L’emploi inadéquat du pouvoir
Il y a quelques jours, une amie en peine, à l’épreuve de l’une de ses difficultés récurrentes, m’a indirectement demandé de l’aide. Cette amie connaît de nombreux enseignements psycho-spirituels et depuis bien des années, elle se montre friande de mes propres lectures et compréhensions du fonctionnement humain. Pourtant, dans la circonstance du moment à laquelle elle était confrontée et qui l’éprouvait amèrement (juste une fois de plus), elle se retrouvait et restait bloquée. Elle ne comprenait pas qu’elle ne puisse pas en sortir, qu’elle n’en soit pas encore sortie définitivement. Je dois préciser qu’elle était au départ davantage dans la réaction à ce qu’elle vivait – elle résistait – qu’elle ne se disposait effectivement à vivre autre chose, à envisager différemment la situation. Pour une part, même en me consultant, elle était plus intéressée à ronger un peu son os avec moi qu’elle ne s’attendait de bonne grâce à recevoir une aide véritable, une aide efficace (si possible).
Mon amie qui se laisse volontiers « bousculer » (au besoin), qui a l’humilité de vérifier en elle ce qui lui est suggéré, qui aime au bout du compte se libérer de ce qui l’entrave, a retrouvé la paix et la confiance après une petite heure de communication pratique, thérapeutique. Or, ensemble, nous avons convenu qu’il pouvait être délicat de se libérer de façon durable et qu’il nous fallait certainement redoubler d’attention, de vigilance, de persévérance. La libération ou une nette amélioration est toujours possible, bien entendu, et l’ignorance de cela aggrave en partie notre difficulté.
Voyez dans ces quelques pages si ce qui a aidé mon amie peut vous éclairer également. Bien qu’il soit certes plus facile d’appliquer les propositions à une situation problématique spécifique, traitée directement avec la personne éprouvée, que de généraliser l’enseignement, votre lecture attentive pourrait vous apporter quelque lumière et vous permettre, à votre tour, de retrouver le chemin de la paix et de la confiance. Ne vous en tenez pas à ce que vous pensez, pourriez penser de ce qui est écrit ici, mais testez-le, appliquez-le vraiment à ce qui vous fait mal, à ce qui vous éprouve, à ce qui vous fait réagir.
Et, en premier lieu, pour vous permettre plus sûrement de vous sentir concerné, impliqué, voici une série d’exemples de circonstances qui peuvent, selon votre propre histoire, vous affecter peu ou prou. Utilisez l’exemple ou les exemples qui vous parlent le plus pour identifier votre situation personnelle qui, le cas échéant, vous éloigne trop souvent encore de la joie et de la sérénité. La question est de savoir ce qu’est votre « problème ordinaire », ce qui semble avoir le pouvoir de vous déstabiliser ou, tout simplement, de vous rendre plus ou moins malheureux.
– Une personne (conjoint, membre de la famille, ami…) qui ne répond pas à vos attentes, qui ne vous donne pas ce que vous voulez, qui ne vous prouve pas son amour, qui fait des choix différents des vôtres, qui ne se comporte pas selon vos critères moraux, vos notions de bien et de mal ; une panne, un accident, une grosse contrariété…
– Ce que vous ne pouvez vous permettre de faire ou de posséder ; ce que d’autres ont et que vous n’avez pas ; les efforts que vous fournissez et qui ne servent à rien ; tout échec ; qu’on vous préfère quelqu’un de manifestement moins compétent, moins expérimenté ; qu’il vous faille si souvent attendre votre tour…
– Des conditions laborieuses de vie, de travail, de déplacement ; un manque d’argent ou de divers biens matériels ; un conjoint et/ou des enfants sur qui « on ne peut absolument pas compter » ; des problèmes de santé fréquents et/ou multiples, parfois au diagnostic difficile ; une simultanéité de problèmes plus graves les uns que les autres…
– Les exigences d’un conjoint ou de proches (d’ailleurs tardivement ou insuffisamment reconnues – notez bien qu’il s’agit ici d’exigences subies) ; se sentir vécu comme la cinquième roue du carrosse ; diverses douleurs physiques (corporelles) ; des désirs jamais satisfaits qui déconcentrent, consomment l’attention ; le manque d’aide (qui peut ne pas être identifié) ; une épreuve d’un proche, d’un être cher vécue comme la sienne…
– Une personne qui vous accuse ou pourrait bien vous accuser ; une situation professionnelle que vous ne parvenez pas à mettre en place ; une personne qui vous déçoit une fois de plus ou qui, décidément, ne veut pas vous faire plaisir ; le nouvel obstacle de l’instant qui vient tout compliquer et qui vous empêche de profiter d’une chose ou d’une autre, d’une relation…
Alors, « s’il y en a une », quelle est votre propre circonstance conflictuelle ou problématique, en tout cas éprouvante, qui vous fait réagir en ce moment, qui vous a fait réagir ce matin, hier, qui vous fera réagir demain, dans un mois, dans 10 ans (tant que vous ne vous libérerez pas, tant que vous ne conscientiserez pas)… ? Eh bien, pour réagir à ce à quoi l’on est confronté, on doit absolument ignorer ou sinon oublier que la personne, la circonstance incriminée n’est pas la cause de notre souffrance, qu’elle est seulement un effet de ce qui reste dans l’ombre, en nous-mêmes, un effet de l’une ou l’autre de nos blessures d’enfance non guéries.
N’avez-vous jamais remarqué que des personnes vivent les mêmes drames, les mêmes histoires ? Une personne donnée peut vous raconter son cinquième cambriolage, une autre sa dixième bagarre avec un inconnu, une autre encore son nouveau licenciement. Une femme en est à son ixième divorce ou rupture, parce que son « nouveau nouveau » compagnon s’est mis à l’alcool (comme son père, évidemment). Et il y a aussi ces gens que vous perdez de vue pendant 10 ou 20 ans et qui, quand vous les retrouvez, vous parlent du même problème. Le problème à chaque fois noté est un problème, certes, mais il n’est pas le problème ! Le vrai problème – celui qui est à résoudre – reste une blessure en nous qui est manifestée par une croyance, une peur, une réaction, un oubli, un déni, un mépris de ses vrais besoins…
Par cette peur, cette croyance, ces réactions…, je me crée moi-même, je m’attire moi-même ces personnes et ces situations que je vais déplorer, que je vais blâmer, que je vais maudire… Oui, moi qui vous parle, je fais cela. C’est fou, non ? Et vous le faites aussi ! Or, quand je me le rappelle, voici que je relativise ce que je vis, ce que j’éprouve et, graduellement, je cesse de souffrir. Pour souffrir, je dois utiliser mon mental, je dois croire des choses, me dire des choses : « La cause de mon drame du moment est ceci, cela, cette personne, ce chef, ce mari, cette épouse. Sans ce problème, je serai heureux, heureuse ». Pour souffrir, je dois méconnaître ou nier que quelque chose en moi est à l’origine de ce que je vis, que je suis donc responsable. Quel dommage !
Eh oui, ignorer sa responsabilité, c’est méconnaître son propre pouvoir. Souffrir de ce à quoi l’on est confronté, c’est croire que le pouvoir s’y trouve, croire que le pouvoir est détenu par la personne ou la situation en « cause ». Or, la personne, la situation que je déplore existe du seul fait de mon propre pouvoir. Un gamin m’a donné un fatal coup de poing sur le seul œil avec lequel je voyais encore quand j’avais près de 11 ans et je suis devenu aveugle, mais je ne dois pas ma cécité à ce gamin. Je pourrais écrire des pages et des pages sur ce qui en moi m’a préparé à l’expérience du handicap sensoriel, donc sur ma responsabilité, sur mon seul pouvoir. Et ce n’est pas parce qu’on ne sait pas comment on crée les choses que l’on ne les crée pas effectivement !
Vous avez peur qu’on vous ignore, qu’on abuse de vous, qu’on se moque de vous… Eh bien, vous le vivez très certainement ou, à tout le moins, vous vous attirez de quoi croire qu’on vous traite effectivement ainsi. Bravo, vous êtes un « excellent créateur » ! Quel pouvoir que le vôtre !
Vous aspirez en toute confiance et avec joie au meilleur, à quelque réussite ou acquisition… Eh bien, c’est encore ce que vous vivez. Bravo, vous êtes un « excellent créateur » ! Quel pouvoir que le vôtre !
Attention : ne confondez pas « aspirer profondément à une chose de façon sereine, confiante, joyeuse », « être disposé à réaliser cette chose » ou simplement « être d’accord pour la vivre » avec « la désirer », « l’envier », « l’espérer », « la fantasmer », « l’attendre avec une sorte d’impatience », « regretter son absence », « la revendiquer » ou « l’exiger ». Basés sur un « je veux », sur un vouloir plus ou moins obsédant, ces derniers modes, tout autres que l’aspiration profonde et confiante, parlent de la peur de ne pas avoir, de ne pas recevoir, de ne pas vivre… et ça marche, toujours : on n’a pas, on ne reçoit pas, on ne vit pas… Nous sommes tous les mêmes excellents créateurs. On veut, on veut ceci ou cela, en écho à sa croyance d’en être indigne.
Pour chacune des circonstances problématiques listées ci-dessus ou pour celle que vous identifierez comme étant plus précisément la vôtre, sentez, percevez, devinez « l’énergie du vouloir » qui s’y cache ou qui est parfois manifestée de façon très nette. Ce vouloir et la peur qui l’engendre rappellent la souffrance émotionnelle familière. Peu importe ce que nous avons créé jusqu’ici, que pourrions-nous être sincèrement et tranquillement disposés à créer désormais ? En attendant, puisque nous avons créé des choses (des relations, des circonstances) qui ne nous conviennent pas, quel regard devrions-nous leur accorder ?
ON l’a dit, nous avons déploré, blâmé, maudit nos créations, nos réalisations, ce qui s’est manifesté dans notre vie. Cela a-t-il été réellement ou durablement efficace ? Certainement pas ! Non seulement cela ne nous a pas aidé, mais les choses ont parfois empiré. Alors, si nous tentions autre chose ? Le préalable est la conscience que nous sommes à l’origine de ce que nous vivons (quoi que ce soit), que le pouvoir est donc « en nos mains » (parce que c’est celui de la conscience et que nous sommes la conscience), que nous ne subissons aucun pouvoir extérieur.
Il s’agit, il s’agirait de littéralement « aimer » son problème, la circonstance qui éprouve. Serait-il illogique d’aimer ses créations, ses « enfants » ? Et si les aimer est a priori trop demander, les accepter au moins, les accepter enfin fera la différence. Quand vous repensez à ce que vous avez vécu, au lieu de le ruminer comme d’habitude, de vous en plaindre à quelque confident, de pester ou encore de faire comme si ça n’était rien, testez l’amour, testez l’acceptation. Si vous avez du mal à accueillir la situation telle qu’elle est, telle qu’elle a été, accueillez au moins ce qu’elle vous fait éprouver. Reconnaissez simplement comment vous vous sentez traité dans cette situation et à être traité ainsi, ce que vous ressentez plus profondément encore. Oui, accueillez ces ressentis douloureux, reconnaissez-les, permettez-les, et voyez alors ce qui se passe pour vous, ce qui se passe en vous.
En accordant un tel accueil à son problème, on réalise bien vite que ce qu’il fait éprouver est du revécu, un rappel, la « re-présentation » d’une histoire inachevée. Le problème devient donc l’invitation à terminer cette histoire, à consumer des vieilles douleurs, à relâcher peurs, croyances et réactions. Alors, cela ne devient-il pas plus aisé ou envisageable d’aimer effectivement ce qui est porteur de solutions, de transformations, de libération ? On comprend que ces cadeaux ne peuvent être reçus alors qu’on déplore, blâme ou maudit ce qui les offre et qu’il reste à en appeler à l’amour, à la gratitude ou à l’acceptation véritable.
Plutôt que de méconnaître ou de sousestimer son propre pouvoir, plutôt que de toujours projeter les mêmes histoires, plutôt que de fonctionner, de réagir de façon habituelle, plutôt que de se laisser continuellement miner par son « vouloir si familier », plutôt que de subir son existence et de se subir soi-même :
– Penser, réfléchir moins ;
– Accueillir, accepter davantage ;
– Se rappeler que le mal-être est précédé d’un vouloir réactionnel ;
– Faire ses demandes (juste pour qu’elles ne soient plus à faire) ;
– S’exprimer, de façon vraiment nouvelle ;
– De plus en plus, se savoir la conscience.
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