Un dialogue imaginaire (suite chronique Plongeon de l’humain) 4/4
(Le début de la première partie de ce texte, chronique d’avril 2016, donne des explications utiles à sa compréhension)
• Le lecteur – Incontestablement, je reçois ou j’ai reçu beaucoup de toutes ces propositions invitantes en écho à mes questions et commentaires. Je devine, en les relisant, que je peux en recevoir plus encore. Et une autre question me vient justement : que peut-on attendre de plus ou que devrait-on recevoir d’autre en s’abandonnant peut-être davantage à ce qui est enseigné ou suggéré là ? Quel changement pourrait-il se produire et pourrait-on l’encourager, le faciliter ?…
• La réponse – D’abord, commentons le propos même ! Il est intéressant. En d’autres temps, tu aurais pu juger de façon négative ces mêmes propositions (que tu dis « invitantes »), ainsi que l’auteur auquel tu les aurais imputées ou tu aurais pu autrement attribuer à cet auteur la responsabilité de ce que tu aurais reçu. Il y a ces invitations, inspirées, et il y a ce qui est reçu. Quelque chose est reçu quand quelque chose est ouvert et cela ne se fait pas par une volonté délibérée, ni par le contrôle, ni par le mental (de qui que ce soit). Il s’agit d’instants de grâce, pourrait-on dire, et il importe surtout de les apprécier purement et simplement quand ils se produisent.
Peut-être ne t’étonneras-tu pas d’entendre à nouveau qu’il n’y a en fait rien à attendre, qu’attendre est une fermeture, un POSITIONNEMENT contreproductif. Tu as reçu ici, non pas du fait d’une attente exaucée, mais parce que tu es disposé à recevoir, d’accord pour recevoir. Perçois-tu la différence ? Aie à l’esprit bien des choses que tu as voulues, sans jamais les obtenir, ou que tu as obtenues sans satisfaction durable. Rappelle-toi ensuite le bon qui a pu t’arriver sans vouloir préalable et dont l’effet fut autrement épanouissant. Perçois bien cela ! Perçois-le sans chercher à en faire quoi que ce soit, sans rien en penser. Ce que nous recevons ici nous éveille. Recevoir ainsi, c’est s’éveiller. J’ai bien dit « s’éveiller » et non pas « être éveillé ». Il se peut que l’on attende un état libéré définitif, la réalisation définitive. Pareille chose n’existe pas ou certainement pas sous la forme imaginée par le mental. Or, pour en arriver à nous sentir enfin comblés, si nous maintenons le projet d’un accomplissement définitif imaginaire, nous apprécierons insuffisamment les moments de grâce, les moments d’éveil. Ce qui est insuffisamment reconnu et apprécié n’est pas non plus appelé, incité, encouragé. Alors qu’ils ont manifestement vécu des « avancées spirituelles », certains d’entre nous déplorent parfois, plus ou moins réactionnellement, diverses contrariétés ou épreuves qu’il leur faut encore traverser. Ils oublient ce faisant le chemin parcouru et que si, comme le dit Eckhart Tolle « « L’approfondissement de la conscience n’a pas de fin », certains « obstacles » doivent bien avoir leur utilité. S’il y avait un confort permanent, le risque serait de stagner. Quoi qu’il en soit, les épreuves sont seulement la cristallisation des POSITIONNEMENTS figés et à relâcher. Même si l’identification commune a été reconnue et globalement écornée, on reste un homme, une femme, un aveugle, un parent avec des responsabilités… ; on continue d’avoir un corps et d’être embarqué dans des effets de son conditionnement. La vie continue, l’existence continue et des choses se libèrent au fur et à mesure. C’est différent pour tout le monde, différent pour soi-même selon les périodes. Tout reste pareil et tout change. Il continue de pleuvoir et de faire froid. Il y a toujours de la pluie, du froid et tout le reste, mais voici, non seulement que ça ne suscite plus de réaction, mais que ça peut même être apprécié ! Oui, tout reste pareil et tout change ! Alors, de quoi est-il question ? Qu’y a-t-il, non pas à vouloir, non pas à attendre, mais à permettre, à accueillir, à reconnaître, à laisser être ? Que dit l’enseignement des sages de tous les temps ? Il s’agit de devenir ce que nous sommes déjà, d’être conscient d’être conscient… Il y a la possibilité, épanouissante, de regarder et ainsi de percevoir, c’est-à-dire basculer du mode « penser » au mode « observer ». C’est tout ! Tout ce que l’on raconte d’autre sont les effets différents selon que le basculement se produise ou non. Dès que tu diriges ton attention sur ce qui est, juste ici et maintenant, la bascule se produit.
• L. – Ça a l’air simple, en effet, mais… Mais les pensées envahissantes, mais le vieux malaise, l’inconfort, mais la peur, la culpabilité, etc. ?
• R. – Il se pourrait bien que la réponse à cette question même ne soit pas entendue, qu’elle figure déjà dans tout ce qui précède, mais il se peut aussi que cette réponse puisse être encore formulée différemment, ce qui, du reste, ne garantit pas qu’elle sera entendue davantage. Ce propos peut sembler amer, mais il contient un premier élément de réponse : Notre disposition à la transformation est relative, limitée, peu soutenue. Ce peut être ce qui est à voir et si c’est vu, c’est magnifique ! Il y a une invitation, essentielle, et c’est celle d’être, d’être ce que l’on est quoi qu’il en soit, de l’être en conscience directe. C’est par exemple la réponse à la question « qui suis-je » ou la pleine conscience de ce qui reste en l’absence de toute pensée. Cette réponse survient sous la forme d’une expérience, d’une expérience nouvelle et transformatrice. Une façon pratique d’être plus pleinement et plus consciemment, si l’on peut dire, c’est d’être présent à ce qui est, ce qui est juste dans l’instant, ce qui est ici et maintenant. Ici et maintenant, il y a un environnement, diverses perceptions sensorielles, incluant les sensations corporelles, des états d’âme, émotions ou réactions, des pensées qui passent. Ou bien ces choses sont perçues, les unes ou les autres, avec plus ou moins d’intensité, ou bien elles dominent, envahissent, « il n’y a alors plus que ça ». Perçois bien la différence entre ces deux possibilités, reconnais-la ; elle est un point de départ. Ou bien l’on est, sans attente, sans problème, sans histoire, ou bien l’on « souffre » ou va « souffrir » tôt ou tard. Et en vérité, jusque-là, c’est bien la seconde option qui règne. Il n’y a que les « mais » qui se succèdent et s’appellent les uns les autres, ce qui est le jeu ou programme mental, connu, qui ne comprend pas l’option « fin » ou « sortie ». C’est un cercle vicieux. Le moindre état émotionnel est justifié, donne lieu à des justifications, donc à des pensées qui vont l’entretenir et l’empirer. Une pensée qui apparaît reçoit du crédit et cause du trouble en conséquence, crédit qui suscite d’autres pensées et ainsi de suite.
• L. – J’ai retenu que, quand ce qui est là est plus ou moins pénible, douloureux, l’invitation à être avec était d’autant plus pertinente, potentiellement efficace, libératrice, mais ne serait-ce pas la pierre d’achoppement ? D’ailleurs, la seule invitation à rester avec son ressenti, sans les pensées, sans le moindre jugement, indique bien que nous ne le faisons pas et que la chose est loin d’être aisée. Ce qui va de soi n’a nul besoin de nous être suggéré.
• R. – Oui, admettons-le, au début surtout, il est difficile à la fois de ne pas se laisser embarquer par les pensées et de rester avec un ressenti douloureux, ce qui est pourtant l’option libératrice. On va regarder ça, mais je t’invite d’abord à ne pas compter sur la volonté, sur ce que j’appelle « le vouloir ». Renonce aussi à la moindre réaction contre ce qui pourrait apparaître comme une difficulté insurmontable. Renoncer à cette réaction veut simplement dire la reconnaître comme telle, la laisser être, la percevoir. Son relâchement en sera l’effet. « Ne pas y renoncer » veut dire notamment « la revendiquer ».
Et au lieu de la volonté, de la gravité ou de toute autre réaction, vois si tu peux y mettre de la douceur, de la bienveillance et de l’intérêt pour l’échange, pour les propositions qui surgissent et pour ce qu’elles évoquent en toi. Sois un peu plus ouvert, un peu plus disponible, un peu plus tranquille, et accueille, intentionné pareillement, tout ce qui pourrait être contraire (peur, attente, impatience, si possible aussi le « je sais tout / je sais mieux », trompeur et si bien incarné qu’on ne le reconnaît aucunement d’habitude…). Alors que tu reçois ces derniers mots, ce qui est pour toi, ici et maintenant, ce ne sont pas seulement ces mots qui, comme tu peux le confirmer, sont déjà passés, mais leur éventuel effet sur toi, lequel peut demeurer et être observé, reconnu maintenant.
Il y a en général un truc persistant, toujours le même, embarrassant, problématique ou au moins inconfortable. Et, je le devine, tu ne sais qu’en faire, ni même qu’en dire. D’ailleurs, ne t’arrive-t-il pas souvent de ne pas savoir quoi faire ni dire ? Parfois, il s’agit justement de la pierre d’achoppement que tu as mentionnée. On accepte mal de ne pas savoir que dire ou que faire. C’est un point particulièrement intéressant. À travers la façon dont on le vit, il renvoie au conditionnement, révèle l’égo, rappelle de la souffrance.
Et quand ce « je ne sais pas » est reconnu et pleinement accepté, chose essentielle à considérer ici, il donne lieu à un incroyable instant de présence. Oui, c’est incroyable ! On peut aller jusqu’à dire que le « je ne sais pas » est l’état de présence même. N’étant pas soucieuse de l’avant ni de l’après, la présence ne sait pas et n’a pas besoin de savoir ce qui est étranger à l’instant présent. Pourrait-on croire que la présence calcule, regrette, déplore, appréhende et anticipe ? Ne confondons pas la présence avec l’égo ! Pour être, il n’y a rien à savoir. Pour accueillir un élan, il n’y a rien à savoir. Pour suivre un élan, il n’y a rien à savoir…
Le savoir qui n’intéresse en rien la présence concerne les tenants et les aboutissants des choses, lesquels préoccupent encore l’égo, le mental, alors même qu’il n’est pas question du processus intellectuel utile à la création, à la rédaction, à toutes tâches professionnelles ou de la vie quotidienne. Considérons la peur, par exemple, juste soumise à la présence. Elle est sue pleinement et dissipée bientôt de ce seul fait. Soumise au mental, on voudrait savoir d’où elle vient et surtout ce qui va se passer, comment éviter le pire (imaginé), etc. Et l’on souffre de ne pas savoir ce qui n’est pas à savoir.
D’ailleurs, si souvent, c’est parce que l’on « sait » des choses qu’il y a problème et la manière dont on les sait gagne à être reconsidérée ou, mieux, abandonnée. En même temps, un savoir possible et indubitable n’est lui pas considéré et gagnerait à l’être. Ne sais-tu pas qu’il y a ici et maintenant quelque chose qui te … (blesse, gêne, contrarie, bouffe…) ? Fais-tu la différence entre « savoir une chose » et « réagir contre une chose » ? S’il y a donc malaise, ici et maintenant, eh bien, sache-le ! Accepte dans l’instant de juste le savoir sans rien en penser.
Pour un instant ou comme point de départ, sache l’existence du malaise, celui que tu éprouves : de la peur, de l’attente, de la résistance, de la culpabilité… Sache-le, sache-le bien ! Considérons ici la culpabilité, le ressenti « culpabilité », qui constitue certainement le malaise le plus difficile à voir, à savoir là, sans pensées, sans utiliser une histoire ou une autre. L’histoire utilisée a pour seul effet de le justifier et de le cultiver ainsi. Notons que l’histoire utilisée varie selon qu’on veut justifier ou démentir le ressenti. Pour le démenti, l’abandon de l’histoire est encore plus difficile à relâcher : toute réaction exige une histoire.
Pour notre exemple, il se trouve donc que tu te sens coupable. Avant de le reconnaître comme tel, c’était un malaise plus confus, un gros inconfort émotionnel, peut-être comme une envie d’aller voir ailleurs. Et tu as fini par y mettre le mot « culpabilité ». À d’autres moments, ce pourrait être « regret, remords, honte, peur, colère, ressentiment, tristesse, chagrin, impuissance, désir, envie, fantasme, jalousie, convoitise, résignation, soumission, renoncement, indignation, lamentation, croyance, tendance, positionnement… ». Ce qui suit peut s’appliquer à tout état émotionnel, réactionnel, compensateur.
Quand on peut être avec le truc, juste être avec le truc en se désintéressant de l’histoire, être avec le truc sans rien en penser, c’est magnifique. De cette façon et infailliblement, il tend à se dissiper, à se dénouer. Or, comme nous l’avons dit, il faut composer avec la difficulté à être et rester avec le truc. Insistons encore un peu sur la différence à faire absolument entre, par exemple, telle situation utilisée momentanément pour éprouver colère, peur, honte ou culpabilité et le seul ressenti, le ressenti pur colère, peur, honte ou culpabilité. Ce que j’appelle ici le « truc » est le ressenti pur, « l’éprouvé », ou encore un état : le fait d’être POSITIONNÉ… dans l’attente, le vouloir, le contrôle, la résistance, etc.
Pour l’heure, il est question de culpabilité. Si autre chose apparaît pour toi, vois-le, reconnais-le, sache-le, substitue-le à « culpabilité » et soumets-le aux propositions qui suivent. Fais de ton mieux pour suivre l’invitation, pour faire une nouvelle expérience. Pour ce ressenti « culpabilité » que tu as donc déjà reconnu, perçois simplement son aspect « existence ». C’est bien cela qui existe ici et maintenant, n’est-ce pas ? Ça existe belle et bien, n’est-ce pas ? C’est là indéniablement. On pourrait en penser bien des choses, on ne va pas le faire ici car, quoi que l’on en pense, c’est là.
Regardons encore, regardons mieux comment c’est là effectivement ! De quelle façon est-ce là ? Non, il ne s’agit donc pas dans l’instant de savoir pourquoi c’est là, mais il importe de percevoir que c’est bien là et, en quelque sorte, la manière dont c’est là selon son « éprouvé » : est-ce imposant, envahissant, submergeant, étouffant, opprimant, oppressant, accablant, enflammant, excitant, provoquant ? Est-ce collé, attaché, enraciné, accroché, agrippé ? N’y a-t-il pas aussi l’impression qu’il n’y a rien d’autre, qu’il n’y a que ça ou qu’il y a « trop ça » ? L’impression éventuelle du « collage » n’irait-elle pas jusqu’à celle d’un fusionnement ?
Certains éprouvés physiques ou émotionnels pourraient bien t’amener à faire souvent l’expérience de ce « fusionnement ». C’est celle de l’identification. Par exemple, tu as mal, c’est le truc ; il y a du douloureux, et tu deviens la douleur qui, du coup, s’appelle « souffrance ». Quand tu as mal ainsi, il n’y a plus rien d’autre en effet, pour « toi », pour le mental, mais c’est un mensonge, un gros mensonge. Là, juste à côté du douloureux, il n’y a pas de douloureux. Tout autour, il n’y a rien de douloureux : ce qui semble mentalement prendre toute la place n’est qu’un point ridicule dans l’espace, dans l’espace infini de la conscience…
Longtemps inconsciemment, tu as toujours enduré le truc et combien de circonstances n’as-tu pas utilisées pour le subir, pour l’éprouver ! Or, tu as commencé à le deviner et même à le percevoir, à le reconnaître. Tu peux reconnaître mieux sa seule réalité, sa seule existence, ainsi que la façon dont il est « là », en toi, ce que tu en fais en quelque sorte. Voir qu’il est collé, par exemple, c’est encore reconnaître du ressenti, une impression, une sensation, mais ce faisant, ne serait-ce que de façon subtile au début, tu fais doucement l’expérience comme d’un décollement. Ça se décolle, ça lâche, ça se libère. C’est la désidentification.
C’est un effet et non pas quelque chose que tu fais. Or, à ce moment-là, tu maintiens un peu ton attention sur cet effet, sur le désenracinement, et tu apprécies en conscience l’espace qui se libère. De l’espace se libère, en effet, et c’est bon. L’espace « libéré » est en réalité l’espace reconnu. Quand se dissipe ce que tu avais éprouvé comme « n’ayant que ça », « que ça n’existant », ce qui reste est ce que tu es. La pleine conscience libératrice de ce que l’on n’est pas permet enfin de juste… être. Par le plein accueil conscient de ce que tu n’es pas, du conditionnement, tu deviens ce que tu es.
Le conditionnement existe, mais il n’est pas ce que tu es. Percevoir comment il existe le prive de sa dynamique. Et s’il se manifeste à travers, tantôt un positionnement, tantôt du ressenti, il a surtout à sa portée un outil extraordinaire : le mental, le « penser intempestif inopportun ». Il existe lui aussi et le crédit qui lui est accordé sera pareillement relâché via la pure perception de son existence parasite. Tu peux ainsi soumettre au regard transformateur également l’aspect « existence », soit de l’activité mentale perturbatrice, soit d’une pensée spécifique, soit du crédit accordé aux pensées.
Tu t’es toujours pris pour ce que tu n’étais pas et tu n’as pu qu’en être mal d’une façon ou d’une autre, en éprouver des conséquences inévitables. Dès le début de ta vie, tu as éprouvé des choses, en a conclu des choses ; tu t’es ainsi POSITIONNÉ comme si… Tu t’es identifié ou une identification s’est produite. Tu as été ainsi conditionné et tu as tout normalement enduré les effets logiques de ce conditionnement. C’est bien normal, c’est humain ! Toutefois, être malheureux ou dépendant est, non pas la destinée de l’ÊTRE HUMAIN, mais la propriété de l’HUMAIN.
Or, tu as tout de même fait d’autres expériences, d’abord sans les remarquer et, éventuellement, pour en devenir désormais de plus en plus conscient. J’évoque les instants de présence, là où c’est bon, doux, joyeux, léger…, des expériences qui ne dépendent plus d’autrui, ni même d’une circonstance. Ouvre-toi à un autre possible. Ouvre-toi sans rien forcer, sans « il faut » ! Dans ces instants, puisque tu es présence, puisque tu es conscience, ce que tu es quoi qu’il en soit, puisqu’il t’est donné d’être plus directement ce que tu es, quand c’est le cas, sois-le davantage encore ; sois-le au point de n’être plus que ça ; sois-le prioritairement, sois-le exclusivement. Sois-le et sache-le ! Apprécie-le alors !
Et si tu ne le perçois pas, devine-s-en la possibilité. Il y a tout ce qu’il y a, mais ce que tu es n’est pas concerné. Ta maison te concerne en ce sens que la décision de l’améliorer, de la conserver ou de la vendre t’appartient, mais elle ne concerne en rien ce que tu es en ce sens que ce que tu es ne sera affecté par aucune de tes décisions, qu’il s’agisse de ta maison, de ton corps ou de n’importe quoi d’autre.
Ce que tu es… est… et rien ne peut le changer, ni l’ébranler. Tu es présence, tu es conscience, tu es ce qui est appelé Dieu, tu es ce qui permet et englobe tout et tu n’es pas ce qui est englobé (qu’il s’agisse de tes connaissances, de tes imperfections ou de tes angoisses…). Vois-toi en tant qu’être car en vérité, tu es. Tu es, c’est indubitable. Tu es ce qui contient tout et tu n’es aucun contenu. Le corps est un contenu ; les pensées, les émotions, les réactions sont du contenu ; les positionnements sur lesquels nous nous arrêtons ci-après sont du contenu… Sois sûr que cette reconnaissance, cette conscience directe ne sera pas sans effets et ces effets sont toujours heureux.
Tu as questionné à propos d’un éventuel changement à faciliter. Ce changement a lieu quand tu préfères l’observation au penser, quand tu cesses d’accorder tant de crédit à ce penser envahissant, quand tu honores sans jugements les ressentis, quand tu reviens sans cesse à la présence. Dans l’observation, aidée parfois par l’investigation bienveillante, les vieux schémas à relâcher se présentent. Ils sont doucement relâchés, juste parce que tu les vois alors, parce que tu les reconnais, ce qui veut déjà dire en être détaché. Et maintenant, par la conscientisation d’une autre caractéristique, très importante, il peut être facile de favoriser ce même changement. Il s’agit des fameux positionnements dans lesquels on est piégé depuis toujours ou de ceux que l’on gagnerait beaucoup à adopter.
Comme nous l’avons dit, se prendre pour qui l’on n’est pas cause beaucoup de trouble. Il s’agit du faux sentiment de soi qui n’est longtemps pas facile à reconnaître, ni à abandonner en conséquence, d’autant moins quand il se fait plus subtil. Le « moi », le « je » pensant ou historique n’est pas toujours grossier, mais l’éveil demande néanmoins de le piéger, de le voir à l’œuvre pour permettre le détachement. Nous pouvons précisément le surprendre encore à travers divers positionnements que notre conditionnement nous a fait adopter.
Toujours transformatrice, une belle façon de considérer son conditionnement, ses blessures, consiste en effet à se rendre compte de ses divers positionnements maintenus. En restant positionné comme on a toujours été positionné, on continue d’endurer les mêmes expériences que l’on a toujours vécues. À titre d’exemples, voici quelques positionnements communs qui sont inexorablement contraires à tout épanouissement :
Rester dans l’attente (indépendamment de tout objet utilisé) ;
• Être avec le manque ou faire avec des « miettes » ;
• Éprouver la vie comme injuste ou hostile ;
• Être systématiquement dans le jugement (comparaison, interprétation, anticipation) ou simplement ne faire que penser ;
• Faire bonne figure, tenir à se présenter comme « la bonne personne » ;
• Être celui qui sait, qui peut ou le meilleur, le plus méritant ;
• Résister à ce qui se présente (aussi bien des propositions ouvertes que des contretemps) ;
• Être fermé, ne rien vouloir voir, ni entendre, fuir toute approche extérieure ;
• Rester dans le vouloir sous une forme ou sous une autre (désirer, jalouser, envier, espérer, revendiquer, exiger…) ;
• Vouloir tout comprendre ou s’emparer de tout ce qui se présente ;
• Chercher à exister absolument, ce qui veut généralement dire à se distinguer d’une façon ou d’une autre ;
• Être comme certain que le meilleur est impossible, que l’on ne peut compter sur l’aide de personne ;
• Être comme certain qu’il ne faut pas se faire plaisir, que c’est mal et interdit…
Nos divers positionnements peuvent s’extérioriser à travers des postures tout à fait percevables, mais ce sont principalement des états mentaux et c’est alors « être positionné comme si… ». Il y a par exemple la posture du rebelle, du plaintif ou du bougon qui n’échappe à personne dans son entourage. En revanche, le positionnement « attente » ou « je suis coupable » est généralement plus subtil. Sans en être directement conscient, par exemple, on peut être positionné comme si le monde était obligatoirement hostile, injuste ou même dangereux. Également très perfide, l’un des positionnements peut-être les pires est « je sais », sans savoir en réalité que « je ne sais pas ».
Le positionnement que l’on peut aussi appelé « posture identificatoire » est encore une humeur, un climat, une ambiance, une fréquence vibratoire, un agglomérat ou une manifestation énergétique. Subie comme seconde nature, c’est en fait une impression conditionnée qui ne peut a priori retenir aisément son attention. On n’est bien moins facilement conscient de son positionnement qu’on peut l’être de son corps et même de ses pensées.
Comprends que ce que tu vas penser, dire, faire et éprouver dépend du positionnement que tu adoptes. Prendre conscience de ce positionnement pourrait être un gain de temps appréciable. Quand c’est possible, accessible, il est toujours plus utile de s’intéresser aux causes qu’aux effets.
Bien sûr, les positionnements renvoient à notre conditionnement, à nos blessures ; ils en sont le témoignage. Ils cristallisent et expriment le faux sentiment de soi. On peut soi-même piéger le « je » pensant ou « je » historique à travers le positionnement adopté de façon chronique ou épisodique. Voici quelques questions qui peuvent aider dans ce sens : « Quel est mon positionnement du moment ? Comment suis-je positionné dans l’instant ? Comment est-ce que je me positionne ? Face à cette circonstance problématique, puis-je repérer, ressentir, reconnaître un positionnement familier, habituel ?… »
Dans un premier temps, tu peux ne pas être interpellé par cet aspect de ton fonctionnement humain ou avoir du mal à identifier ce qu’il peut être pour toi. Ce sera d’autant plus le cas si tu es concerné par la résignation (abandon) ou par le renoncement (trahison). Il se peut même que ta problématique personnelle t’empêche jusque-là en moult circonstances de te positionner de façon claire, ferme ou stable. Ce non-positionnement aura des effets très malencontreux, expliquera ton insatisfaction, voire ta détresse.
Quand tu vois que ton positionnement prédominant est le support même de l’existence que tu déplores et/ou quand tu vois que ne pas te positionner comme il conviendrait que tu le fasses cause ton drame, dans le plein accueil, sans jugement, tu vois aussi se produire bientôt le changement auquel tu aspires. Ce changement est inévitable quand sont relâchés les vieux positionnements invalidants et que l’on finit par se positionner parfois comme l’existence nous invite en vérité à le faire.
La perception de nos positionnements conditionnés est une réalisation des plus importantes car c’est simultanément mettre une distance avec tout ce que nous ne sommes pas, ayant jusque-là fonctionné comme si nous étions cela (tel ou tel positionnement). Et cette même perception est déjà manifester ce que nous sommes : la conscience, la présence, l’être, le « je » profond, le vrai « je ». Ce faisant, nous reconnaissons nos identifications, malencontreuses, et, peu à peu, nous nous désidentifions, nous nous libérons.
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