Nos « positionnements psychiques » (2/6)
Chacun à notre manière, nous sommes tous conditionnés et tous, nous déambulons avec divers positionnements psychiques. Et nous pouvons nous y intéresser, ne plus les ignorer, ainsi nous en affranchir doucement
. Ordinairement, nous portons plus sûrement nos positionnements psychiques que nos vêtements, pouvant au besoin quitter ces derniers et les premiers étant bien attachés. Quand vous avez retiré tous vos vêtements, vous êtes nu, mais en cherchant un peu, peut-être pourriez-vous retirer encore des choses qui vous engoncent bien plus que vos vêtements. Et identifier nos positionnements, c’est aussi découvrir ou confirmer nos blessures, à commencer par notre blessure principale.
- Si notre positionnement routinier consiste à ne rien faire d’autre que toujours rendre service, nous finissons par éprouver de l’ennui et de la lassitude (abandonné).
- Si nous fonctionnons en mode « seul compte mon intérêt », nous allons tout droit dans le mur et il ne peut en aucun cas en être autrement (dévalorisé).
- Quand nous nous positionnons en tant que sauveurs, nous ne faisons que tenter, par procuration, de nous sauver nous-mêmes en vain (maltraité).
- Si nous restons pris par la position mentale « moi je sais », nous n’apprenons jamais rien d’essentiel pour nous-mêmes (rejeté).
- Si nous restons pris dans le positionnement « faire absolument quelque chose pour autrui », nous continuons de ne rien faire pour nous-mêmes et nous restons mal, dans la privation (trahi).
Ce ne sont là que des exemples et nous en découvrirons bien d’autres au cours des six chroniques. Si nous pouvons observer que la communication passe mieux avec certaines personnes, par exemple, nous devrions pouvoir aussi noter qu’avec ces personnes-là, nous ne sommes pas (psychiquement) positionnés de la même façon ou que nous avons abandonné tout positionnement. Nous pourrions à tort attribuer le relâchement de nos positionnements à ceux avec qui l’échange est naturel car qu’en est-il, si, dans le même temps, ceux-ci nous attribuent le relâchement des leurs ?
Quand nous relâchons nos positionnements ordinaires, en délaissant ainsi un état d’esprit limitant, il est logique de rencontrer des personnes différentes, de faire de nouvelles expériences… Par bonheur, il nous arrive aussi de nous manifester en dehors de notre vieux conditionnement. En somme, nous ne relâchons pas l’un ou l’autre de nos positionnement grâce à la rencontre de personnes avec qui l’échange est fluide, mais nous rencontrons des personnes avec qui l’échange est fluide, parce que nous avons relâché un positionnement.
Des attentes relâchées expliquent en grande partie les communications plus harmonieuses, mais il n’est pas vain de se rendre compte que ces communications sont sous-tendues par un positionnement moins rigide. Dans le passé, j’étais surpris de voir certaines personnes interagir en groupe ou avec un tiers à l’opposé de leur façon d’être en face-à-face avec moi. Très tôt, j’ai découvert que j’étais moi-même plus libre en face-à-face que dans un groupe, mais je ne m’arrêtais pas sur mon positionnement intérieur qui était alors impliqué.
Nous ne pouvons pas être mobilisés par un positionnement psychique, sans être dans l’attente, puisque ce positionnement comprend une intention. Et nous basculons sans cesse d’un positionnement à un autre. Nous devrions pouvoir admettre, a priori, qu’il n’y a aucune raison de ne pas être intérieurement positionné de la même façon face à n’importe quelle « figure d’autorité » que face à son enfant ou même face à son chien que l’on affectionne. La sérénité maintenue n’empêche évidemment pas l’expression ajustée aux circonstances. Même en étant d’humeur égale, on ne dit pas les mêmes choses à son chien et à sa voisine.
Quand je me vois accueillir chez moi qui que ce soit dans la même énergie que celle dans laquelle je m’occupais de mon chien au moment de la visite, je réalise qu’à ces moments-là, je suis libre de tout positionnement psychique. Oui, cela nous arrive ! Or, même en restant seul, selon ce sur quoi on met son attention, on peut d’instant en instant endosser un tout autre positionnement, celui du coupable, celui du honteux, celui de l’envieux, celui du malheureux, celui de l’arbitre, celui du maudit…
Notre positionnement est une expression interne ou même manifestée de notre identification fourvoyée. Vous ne pourriez pas vous prendre pour un inculte ou un handicapé, par exemple, sans vous positionner à l’avenant (d’abord intérieurement). Si vous vous prenez pour un incompétent, par exemple, vous vous trouvez enfermé dans un positionnement tel que « ne rien tenter », « ne rien envisager », « se soumettre » ou « aller voir ailleurs »…
Rajoutons au besoin que j’appelle « positionnement » le fait d’adopter psychiquement une position mentale précise, laquelle suggestionne bien sûr des expressions et des comportements. Or, s’agissant de vos fonctionnements conditionnés, si le mot « positionnement » ne vous parle pas suffisamment, tentez « posture, décision, position, ambition, mode, attitude figée ou encore état d’esprit ».
Comme on pourrait dire qu’un positionnement donné est un « costume », sinon une seconde nature, on pourrait aussi l’assimiler à un lieu, un lieu qui a sa propre « religion ». De même qu’autrui pourrait nous dire parfois « Mai d’où tu me parles ? », nous pourrions nous demander souvent « Mais à partir d’où ou de quoi est-ce que j’éprouve ça ? ». Par exemple, à partir du positionnement « posséder l’autre » ou « être l’exclusivité de l’autre », rien ne sera plus facile pour être sans cesse contrarié, malheureux. Nous ne souffrons pas seulement, parce qu’il ou elle nous a fait « ça », parce que nous croyons que …, ni même parce qu’une vieille douleur est rappelée (point cependant essentiel), mais encore parce qu’une intention sous-jacente est contrariée.
On peut parfois noter l’invasion de pensées absurdes, pessimistes ou optimistes, souvent délirantes et surtout torturantes. Reconnaissons alors le lieu ou le positionnement d’où elles émergent. Ce n’est pas par hasard que nous pensons ce que nous pensons ; c’est à partir d’un positionnement distinct. Par exemple, les modes « regret », « remords » ou « anticipation » engendrent à l’évidence des pensées distinctement orientées. Le remords est bien sûr une douleur, mais quand il est devenu tangible chez quiconque, on « sait » qu’il en a fait un positionnement, avec l’intention « ne plus me laisser aller », « on ne m’y reprendra plus ». En plein mode « remords », par exemple, on ne va pas faire avec aisance une demande d’importance, pas même à qui pourrait être heureux d’y répondre.
Alors qu’il n’est quasiment jamais reconnu, outre un ressenti, le « vouloir » est un positionnement mental des plus illusoires et même dévastateurs. Toute intention ferme et définitive repose bien entendu sur le vouloir, lequel ne permet pas à nos propres dispositions heureuses de se faire connaître. Vouloir est une sorte de mouvement dynamique, en fait réactionnel, un « train en marche », et il occulte même un élan des plus appréciables. Si vous voulez annoncer une bonne nouvelle à quelqu’un (pour lui-même) en plein vouloir, dans sa course folle, vous pourriez devoir vous y prendre à deux fois !
Quand c’est le cas, nous pouvons sentir que notre vouloir peut dépasser le seul ressenti pour se faire positionnement, à l’instar de celui qui attend son tour et qui peut ne plus être rien d’autre que quelqu’un qui attend son tour. Dans des files d’attente (caisses, guichets…), on peut voir des positionnements psychiques incarnés, cristallisés : « passer en premier ; faire valoir ses droits ; dénoncer une lenteur… » Une personne qui est plus particulièrement la proie du vouloir sera fréquemment interpellée ainsi : « Qu’est-ce que vous voulez, vous ? », voire « qu’est-ce que vous voulez encore ? » On ne la satisfera pas pour autant !
Une personne qui se montre très particulièrement outrée par une parole pour elle désobligeante témoigne d’un positionnement distinct : « Moi, je suis … ! » ou « On ne me traite pas comme ça, moi ». C’est le positionnement psychique « se faire respecter ». Il n’est pas nécessaire d’avoir adopté le positionnement psychique « se faire respecter » pour ne pas aller dans le sens de qui nous méprise. Sans le positionnement psychique « se faire respecter », par exemple, lequel dit la peur de ne pas être considéré, on a bien plus de chance d’être respecté.
Il est extrêmement important de reconnaître nos divers positionnements psychiques, notamment parce qu’ils nous isolent, nous infériorisent, nous accablent, nous attirent de l’adversité, nous privent, nous frustrent, nous invalident, nous rendent ou nous laissent malheureux. Restez positionné comme si un chef ou quelque partenaire avait tout pouvoir sur vous et il vous fera faire tout ce qu’il veut, dans certains cas jusqu’au pire ! Rester positionné comme s’il fallait éviter tout risque de déranger autrui et vous déplorerez longtemps les effets d’une privation (sans même reconnaître celle-ci).
Nos positionnements et intentions sous-jacentes contrarient nos propres besoins persistants. Avec le positionnement « se retenir », que se passe-t-il quand nous aurions une demande d’importance à formuler ? Avec le positionnement « je me débrouillerai tout seul », comment est-ce que nous nous en sortons quand de l’aide s’avère incontournable ? Quand nous finissons par faire ce qui s’oppose à notre positionnement chronique (notre intention), cela finissant par nous arriver, nous nous sentons gauches, confus, décalés ou contrariés. En effet, « la vie » ou les circonstances nous obligent parfois à contrarier notre positionnement opiniâtre, récalcitrant (nous y reviendrons).
Il est particulièrement marquant de savoir que, même ici et maintenant, nous sommes engoncés dans un positionnement psychique, fin ou épais, léger ou lourd, subtil ou grossier, mais nous pouvons « nous réveiller » : « En effet, dans l’instant, je ne suis pas complètement moi-même. Même seul, je reste déguisé ; même seul, je me cache… » … « Eh bien oui, dans l’instant, je veux encore me montrer ! Même seul, je fais mon numéro, je m’expose, je veux me faire remarquer ! »… Et des propos tels que « il (elle) est toujours … Il (elle) a encore … » renvoient à des positionnements qui ont été remarqués ; ceux qui les prononcent un peu trop exposent aussi les leurs.
Peut-être telle personne râle-t-elle toujours, son positionnement, mais si « ne jamais s’en faire » ou « toujours faire bonne figure » est votre propre positionnement psychique, elle n’a rien à vous envier ! « Ne jamais s’en faire » peut être une grande sagesse, mais si c’est un positionnement psychique, une bombe à retardement reste cachée. Longtemps sans en être conscients, beaucoup restent enfermés dans le positionnement « oui mais », ne pouvant ainsi rien recevoir des réponses à leurs questions. L’intention qui sous-tend le positionnement psychique « oui mais » peut être du genre « ne rien croire », « contrarier tout le monde », « avoir le dernier mot », etc. « Ne rien croire » est sage en général, mais la sagesse n’est plus quand c’est devenu un positionnement psychique.
Tous nos modes ou positionnements psychiques sont périlleux, disons-le « casse-gueule », y compris quand ils se veulent positifs, parce que ces derniers relèvent encore du penser, du mental. Dès lors que nous nous appuyons sur des considérations mentales, même positives en apparences, nous ne pouvons pas être inspirés, être ouverts au nouveau. À la place, nous restons au mieux dans l’attente, dans l’état d’attente. Et cela, nous pouvons continuer de l’ignorer et d’en éprouver les effets néfastes ou le savoir, nous le rappeler, et nous en libérer peu à peu.
L’état d’attente général constitue pour beaucoup d’entre nous un positionnement toujours simultanément frustrant, privateur, contrariant. À de nombreux moments, notamment relationnels, nous pourrions aisément nous surprendre comme étant positionnés en état d’attente, sans d’ailleurs être toujours conscients d’une attente spécifique. Le positionnement psychique « attendre » tue dans l’œuf tout élan du cœur qui, pour être honoré, requiert une action immédiate, un mouvement tangible immédiat…
Le positionnement « attendre » est bien sûr très commun, mais pour certains, il devient « attendre que l’autre change ». Et l’autre fut d’abord mère ou père, avant qu’il ne devienne l’être « aimé » ou un ami. Dans les circonstances collectives actuelles, beaucoup de ceux qui sont informés peuvent éprouver très âprement l’attente que le monde change, sans savoir qu’ils revisitent surtout – là aussi – leur vieux positionnement psychique « attendre que l’autre change ».
Si nous nous voyons attendre que certaines personnes changent, dans notre entourage ou même dans le monde, disposons-nous sciemment à découvrir le changement que nous pourrions apprécier en nous-mêmes. La peur maintient ou attire ce qu’elle serait censé éviter. Autrui peut changer – tout le monde finit par changer – mais non pas forcément dans le sens de nos attentes. Attendre que les autres changent, ainsi d’ailleurs que le monde, c’est toujours attendre et ça n’implique émotionnellement que celui qui attend. Il a quelque chose à libérer.
Plutôt que d’attendre des changements extérieurs, nous pourrions de plus avoir à découvrir notre croyance « il faut que je change ». Tout ou tout le monde peut changer, mais certainement pas à partir de l’attente que l’on en a, laquelle dit en réalité « j’ai peur que rien ne change ». Le positionnement psychique « changer absolument » repose bien sûr sur la croyance « il faut que je change ». Comme les autres, ce schéma est autodestructeur. Attendre des changements, quels qu’ils soient, c’est encore un positionnement psychique adopté et maintenu pour ne pas s’arrêter sur le douloureux en cause.
Nous pouvons être surpris, après coup, en diverses circonstances, de ne pas avoir réagi ou de ne pas avoir été affecté comme d’habitude, le relever étant déjà exceptionnel, sans noter que nous avions surtout délaissé un vieux positionnement. Si la chose vous concerne, découvrez que votre positionnement intérieur n’est pas le même quand vous êtes inspiré et quand vous ne l’êtes pas, sinon quand vous vivez un bon moment et quand un malaise a refait surface. Surtout après coup, ne vous êtes-vous jamais surpris vous-même par la façon spontanée dont vous avez fait une demande ou opposer tranquillement un refus, par exemple ? Vous pourriez noter que vous n’étiez pas alors avec votre positionnement habituel.
Nous ne pouvons pas demeurer dans un positionnement spécifique sans réagir ni être affecté comme d’habitude. S’il y a changement, c’est simple, ledit positionnement est (momentanément) désactivé, délaissé. Et si ou quand nous ne sommes pas en mesure d’identifier le positionnement dans lequel nous nous trouvons, nous pourrions encore nous dire : « OK, juste maintenant, je suis pris, c’est ce qui est, mais c’est juste maintenant ». Quand il nous arrive de nous sentir pris, piégé, coincé…, c’est simple, nous nous trouvons dans l’un de nos vieux positionnements, parfois contrarié par un autre d’entre ceux-ci.
Une bonne manière d’identifier l’un ou l’autre de nos positionnements pourrait être de nous rendre compte de son absence ou de son abandon en circonstances plus heureuses ou face à des événements extérieurs marquants. En général, par exemple, la nouvelle du décès d’un proche ou un accident grave dont nous sommes témoins nous fait sortir instantanément du positionnement dans lequel nous étions alors embarqués.
Ce n’est de loin pas toujours le cas, mais il est des circonstances très éprouvantes qui, de façon soudaine et parfois définitive, peuvent aussi nous faire abandonner un vieux positionnement psychique. Et c’est un vrai miracle. Encore longtemps après le décès de sa femme et de sa fille (accident de voiture), ses proches ne le reconnaissaient plus, parce qu’il avait définitivement abandonné son positionnement psychique « tout vivre dans une indifférence totale ».
Ce qui finit encore par nous faire abandonner certains positionnements, de façon non délibérée, c’est quand un vécu éprouvant a atteint une certaine limite, même si notre capacité à endurer la souffrance semble souvent sans bornes ! La souffrance qui semble sans limites peut reposer notamment sur le positionnement « souffrir coûte que coûte », l’intention pouvant être de faire pitié ou encore de culpabiliser son entourage.
À bon escient, on pourra tenter d’identifier la croyance qui sous-tend telle ou telle épreuve, mais on peut (désormais) aller plus loin : reconnaître le positionnement dans lequel on reste pris. La découverte de la croyance que vous n’avez pas le droit au meilleur ne vous fait pas forcément relâcher le positionnement « attendre » qui lui est associé – en l’occurrence, c’est l’attente notamment de s’épanouir. Si nous nous laissons durablement traités mal, soyons-en sûrs, nous nous traitons mal, honorant ainsi notre positionnement « ne pas s’occuper de soi ». On se sent traité comme on s’est senti traité, ne l’oubliez jamais !
Il est un positionnement intérieur courant et très sensible qu’il est bon ou même urgent que nous reconnaissions au besoin : le positionnement « être coupable (se vivre en tant que coupable) ». Si non intentionnel, le positionnement « se vivre en coupable » est manifestement revendiqué quand lui est superposé le positionnement « se déculpabiliser », parce qu’autrement, il est juste une décision ou conclusion qui dit « je suis coupable ». Ce n’est donc qu’une croyance. Nous avons tous à composer avec un sentiment irrationnel de culpabilité, mais nous ne sommes pas toujours positionnés en coupables de façon ostensible.
Être positionné en coupable n’est pas directement intentionnel. C’est d’abord l’identification à sa croyance. En effet, « je suis coupable » témoine d’une identification de façon limpide. Avec le positionnement « se vivre en coupable », il y a au moins deux autres positionnements corollaires : « tout faire pour se déculpabiliser » et « se punir » ou « s’attendre à être puni ». à l’évidence, un tel programme n’est pas propice à la paix, ni à l’appréciation.
Par exemple, si à partir du positionnement « vivre en coupable », vous tentez d’aider ou simplement d’écouter vos enfants, vous ne pouvez pas apprécier votre disponibilité, ni même la reconnaître. Certains se sentent même coupables par rapport à la détresse dans laquelle se trouve ceux qui ont de près ou de loin contribué à leur vécu éprouvant (surtout quand ils étaient enfants).
Nous devons à notre conditionnement (blessures) d’être célibataire, marié avec ou sans enfants, chômeur, handicapé…, mais à travers quel positionnement le vivons-nous, sans même ici mettre l’accent sur l’acceptation ou la non-acceptation ? Pendant longtemps, j’ai vécu ma cécité avec le positionnement « faire comme si ça n’existait pas ». Nos « intentions/positionnements » font écho à la façon dont nous nous sommes sentis traités. L’un de vos positionnements pourrait être « ne pas s’exprimer » : dans ce cas, en tant qu’enfant, vous avez été « bâillonné ». « Nous nous traitons comme nous nous sommes sentis traités ».
Comme déjà mentionné, l’un ou l’autre de nos positionnements fermement établis nous confrontera toujours à un gros conflit intérieur : nous ne pouvons pas toujours résister à nos élans véritables, ni empêcher des oppositions extérieures, ces élans et oppositions venant provoquer nos positionnements conditionnés. En effet, nous pouvons maintenir nos positionnements, de façon discutable et quoi qu’il nous en coûte, mais des conséquences malheureuses sont inévitabgles et nous laissent en plein drame, dans la souffrance. . C’est alors de nous-mêmes que nous sommes coupés, frustrés, en manque, arrachés ou privés.
Si « toujours occuper la place, toujours avoir la parole » est votre positionnement psychique, que se passe-t-il pour vous quand la circonstance vous en empêche de façon catégorique et durable ? Si « rester en retrait ou détourner le regard » est votre positionnement psychique fermement établi, comment allez-vous pouvoir vous en sortir si votre cœur vous pousse soudainement en avant ? Ma pudeur maladive d’enfant faisait notamment écho à la peur de ne pas pouvoir « respecter » mon positionnement psychique, « m’extraire à tous les regards ».
Nos positionnements psychiques limitent forcément nos élans véritables, mais ils ne peuvent pas les étouffer à jamais, ni complètement. Ces positionnements favorisent la séparation d’avec les autres, mais notre véritable nature nous rappelle sans cesse tout autre chose. Ainsi, un inconfort intérieur devient parfois paroxysmique. Que pouvez-vous faire ou comment pouvez-vous vous sentir, quand vous êtes simultanément avec un élan soudain irrésistible, celui par exemple de vous rapprocher de certaines personnes, et votre positionnement chronique « attendre », « ne rien tenter », « ne rien devoir à personne » ou « rester à l’écart » ?
En général, le positionnement « ne jamais demander d’aide » aboutit à l’oubli des besoins, mais diverses circonstances « se chargeent » d’en présenter des gros (avec une maladie grave par exemple). Le positionnement « être tolérant, compréhensif », « ne surtout jamais poser de problèmes » ou «tout assumer tout seul » a pour effet des remontées douloureuses telles que la solitude, le manque, l’aigreur, la privation, etc. On ne rougira pas de positionnements tels que « se débrouiller seul » ou « ne déranger personne », mais en général, tous les positionnements se font discrets et certains ne doivent surtout pas être démasqués.
Ainsi, on pourra ne pas nier son positionnement « ne pas s’occuper de soi », sans forcément le nommer de cette façon, mais on avouera moins volontiers son positionnement inverse « ne s’occuper que de soi ». Le positionnement « contrôler »» n’est évidemment pas de ceux dont on pourrait se vanter, mais même de façon plus ou moins subtile, il peut accompagner toutes nos intentions, toutes nos interactions. Si votre positionnement psychique est « profiter de tout et de tout le monde », vous le cachez bien sûr, mais il se peut bien que vous ne vous l’avouiez pas non plus. Si l’un de vos positionnements psychiques est « manipuler », vous avez éprouvé la manipulation en tant qu’enfant. On peut aussi traiter autrui comme on s’est senti traité. Vous reste à découvrir comment vous vous manipulez vous-même !
Nommer, « personnaliser » notre positionnement peut être un moyen de l’identifier plus sûrement : le résigné, le honteux, le pudique, le soumis, la victime, le peureux, le coupable, l’orgueilleux, l’arrogant, l’anticipateur, le pessimiste, l’optimiste exalté, celui qui n’a besoin de rien, celui qui sait…
« Se faire discret » (positionnement) est l’intention du timide, « se cacher » celle du profond honteux, « se faire valoir » celle de l’orgueilleux, « profiter d’une place ou d’un accomplissement » celle de l’arrogant, « se méfier » celle de l’anticipateur pessimiste, « éviter les reproches » celle de l’optimiste exalté…
Si nous pouvons nous rappeler que nous ne sommes pas ce pour quoi nous nous prenons, percevons que ce rappel invalide aussi tous nos positionnements. Si vous cessez de vous prendre pour un bon (ou une bonne) à rien, tôt ou tard, vous allez délaisser aussi votre positionnement « ne jamais rien envisager ». Si vous cessez de vous prendre pour le meilleur, vous allez cesser d’inventer de quoi valider votre positionnement « se montrer supérieur ». L’intensité de nos positionnements psychiques dépend du degré auquel nous sommes identifiés au « moi pensant », au « moi séparé », au personnage historique.
En fonction de nos propres blessures, nous avons tous des positionnements distinctifs et dominants, mais ceux-ci reposent sur un même positionnement que nous partageons tous et qui résulte de l’ignorance ou de l’inconscience. Enfants, nous ignorons tout de la réalité de nos parents et de tout notre entourage, et très longtemps, nous demeurons inconscients de notre propre nature véritable… Le réveil a-t-il sonné ? En fait, au lieu de reconnaître « humblement » que des choses nous échappent, nous restons positionnés comme si nous étions parfaitement clairs et que seul l’extérieur ne l’était pas. Ici, le positionnement est « être celui qui sait ». L’intention associée peut par exemple être « ne pas se remettre en question », « trouver pire que soi » ou « avoir raison ».
Le positionnement psychique « avoir raison » ou « savoir mieux que quiconque » est maintenu, notamment parce que l’approche de ce qui serait à savoir réellement reste trop douloureuse. Tous les positionnements psychiques s’expliquent, n’en jugeons aucun, mais rappelons-nous simplement que tous nous lèsent. Ils véhiculent d’abord une intention, une décision, une ambition, mais encore une ambiance émotionnelle très prononcée, laquelle en est un effet inévitable.
Nos positionnements psychiques découlent directement de la façon dont nous nous sommes sentis traités en début d’existence. Alors, quels qu’ils soient, comprenons-les, comprenons-nous ! Si vous vous êtes senti rejeté en début de vie, vous avez adopté notamment le positionnement « prendre (tenter de prendre) toute la place ». Il se peut que l’on reste positionné comme si l’on n’avait pas la possibilité, l’autorisation, l’occasion ou la légitimité de vivre en parfaite harmonie, ni même de l’envisager. L’abandonné se vit comme s’il n’avait pas de possibilité, le dévalorisé d’autorisation, le rejeté d’occasions, le trahi de légitimité et le maltraité comme s’il n’avait rien de tout cela.
De temps en temps, profitez de la possibilité d’identifier vos positionnements, parce qu’à chaque fois, vous allez faire une percée libératrice. Si vous pouvez relever un échange relationnel complètement nouveau et surtout paisible, n’en doutez pas, vous avez au moins momentanément délaissé un vieux positionnement. Il sera bénéfique pour vous de le voir, de le reconnaître. Si nous sommes disposés à goûter à la considération bienfaisante de nos positionnements psychiques, envisageons-le quand nous ne sommes pas en pleine réaction, ni complètement pris par un intérêt compensateur, l’investigation étant alors trop difficile, voire impossible.
En général, la découverte et la considération cordiale de l’un de nos positionnements psychiques nous éclaire immédiatement quant à ce que nous déplorons et désamorce justement la déploration. Abandonnons tout jugement, autant que nous le pouvons, et accueillons tout ce qui nous semble représenter une aide réelle, favoriser un réel changement d’état d’esprit. Et, plus simplement encore, disposons-nous au meilleur ! (À suivre)
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