Le vécu éprouvé de l’enfance non pris en compte
Le point clé de cette nouvelle chronique s’est imposé à moi en travaillant avec mon amie, Isabelle, c’est-à-dire en cherchant délibérément à appréhender nos diverses épreuves émotionnelles de façon différente et surtout efficace. Ce sont surtout les circonstances pénibles et tenaces de l’existence qui retenaient mon attention. Dans certains cas, on a accès à une compréhension assez claire par rapport à nombre de difficultés auxquelles on est confronté et l’on continue pourtant d’en subir certaines de mois en mois, d’année en année, de décennie en décennie. Alors, en pareil cas, qu’est-ce qui pourrait bien nous échapper ? Qu’est-ce qui pourrait nous aider véritablement ? Qu’est-ce qui pourrait constituer un élément manquant en faveur du lâcher-prise, de la transformation recherchée ?
En cet instant même, sinon ces jours-ci, y a-t-il quelque chose qui vous fait mal, qui vous ébranle, qui vous remue plus ou moins douloureusement ? Ayez à l’esprit ce que vous éprouvez, et pensez à autant de choses que vous voulez ! Vous pouvez même vous rappeler ces choses insupportables qui se présentent dans votre vie de façon chronique ou plus occasionnelle. Bien entendu, l’accent est à mettre sur vos impressions, sur vos ressentis, sur la manière dont vous vous sentez traité… et non pas sur les détails événementiels. En somme, que se passe-t-il en vous lorsque vous êtes mécontent, plus ou moins malheureux ?
Il y a donc ce que vous vivez en ce moment (que vous vivez souvent en réalité), à savoir l’ambiance émotionnelle provoquée – nommons-la « la souffrance » – et la façon dont vous y réagissez. Et d’ailleurs, justement, comment y réagissez-vous ? Vous y pensez beaucoup, vous en parlez plus encore, à moins que vous ne fassiez comme si tout cela n’était rien, ou bien vous ruminez, vous vous indignez, vous vous vengez ou cherchez à vous venger, vous jugez, critiquez, vous pouvez aussi vous en prendre à vous-même… Qu’en est-il pour vous plus spécifiquement ? Donc, qu’est-ce que vous endurez encore et encore et comment y réagissez-vous ?
Maintenant, dites-moi un peu ! Dans ce que vous éprouvez aujourd’hui (ou si souvent dans votre vie), qu’y a-t-il que vous n’avez pas éprouvé quand vous étiez enfant ? Quelle est cette douleur apparemment nouvelle, ainsi méconnue par l’enfant que vous avez été ? Je parle bien des ressentis douloureux et non pas des circonstances particulières qui les permettent. Un petit enfant n’a pas été limogé par un patron, mais il a pu se sentir rejeté. Il n’a pas été délaissé par une personne amante, mais il a pu se sentir abandonné. Il a pu aussi endurer des mensonges, des tromperies, des abus sans même se formuler ces mots. La question pourrait être : quel ressenti douloureux j’éprouve aujourd’hui sans l’avoir jamais éprouvé enfant ? (Solitude, frustration, injustice, colère, désespoir…). Je suggère (vous le devinez peut-être) qu’il n’en existe pas.
Oh, je ne doute pas que quelques personnes puissent rejeter une telle allégation ! Certains d’entre nous ont complètement oublié de vieux ressentis douloureux, d’autres les nieront, les ignoreront, les minimiseront… Or, ce qui a été nié, oublié, ignoré, minimisé… nous est constamment re-présenté. J’affirme en effet que nos réactions émotionnelles nous renvoient toujours à notre prime enfance. Et les personnes qui ont déjà travaillé avec moi le savent bien. Celles qui me lisent régulièrement devraient pouvoir l’envisager sans peine.
Seulement voilà, même pour nous qui avons une bonne idée de ce que nous avons éprouvé lors de notre prime enfance, un phénomène tout à fait fâcheux demeure. Nous n’avons jamais vraiment considéré notre condition d’enfant, nous n’en avons jamais tenu compte. En d’autres termes, jamais, nous ne nous sommes accordé la sorte de sensibilité qui fait de tout individu un être humain quand il a connaissance d’une circonstance heureuse ou malheureuse. Percevez qu’il s’agit d’autre chose que la pitié, l’indignation ou l’excitation.
Nous pouvons savoir (avoir appris) et même nous rappeler que nous avons été traités d’une certaine manière, en connaître long sur nos blessures (première étape d’importance), mais cela ne veut toujours pas dire que nous avons véritablement considéré notre réalité, que nous nous y sommes arrêtés. Si vous voyez un enfant traité injustement, par exemple, ou simplement même en imaginant la chose, vous pouvez être affecté en conséquence, y être sensible. Comment cela se fait-il ? Il y a un préalable : vous considérez la chose, vous la « regardez », vous la savez, la connaissez… Généralement, cette étape n’est pas franchie pour l’enfant que vous avez été. Facile à imaginer, le pourquoi ne nous intéresse pas ici.
Précisons un point avant de poursuivre. J’ai évoqué l’éventualité d’avoir nié ou ignoré ses vécus douloureux. A l’inverse, certaines personnes pensent continuellement à leur enfance malheureuse (la ressasse). C’est un autre phénomène préjudiciable : réagir à une chose signifie y résister et non pas la considérer. Permettez-moi de prendre la cécité pour exemple. Longtemps, j’ai prétendu qu’être aveugle m’était égal. J’aurais pu tout aussi bien (comme d’autres) me révolter, m’en prendre à ma famille et au monde entier. Ainsi, je veux souligner le fait que lorsqu’il n’y a ni déni d’une chose, ni emportement contre cette même chose, il reste la possibilité d’en tenir compte tout simplement… Et cette possibilité représente surtout une grande sagesse (dans de nombreux cas).
Que se passe-t-il quand on ne tient pas compte des choses, de la réalité ? Prenons un autre exemple. Votre voiture laisse supposer une défaillance mécanique à travers un bruit suspect, un signal lumineux ou autre. Serait-il intelligent de faire comme s’il ne se passait rien ? En revanche, à quoi sert-il de s’énerver ? Outre ces deux attitudes opposées et possiblement risquées, le fait de tenir grand compte du signal avertisseur pourrait vous sauver la vie. Quand, comment, combien avons-nous réellement tenu compte de nos propres vécus d’enfance ? La réponse est claire : en lien à ce qui se représente sans cesse dans notre vie, nous n’avons jamais pris en considération ce qui en est la cause. Je le répète, jamais, nous n’avons fait cela !
Certes, nous faisons grand cas de ce qui nous arrive au quotidien, de ce qui nous arrive maintenant dans la vie, soit en y résistant, soit même avec une intention plus constructive, sans réaliser que nous tentons alors de traiter seulement un effet. Quelle qu’elle soit, la circonstance problématique du moment est un effet. Que résulte-t-il du soin apporté à tout effet ? Que se passe-t-il quand vous épongez l’eau qui suinte d’un mur sans trouver ni réparer la fuite, quand vous arrachez des orties sans enlever les racines, quand vous vous intéressez à un symptôme sans souci de sa cause ? C’est très exactement ce que nous faisons avec nos problèmes ordinaires de tous ordres.
Si vous pouvez reconnaître que le douloureux d’aujourd’hui n’est rien d’autre qu’une transposition du douloureux d’hier et plus spécifiquement de votre prime enfance, demandez-vous si, enfant, vous avez pu réagir à ce douloureux comme vous y réagissez à présent. En général, ce n’est pas le cas ! La réaction fut en partie moins marquée. Des enfants réagissent à ce qu’ils vivent, bien évidemment, mais vous devriez pouvoir vérifier que vos attitudes réactionnelles sont devenues plus vives que jadis. Ici, je veux insister sur le fait que les problèmes (effets) dans notre vie reçoivent toujours plus d’attention que n’en a jamais reçu leur cause (ce qu’il est approprié de nommer ainsi).
En bref, nous sommes bien souvent traversés par diverses émotions plus ou moins prenantes. Nous les avons toutes éprouvées quand nous étions enfants. Nous sommes aujourd’hui en réaction contre les personnes et les circonstances qui nous les font vivre d’une manière qui ne nous fut certainement pas accessible à l’origine. Autrement dit, nous réagissons vivement à l’effet et nous faisons fi de la cause subie… Nous déplorons la flaque d’eau et ignorons la fuite, piétinons orties et chardons sans faire cas de leurs racines… Il est toujours utile de traiter un effet, mais il n’est jamais avantageux de le faire comme s’il s’agissait d’une cause. Et c’est précisément ce que nous faisons, toujours !
Voilà pourquoi l’on vit ce qu’on vit, les mêmes histoires, les mêmes problèmes, les mêmes maladies, les mêmes conflits… Le temps est venu de nous intéresser aux fuites, aux racines, aux causes… Et c’est possible, heureusement ! Il y a quelques jours, j’avais fini par me mettre à plier et ranger du linge qui avait largement eu le temps de sécher. Le linge était bien rangé dans l’armoire quand je réalisai soudainement que j’avais confondu un sweat en bon état avec un autre déchiré que je voulais jeter. J’allais devoir ressortir une partie du linge. J’ai connu pire problème dans ma vie, évidemment, mais ce fut le premier qui s’est présenté à moi pour tester ce nouvel apport du « regard qui transforme » et pour lui apporter une réponse plus pertinente, plus utile.
D’abord, réaction ordinaire, machinale, je me suis énervé, « presque désespéré » et dix secondes plus tard, je me suis dit : « Stop ! Arrête ça ! Qu’est-ce que tu vis là ? Ah, OK, j’éprouve le ‘j’y arrive pas’ si familier, le ‘j’peux pas’, le ‘ça marche pas’… Oui ! Pourtant, ça n’est pas là quelqu’un qui me fait vivre quelque chose ! … Mais c’est bien sûr, quand je suis enfant, je ne peux pas mille choses puisque j’ai une très mauvaise vue. Eh oui, avant d’être aveugle, j’ai été très malvoyant. C’était ma réalité d’enfant et jamais, jamais, je n’y ai prêté attention, je n’y ai fait cas, je n’en ai tenu compte, je ne l’ai pris en considération…» La conscience du lien entre la veste confondue et ma mauvaise vue de naguère m’a soudainement apaisé. Saisissez-vous la différence entre « subir une circonstance, y réagir même » et « la considérer, en tenir compte » ?
S’il avait été tenu compte de mon handicap visuel, de cette réalité, j’eusse obtenu une loupe, une longue-vue, par exemple, lesquelles m’auraient facilité bien des choses, permis d’apprendre à lire beaucoup plus vite. Sachez que ce que vous n’avez pas considéré de vos conditionnements malencontreux ne l’a pas été davantage par votre entourage. Rappelez-vous ici que vous vous traitez vous-même comme vous vous êtes senti traité enfant. Un enfant considéré devient un adulte qui se respecte, qui respecte ses limites, qui mène une vie plus épanouissante. Désormais, empruntez ce chemin-là !
Pour faire simple, admettons que vous viviez soudainement une grosse frustration. Vous savez bien comment vous réagissez quand c’est le cas ! Alors, faites comme moi : « Stop ! Arrête ça ! Ah, mais c’est bien sûr, j’ai été en maintes occasions cette petite fille, ce petit garçon frustré, insatisfait. Oui, j’ai été cet enfant-là ! » Ordinairement, quelque chose d’essentiel de notre réalité n’est pas considéré. Invitons-nous à plus de considération ! Puisqu’il s’agit de considération pour nous-mêmes, nous allons en tirer le meilleur bénéfice. Quand vous vivez toute émotion plus ou moins envahissante, rappelez-vous de la relier à votre vécu d’enfant et, ne serait-ce que quelques secondes, considérez-le, tenez-en grand compte.
Souvent, vous savez, vous sentez, vous vous rappelez qu’enfant, vous avez effectivement éprouvé la même chose, vous avez été confronté à la même douleur. Parfois, cette mémoire ou cette connaissance fera défaut. Personnellement, je ne réserve pas l’exercice « Stop ! Arrête ça !… » au seul souvenir que j’aurais d’avoir effectivement été l’enfant pareillement blessé. Je sais qu’il en est ainsi et je le considère tout simplement. Faites de même et, une fois ou l’autre, vous risquez bien d’être surpris après coup par le souvenir soudain d’un malaise qui n’avait pas été oublié par hasard. Et dans tous les cas, vous ferez surtout l’expérience d’une transformation heureuse dans votre vie.
c’est exactement ça j’ai un vécu douloureux d’enfant précoce non diagnostiquée non reconnue non prise en compte dans sa différence qui fait peur merci pour cet éclairage il ne suffit pas que je me reconnaisse adulte à haut potentiel mais aussi ancien enfant précoce avec un vécu douloureux et une différence non comprise mal vécue mal interprété par moi et toute la famille sauf le grd père qui était épaté
MERCI