Une « exploration » ou une évocation de la présence
En cet instant où vous êtes prêt à lire cette nouvelle chronique, qu’y aurait-il d’essentiel à lire, à « entendre » et donc à dire, à exprimer ? Juste ici et maintenant, nous pourrions gagner beaucoup à reconnaître le silence, autrement dit la paix et l’amour ! La paix et l’amour sont divinement discrets et silencieux. Paix et amour permettent bien des manifestations, mais ils demeurent en l’absence de toute agitation, bien que l’agitation ne les atteigne pas. Ils ne sont pas de ce qui est à prouver, à justifier, ni de ce qui attend une chose ou une autre. Ils sont inconditionnels, certains et infaillibles. Sans doute nous manque-t-il la reconnaissance de la paix et de l’amour, sinon de nous les rappeler, et nous ne risquons rien à envisager tout cela comme vrai et comme essentiel.
L’écriture et la lecture ne sont certainement pas les moins indiquées des possibilités à notre disposition pour laisser être la paix et l’amour, mais il est vrai qu’elles font forcément appel au mental, celui-ci pouvant alors être utilisé de façon féconde et délibérée. Ordinairement, le mental est suremployé ou l’on devrait même dire qu’il domine, fait penser, parler et agir, en fait réagir. De même que les écrans et les machines nous dominent, au lieu d’être à notre service, de même le mental nous dirige, dictant nos choix et opinions, au lieu de rester l’outil précieux qu’il est censé être. Il en est ainsi et c’est possible de le voir, de le reconnaître, de s’en rendre compte… Au mieux, le mental prive alors de la paix et de l’amour ; au pire, il décuple les contrariétés, les épreuves en tous genres. Qui pourrait sérieusement en douter ?
Pour rester le plus proche possible du silence en continuant d’écrire ou de lire, décidons de demeurer conscients, plus conscients d’élever notre niveau de conscience, notre qualité de présence. Vous êtes conscient en cet instant, n’est-ce pas ? Ce serait quoi l’être un peu plus ? Et plus encore ? Je suis présent à ces mots qui surgissent – moi-même qui les saisis et vous qui les lisez – et que serait-ce leur être plus présent encore ? « Oui, j’aspire à être plus conscient, sciemment, des mots que je dis ou que je lis. » Et j’écris ou je lis sans hâte, pour demeurer sciemment conscient, indépendamment des mots et de toute chose observable. « Êtes-vous sûr que ces mots sont incompréhensibles ? Relisez le paragraphe, plus doucement ! »
L’invitation à « plus de conscience, plus de présence » n’est jamais inutile, mais quand le mental semble avoir le dessus ou quand une forme d’insatisfaction s’impose, cette même invitation est d’autant plus appropriée. De façon très délibérée, je m’efforce parfois de « rester là », juste pour reconnaître, mieux que jamais, l’ambiance intérieure plus ou moins pesante. Tout ce qui nous empoisonne l’existence dépend exclusivement de ce qui n’est pas reconnu en nous. C’est simple, mais entendons-nous ces mots ? À quel degré en sommes-nous conscients ?
Dès lors que le mental est actif, s’agite, se met en branle sans « sollicitation », accompagné de ses diverses réactions (aussi émotionnelles », on peut le prendre au piège, le déchiffrer, l’expliquer, le comprendre, mais on peut aussi, à l’occasion, choisir de ne pas s’y intéresser du tout, ni de lui céder la place, et juste se rappeler la paix et l’amour. Tel est mon choix de l’instant. Puisse-t-il être aussi le vôtre, sinon tout de suite, au moins de temps en temps ! Et puisque je peux élever mon niveau de conscience ou ma qualité de présence, je peux, de façon plus intense, manifeste et « tangible », être plus fortement la paix et l’amour. Vérifiez en vous, pour vous, l’effet (éventuel) de la seule idée d’être plus intensément la paix et l’amour !
Quand elle fait surface, notre colère ou notre mauvaise humeur est d’intensité variable. Peut-être nous est-il même déjà arrivé d’augmenter délibérément notre colère. Il en va de même pour la conscience de l’amour, même si ça peut au début sembler plus subtil. Plus je maintiens mon attention sur paix et amour, tout de suite, quelque chose se passe et je peux bien l’appeler « intensification ». Testez cela, faites votre expérience, sans attendre !
Quand nous entendons la pluie ou d’autres bruits extérieurs, par exemple, nous en sommes plus ou moins conscients, pouvant même accorder toute notre attention à la pluie, dans des moments d’accalmie mentale. Il se peut même, si vous dites « aimer écouter la pluie tomber », que ce que vous aimez en réalité, soit « cesser de penser inutilement ». Quoi qu’il en soit, reconnaissez que le degré de conscience ou d’attention peut être de qualité différente.
En fait, j’évoque dans ces paragraphes quelque chose de très simple qui, pour le comprendre, implique peu le mental, pourrait même ne pas l’impliquer du tout. Le mental risque d’intervenir pour y résister, pour le juger compliqué, pour chercher autre chose que ce qui est dit. Ce dont il s’agit est un peu comme « indiquer une direction précise ». C’est encore un peu comme montrer une chose ou une autre à un petit enfant ou même à un animal qui, le cas échéant, s’y intéresse forcément sans la moindre implication mentale.
La plupart du temps, nous sommes mobilisés par le mental, nous suivons machinalement les pensées qui surgissent. Beaucoup ne connaissent d’ailleurs rien d’autre, n’ont pas repéré l’autre possibilité dans laquelle ils se retrouvent pourtant eux aussi en certaines circonstances. C’est tout bonnement la possibilité d’être avec ce qui est sans rien en penser, juste être dans l’observation, comme un petit enfant émerveillé, par exemple, comme un chien en alerte auquel rien ne peut échapper. Or, s’il y a possibilité de juste observer ce qui est, c’est qu’il y a d’abord présence, d’abord conscience, indépendamment de toute chose observable. Soyons sciemment ce qui va observer ceci ou cela, au gré des mouvements ou manifestations de la vie bouillonnante.
Alors, vous allez, ou bien continuer d’être exclusivement intéressé à vos pensées, à ce que vous pensez, ou bien vous allez vous disposer à rester un moment dans l’observation, juste présent à ce qui est. C’est tout ! Vous allez choisir une possibilité ou une autre, c’est tout ! Vous pourriez encore discuter, mais ce ne serait qu’opter sans le dire pour le fonctionnement ordinaire. Ne pouvons-nous exister qu’en tant que « machine pensante » ?
Nous pouvons faire stop de temps en temps, de plus en plus, et manifester la « présence enveloppante » et « l’amour sans jugement » que nous sommes et demeurons… Et « si ça ne vous intéresse pas plus qu’un poireau n’intéressera votre chien », assumez-le ! « En fait, jusque-là, ce qui parle de paix, d’amour, d’épanouissement ne retient aucunement mon attention ». C’est OK, tout est parfait !
Cela dit, si la possibilité d’être juste conscient de ce qui est ne vous intéresse effectivement pas, peut-être pourriez-vous un moment vous arrêtez sur le fait qu’une telle proposition vienne jusqu’à vous, d’autant plus si elle se présente régulièrement. La vie insiste toujours pour nous aider à recevoir les messages auxquels nous résistons, dont nous avons grand besoin. Se disposer à être plutôt sciemment conscient de ce qui est, avec une vigilance accrue, a pour effet ultime le plein épanouissement et pour effet graduel un état toujours préférable à ce que procure le penser compulsionnel.
Seul notre conditionnement explique notre manque éventuel d’intérêt pour ce qui assure le plein épanouissement et non pas la croyance que cet épanouissement serait une illusion. Cette croyance peut simplement servir de justification au manque d’intérêt car, en réalité, si telle est notre posture, nous en avons honte. Cela pourrait être relativiser, mais c’est un phénomène général et nous n’allons pas ici nous y arrêter davantage, parce que « nous préférons » pour l’heure privilégier le « silence », l’absence de toutes sortes de considérations…
Dans l’abandon délibéré des considérations, avec l’avantage laissé au dévoilement de la paix et de l’amour, il y a donc décrochage du « je pensant », relâchement des préoccupations qui sont celles du « moi séparé ». Et c’est tout ce qui mène au plein épanouissement. L’être s’épanouit au grand jour grâce au débroussaillement mental, émotionnel, égoïque. Ce qui émerge alors est nouveau, lumineux, enthousiasmant. C’est un courant de vie par lequel il est doux d’être porté. Il est doux aussi d’y repérer l’absence du « je ordinaire », du « je conditionné » puisque c’est alors être ce que nous sommes en essence.
Avec l’option délibérée du dévoilement de la paix et de l’amour, nous allons retarder cette fois le moment où nous nous laissons déstabiliser par l’observable, qu’il s’agisse de perceptions sensorielles, de pensées ou d’expériences dites spirituelles. Il y a et demeure la conscience de toute chose, quelle que soit cette chose, mais il n’y a personne qui se l’attribue. Il n’y a pas de « conscientiseur », pas d’observateur, pas d’entité distincte témoin de quoi que ce soit. Il en est ainsi, parce qu’il y a pur silence, paix et amour, pleine présence, ce qui est tout et qui ne peut pas être possédé.
Être juste conscient de ce qui est, donc dans l’observation pure et simple, est au minimum un relâchement momentané des pensées ordinairement attractives, ainsi que de toute l’agitation environnante. C’est de surcroît un « prétexte » pour laisser être sciemment ce que nous sommes au-delà de l’observation telle qu’elle peut être comprise, sinon pour s’en rapprocher. Résumons ou percevons mieux ce qui vient d’être dit :
• Ordinairement, on est pris mentalement et l’on ne peut pas observer ses ressentis, ni beaucoup de ce qui se passe autour de soi… Juste voir cela, c’est vivre un changement d’état de conscience. Voyez-vous que vous pouvez changer d’état de conscience ?
• Comme on tente de le faire dans l’instant, on peut « se contenter » d’être sciemment conscient de ce qui est, d’observer par exemple ces mots et ces phrases qui défilent (sans rien en penser, sans s’intéresser à ce que l’on pourrait en penser). Voyez que vous pouvez connaître cette expérience, sans vous soucier de la durée de chaque tentative.
• Ensuite, connaissons ou soyons sciemment la conscience sans objet, sans le moindre attachement à aucun objet (concret ou abstrait). De toute façon, c’est ce qu’il reste quand il n’y a plus de mots, parce que vous avez levé la tête ou fermé les yeux. C’est ce qui reste quand cesse le chant de l’oiseau que vous écoutez (observez). Quand le dernier nuage est passé, reste le ciel pur… Nous sommes « le ciel pur » avec ou sans nuages.
Nous sommes la présence, la conscience, sans nom, sans histoires, sans souffrancesans contenu… Recevez-vous ces mots ? Au fait, comment lisez-vous l’ensemble ? Explorez-vous la possibilité de vous savoir dans l’instant conscient, disposé à retirer au mental le crédit que vous lui accordez d’habitude ? Si vous deviez vous dire « je n’y arrive pas », par exemple, vous seriez juste en train de maintenir ce crédit. Seul le mental peut parler de réussite ou d’échec. La réussite n’est pas le but car tout est réussite.
Terminez ce paragraphe et interrompez ensuite votre lecture. Demeurez tranquille une minute ou deux, en vous disposant à juste être, en étant simplement conscient d’être conscient. Puis reprenez la lecture depuis le début, en lisant plus doucement, en marquant des pauses entre chaque phrase ou chaque paragraphe. N’attendez rien de la suite. Je ne sais pas ce qu’elle sera, ni ne m’en soucie. En restant aussi détaché que possible, je me fais reporter d’une reconnaissance délibérée de l’essentiel, du silence, de la présence, de la paix, de l’amour…
Nous ne nions pas que nous avons à composer avec un conditionnement qui maintient une forme de mal de vivre, mais pour une fois, dans l’instant, nous nous disposons comme à lui désobéir, à ne pas le suivre. Et s’il est trop envahissant dans l’instant, trop réactivé, nous pouvons encore décider de revenir un peu plus tard – peut-être demain – à cette invitation / auto-invitation à goûter délibérément à ce qui sous-tend toute existence humaine, à la présence, à la paix, à l’amour. De toute façon, c’est bien ce à quoi nous aspirons (tous), même quand une autre histoire retient notre attention…
Sans doute ignorez-vous l’une des raisons principales pour lesquelles nous résistons à dévoiler la présence, pour lesquelles nous résistons donc à la paix, à l’amour. En l’occurrence, si ce n’est pas directement une résistance, c’est au moins un manque d’intérêt. D’abord, rappelez-vous ce que j’ai dit du vouloir : « vouloir une chose », c’est essentiellement en déplorer le manque, la privation. On ne veut pas la chose, on veut en déplorer le manque. Et l’exiger, la revendiquer, par exemple, c’est une « déploration excellente ». De la même façon, quand on est dans la réaction, on veut, non pas une solution, mais réagir, pouvoir réagir, réagir encore…
Or, faire l’expérience de la présence dévoilée, de la paix, de l’amour, du plein épanouissement, c’est ne plus rien avoir à vouloir, ne plus avoir de problème à déplorer. Aussi incroyable que cela puisse sembler, pendant longtemps, on n’est pas prêt à cela ou cela peut même paraître fade. « J’avais absolument besoin de t’engueuler et voici que tu te disposes à mes quatre volontés^ ; tu m’emmerdes, je n’ai plus de quoi râler ! Et, pire encore, voici que tu m’offres mieux que tout ce que je n’aurais même pas osé espérer ! Mais… Mais… C’est trop ! »
Nous savons réagir, nous pouvons résister, nous sommes « très à l’aise » dans l’état d’attente, nous savons faire, mais quant à vivre la paix, l’amour, ainsi que ce que nous pourrions considérer comme le plus cher, le plus précieux, nous n’y sommes pas prêts en réalité, quoi que nous nous disions, quoi que nous racontions. Nous y croyons, nous le prétendons, et cependant, toute notre attention est dirigée sur ce qui ne va pas, sur ce qui semble problématique, conflictuel…
Et malgré tout, pour l’heure, nous tenons bon ! Nous allons tenir bon ! Nous nous disposons à autre chose, à juste être, à reconnaître le silence, la paix, l’amour. Nous aimons l’idée de dévoiler la présence, de ne pas faire cas de ce qui nous en maintient d’ordinaire à l’écart. Nous savons bien, en voiture, que pour éviter un arbre, un obstacle, notre attention doit rester, non pas sur l’obstacle, mais sur l’espace ouvert, disponible… Quand nous choisissons les contrariétés, les préoccupations, plutôt que la paix et l’amour, nous nous prenons infailliblement « l’arbre » en pleine poire, en plein corps, en plein cœur…
« Donne-moi ta main ou prends la mienne et ne pense plus à rien ! L’union des mains est aussi celle des cœurs. Désintéresse-toi des pensées au point de ne plus ressentir la moindre attente. Abandonne-toi, sois disponible. Imagine-toi prendre ma main en me lisant comme je m’imagine prendre la tienne en écrivant. Le cœur alors engagé n’est pas imaginaire. Il n’est pas le tien, il n’est pas le mien, il est le nôtre, il est ce que nous sommes. Apprécions l’union et l’innommable. Merci, je t’aime ! »
Les pensées qui nous visitent dans l’instant sont superflues, mais n’en pensons rien d’autre et relâchons même cette dernière pensée ! En fait, ces pensées, acceptons-les, mais n’en faisons rien, ne les revendiquons pas, ne leur obéissons pas… Ne nous laissons pas embarquer ! Ne restons pas positionnés comme si nous étions réellement un « moi pensant », alors que nous sommes définitivement un « être sensible ». Nous ne sommes pas les déductions suscitées par notre conditionnement, nous sommes ce qui permet l’inspiration, la créativité. Nous y avons accès dans les instants de répit mental.
• Silence. — Silence gracieux. — Silence chaleureux. — Le silence offre mieux que les mots…
• Paix. — Amour. Épanouissement. – L’épanouissement dépasse toutes les compensations.
• Grâce. — Présence. — Plénitude. — La grâce répond à l’ouverture.
• Laissons être le silence. Goûtons au silence. Apprécions le silence…
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