Une causerie libre (n° 174)
En cette mi-avril 2020, je me dispose à prévoir et donc à rédiger la prochaine chronique. En fait, nous sommes le dimanche, 12 avril, jour de Pâques. Dans l’instant, je n’ai pas la moindre idée de ce que pourra être son contenu. Certes, par habitude, je sais qu’il sera fait de propositions invitantes, voire affectueuses. L’inspiration offerte par la Présence est infailliblement féconde, généreuse, bienfaisante… Vos élans du cœur, sans attente, vous les devez à la Présence !
Seul l’ego ou le conditionnement humain suscite des propos ou des intentions « chaotiques ». Je n’ai d’intérêt à intervenir publiquement que dans l’idée de pointer vers ce qui parle de paix et d’amour, ce qui pourrait faciliter leur dévoilement, leur déploiement. De façon pour moi évidente, j’ai toujours préféré ce qui évoque la lumière ! Et ce qui évoque la lumière parle aussi de paix et d’amour.
En cette période tout à fait inédite de confinement généralisé, il est très facile d’avoir à l’esprit ce confinement. Que peut-il nous raconter, tenter de nous dire ? Eh oui, on peut à l’occasion cesser de réagir, de ne faire que réagir, et se prêter à une autre lecture de ce qui se présente à nous, à notre conscience ! Le confinement m’évoque la problématique humaine collective et atavique qui consiste à se vivre soi-même comme séparé, comme coupé de l’essentiel, comme « confiné » dans une vieille histoire… Même parmi la foule ou entouré de ses proches, chacun peut éprouver une grande solitude ou une sorte d’isolement infernal. Vous sentir en union totale, est-ce pour vous une expérience familière ?
Ainsi, le confinement forcé, dû à la gestion du coronavirus, cristallise notamment notre posture intérieure de séparation, généralement insoupçonnée. Ce qui se passe pour notre corps et à l’extérieur reflète toujours notre état de conscience, l’état de conscience collectif et individuel. Or, il est plutôt exceptionnel qu’un effet relativement éprouvant soit vécu de façon simultanée et à ce point « partagée », mondiale. N’est-ce pas évident que cet effet si généralisé porte un message puissant ? Le confinement, cet effet rappelle donc l’isolement, l’enfermement, voire l’assujettissement. Et par le confinement, nous nous donnons donc la « preuve » de notre isolation, du délaissement auquel nous croyons.
Nous ne sommes jamais contrariés ou malheureux pour les raisons auxquelles nous croyons, mais y croire n’est pas non plus sans effet. Si vous commencez votre journée en croyant qu’elle va être « pourrie », Elle le sera probablement, pour vous ! Et vous terminerez cette journée en proclamant « je le savais », ne reconnaissant pas votre responsabilité, votre « pouvoir », ce que vous vous faites vivre…
Et le verbe « confiner » est très intéressant car suivant l’une de ses acceptions, il parle aussi du lien ou de la proximité (donc de non-séparation). Quand on dit qu’un pays ou tout autre chose est confiné à un autre pays, à autre chose, on dit en fait qu’il touche cet autre pays, cette autre chose. Et s’il le touche, le lien ou le contact est manifeste. Là, nous ne sommes plus dans la séparation. En d’autres termes, le confinement parle en effet de notre « vieille posture séparatrice », nous invitant potentiellement à la remettre en question.
C’est au niveau du cœur qu’il nous faut nous rendre compte que la séparation n’existe pas telle que nous l’éprouvons. Et peut-être le confinement forcé aura-t-il permis à beaucoup d’entre nous cette prise de conscience libératrice. En évoquant des proches dont vous êtes géographiquement séparé, par exemple, peut-être avez-vous pu noter, justement, combien vous étiez proches, en effet, combien vous vous sentiez proches ! Bien sûr, cet aspect-là n’est qu’une illustration de la possibilité de reconnaître la non-séparation essentielle.
Nous sommes confinés, OK, mais en conscience, nous ne devrions pas le déplorer, si nous sommes conscients, effectivement, que nous nous sommes toujours vécus comme séparés, comme des entités séparées. Notre inclination ordinaire (éventuelle) à nous entourer de monde, à rechercher à tout prix la compagnie n’infirme pas notre posture intérieure séparatrice. Cette inclination est une tentative vaine et compensatrice, censée démentir notre impression de séparation. Elle est vaine, parce que la séparation que nous voulons démentir n’existe pas et que notre ressenti dédaigné, le manque ou la privation, reste intacte. Nos obsessions relationnelles prouvent notre croyance en la séparation et non pas que cette dernière ne nous concernerait pas.
Quand l’ami auquel vous pensez vous appelle tout à coup, où est la séparation ? Quand vous vient soudainement la solution au problème que vous avez mentalement relâché, où est la séparation ? Même sans explication disponible, quand vous basculez d’un profond désespoir à un bien-être incroyable, où est la séparation ? Dans la nature ou même chez vous, quand vous vous sentez divinement bien, comme ne faisant qu’un avec votre environnement (si cela vous est déjà arrivé), où est la séparation ?…
• « Moi, je n’ai pas l’impression de me vivre comme étant séparé de qui ou de quoi que ce soit ! »
• « Moi, je ne vois pas comment on pourrait ne pas se sentir séparé, puisque l’on est forcément séparé ! »
• « Moi, je ne sais pas si je me sens séparé, mais je préfère le plus souvent rester seul, ayant toujours été déçu ! »
• « Moi, je tiens absolument à rester dans la séparation, parce qu’avec les gens, je m’ennuie ! »
• « Moi, je ne me sens pas séparé, mais ce sont les autres qui mettent de la distance ! »
• « Moi, j’éprouve de la séparation, sans nul doute, mais je ne sais pas fonctionner autrement ! »
Reconnaissez pour vous-même ce que vous pouvez reconnaître et n’exigez rien de vous. Percevez vos impressions, voire vos douleurs, et reconnaissez-les encore un peu mieux, juste un peu mieux, mais n’exigez rien de vous ! Juste dans l’instant, je suis (moi-même) touché par le rappel que rien n’est exigé en termes d’éveil ou d’épanouissement. Il s’agit seulement de regarder (d’accorder son attention), de voir alors, de reconnaître ce qui est, sans rien en penser. Et cela encore est une possibilité, non pas une exigence. On peut faire tellement mieux que juger tout et réagir inlassablement !
Et justement, reconnaissez aussi l’énorme différence entre la possibilité qu’un énoncé (comme ceux de ces paragraphes) ne vous parle aucunement et la possibilité de le juger ou d’en penser bien des choses. Percevez que cette différence est énorme, en effet ! Bien sûr et heureusement, nous connaissons aussi la possibilité d’être profondément touchés ! À l’occasion, vous pourriez remarquer, en l’absence du jugement ou des pensées auxquelles on accorde tant crédit, qu’une forme de sérénité prend place, une qualité de présence aussi. On ne fait pas crédit à l’amour, à tort, et l’on fait crédit à ses pensées, à tort !
D’autant plus s’il est jugement manifeste, le penser ordinaire est une manifestation séparatrice. Chopez l’une de vos pensées récurrentes et vérifiez si elle contient un élément « unificateur », un élan du cœur ! La séparation qui fait mal, dont on endure les effets de façon inconsciente, est ultimement la séparation d’avec « soi-même », d’avec sa réalité essentielle, d’avec son cœur, peut-on dire. L’amour dévoilé, manifesté, propagé est notre vrai besoin alors que nous restons ordinairement pris par le jugement. « Plus on juge, moins on aime », nous a dit Honoré de Balzac. Et c’est bien une séparation fabriquée égoïquement qui cause, qui fait éprouver de la souffrance.
• « Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. Car on vous jugera du jugement dont vous jugez, et l’on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez » (Évangile selon St-Matthieu, vii, 1).
• « Il est bien plus difficile de se juger soi-même que de juger autrui. Si tu réussis à bien te juger, c’est que tu es un véritable sage. » (Saint-Exupéry, le Petit Prince). « Bien se juger », c’est surtout faire preuve, non pas de complaisance, mais de bienveillance.
Pour mieux percevoir l’aspect séparateur du jugement, ayez à l’esprit que le verbe « trancher » est une acception du verbe « juger ». « Le juge tranche » et tout tranchement est radical, forcément séparateur, cruel même, d’autant plus s’il s’agit de la gorge !… Le juge accomplit sa tâche – chacun a la sienne – et notre tâche à tous est celle d’aimer. Et d’ailleurs, le juge peut (est même censé) juger en étant « dans l’amour », en n’étant pas dans la réaction… En toute conscience, pourrions-nous préférer rester dans le jugement plutôt que d’être dans l’amour ?
L’éveil spirituel nous demande d’être vrai avec nous-mêmes, de nous révéler à nous-mêmes, autrement dit de « nous démasquer ». Et en cette période inédite, voici que nous sommes incités à porter un masque ! « Puisque nous tenons à rester dans l’ombre, proportion gardée, nous nous mettons en situation d’être masqués et même confinés, isolés ». Bien sûr, nous jouons ici avec des symboles, mais pour beaucoup ou pour certains d’entre nous, être masqués et confinés est déjà une posture intérieure plus ou moins bien assumée.
Certains se demandent parfois de quoi ils pourraient bien s’accuser, sachant le rôle de la culpabilité derrière tous nos vécus déplorés, mais ils pourraient être plus sûrement et rapidement édifiés s’ils considéraient la honte, leur profonde honte. Ce n’est pas pour rien que l’on se cache, que l’on « se masque », que l’on « se voile la face »… N’auriez-vous pas honte si l’on vous voyait … ? (Je vous laisse compléter la phrase). Et si on lisait certaines de vos pensées ? La profonde honte peut être encore plus difficile à ressentir sciemment que la culpabilité irrationnelle.
En effet, il est très délicat, extrêmement difficile d’avoir accès à sa profonde honte, et nous pouvons utiliser toute circonstance qui l’évoque. S’il vous arrive d’avoir honte pour quelqu’un, ce que vous pourriez alors même déclarer, ou si vous dites à quiconque ou auriez envie de lui dire « tu n’as pas honte », n’en doutez pas, il s’agit (dans les deux cas) de votre propre honte, de la honte de vous-même, de son rappel ! Si vous voulez ou voudriez pouvoir être fier de quiconque (amis, enfants, parents…), il ne s’agit que d’un moyen supplémentaire de repousser votre honte, votre propre impression de honte. Si vous avez l’impression que quiconque a honte de vous ou n’est pas fier de vous, c’est simple, la honte de vous-même se rappelle ainsi à vous.
Pouvoir être fier ou déplorer de ne pas le pouvoir parlent dans les deux cas de la même honte, de la profonde honte, de la sienne. Lorsque la honte n’est plus concernée, on n’est pas fier, ni de soi-même, ni d’autrui, mais on est simplement content de ce qui est vécu. La profonde honte est révélée notamment par le grand nombre de circonstances que l’on peut s’employer à éviter, des circonstances où, en quelque sorte, on se cache. Nous pourrions tirer beaucoup d’avantages à reconnaître notre peur, en tant que ressenti, à en prendre grand soin. La peur dissimule toujours de la honte ou de la culpabilité.
Et si l’on pense à l’annonce, à la crainte, voire à l’attente d’un effondrement planétaire, ce qui défraie la chronique avisée depuis des années, on peut dire que l’on en vit un écho très bruyant. Certes, cela ne se passe pas tout de suite comme prévu. Mais rien ne se passe jamais comme prévu. Parfois, ça peut être pire ! Ce n’est pas comme prévu, mais c’est intelligent, à un point que nous ne pouvons même pas soupçonner ! Cette intelligence-là est étrangère à nos opinions secrètes ou assénées.
Chacun vit le confinement à sa manière, y réagit à sa manière, en pense ce que lui souffle son propre conditionnement (en se croyant parfois très original) : « C’est comme ça, que voulez-vous ? » « Je profite de la moindre occasion pour faire ce que je veux (même si je continue de me sentir frustré) ! » « C’est complètement injuste, j’ai déjà tant de problèmes ! » « C’est n’importe quoi, il y a des coups de pied qui se perdent ! » « Il n’y a pas de quoi en faire un drame, il y a un peu plus de tranquillité ! » Ce ne sont là que quelques exemples choisis et il vous appartient de repérer ce qu’est votre formulation plus personnalisée.
Or, ce confinement est en réalité une cristallisation de ce que tous, nous sommes porteurs ou d’une posture collectivement adoptée : la plupart du temps, nous sommes confinés dans nos pensées. Pour « se confiner », au sens figuré, « se confiner dans ses pensée » est le premier exemple indiqué par mon dictionnaire (Le grand Robert électronique ». Allons-nous saisir l’invitation à sortir de l’auto-confinement ? Allons-nous longtemps encore rester confinés dans notre tête, dans nos certitudes absurdes et surtout autodestructrices ?
Au lieu de reconnaître ce que nous ressentons vraiment, en toute circonstance, nous laissons toute notre attention être absorbée par ce qui se passe à l’extérieur, ayant tant de choses à dire à propos de tout. Nous fonctionnons ainsi à partir d’un nœud psychique, d’une vieille mémoire, de vieilles mémoires, d’un conditionnement jamais remis en question. Ainsi, notre lecture du monde et de notre environnement immédiat est complètement faussée. Ne nous reprochons rien, voyons juste ce qui se passe, en nous, et admettons que nos diverses postures mentales soient juste pulsionnelles.
Ici, il y a deux possibilités à connaître, à discerner, à reconnaître : soit on prend le monde, l’extérieur, pour le juger, pour y réagir, soit on s’éveille et on s’ouvre au monde, à l’extérieur, se rendant compte du grouillement vivant autour de soi, lequel dément l’auto-figement, l’enfer mental, le vieux confinement conditionné. Cette seconde option parle de l’accueil, du recevoir, de l’abandon de l’idée que l’on serait seul, séparé.
À partir de la première option, si habituelle, celle du prendre, du jugement et de la réaction, on est figé, bloqué, serré à l’intérieur, et ça craque, ça pette, ça cause du conflit, de la maladie, des problèmes à tous niveaux. La seconde option, celle de l’accueil ou du recevoir, est rendue possible par l’ouverture, par un espace alors vide, vide du mental, des attentes, des préjugés, d’une idée de séparation plus ou moins consciente, voire revendiquée. Alors, ce monde autour de nous, est-ce que nous le prenons, est-ce que nous nous en emparons (pour le juger et y réagir d’une manière très éculée) ou est-ce que nous le recevons (jusqu’à pouvoir reconnaître la non-séparation).
Allez, ne serait-ce qu’un petit moment, sortons de notre tête et sachons la vie, là tout autour de nous, et recevons-la sans un mot, sans rien en penser ! C’est une possibilité qui correspond au cœur ouvert, qui offre la paix, l’amour, la légèreté, une impression puissante de liberté, un épanouissement sans cause ou sans objet… Nous ne risquons rien à nous y prêter, à nous y disposer, à nous y préparer… Rien ne s’oppose à ce que nous préférions cette possibilité-là, tout de suite ! Mais rien ne nous y oblige non plus !
Toute épreuve recèle aussi une invitation. Parfois, nous sommes d’accord pour l’entendre, sinon pour la soupçonner. J’ai découvert et déjà noté une anagramme « parfaite » du mot « coronavirus » : OUVRIRONS CA ! Et comme le mot nous rappelle le chakra coronal, celui de la spiritualité, de la paix, de la joie, de l’amour, cela nous laisse la liberté d’envisager ce à quoi nous renvoie le « ça ».
Nous ne le reconnaissons pas forcément, mais notre cœur est lourd aussi de l’amour contenu, de l’amour non exprimé, de « phrases que l’on n’a pas dites » (référence ici au paragraphe suivant et que j’ai déjà publié sur Facebook à l’occasion de mon mot quotidien consacré au confinement). Autrement dit, il n’y a pas que du douloureux (donc non reconnu) qui tapit en nous, mais des mots de paix, des mots de joie, des mots d’amour y demeurent également étouffés. C’est donc une autre invitation à revenir ici, en soi, pour reconnaître et libérer ce qui s’y trouve, quoi que ce soit. Parfois, c’est juste de l’amour ! Certes, il est pendant trop longtemps voilé par la peur, par la honte et/ou la culpabilité.
« La phrase qu’on n’a pas dite » est une chanson de Bénabar. Son texte m’a soufflé ce qui précède, parce qu’il se trouve que Guillaume, mon filleul chanteur (confiné à mes côtés) l’a enregistrée, en toute simplicité. Vous pouvez la découvrir, écouter les paroles, ici !
« La phrase qu’on n’a pas dite, le dernier mot qu’on n’a pas eu »… toutes ces choses qu’on aurait pu dire aux gens qu’on…
Publiée par Guillaume Muller sur Jeudi 9 avril 2020
• Eh oui, il est toujours bon d’avoir le dernier mot, sachant cependant que ce dernier « mot » est un silence fait de paix et d’amour !
• « …Ce compliment qu’on ne fit pas, qui n’servira donc à personne, c’est à nous qu’il manquera. » (Bénabar)
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