L’univers répond aussi à nos demandes inadéquates
Dans la lancée des précédentes, cette nouvelle chronique devrait pouvoir apporter une aide supplémentaire tout à fait précieuse, à laquelle s’en remettre alors qu’on est éprouvé par quelque circonstance et qu’on se trouve désemparé peu ou prou. En effet, face à un problème récurrent ou chronique qui vous affecte suffisamment, qu’est-ce qui pourrait faire une différence de façon rapide et efficace ? Mais au fait, la question vous intéresse-t-elle ? Oui ? Non ? A quel degré y êtes-vous sensible ? D’abord, entendez la question, recevez-la !
Ne croyez pas que l’idée d’une solution au problème qui est sien intéresse tout le monde, ni que l’on est toujours disposé à envisager la vie de façon réellement positive. Personnellement, j’ai fini par voir quand ou comment je pouvais dans ma propre vie résister aux solutions disponibles ou envisageables (autant dire « les refuser »). Ce phénomène en apparence insolite n’est pas le plus facile à admettre, mais il me semble qu’il concerne tout un chacun d’une manière ou d’une autre. Je l’ai déjà évoqué : on peut résister au meilleur. Ce que je propose dans les paragraphes qui suivent devrait vous permettre de vous situer vous-mêmes à cet égard et de vous sortir au besoin du rêve, du cauchemar (cf. la précédente chronique).
Vous connaissez votre problème ; vous ne le connaissez que trop : vous l’avez exposé, raconté, ressassé, détaillé. Je ne vous demande pas de le raconter une fois de plus. Simplement, ayez-le à l’esprit et vérifiez pour vous-même si vous pouvez répondre à l’une ou l’autre des deux questions ci-dessous. Allez-vous pouvoir accorder suffisamment d’attention à l’une ou à l’autre de ces deux questions, pendant une, deux ou trois minutes ? Ce n’est pas si exigeant ! Or, comme on le verra, s’y prêter n’est pas nécessairement chose aisée. La proposition consiste à mettre un moment de côté les éventuelles bonnes raisons qui servent à s’indigner ou à se désespérer pour diriger ailleurs son attention.
1. OK, vous êtes confronté à ce problème, à cette situation, à cette contrariété (ce conflit, cette maladie…), mais du coup, qu’est-ce que vous ressentez ? Entendez bien : quel est le « douloureux » impliqué ? Quels sont vos sentiments, vos émotions, en fait vos douleurs ? Je ne vous demande pas ce que vous vous dites, ce que vous pensez, ce que vous considérez, déduisez, etc. Répondez avec : « Je me sens … ». Je ne vous demande pas pourquoi vous ressentez ce que vous ressentez, je vous demande ce que vous ressentez !
2. OK, vous vivez cela, endurez ceci (votre problème), et, maintenant, à quoi est-ce que vous aspirez ? Que voulez-vous vivre d’heureux, de positif, de désirable ? Donc, ne parlez plus ici de ce que vous ne voulez pas, de ce que vous ne voulez plus, mais accordez toute votre attention à ce qui constitue votre préférence, le souhait de votre coeur. Dites ce que vous voulez vraiment et comment vous voulez vous sentir, ce que vous voulez ressentir. Et là encore, notez que je ne vous demande pas de savoir si ce que vous voulez est possible, ni surtout de penser à cet aspect limité des choses (qui ne sert qu’à révéler vos croyances ou à nourrir votre frustration).
A partir de cette double proposition, diverses choses peuvent se produire. Quelques personnes sont d’emblée intéressées par les deux questions et y répondent volontiers, se sentent particulièrement bien à le faire. D’autres découvrent après un certain temps que c’est plutôt l’une des deux questions qui est susceptible de retenir leur attention (ce qui est également excellent). Les autres, soit refusent de s’arrêter sur l’une et l’autre des deux questions, soit répondent à côté (en fait n’y répondent pas tout en prétendant le faire). C’est le cas tant qu’on ne peut choisir la voie de la solution, tant qu’on demeure dans la réaction, tant qu’on résiste à se réveiller (tant que c’est le mental qui mène la barque)…
Essayez de proposer de l’aide à un rebelle, à un plaintif ou à un résigné, à quelqu’un qui râle ou marmonne…, et vous comprendrez ce que je veux dire. Quand on réagit, quand on est dans la réaction (réaction au problème), ce que l’on veut, ce n’est pas une solution, c’est réagir. Bien sûr, on ne reconnaît pas cela. On pourrait surtout le nier, mais quand on s’offre de le voir, tout change. Par exemple, quand je me vois moi-même ronger un os (l’une de mes réactions), parce que je sais si bien que cela sert seulement à maintenir la situation en l’état et même à l’empirer, je peux lâcher l’os assez vite et vivre un premier apaisement. La résistance à la solution s’observe également dans le « vouloir compenser », mais cela fait partie des réactions. Sachez encore que la tendance à résister au meilleur, à une solution peut être grossière ou plus subtile.
L’attention mise sur le premier point revient à se libérer de cela même qui a créé ou maintenu le problème en cause. L’attention accordée à ce à quoi l’on aspire (second point) revient à se l’attirer bientôt. Autrement dit, l’attention dirigée constitue une demande « à l’univers » qui ne manque pas de répondre tôt ou tard. Or, il est une de nos demandes qu’il est important de repérer car elle est tout aussi efficace : la « demande » de vivre ce qui ne nous convient pas, ce qui nous blesse, ce qui nous frustre (ce qui nous rend malheureux). Oui oui, nous faisons aussi cette demande-là. Avoir peur d’une chose revient à la demander ; résister, réagir à une chose revient à la demander ; vouloir se débarrasser d’une chose, c’est encore la demander… Il en est ainsi, je le répète, parce que l’attention obsédante représente une demande.
Nier, ignorer, repousser, réprimer, refouler un ressenti douloureux, ne jamais le reconnaître, c’est assurer sa pérennité et provoquer un malaise, la réaction émotionnelle, qui s’appelle la souffrance. Reconnaître, accueillir, ressentir, permettre ce même ressenti douloureux, c’est lui frayer le chemin pour sa libération, pour sa dissolution. En répondant au premier point, il convient de s’assurer que l’on reconnaît effectivement du ressenti et que l’on n’est plus là en train d’énoncer des croyances (autoaccusatrices ou autres). Ce serait le cas, par exemple, si vous déclariez : « Je me sens nul ».
Cependant, si vous vous voyez faire cela, profitez-en au passage pour identifier vos croyances, en vous disposant à les relâcher, et, pour en revenir à l’exercice, demandez-vous ce que vous fait sentir de vous croire … Si je me crois nul, qu’est-ce que cela me fait (ressentir) ? Donc, l’exercice devient efficace quand on observe du ressenti au lieu de mentaliser, d’énoncer des considérations mentales (fausses ou vraies).
Pour certaines personnes, le positionnement réactionnel consiste à s’autoaccuser de façon compulsive ou à cultiver une honte toujours injustifiée. Du fait de blessures différentes, d’autres personnes « choisissent » d’en vouloir au monde, à leurs proches. Les premières ne reconnaissent pas leur nature magnanime, les secondes ne reconnaissent pas ce qu’elles reçoivent. Toutes manquent de gratitude, les premières envers elles-mêmes (pour ainsi dire), les secondes envers autrui. Toutes gagnent à admettre ce qu’elles vivent, la manière dont elles fonctionnent, ce sans se juger, pour se disposer ainsi à lâcher les vieux schémas, à se réveiller du cauchemar, garant d’une vie de misère ou de frustrations.
Si je m’accuse, m’en veux, si j’ai honte, me protège de la honte, si j’accuse, blâme les autres, le monde, la vie, si je cherche des preuves, veux avoir raison, si je me justifie, m’explique alors qu’on ne me demande rien, si je me plains, me révolte…, je gagne beaucoup à le voir, à le savoir, à le reconnaître, à l’admettre, parce que cette seule reconnaissance s’appelle la conscience, la responsabilité assumée et la libération engagée. C’est être présent à ce qui est, c’est de la spiritualité pratique. Certaines personnes sont tellement identifiées avec leur fonctionnement réactionnel qu’elles ne pourront entendre ce qui est évoqué ici. Si vous m’avez lu jusqu’ici, vous n’êtes pas de ces personnes !
La croyance que l’on est fautif ou que les autres le sont (« c’est de ma faute » ou « c’est de sa faute ») est si forte et à ce point enracinée qu’elle est vécue comme une certitude absolue. Pour la libération, le besoin, c’est toujours de la conscience, de la pleine conscience : « Ah oui, c’est vrai que je m’accuse ! », « Ah oui, c’est vrai que j’ai honte ! », « Ah oui, c’est vrai que je l’accuse, que je prétends avoir raison », « Ah oui, c’est vrai que je veux être vu comme la personne la plus malheureuse au monde ! »… Pour vous-même, si vous vous permettez de reconnaître cela (quand c’est le cas évidemment), sans y surimposer le moindre jugement, vous vous préparez à vivre un bouleversement heureux dans votre vie.
Culpabilité revendiquée, mensonges éhontés, conviction d’avoir raison, mise en accusation d’autrui…, un autre positionnement réactionnel doit ici être mentionné pour donner à chacun une chance de faire un pas de plus. J’ai noté plus haut que l’on ne connaît que trop bien son problème, ses problèmes, puisque, souvent, on ne pense qu’à ça ! Or, il en est qui font l’autruche, se voilent la face, ou, plus simplement, ils sont si résignés qu’ils n’accordent ordinairement aucune attention à leurs difficultés. Ils vivent immanquablement un drame quand le vase déborde.
Alors, pour une fois, oublions tout. Laissons de côté ce que nous savons, ce que nous prétendons savoir, ce que nous croyons. Renonçons même à nos questions, à notre « vouloir comprendre ». Calmons-nous. Respirons tranquillement. Observons un moment notre respiration, puis ce qui se trouve en nous ici et maintenant. Observons-le sans même le nommer et observons-le encore. Qu’observons-nous, très souvent ? On observe une machine qui s’emballe et cette machine est notre mental.
Voici des pensées de préoccupation, des pensées accusatrices ou des pensées qui distraient. Observez-les. Observez que vous ne les décidez pas. Observez que tout malaise est maintenu par le mental et décidez de lui accorder moins de crédit. Décidez cela et accordez-vous le temps nécessaire pour en vivre les effets. Voyez surtout que c’est seulement le mental qui vous dit « ce que vous vous dites » juste avant de vous sentir mal et pour continuer de vous sentir mal, pour vous maintenir dans les mêmes cercles vicieux… Simplement, observez-le. Progressivement, observez ce que vous ressentez et sachez qu’ainsi, vous accroissez votre maîtrise et que vous vous libérez.
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