Une réalité étonnante (suite)
Chacun à sa manière, en fonction de sa blessure, on peut bien réagir à ceci ou à cela, dire « ça suffit », et demeurer longtemps inconscient du fait qu’on n’est pas prêt pour le lâcher, pour le laisser aller. On vit le « pénible » auquel on résiste, non pas à cause des raisons que l’on incrimine peut-être de façon ordinaire (voir plus loin), mais parce qu’on s’y dispose tout bonnement et nous allons ici découvrir ce qu’il en est pour chacune des cinq blessures. Ce pénible concerne aussi bien une relation, une maladie, une possession (problématique) que n’importe quel souvenir, plus ou moins traumatisant.
Très souvent, on peut effectivement déplorer de vivre quelque circonstance particulière alors qu’en fait, dans ce contexte, on est « d’accord » pour la vivre. En conscience, on éprouve la présence (envahissante) d’une situation défavorable alors que si cette dernière disparaît complètement, une autre nous attire, aussitôt. Au mieux, la solution est vécue pour une part avec peu d’attention, de reconnaissance ou comme arrivant trop tard. Voilà pourquoi la solution ne peut pas vraiment se présenter, ni se représenter régulièrement. Un conditionnement méconnu reste à la base du mal-être persistant. N’est-ce pas incroyable ?
Comprenez-vous ce qui est dit là ? Vous ne pouvez pas vous libérez véritablement ou durablement, quand vous demeurez pris, parce que VOTRE conditionnement s’y oppose, vous ne le permet pas ; il en est la seule vraie cause. La prise en compte de cette réalité, quand elle est simplement perçue, offre un premier effet libérateur, parce que c’est cesser de croire ce qui n’est pas, alors qu’y croire a fait si mal, a causé tant de souffrance inutile.
Sans « avoir mal », sans en éprouver un malaise certain et souvent terrible, sans en souffrir, qui peut croire en l’injustice, en sa malchance, qu’il n’a pas le droit au meilleur (pour « être » mauvais ou illégitime), qu’il n’obtiendra jamais satisfaction ou que rien de mieux n’est possible pour lui ? Or, de façon plus ou moins obscure, chacun conserve en lui l’une ou l’autre de ces idées fausses. Il la doit à sa blessure, ainsi qu’il lui doit sa façon spécifique de résister à ce qui apparaît en conséquence dans son existence. Ce sont les attitudes réactionnelles qui assurent et perpétuent l’échec, l’insatisfaction, la souffrance.
• L’abandonné se résigne ; il a depuis longtemps baissé les bras, parce qu’il croit que le meilleur est impossible pour lui. Et dans son histoire (contextuelle), il n’y avait personne vers qui se tourner.
• Le dévalorisé se soumet, en attendant son tour, parce qu’il a intégré (croit) qu’il n’a pas le droit de se faire plaisir, ni même au départ celui de s’exprimer, de confier ses besoins.
• Le maltraité se plaint, parce qu’il a l’impression que toutes les injustices lui tombent sur la tête. Dans son histoire, dire ce qui lui fait vraiment mal est bien trop risqué !
• Le rejeté se révolte, parce qu’il croit qu’il a un dû à réclamer et à défendre. Dans sa propre histoire, il y a surtout qu’il n’a pas été entendu. Quand on n’est pas entendu, que ne ferait-on pas pour tenter de l’être enfin ?
• Le trahi bougonne, ronge son os, parce qu’il est convaincu que personne ne veut lui faire plaisir, voire que tout le monde veut le priver. S’exprimer, c’est pour lui prendre le risque de « vérifier » combien il dérange.
Par exemple, quand survient une circonstance malencontreuse :
• L’abandonné pourra s’énerver, puis finir par faire comme s’il ne se passait rien et par se culpabiliser plus ou moins consciemment ;
• Le dévalorisé cherchera à contourner la situation et à s’évader ;
• Le maltraité ameutera ses proches et fera peut-être une crise de nerfs ;
• Le rejeté se mettra en colère et se fera mal en cognant contre les murs ou les meubles ;
• Le trahi restera dans son coin sans rien dire mais de fort mauvaise humeur.
Selon son schéma personnel, chacun peut vérifier ici comment il n’est effectivement pas prêt à accueillir une solution et, en même temps, que ce schéma « décourage » (n’encourage pas) la paix, l’insouciance, l’amour. Pourquoi donc te proposer l’épanouissement si :
• Tu ne t’y intéresses pas (abandonné) ;
• Tu le compares toujours avec autre chose (dévalorisé) ;
• Tu ne le reconnais, ne l’apprécies jamais (maltraité) ;
• Tu veux toujours autre chose (rejeté) ;
• Tu en doutes (trahi).
C’est la Vie même qui pourrait nous poser cette question. D’une certaine manière, ne la posons-nous pas à des proches – même maladroitement ? L’entendons-nous quand eux nous la posent ? Bref, nous résistons bel et bien aux solutions et nous continuons de nous résigner, de nous soumettre, de nous plaindre, de nous rebeller ou de nous apitoyer sur notre sort. Si seulement nous pouvions voir cela, le reconnaître. Tout changerait alors progressivement ! La question précédemment posée n’est toutefois pas l’essentiel. Elle peut simplement permettre d’observer qu’il est finalement logique de vivre ce que l’on dit ne pas vouloir et que l’explication est complètement étrangère aux raisons auxquelles nous croyons ordinairement de façon plus ou moins consciente :
• C’est la fatalité, c’est la vie (a) ;
• On veut m’interdire le plaisir, je suis indigne (d) ;
• Tout le monde est injuste, je suis victime (m) ;
• Je n’ai pas de chance, c’est de ma faute (r) ;
• On ne veut pas me faire plaisir, je dérange (t).
Ici, comprenons que notre besoin profond n’est pas d’apporter une solution au problème du moment, lequel n’est souvent qu’un prétexte pour la réaction qui disparaît quand la réaction est relâchée, mais de reconnaître la fausseté de ce que l’on croit et la vanité de nos positionnements. Ils ne sont pas seulement vains, ils sont contraires à nos aspirations. C’est l’occasion de percevoir la perfidie du mental et de recevoir enfin l’invitation à observer davantage. Dans l’observation, ce qui est perçu et accueilli se révèle plus pleinement et ainsi se dissipe.
Maintenant, autre chose serait pareillement vain (entendez-le) : se dire « il ne faut plus que je me résigne, que je me soumette, que je me plaigne, que je me révolte ou que je m’apitoie sur mon sort. La pleine conscience des choses est transformatrice ; jamais aucune considération mentale, aucun contrôle ne transforme durablement quoi que ce soit. Et les « il faut » et « il ne faut pas » appartiennent au mental. Or, quelque chose de précieux aide beaucoup, presque dans l’instant même où c’est présent : SE SENTIR AIMÉ(E) ; oui, la conscience que l’on est aimé, que l’on est aimé inconditionnellement.
D’abord, percevez en cela comme un basculement de l’attention. Quand je baisse les bras, quand je me soumets, quand je me lamente, bref quand je réagis ainsi, je ne demande rien, même si tout positionnement constitue toujours une demande à l’univers. Quand je me sens, me sais aimé, je ne résiste plus, j’évoque ce que je reçois, je reconnais que je reçois, ce qui est reçu – et, au passage, je l’encourage.
Les abandonnés éprouvent facilement le manque d’aide dans leur vie, sans même plus la chercher, mais ils sont si serviables que beaucoup ont envie de leur être agréables. Ces derniers sont reçus avec des « non merci » polis et timides. Les abandonnés sont aimés, le croiront-ils ?
Les dévalorisés veulent être aimés, comme les autres, mais ils le tenteront auprès de qui la chose peut apparaître comme moins acquise, parce qu’ils sont exaspérés par qui les aime pour ce qu’ils sont. Ils n’en ont pas une expérience intégrée, mais ils ont tant de grâce qu’ils sont aimés, en effet.
Les maltraités se privent de l’amour en ne le reconnaissant pas. Pour obtenir tant d’exigences régulièrement satisfaites, ils doivent bien rencontrer des gens qui ne sont pas tous mauvais ou indifférents ! Eux aussi sont aimés.
Les rejetés cherchent à se faire aimer à travers frasques et pitreries et ils ne réalisent pas qu’ils sont encore aimés malgré ces frasques et pitreries. Sans s’en rendre compte, bien entendu, ils font tout pour être rejetés et, parce qu’ils sont d’une nature magnanime, même s’ils semblent s’en défendre, ils sont encore aimés.
Les trahis ont plus d’un tour dans leur sac pour que l’amour ne leur soit pas témoigné (bien sûr comme les autres) : ils ne font pas leurs demandes, ils s’isolent. On peut s’isoler même dans un groupe et c’est encore l’amour qui fera qu’on respecte leur réserve (maladive). Soit ils ont tant de gratitude pour le bon qui leur arrive, s’en sentent honorés dans une forme d’exagération, qu’ils ne peuvent pas l’apprécier, soit ils le vivent soudainement comme une banalité.
Tous, nous aurons de quoi sentir que nous sommes aimés, quand nous y consentirons. C’est à ce moment-là qu’apparaîtra de façon plus manifeste dans notre existence ce qui est bon pour nous, ce qui est juste pour nous, ce qui est épanouissant : la rencontre avec l’âme-sœur, la prospérité, la guérison, etc. En fait, toutes nos réactions, quelles qu’elles soient, ne sont jamais que des appels à l’amour. Autrement dit, on est conscient de la chose qui nous déplaît, qui ne nous convient pas, mais non pas de la manière personnelle dont nous y réagissons, et encore moins du fait qu’on est aimé, que la vie nous aime.
On satisfait le besoin de se sentir aimé, non pas en réglant un problème, ni le suivant, ni aucun autre, mais simplement en se sachant aimé. Se sentir aimé, c’est se savoir aimé. C’est encore se positionner comme étant aimé, faire ce que l’on fait comme étant aimé. La vie est amour. Tout se passe dans la vie, donc dans l’amour. Être « positionné ainsi n’est pas sans effet, mais qui sait ce que seront alors les effets. C’est parfois voir se produire une rencontre ou une circonstance inattendue des plus gratifiantes.
Il reste que la réaction (dictée par sa blessure) témoigne aussi d’une demande jamais faite.
• L’abandonné ne risque pas de demander (de quelque façon que ce soit) puisque tout est impossible (sa croyance).
• Le dévalorisé ne demande pas puisque, selon lui, ce qui lui tient à cœur lui est interdit.
• Le maltraité ne peut pas demander (de façon tranquille et confiante) puisqu’il lui faut se plaindre continuellement.
• Le rejeté ne peut pas demander (avec humilité) puisqu’il ne s’occupe pas de son vrai besoin.
• Le trahi ne peut pas demander (d’autant moins ce qui lui tient le plus à cœur) puisqu’il se croit illégitime (a honte).
Une demande non faite reste à faire. Comme tout ce qui n’est pas exprimé, elle est un encombrement. Rester dans son vieux schéma et l’ignorer retient cette demande. Rappelons qu’exiger n’est de loin pas demander. La revendication rappelle une demande qui n’a pas été entendue et qui ne l’est toujours pas par le revendicateur lui-même. Supplier, faire pitié n’est toujours pas demander. Une vraie demande rencontre souvent une réponse favorable et quand celle-ci est négative, l’insatisfaction éventuelle est éphémère.
Je réagis comme je réagis, parce que je crois que je vais être traité comme je me suis senti traité enfant. Je continue de ne pas pouvoir m’exprimer véritablement.
Je n’ai pas ce que je dis vouloir, parce que je ne reconnais pas que je l’ai déjà.
J’ai ce que je dis ne pas vouloir, parce que je ne reconnais pas que j’ai mieux.
Précisons que voir tout cela, même si une différence d’ambiance intérieure peut être remarquée, ne déprogramme pas immédiatement nos vieux conditionnements qui sont puissants et automatiques. Ce sont des structures auxquelles on s’est attaché. Il restera à cesser de s’abandonner soi-même, de se dévaloriser soi-même, de se maltraiter soi-même, de se rejeter soi-même ou de se trahir soi-même. « Ne te traite pas comme tu ne veux pas te sentir traiter ou aide-toi et le ciel t’aidera, parce que le ciel, la vie aime déjà tout ce qui est ». Sans le mental, c’est-à-dire sans les conditionnements, il n’y a que la vie, que l’amour, ce que tu es.
C’est beau et éclairant. Merci Robert.