Notre blessure déclinée, transposée
Avec suffisamment d’attention accordée à ce que nous expérimentons, à ce qui se passe dans notre quotidien, dans notre existence, à ce que nous éprouvons parfois fort douloureusement, il devient assez vite évident que nous sommes le plus souvent « à côté de la plaque » quant à simplement dire ce qui ne va pas, ce qui ne tourne pas rond, ce qui se joue avec l’idée de nommer ainsi la vraie cause.
Il y a que nous ne sommes pas habitués à diriger notre attention de la sorte, que nous demeurons pris dans nos réactions ordinaires (compulsives et inconscientes), que nous « préférons » incriminer des causes étrangères à nous-mêmes et trouver des explications/justifications qui apportent dans l’instant une sorte de satisfaction. « Ça fait l’affaire ! »
Ainsi, nous passons notre vie à aligner des preuves, à en rallonger la liste au gré des discordes et circonstances successives, mettant en scène des personnages n’ayant éventuellement, d’une fois sur l’autre, rien à voir entre eux, sauf que le personnage principal demeure le même. Notons que savoir que nous sommes ce personnage-là ne nous suffit pourtant pas, longtemps, à nous remettre en question ou, simplement, à nous inviter à un autre regard.
Juste envisager sereinement le possible degré de réalité dans notre propre histoire de ce qui précède pourrait faire pour nous une différence décisive et nous préparer aux découvertes (prises de conscience) les plus bénéfiques, les plus transformatrices.
S’agissant des preuves, au-delà de l’effet quasi « jouissif » qu’elles ont sur nous quand on tombe dessus, pouvez-vous observer qu’aucune jamais ne vous a comblé durablement ? Dès lors, pourquoi s’échiner encore à accumuler tant de preuves ?
Histoire de voir un peu quelque chose, sans pour autant exiger de soi de voir tout immédiatement, ni s’en vouloir de ne pas avoir vu, de ne pas voir, prenons le « conflit » du moment ou le plus récent, petit ou gros, et considérons différentes manières de l’aborder et quelques éléments pouvant être utiles :
Ordinairement, nous percevons la chose adverse comme le « seul problème de notre vie », comme l’unique chose nous empêchant d’être heureux, oubliant que nous avons pensé cela de bien d’autres choses qui nous ont éprouvé dans le passé et qui ne sont plus d’actualité. Bref, nous continuons d’imputer à l’autre, à la malchance ou à l’injustice notre malaise ou notre insatisfaction. Il arrive aussi, en conscience et à tort, que nous nous accusions nous-mêmes du pire…
En tout premier lieu, il serait bon de « nommer » la chose, ce que nous vivons, éprouvons, ce qu’est le mauvais traitement réactualisé (ce qui est fait : abandonner, négliger, rejeter, mépriser, harceler, rabaisser, mentir, trahir, manipuler, abuser, maltraiter…).
La chose nommée (de façon juste) a pour premier avantage de réaliser ou vérifier qu’il ne s’agit que d’un revécu et que la vraie cause – je n’ai pas dit « faute » — demeure en soi et non à l’extérieur, ce qui ne signifie pas qu’il ne se passe rien dehors. Vous seriez bien avisé de vous intéresser à ce qui se passe pour vous, en vous, si vous en êtes à votre douzième incendie, mais cela ne vous fera pas faire l’économie d’appeler les pompiers !…
Nommer la chose fait appel à ce que nous utilisons le moins (écouter, regarder et sentir) et doit remplacer ce que nous faisons d’habitude (penser, questionner, juger…). Illustrons cela par un exemple proposé par ma cécité :
Accompagné dans mes déplacements (dans des magasins, la nature ou ailleurs), une personne peut me décrire l’environnement, comme me lister tout ce qui s’y trouve (je n’en demande pas tant) et une autre peut me dire tout ce qu’elle pense à propos de ceci ou de cela, se demander pourquoi les choses sont ainsi et non autrement, (ça pourrait être soûlant !).
Dans le premier cas, appelons la personne « M. C’EST et dans le second, appelons la personne M. QU’EST-CE QUE C’EST QUE ÇÀ. Observez que je vais recevoir une foule d’informations éventuellement utiles de la part de M. C’EST et que M. QU’EST-CE QUE C’EST QUE Çà risque de me stresser un peu ou de me submerger.
Eh bien, ces deux compères sont aussi en nous et quand c’est M. QU’EST-CE QUE C’EST QUE Çà qui tente de résoudre le problème auquel l’on est confronté, voyez, devinez le résultat !
Quand nous vivons le problème, nous le vivons, nous réagissons, nous en « souffrons », et nous faisons ce que nous pouvons ! Mais quand, après coup, une heure après ou le lendemain, nous y pensons, nous le considérons, pour trouver une solution, un soulagement ou, mieux encore, y voir vraiment plus clair et se libérer bientôt d’une vieille histoire, il est plus efficace de s’en remettre à M. C’EST. Lui « liste » ce qui est là, ce qui est ressenti, ce qui est cru (de « croire »), ce qui est craint…
M. QU’EST-CE QUE C’EST QUE Çà est en quelque sorte, peu ou prou, « en colère », oui au « pays de la colère » (il est collé à la colère) ; il n’est donc pas ici, présent. Et parce qu’il est lui ici, présent, M. C’EST sait. C’est le percevant, ce qui perçoit, la conscience.
Certes, nous partons avec une proposition, une question si vous préférez, tout comme je peux demander au voyant m’accompagnant de me décrire des choses, et nous « listons » alors, nous observons. Nous faisons ainsi des découvertes, nous voyons, nous comprenons. Nous avons la distance nécessaire à la vision, à la compréhension qui en découle et à la transformation…
Aussi tranquillement que possible, regardons un point d’importance (juste pour voir). On peut découvrir que l’on se sent traité, dans sa vie, comme on s’est senti traité enfant, comme on s’accuse « inconsciemment » et à tort de traiter autrui, comme on traite parfois autrui, comme on se traite soi-même, etc.
Dans ce sens, explorez les questions suivantes en remplaçant les ______ par le « mauvais traitement » qui vous concerne (référez-vous à la liste ci-dessus, entre parenthèses, mais trouvez votre propre « éprouvé ») :
1. Est-ce quelqu’un qui vous ______ ?
2. Est-ce quelqu’un que vous ______ ?
3. Est-ce quelqu’un que vous pousser à ______ quelqu’un d’autre ?
4. Est-ce quelqu’un que vous poussez à ______ lui-même ?
5. Est-ce quelqu’un que vous voyez ______ quelqu’un d’autre ?
6. Est-ce quelqu’un qui ______ lui-même ?
7. Est-ce vous-même qui ______ vous-même ?
Ce que l’autre nous fait subir (1) (que, parfois, nous croyons que l’autre nous fait subir) pourrait être ce que nous faisons subir à l’autre (2). Avons-nous incité quelqu’un à le faire subir à un autre (3) ?…
Votre réelle disposition à voir les choses telles qu’elles sont, qu’elles vous semblent favorables ou non, n’aura d’égale que celle d’éclairer votre existence d’un jour nouveau et de vous épanouir en paix.
Au-delà des divers conflits, c’est parfois le chagrin qui nous éprouve, notamment par le biais d’épreuves traversées par celles et ceux qui nous sont chers. Si nous sommes affectés au-delà d’une sorte d’empathie naturelle, notre douleur présente en est en réalité une très ancienne qui cherche à être reconnue, à être enfin libérée. Ignorer cela demeure un moyen insidieux de se traiter soi-même aussi durement que l’on a pu se sentir traité enfant (circonstances où des peines n’ont pu être exprimées autant que de besoin).
Mais quoi qu’il nous arrive, dans notre corps, dans notre « cœur », dans nos relations, dans notre existence entière, dès lors que la chose nous éprouve, notre conditionnement est en jeu. Et c’est d’abord un besoin de voir et ultimement un appel à l’amour. Aucune peine n’est confiée là où l’amour n’est pas.
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