pouvons parfois le remarquer de façon très nette pour certaines personnes de notre entourage, mais ce qui se vérifie chez elles est pareillement vrai pour nous-mêmes. Eh bien, notre début d’existence déploré est pareillement et forcément un effet ! Ainsi, il nous reste à envisager le vécu karmique qui a mis en place la façon dont nous vivons le monde.
Il serait vain de spéculer à propos de nos incarnations passées, mais il serait aussi naïf d’interpréter notre début de vie comme étant dû au hasard, à la malchance ou à des erreurs naturelles. Le refus de la loi de cause à effet, concernée là comme ailleurs, repose sur le sentiment irrationnel de culpabilité et sur la difficulté à assumer sa propre responsabilité. Et si le pire que nous dénonçons était aussi celui que nous avons fait subir ? Aïe ! Selon notre blessure principale, évoquons ce qu’a pu être notre passé karmique (sans détour ni dramatisation) :
• Le « je n’appartiens pas au monde » de l’abandonné découle d’une forme de division infligée (pour mieux régner), de conduites privatives ou séparatrices (karmiques).
• Le « je ne m’appartiens pas » du dévalorisé découle d’une forme d’esclavagisme infligée (karmique). L’esclave est rabaissé, humilié, « castré »…
• Le « je veux un autre monde » du maltraité découle d’une forme de violence infligée (karmique). La cruauté humaine peut être incommensurable.
• Le « le monde m’appartient » du rejeté découle de la pratique (karmique) du bannissement infligé (causé, provoqué, encouragé…) Le manque de considération pour autrui peut être inqualifiable.
• Le « je ne suis pas de ce monde » du trahi découle d’un abus infligé (karmique) de droit, de pouvoir, d’autorité (sa profonde honte ne lui laisse envisager que l’enfer). L’être humain n’est pas accro au pouvoir sans finir par en abuser.
Nos interactions notamment relationnelles sont empreintes de la façon dont nous appréhendons le monde, de tout notre conditionnement karmique, familial, collectif. Et qu’en est-il pour chaque « blessé » ? (J’apporterai à d’autres reprises cette réponse très générale, logique, sinon intuitive. Recevez ce qui vous parle, en l’ajustant à votre propre réalité !)
• Sentant qu’il n’appartient pas au monde, l’abandonné n’en attend rien, mais il le sert, le dorlote. Il « répare » la privation qu’il a infligée.
• Sentant qu’il ne s’appartient pas, le dévalorisé se laisse, tantôt influencer, tantôt séduire (manipulé dans les deux cas). Il se prête à l’esclavage qu’il a fait subir, se montre tolérant réparation).
• Voulant un autre monde, le maltraité, tantôt déplore son « monde injuste », tantôt exige tout de son monde. Il se fait aussi sauveur (réparation).
• Sentant que le monde lui appartient, le rejeté veut, tantôt le contrôler, tantôt l’animer. Il peut aussi faire preuve d’une grande bonté (réparation).
• Ne se sentant pas de ce monde, le trahi, tantôt rumine dans son coin, tantôt idéalise le monde. Il peut aussi manifester une générosité excessive (réparation).
Souvent, nous ne comprenons pas pourquoi certaines personnes se laissent traiter comme elles sont effectivement traitées. Quelque chose en elles le sait ! Si nous voulons aider quelqu’un qui se laisse manifestement traiter mal, en réponse à sa seule demande, nous devons surtout l’aider à considérer et à dépasser son sentiment « irrationnel » de culpabilité. Est-ce seulement parce qu’ils n’auront pas d’autres parents que des enfants, d’âges variables, préfèrent continuer d’être soumis au pire que d’être retirés de leur famille ? Parfois, n’explique-t-on pas faussement pourquoi des femmes battues mettent des décennies avant d’appeler à l’aide, quand elles en ont eu le temps ? Si nous pouvons reconnaître la façon faussée dont nous appréhendons le monde, nous pouvons tranquillement nous inviter à faire un autre choix, le choix inverse :
• L’abandonné doit (désormais) sentir qu’il « appartient » au monde et ainsi le solliciter autant que de besoin. (Cette appartenance-là n’implique pas la possession.)
• Le dévalorisé doit (désormais) sentir qu’il s’appartient et reconnaître qu’il a largement de quoi apprécier le monde.
• Le maltraité doit (désormais) accepter le monde et reconnaître ce qu’il en reçoit (parce qu’il reçoit beaucoup).
• Le rejeté doit (désormais) sentir que le monde ne lui appartient pas et reconnaître la place que le monde lui fait (elle est grande).
• Le trahi doit (désormais) sentir qu’il est de ce monde (d’abord divin), sinon dans ce monde, et que son épanouissement n’en dépend pas, même s’il peut y trouver sa juste place.
Tout en subissant le contre-coup d’un lourd passé karmique, nous retrouvons de temps en temps nos vieux démons, faisons marche-arrière à notre détriment. Ainsi, étant la réponse à un conditionnement karmique, notre existence actuelle peut témoigner de velléités mémorielles d’un positionnement ancestral contre l’amour. Quand nous manifestons de la malveillance, nous retrouvons nos vieilles armes ou nos travers karmiques. Observons-les bien car ils disent pourquoi nous vivons ce que nous vivons. Ne serions-nous jamais malveillants ?
• Réminiscence karmique, l’abandonné se culpabilise de tout et de rien, tout en exerçant parfois une autorité privative (notamment sur un enfant ou un animal). Divise-t-il, de temps à autre, pour régner ?
• Réminiscence karmique, le dévalorisé cherchera à dominer ses semblables (d’autres dévalorisés). Trouve-t-il son « esclave » ?
• Réminiscence karmique, le maltraité pourra se montrer bourreau (dépendamment du degré de sa conscience). Trouve-t-il ses victimes (ses enfants) ?
• Réminiscence karmique, le rejeté renonce difficilement au contrôle bannisseur, même s’il est animé davantage par de bonnes intentions. Ne rejette-t-il jamais personne ?
• Réminiscence karmique, le trahi s’accuse d’être un problème et se reproche (généralement à tort) de manquer de soutien à autrui. À qui fait-il endurer la privation ?
Les dévalorisés nouent des relations entre eux, le dominant étant aussi éprouvé par le rejet et le dominé par l’abandon. D’une perspective très élargie, on peut dire que l’humanité est composée de dévalorisés dominants ou dominés, les dominés étant les plus nombreux. Notre existence est une récolte, nos réactions des semailles. Les semailles peuvent-elles être autre chose que des réactions ? La corruption et les mauvaises intentions sont des réactions.
Quand nous nous disposons à considérer notre propre fonctionnement, il n’est pas nécessaire d’avoir à l’esprit le pire, des attitudes très subtiles, voire symboliques, pouvant être édifiantes. Notre début d’existence a dicté notre façon d’envisager le monde et a produit de quoi endurer (jusqu’à éveil) un mal de vivre plus ou moins marqué.
• L’abandonné n’a pu qu’éprouver qu’il n’appartenait pas au monde puisqu’il a été laissé seul, sans aide, et qu’il n’a pas pu découvrir sa raison d’être.
• Le dévalorisé n’a pu qu’éprouver qu’il ne s’appartenait pas puisqu’il n’a pas été autorisé à vivre sa spontanéité, sa préférence, sa créativité.
• Le maltraité n’a pu qu’éprouver son refus du monde puisqu’il n’a connu que la cruauté, qu’il n’a surtout pas connu la tendresse, l’affection.
• Le rejeté n’a pu que vouloir posséder le monde puisqu’on a voulu finalement l’en exclure et qu’il n’a pas pu faire l’expérience de sa bonté et de sa puissance.
• Le trahi n’a pu qu’éprouver qu’il n’était pas de ce monde puisqu’aucune place ne lui a été réservée et qu’il n’a rien pu faire de sa vision, de sa clairvoyance.
Ce qui nous montre que nous nous vivons comme étant de ce monde, ce sont les attentes parfois très fortes que nous avons, que nous en avons. Si nous considérons ces attentes, nous voyons qu’elles n’impliquent ordinairement que le monde : les relations, l’argent, les acquisitions, les accomplissements, le devenir, peut-être la notoriété, certains témoignages… À l’écoute de certains de nos ressentis, nous pourrions entendre que ça crie en nous : « Je veux quelqu’un ; je veux quelque chose ; je veux tout ; j’en veux encore ; je veux autre chose ; j’en veux un peu… ». Selon notre blessure, notre « je veux » devient « je désire, j’envie, j’exige, je revendique, j’espère ». Et c’est bien au monde qu’il est adressé !
Il peut être intéressant d’observer que nous éprouvons le vouloir (vouloir prendre du monde), que nous voulons beaucoup, tout en continuant de retenir peut-être plus encore. Nous voulons, voulons pour nous remplir, alors que ça craque à l’intérieur sous le poids du trop-plein, du contenu très encombrant que nous ne libérons pas. Il y a surtout un trop-plein insoupçonné ! (Nous y viendrons). Mais d’abord, nous restons encombrés de ce que nous ne disons pas, ne donnons pas, ne demandons pas, ne faisons pas, des positionnements figés et du douloureux que nous résistons à reconnaître.
Certains qui ont déjà bien trop, de l’argent par exemple, en veulent encore plus, ne pouvant pas mettre leur attention sur ce qu’ils auraient à dire, à donner, à créer, à manifester, de façon cordiale et féconde. Ceux qui s’enrichissent (sur quelque plan que ce soit), au mépris total de leurs semblables, peuvent être des maltraités karmiques qu’une haine abyssale non libérée a transformé en tourmenteurs. Or, la reconnaissance de notre conditionnement karmique, identificatoire, fait partie de notre raison d’être actuelle afin de laisser libre cours à ce que nous sommes sans ce conditionnement. Nous n’avons pas à faire toute une histoire de notre conditionnement, mais ce ne serait guère mieux de l’ignorer, de faire comme s’il n’existait pas ou qu’il ne provenait de nulle part.
Ordinairement, nous pouvons avoir face au monde une posture prédominante, mais celle-ci n’est pas exclusive. Sinon toutes, plusieurs blessures nous ont atteints. Par exemple, face à certaines circonstances, nous pourrons nous montrer très rebelles, tandis que nous nous soumettrons à des traitements incroyablement odieux… La pleine conscience de notre conditionnement réel est une façon sage d’assumer notre responsabilité, permettant surtout une disposition libératrice.
De surcroît, la façon particulière dont nous appréhendons le monde découle originellement d’une interprétation atavique qui concerne toute l’humanité, l’impression de séparation d’avec le Divin, d’avec notre véritable nature. Comme nous nous sentons à tort séparés de notre source, que nous en sommes inconscients, nous nous faisons constamment éprouver la séparation dans le monde physique. Bien réelle, cette séparation-là est effectivement éprouvée douloureusement, parce qu’elle est le rappel de la séparation originelle qui ne s’est pourtant pas produite.
• Éprouvant qu’il n’appartient pas au monde, l’abandonné reste perdu dans le vide, fatalement seul, dans la « séparation ».
• Éprouvant qu’il ne s’appartient pas, le dévalorisé est forcément coupé (séparé) de lui-même, de son potentiel, de l’essentiel.
• Ne voulant pas du monde, le maltraité se sépare de tout, se traitant comme il s’est senti traité. Il ne voit partout que l’injustice, étant surtout injuste envers lui-même.
• Éprouvant que le monde doit lui appartenir, le rejeté se sépare en se plaçant au-dessus. Là, il n’y a personne. Il se nourrit des histoires qu’il raconte.
• Éprouvant qu’il n’est pas de ce monde, se sentant toujours en décalage, le trahi ne peut pas établir de lien. Il ne peut que les espérer, les fantasmer.
Quand nous avons reconnu notre positionnement identificatoire de base, maintenu et renforcé par le penser intempestif, il nous reste à observer celui-ci, pour ne plus en être la proie, il nous reste à « nous en séparer ». Pour nous libérer, nous avons à nous séparer de ce qui nous sépare et à au moins soupçonner l’unité que nous allons ainsi retrouver bientôt. En reconnaissant notre positionnement réactionnel, nous pouvons commencer à débusquer notre sentiment irrationnel de culpabilité, celui-là même qui base la projection et la résistance à toute reconnaissance.
• L’abandonné « appartient » à son environnement quand il ne s’oublie plus et se reconnaît comme l’égal de ceux qu’il sert déjà.
• Le dévalorisé s’appartient lui-même quand il offre en conscience ce dont il est porteur en découvrant que le plaisir n’est réellement fécond que lorsqu’il est partagé.
• Le maltraité accueille le monde quand il cesse de se prendre pour le plus malheureux et qu’il découvre qu’il a beaucoup à apporter.
• Le rejeté cesse de vouloir posséder le monde en découvrant la possibilité de laisser prioritairement parler son cœur et faisant alors le bien autour de lui.
• Le trahi se sent impliqué dans le monde quand il cesse de maintenir les murs de sa honte et qu’il peut alors initier une danse collective.
Nous sommes dans ce monde, forcément, puisque nous avons un corps et que nous y jouons certains rôles, mais nous ne sommes pas le corps, ni les rôles que nous jouons. Tant que nous nous prenons pour un corps, pour une personnalité, que nous restons identifiés aux rôles que nous jouons, nous ne pouvons que nous vivre comme si nous étions de ce monde. En ce monde illusoire, nous jouons des rôles compensateurs, mais certains d’entre eux peuvent inclure ce qui correspond profondément à notre cœur. Plus nous réalisons ce que nous avons à offrir au monde, donc en faveur du monde, plus nous nous libérons. Le don est invariablement fécond.
Inconsciemment et à tort, nous sommes positionnés comme si nous étions de ce monde, y compris quand nous le déplorons, le rejetons, nous en croyons privés, éloignés, exclus… Se vivre comme étant de ce monde, c’est aussi bien VOULOIR y faire ou en faire quelque chose que déplorer de ne pas y parvenir. Il peut être utile de sentir que l’on appartient au monde, sans pour autant rester positionné comme si l’on était possédé par quelque autorité. La façon de se vivre de ce monde, l’idée étant fausse, comprend la culpabilité et la peur, tout ce sur quoi se fonde la souffrance humaine.
Si nous tentons de nous imposer là où nous n’avons rien à y faire, nous nous sentons coupables et nous avons peur. Telle est aussi notre expérience fondamentale avec le seul « plongeon originel » dans le monde de la forme. Se retrouver indûment quelque part cause une douleur surajoutée à la culpabilité associée à ce que l’on a laissé derrière soi, que l’on a quitté. Quand nous nous rappelons l’amour, que nous le sommes, retrouvant alors notre véritable identité, nous découvrons l’irréalité de la peur, de la culpabilité, de l’investissement social, relationnel, corporel… Libres du vouloir, des attentes et de la déploration, nous offrons au monde, chacun à notre manière, ce qui émane de nous-mêmes de façon naturelle, spontanée. Nous sommes porteurs d’une richesse insoupçonnée, laquelle est essentiellement « l’amour retenu ». C’est le trop-plein qui fait mal, qui blesse, qui débilite.
Derrière tout notre fonctionnement humain collectif et atavique, se cache donc l’impression de séparation d’avec ce que nous sommes en essence, à savoir l’unité et l’amour qui est une réalité ignorée et pourtant très concrète. En général, nous faisons peu cas de l’amour, voire de la grâce, mais quand nous pouvons être dans l’amour, le vécu alors différent est très concret, très déterminant. On ne peut pas l’oublier. Avons-nous des idées préconçues au sujet de l’amour ? Derrière toute forme du mal de vivre, il y a l’amour retenu, l’être voilé… L’évocation de l’amour est, non pas banale, mais absolument essentielle.
Nous ne restons mal que tant que nous ne pouvons pas être canal de l’amour, expression de l’amour, propagateur de l’amour. Ce n’est pas dire que nous avons à vouloir donner de l’amour, nous avons besoin d’être l’amour sans voiles, le « don » devenant alors inévitable. Ne cherchez pas à aimer inconditionnellement, ni même à aimer qui que ce soit, mais reconnaissez simplement l’amour retenu et que la retenue fait mal. Nous pourrions croire que nous manquons d’amour, ne nous sentant pas aimés, mais ce qui nous fait mal est l’amour que nous retenons, que nous bloquons, du fait de penser ce que nous pensons, du fait de nos jugements, du fait de notre conditionnement.
Quand vous ne vous sentez pas aimé, le déplorez, essayez de sentir plutôt que vous n’êtes pas en mesure de sentir l’amour, d’être dans l’amour, d’exprimer ou de manifester de l’amour. C’est davantage ce qui vous fait mal ! Quoi que nous éprouvions, nous sommes l’amour en essence et le retenir revient forcément à nous retenir d’être. Il n’est pas pire façon de nous traiter nous-mêmes ! Recevez-vous cela ? Ne vous croyez pas loin de l’amour, une pichenette sur le « moi je » et l’amour jaillit ou jaillirait ! Allez, ne nous reprochons pas de retenir cette pichenette !
Rappelons-nous combien il est doux d’être en présence d’une personne qui « est dans l’amour », qui le rayonne, qui ne le retient pas. Ce seul rappel peut le dévoiler. Cette personne-là ne décide pas (mentalement) de donner quoi que ce soit, mais ce que nous recevons alors nous transforme. Notre conditionnement fait que, la plupart du temps, il semble que nous ne soyons pas dans l’amour et simplement, si nous reconnaissons cela, nous pouvons en recevoir beaucoup. De plus, « ne pas être dans l’amour » est un abus de langage car nous ne pouvons pas ne pas être et être, c’est aimer. Nous ne pouvons que retenir l’amour, exactement comme nous nous abstenons d’être ce que nous sommes.
Avant de permettre des amours particuliers, l’amour est le langage du cœur qui manifeste un plein accueil, chaleureux, dépourvu de tout jugement. Ce qui accueille n’est pas préhensible, il s’offre et se laisse prendre. Nous avons absolument besoin de libérer l’amour, indépendamment de l’environnement, de ce qu’il a été hier, de ce qu’il est dans l’instant… Ne déplorons pas de ne pas être dans l’amour, mais voyons avec compassion que nous n’avons pas d’autre problème que de le retenir. C’est le problème de la séparation, laquelle est pourtant impossible. Il est impossible d’être séparé, d’être sans amour, de ne pas être…
Quand nous ne retenons plus l’amour, peu nous importe le manque de témoignages d’amour, parce qu’il n’y a plus personne pour le relever, seul l’amour étant là. Peut-être ne percevons-nous pas ce que signifie « retenir l’amour ». En revanche, si nous sommes sincères, nous connaissons très bien l’expérience de ne pas retenir l’hostilité ou le ressentiment. Serait-ce sérieux de ne voir aucun intérêt à être dans l’amour libéré quand nous passons le plus clair de notre temps dans la réaction, dans la négativité ?
On pourrait croire qu’être dans l’amour implique forcément quelqu’un à aimer, alors même que l’on peut rester dans l’amertume sans toujours penser à qui que ce soit. J’ai connu des gens qui étaient le plus souvent dans l’amour et qui le restaient, indépendamment de qui les abordait. C’était très bon d’en être témoin. Nous ne faisons pas auprès d’une personne qui est dans l’amour la même expérience qu’auprès d’une autre qui est amère (sans même qu’elle s’en prenne à nous).
Ceux qui nous abordent ne font pas la même expérience selon que nous sommes plutôt en paix ou plutôt énervés, plutôt aimants ou plutôt amers. N’est-ce pas évident ? Il est certain que nous n’attirons pas à nous les mêmes rencontres, les mêmes circonstances, selon que nous sommes dans l’amour ou remplis de ressentiment. Quand l’amour n’est plus retenu, il est naturellement inconditionnel, parce qu’il ne dépend de rien ni de personne, parce qu’il n’est pas appelé par rien ni personne. L’impression de séparation se dissipe quand l’amour n’est plus retenu. C’est alors que nous nous ouvrons à ce qui n’est pas de ce monde : le bonheur ou le plein épanouissement
• « La conscience et l’amour sont inséparables. L’amour ouvre ta conscience, il te permet de reconnaître ton identité. Tu ne peux pas savoir qui tu es tant que tu n’as pas conscience de l’amour, tu arriveras à en prendre conscience quand tu décideras de ne plus lui résister. » (Riad Zein)
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