Une autre réponse
Une nouvelle situation indésirable se présente et voici que nous y réagissons comme d’habitude ! De façon plus manifeste, nous retrouvons un positionnement réactionnel très familier. L’avez-vous déjà observé ? Dans la négative, il ne serait bien sûr pas trop tard. Disons d’abord que cette situation peut tout à fait être inadmissible, pour ainsi dire. Or, la situation dite indésirable et éventuellement inadmissible est un élément ; la réaction en est un autre. Le premier élément peut causer le second, mais ce n’est pas une obligation, encore moins une fatalité. Pour preuve, face à une même circonstance, on peut observer que certaines personnes s’énervent, s’emportent, par exemple, tandis que d’autres demeurent tout à fait impassibles, y compris si l’une d’entre elles est même « impliquée » davantage dans ladite situation.
Beaucoup d’entre nous connaissent déjà les effets heureux de la présence, du fait de demeurer présent, de percevoir simplement ce qui se joue ici ou là, avant tout en nous-mêmes. Peut-être répondons-nous aussi de plus en plus à l’invitation à la présence, à la perception pure et directe, à l’attention consciente à ce qui est. Or, une pratique excellente, nous dit Eckhart Tolle dans la réponse à une question (dont j’ai fait ce jour même la traduction), consiste à redoubler de vigilance, de présence dans ces moments privilégiés où nous pouvons être réactivés émotionnellement. Il nous suggère même de faire la liste de ces moments-là. Quelles sont les circonstances qui vous font assez facilement réagir, qui vous font sortir de vos gonds ou plus simplement vous sentir mal ?
À ce stade qui est donc le nôtre, indépendamment de la réussite ou de l’échec à nos tentatives de demeurer présent en ces circonstances où nous nous laissons ordinairement embarquer, nous avons déjà fait un bond vers l’éveil, vers plus de conscience. En effet, nous sommes conscients de réagir, de notre réaction et du fait de nous laisser embarquer quand nous nous laissons embarquer. Pour la plupart des gens, cette seule évocation ne serait que blablabla. Oui, si nous nous permettons de voir cela, c’est vraiment magnifique. Ça fait toute une différence ! Et, aujourd’hui, nous allons nous offrir de quoi aller encore plus loin.
Je dis « réagir », « réaction », mais si vous avez lu Le regard qui transforme, vous savez ce qu’il en est pour vous plus précisément. Que vous vous résigniez, vous soumettiez, vous plaigniez, vous révoltiez ou vous apitoyiez sur votre sort, quand vous le faites donc, vous réagissez, vous êtes dans la réaction. Peut-être trouverez-vous d’autres formulations, mais elles s’approcheront très certainement de l’un ou l’autre de ces positionnements. Ce qui est essentiel, c’est que nous puissions percevoir quand nous réagissons, quand nous avons réagi, et peu importe au bout du compte ce qu’est la forme de la réaction… Tout le monde réagit à sa manière, plus ou moins, et ce qui est magnifique, c’est le reconnaître en renonçant au crédit longtemps accordé aux justifications.
Si je confie ici que je me vois encore souvent dans la réaction, cela suffit-il pour laisser entendre que je ne dis pas qu’il ne faut pas réagir, ni que je ne juge pas le fait d’être dans la réaction ? Il y a juste que j’ai perçu depuis longtemps que réagir ne sert qu’à faire durer ou même qu’à empirer le malaise déploré. Je connais aussi ce qui permet une différence heureuse et j’en fais ici le partage. Quiconque est intéressé l’adopte à sa mesure. Tout le monde fait ce qu’il peut et même du mieux qu’il peut.
La réaction à ce qui est, c’est une réponse, toujours la même, une vieille rengaine en quelque sorte. J’ai dû être expert en la matière, je me suis toujours beaucoup intéressé à la chanson !… Nos façons ordinaires de répondre aux circonstances quotidiennes, d’y réagir, proviennent de notre enfance, non pas nécessairement, qu’en tant qu’enfants, nous ayons pu déjà réagir ostensiblement comme nous le faisons aujourd’hui. Par exemple, demandez donc aux ex-enfants maltraités s’ils avaient le loisir de se plaindre. Ils se sont rattrapés depuis ! Quant à ceux qui ont fini par se résigner, il n’est pas certain qu’on les ait laissés toujours baisser les bras quand tout leur semblait déjà impossible…
Adultes, pourrait-on dire, nous nous laissons largement aller aux réactions que notre pouvoir limité d’enfant nous demandait de taire ou de contourner. Il reste que nous avons retenu ces attitudes et positionnements réactionnels, et que nous n’en dévions jamais (jusqu’au lâcher-prise). Acceptons de voir cela, sans nous juger, sachant que percevoir vraiment sa réaction, c’est déjà ne plus réagir ! Ne percevez-vous pas une différence énorme, par exemple, entre « vivre une grosse colère » et « se voir en colère, entre « dire non avec du ressentiment ou de la culpabilité » et « voir qu’en situation d’avoir à dire non, resurgit un état émotionnel bien connu » ?
Oui, la perception directe des choses produit un bel effet, apaisant et même transformateur. Or, il est tout à fait possible, souhaitable même, de favoriser la transformation. Au préalable, il convient toutefois d’avoir reconnu sa propre manière de traiter les conflits ou les circonstances indésirables, d’y réagir, d’y répondre, aussi bien intérieurement que dans les faits. Admettons que vous ayez subitement à faire face à des frais importants. Peut-être allez-vous (intérieurement) vous dire des choses terribles, plonger dans la peur ou la culpabilité, et (dans les faits), soit vous priver de tout, soit chercher à faire pitié, soit « partir en guerre »…
Quoi qu’il en soit, permettez-vous simplement d’identifier votre manière à vous de réagir à toute contrariété qui se présente à vous. Cela fait, maintenant, prenez vraiment le temps d’envisager d’autres « réponses » possibles. Utilisez une dernière occasion où vous avez réagi comme toujours et voyez (bien sûr sans rien vous reprocher) quelle autre réponse vous pourriez adopter à l’avenir dans une circonstance similaire. Vous serez capable ou non de préférer une nouvelle réponse et ceci n’est pas ce qui doit ici retenir votre attention. Vous mettez votre attention sur vos réactions ordinaires et sur d’autres options possibles, c’est tout ! Le seul fait de percevoir l’ensemble fera son œuvre. En testant la chose, en la vérifiant pour vous, vous comprendrez mieux ce dont il est question.
• Il y a « se plaindre de ce que l’on vit » – oui, c’est une option – et il y a notamment une question du genre « Tiens, face à cette situation, n’y a-t-il vraiment pas quelque chose que je puisse faire, d’une manière ou d’une autre ? » – c’est déjà en soi une autre possibilité.
• Il y a « juger et accuser autrui ou les circonstances » et il y a notamment une pensée du genre « Et en fait, si je ne savais pas grand-chose de la réalité, si je ne voyais que par le petit bout de la lorgnette ? ».
• Il y a « renoncer d’emblée ou même ignorer complètement que des possibilités existent » et il y a « s’en remettre à l’aide d’autrui, des gens dans son propre entourage dont on ne soupçonne pas le plaisir qu’ils ont à offrir leur aide ».
• Il y a « rechercher la satisfaction en ayant bien du mal à faire plaisir à autrui » et il y a « la découverte que le plaisir offert est fécond » (c’est ici récolter ce qui est semé).
• Il y a « subir mollement » et il y a « se positionner de façon résolue ».
• Il y a « s’imposer au mépris d’autrui » et il y a « s’affirmer en sa faveur (ce qui est très différent).
• Il y a « se faire à soi-même plein de reproches » et il y a « se rappeler qu’on fait toujours du mieux qu’on peut ».
• Il y a « piquer des colères » et il y a « s’exprimer clairement et parfois même fermement ».
• Il y a « dire oui en pensant non (ou l’inverse) » et il y a notamment et simplement « prendre le temps avant de donner sa réponse » (ce qui n’est qu’une possibilité parmi d’autres).
• Face à une déception, un contretemps ou toute autre contrariété, il y a « les habituelles pensées démoralisantes qui surgissent, avec d’autres réactions encore » et il y a même « s’amuser gentiment de se voir dans cette seule habitude ».
• À propos d’une personne « appréciée » et rencontrée récemment, il y a « se raconter des histoires idylliques » et il y a « s’en tenir à ce qui est vécu jusque-là en demeurant ouvert à ce que pourrait devenir la relation ».
• Il y a réagir à ceci, à cela, juste être et demeurer dans la réaction, et il y a la possibilité de vérifier vraiment ce qu’est la réalité en l’occurrence (ainsi, on découvre souvent que ce qu’est la réalité ne justifie en rien la réaction).
• En rapport avec tout ce qui arrive, il y a « prendre les choses avec gravité, en se sentant concerné » et il y a « se rendre compte que les choses semblent nous concerner seulement en fonction de ce que l’on en pense et, chose sous-estimée et pourtant si fondamentale, que l’on n’est pas ce qu’on pense ».
Ces quelques exemples peuvent en fait inspirer les vôtres. Et si, une fois ou l’autre, nous essayions – juste pour voir – de tester une autre réponse en ces circonstances où nous plongeons ordinairement et si facilement dans nos vieilles réactions ? C’est une proposition à considérer sans l’accompagner d’un « il faut que je le fasse ». Il ne faut rien, mais les nouvelles expériences ne sont-elles pas potentiellement enrichissantes ? Vous observerez par vous-même que l’auto-invitation à renouveler une expérience heureuse se passe toujours de tout « il faut ».
De temps en temps, comme ici, je peux donner l’impression d’insister beaucoup sur le respect pour soi-même et sur l’indulgence envers soi-même en quelque sorte. Certes, une préoccupation (subjective) peut très bien être dictée par mon propre conditionnement, mais il y a aussi quelque chose de plus profond qui m’anime. Ces attitudes réactionnelles que nous avons d’abord du mal à reconnaître, à nous avouer, à considérer tranquillement, ne sont pas non plus ensuite faciles à abandonner. Pourquoi ? En fait, de façon inconsciente, compensatoire, démesurée, nous ne faisons que réagir à la façon dont nous nous sommes sentis traités enfants.
Bien malgré eux, des gens et des circonstances nous « rappellent » sans cesse cette façon dont nous ne voulons pas être traités. Et cela se produit grâce aux « bonnes personnes », aux « bonnes choses » que nous nous attirons et surtout à nos interprétations, à nos projections (mentales). « Oui, mais pourquoi est-ce aussi fort, aussi présent, aussi tenace ? »
Eh bien, en réalité, cette façon dont nous nous sommes sentis traités (abandonnés, dévalorisés, maltraités, rejetés, trahis), nous ne l’avons toujours pas reconnue, pleinement reconnue ! Il y a ceux qui l’ignorent complètement, ceux qui pourraient la nier carrément, ceux qui la minimisent, la relativisent, voire qui croient lui devoir leurs forces… Point de reconnaissance ici ! Or, la reconnaissance pure (celle qui fait défaut) ne se trouve pas davantage chez ceux qui se plaignent ou se révoltent à propos de cette façon d’avoir été traité. Et même si je vous dis qu’enfant, je me suis personnellement senti trahi, cela veut-il dire que j’ai reconnu la chose de façon pure, pleine, consciente, directe ? Eh bien, non !
Si vous avez une idée de la façon dont vous vous êtes vous-même senti traité, testez ce qui suit, en l’adaptant à votre réalité, et voyez alors ce qui se passe pour vous, en vous.
« Je me suis senti trahi. Ah, je me suis senti trahi ! Ah, c’est ça que j’ai éprouvé. Mais oui, c’est bien ça ! Oh, je peux d’autant mieux me le rappeler que c’est toujours cette même chose que j’éprouve aujourd’hui dans toutes ces situations qui me font réagir (« me le rappeler », ne serait-ce qu’au sens de la répétition incessante dans toute mon existence). Ah, c’est donc ça que j’ai vécu, ressenti, éprouvé. Ici, je ne parle pas de faits, ni même de coupables ; je m’arrête juste et enfin sur mon seul ressenti : je me suis senti trahi, j’ai eu mal de ça. Ah, c’est ça que je n’aurais pas voulu sentir, que je n’ai pas voulu sentir, que j’ai donc refoulé !
Ah, c’est à cela que je résiste encore (quand je réagis comme je réagis) ! Et puis, d’une certaine façon, finalement, je me sens toujours coupable. Mais oui, c’est bien ça, il y a ce ressenti « culpabilité » en moi ! Ah !… Autrement dit, je continue d’éviter de ressentir vraiment et pleinement la façon dont je me suis senti traité, tout simplement en y réagissant, tout comme je l’ai évité au départ en concluant que j’étais coupable. Comme c’est intéressant ! Ah, et puis me sentir coupable, autrement dit m’en vouloir, c’est vraiment quelque chose sur quoi je n’ai surtout pas envie de m’arrêter ! »
Nous réagissons comme nous réagissons, nous sommes souvent dans la réaction, à défaut de la PLEINE CONSCIENCE de la façon dont nous nous sommes sentis traités, dont nous sommes encore traités parfois, et pour refouler mieux la culpabilité qui en a résulté. Percevez ce qui vient d’être dit et rappelez-vous la simple possibilité d’explorer d’autres réponses, d’autres positionnements. Faites-moi partager ce qui se passe alors pour vous !
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