Le sentiment irrationnel de culpabilité
Avec « le sentiment irrationnel de culpabilité », nous tenons un sujet de la plus grande importance et qui concerne tout le monde, même si « tout le monde » l’ignore ou en méconnaît l’ampleur, les conséquences. La culpabilité est à la base de notre conditionnement, quelle que soit notre blessure principale, quelles que soient nos différentes blessures. Je ne vais pas reprendre ici tout ce que j’ai déjà développé sur la culpabilité dans d’autres chroniques et je ne saurais trop en recommander la relecture ou la lecture :
Peut-être parce que j’ai assez tôt rencontré en conscience ce sentiment irrationnel qui est le nôtre, m’apparaissant en outre comme une évidence depuis longtemps, il est possible que je ne sois pas toujours assez précis quand j’évoque la culpabilité, alors que je suis souvent amené à la mentionner (par la force des choses). Je peux essayer d’être plus clair, bien sûr, et je vais m’y efforcer dans ces pages, mais quand je ne suis pas compris ou plus exactement quand je suis « mal compris, en général, la culpabilité de qui « ne me comprend pas » est d’abord elle-même en cause. Le mot est à peine lancé, proposé, que certaines personnes réagissent comme s’il leur était dit : « Tu es coupable ; c’est de ta faute ; vois ce que tu as fait !… » À partir de ce malentendu, les personnes se défendent ou se braquent et j’explique alors :
« Je ne t’accuse de rien ; je ne vais t’accuser de rien… Je ne te juge pas. En revanche, il est fort probable que je puisse t’aider à voir, à découvrir que toi-même, tu t’accuses, que toi-même, tu te crois coupable, que tu es et restes en tout cas positionné comme si tu étais fautif ! Autrement dit, je ne dis pas que tu es coupable, je dis que tu te crois inconsciemment coupable, inconsciemment et à tort. Et c’est précisément parce qu’il en est ainsi que tu interprètes mes propos comme une accusation, ainsi surtout que les propos de tant d’autres autour de toi. On se croit accusé du fait de s’accuser, se sent jugé comme on se juge. On se juge, s’accuse, se condamne, soi-même, INCONSCIEMMENT ET À tort. »
Plus important qu’il n’y paraît, ce premier malentendu très commun et qui subsiste encore subtilement malgré les explications retarde la reconnaissance de son sentiment réel et irrationnel de culpabilité et ce qui le compose. Si l’on se croit accusé en direct, l’attention est utilisée pour se défendre ou réagir et n’est pas disponible pour identifier quelque ressenti que ce soit. Or, pour se « décharger émotionnellement », pour emprunter le chemin de la libération, il faut cesser de penser, d’interpréter, de réagir, pour s’arrêter enfin sur ce que l’on ressent, pour le reconnaître enfin. Et ce n’est manifestement pas une « petite affaire » !
Venons-en à un autre malentendu, tout aussi aveuglant ou trompeur. Avec cette chronique, je veux donc insister sur le « sentiment irrationnel de culpabilité », sur ce qui maintient en place tout notre conditionnement, incluant bien sûr notre « mal de vivre » et nombre de nos conditions de vie éprouvantes. On veut en quelque sorte libérer ce ressenti « culpabilité », toute une ambiance mensongère qui nous vient de loin, de très loin. Oui, retenez-le bien, il s’agit de la fausse culpabilité, culpabilité irrationnelle, mensongère, délirante… Quand vient le moment où il me faut dire ou rappeler à la personne qu’elle s’accuse INCONSCIEMMENT ET À TORT, il arrive qu’elle s’empresse de me rétorquer : « À tort, à tort, non, pas si vite ! ». Et elle évoque diverses choses dont elle n’est pas fière, des choses que nous incitent parfois à faire notre état réactionnel incontrôlable (avec enfants, proches, amis, collègues…).
Oh, on pourrait bien aller jusqu’à dire que toute réaction est une façon de se rendre coupable, mais il s’agit là d’un effet et il n’est pas grand-chose que l’on puisse faire à partir des effets, sinon les reconnaître sans jugement ! Un jour (en 1979), j’ai donné un violent coup de pied à ma chienne-guide et j’aurais pu la blesser gravement. Alors qu’elle revenait vers moi, j’apprenais en même temps qu’elle venait de tuer un petit lapin qu’elle avait pris pour un jouet et j’entendais pleurer le jeune propriétaire du lapin, un enfant de douze ans. Très vite, j’ai eu honte de mon geste, de mon méfait, de ma réaction ; je me suis senti coupable, évidemment, m’en suis voulu terriblement, mais c’est bien plus tard que j’accéderai à une autre honte et une autre culpabilité, celles-là mêmes qui m’avaient fait justement réagir comme j’ai réagi ce jour-là, comme j’avais réagi souvent bien avant et comme je réagirai encore bien des fois (sans que cela passe par de la violence physique).
Avec l’évocation de la culpabilité, peut-être allez-vous repenser à cette gifle (voire pire) que vous avez flanquée à votre enfant, peut-être même à votre femme, à votre mari – qui sait ? – ce fameux jour où vous étiez si énervé(e). Vous pourriez trouver bien d’autres stupidités à vous reprocher, je vous fais confiance, mais consentez que le sujet spécifique de cette nouvelle chronique soit la « culpabilité causale fictive » et non pas la « culpabilité objective ». D’ailleurs, pour nous rappeler ces circonstances où nous avons agi coupablement, nous n’avons certainement pas besoin que l’on nous rafraîchisse la mémoire. Or, identifier son sentiment irrationnel de culpabilité, c’est une autre paire de manches ! Et c’est précisément la connaissance de cette difficulté qui m’inspire la présente chronique. Sans culpabilité fausse refoulée, aucun acte coupable n’est commis !
Le sentiment irrationnel de culpabilité-. À se sentir traité comme on se sent traité, dès le début de sa vie, à endurer tout ce que l’on endure, on en déduit que l’on est indigne, que l’on est fautif, que l’on est « imparfait », que l’on est coupable, que l’on est directement en cause… Il s’agit, non pas d’une déduction mentale, mentalisée, traduite en mots, mais d’un ressenti, douloureux, qui deviendra vite un positionnement. Autrement dit, que je sois, me sente abandonné, dévalorisé, maltraité, rejeté ou trahi, dès les premiers instants de mon existence, je vais me vivre comme concerné, impliqué, en cause et donc coupable (en l’occurrence). Je vais en être mal et pour être mal, on n’a pas besoin de mots (les maux suffisent).
Pour beaucoup d’enfants (peut-être bien celui que nous avons été), cette expérience est confirmée, renforcée quand les parents sont en conflit ou quand l’un ou l’autre est malheureux. « Si papa ou maman n’est pas bien, c’est de ma faute ! » Or, répétons-le, l’expérience est vécue sans mots. Elle est de la douleur qui deviendra souffrance avec la mentalisation ultérieure. La souffrance est de la douleur mentalisée. Cette douleur est donc un « malaise », un gros malaise, si violent qu’il sera en partie refoulé.
Ce gros malaise est effectivement refoulé en ce sens que beaucoup ne l’éprouvent pas directement en général et que, quand ils l’éprouvent, ce n’est qu’à « petites doses ». Parfois, il semble que des circonstances extérieures viennent le réactiver de façon terrifiante, mais il pourrait être plus juste de dire que le malaise en soi utilise les circonstances pour se faire connaître, pour être reconnu et enfin résorbé, libéré. (Oui, mais quand ?) C’est peu à peu ce qui se passe quand il a pu être considéré en tant que ressenti pur, non plus rattaché à une histoire. Longtemps, la plupart du temps, ce sont les histoires qui ont toute l’attention. Or, les histoires changent au fil du temps, mais le malaise reste le même.
Et pour éprouver ce malaise abyssal le moins possible, le refoulement met en place toute une organisation psychologique constituée de diverses réactions et compensations. On s’installe même dans une existence routinière en faisant en sorte que rien ne vienne perturber le confort apparent dans lequel on a pu éventuellement s’installer, se réfugier. Par exemple, on est en couple, on a de beaux enfants, un bon métier, une belle maison, tous les gadgets du dernier cri… On est comblé !
Pour beaucoup, ça marche pas mal ! Mais il ne faut surtout pas qu’un « grain de sable » vienne enrayer le système. Quoi qu’il en soit, on ne soupçonnera pas qu’il y a un lien étroit entre le douloureux refoulé et les contrariétés qui ne manqueront pas de se présenter : accidents, maladies, handicap ou perturbation de l’un de ses enfants, etc. On pourrait même mettre du temps à se rendre compte qu’il s’agit là, précisément, de « grains de sable » (plutôt gros). Mais en général, un jour ou l’autre, le malaise refait surface d’une façon qui peut être extrême. Peut-être parle-t-on alors de déprime, de grosse dépression, de velléités suicidaires. C’est de la « souffrance » ! D’ailleurs, c’est aussi ce qui fait que certains se suicident alors qu’en apparence, « ils ont tout pour être heureux ».
Oh, là encore, on incriminera le monde, la fatalité, l’hérédité, la malchance, l’injustice ou la malédiction, et c’est pourquoi l’on n’en sortira pas, pas encore ! Il n’y a en cela rien d’étonnant car l’organisation psychologique précédemment évoquée comprend le déni et la projection. Nous en avons longuement parlé dans une chronique récente et à travers des centaines de twits publiés ces derniers mois (y compris sur Facebook). Rappelons simplement que nous projetons aussi sur l’extérieur le douloureux qui ronge en nous, que nous ignorons ou nions, et insistons pour souligner que ce douloureux n’est rien d’autre que le « sentiment irrationnel de culpabilité ».
Précisons aussi que la tendance à la projection, forcément préjudiciable, sévit de façon très commune. Ce que nous craignons, qui retient notre attention et qui nous met si mal est ce que nous projetons et qui n’existe donc pas. Nous souffrons pour rien ! Ce que nous voulons, que nous n’avons pas et dont nous nous sentons privé est ce que nous projetons et qui n’existe donc pas. Nous souffrons pour rien ! Or, cette projection n’existerait pas non plus sans notre sentiment irrationnel de culpabilité, mais voilà, alors que celui-ci existe bel et bien, nous évoluons comme s’il n’en était rien ou comme s’il n’était pas en cause.
Peut-être est-ce là où vous avez « un peu de mal », où vous ne recevez pas pleinement ce qui est dit. Vous pouvez ne pas le recevoir si vous vous attendez à débusquer forcément un « je m’en veux », un « je me sens ou même simplement je me crois coupable », voire « je suis coupable », un énoncé formulé aussi clairement. Ça peut arriver, mais ce n’est le plus souvent pas le cas. Prenons un exemple pour bien percevoir la chose, pour la sentir, la comprendre, l’intégrer.
Le smartphone d’un écolier est déclaré volé dans une classe et l’instituteur prévient ses 30 élèves : « Nous n’irons pas en récréation tant que le voleur ne se sera pas dénoncé ». Pour notre exemple, sachons que le smartphone n’a pas été volé en réalité, que l’enfant plaignant l’avait ce jour-là oublié chez lui. En attendant, les 30 élèves entendent « l’accusation », la reçoivent chacun à sa manière. Comment se sentent-ils face à cette situation ? Que ressentent-ils ? Comment réagissent-ils ? Aucun n’est coupable, nous le savons, mais imaginez-vous qu’ils soient tous tranquillement positionnés en non-coupables, en innocents (ce qu’ils sont tous) ?
Il y en a peut-être qui protestent, qui sont pressés d’aller en récré, d’autres qui s’amusent de la situation, chahutent, mais éventuellement quelques-uns aussi qui ne se sentent pas très bien, qui sont mal à l’aise, voire très mal à l’aise. En voici même un qui rougit alors que l’instit regarde dans sa direction, un autre qui est prompt à expliquer comment il ne peut être le voleur. Je vous laisse imaginer d’autres scénarios, mais arrêtons-nous simplement sur ce possible malaise. Il peut être terrible, violent. Les enfants concernés revivent du douloureux qui leur appartient, qui appartient à leur propre conditionnement, et ce douloureux s’appelle « le sentiment irrationnel de culpabilité ».
Tout en éprouvant ce ressenti, aucun enfant ne dirait, ni ne se dit « je suis coupable, je m’en veux, j’ai honte, je n’aurais pas dû », etc. Et pour cause ! Chacun sait qu’il n’a pas volé le smartphone. À condition qu’on les aide un peu, ces enfants pourraient finir par dire quelque chose comme « J’ai peur d’être accusé ». Or, on ne peut pas avoir peur d’être accusé sans se sentir coupable et pour se sentir coupable, on n’a pas besoin de l’être. On n’a pas été coupable de la façon dont on s’est senti traité enfant, ni davantage des épreuves de nos parents. Et pourtant ! Aucun des enfants déstabilisés ne se dit « je suis coupable », mais tous souffrent bel et bien en l’occurrence du « sentiment irrationnel de culpabilité » et la peur d’être jugé ou même accusé en fait partie, comme tant d’autres choses. Votre souffrance est le sentiment irrationnel de culpabilité !
Maintenant, pensez à vos instituteurs accusateurs à vous ou, plus exactement, à n’importe quelle circonstance pouvant vous déstabiliser, vous mettre mal, vous mettre mal à l’aise. Ce sont des moments où vous pouvez éprouver de la peur, du regret, du remords, de la honte, de la gêne, de la confusion, de l’angoisse, etc. Vous n’êtes pas non plus forcément avec une autoaccusation formulée de façon mentale, mais vous souffrez vous aussi du « sentiment irrationnel de culpabilité ».
Si ce n’est pas encore le cas pour vous, dès que le malaise surgira, vous finirez bientôt par savoir immédiatement qu’il s’agit de votre sentiment de culpabilité ou, pour élargir la proposition, de votre sentiment de honte et/ou de culpabilité. En attendant, pour tenter de le soupçonner mieux, vous pouvez commencer par reconnaître de la peur. Pour éprouver de la peur, il faut se sentir coupable, être positionné comme si l’on était coupable ou comme s’il y avait lieu d’avoir honte.
Le « vol » de tout à l’heure est peut-être un exemple très limité, mais vous pouvez le transposer à des situations plus courantes. Vous pouvez être dans une équipe de travail où le responsable déplore le peu d’efforts globalement fournis, dans une famille où l’un ou l’autre regrette régulièrement le peu de soutien apporté à un parent âgé, vous retrouver régulièrement au restaurant avec un même groupe d’amis dont l’un fait volontiers des sous-entendus concernant ceux qui oublient trop souvent leur « carte bleue », etc. Même si vous n’êtes très objectivement pas concerné par le reproche, vous pourriez à l’occasion vous trouver dans un état similaire à nos « écoliers déstabilisés ». Une petite voix murmure en vous : « Tu es paresseux, avare, égoïste, dur, méchant, insensible, inintéressant… coupable ».
En réalité, pour pointer son nez, le sentiment irrationnel de culpabilité n’a pas besoin de ces situations spécifiques. Il est là dès qu’il y a conflit, dès qu’il y a contrariété, dès que ça ne va pas, tout simplement. Nous pouvons bien éprouver des émotions plus superficielles telles que l’ennui, l’impatience, la jalousie, la frustration, etc., on retrouvera assez facilement le malaise plus profond (la culpabilité) si l’on en a l’intérêt, la curiosité, si l’on « regarde ». Quoi qu’il en soit, votre simple malaise émotionnel éprouvé de façon chronique ou épisodique n’est rien d’autre que le « sentiment irrationnel de culpabilité » dont nous parlons ici.
Maintenant, si votre malaise est davantage constitué de réaction « colère, indignation, énervement, lamentation, bougonnement…), comme nous l’avons déjà mentionné, comprenez que c’est de la honte ou de la culpabilité projetée. Je n’insiste pas là-dessus, parce que d’autres chroniques le font et surtout parce que je m’en tiens au malaise général avec lequel il nous faut encore composer, même quand on a identifié son conditionnement, y compris justement les réactions. C’est ce malaise général qui est à l’honneur dans cette chronique, le sentiment irrationnel de honte et/ou de culpabilité. Pouvons-nous le regarder d’un peu plus près ?
À cet égard, l’expérience d’être accusé à tort est très édifiante. On peut tout à fait être accusé à tort, mais ce n’est pas l’effet du hasard, d’autant moins si l’on en est affecté. On est ou se sent traité comme on se traite soi-même. On est accusé à tort, peu importe la circonstance utilisée, aussi parce que l’on s’accuse à tort. D’ailleurs, cela définit précisément le sentiment irrationnel de culpabilité. Donc, en l’occurrence, on sait pertinemment que l’on n’est pas coupable et pourtant, on se sent mal. Si l’on est porté à se justifier, disons de façon obsessionnelle, on ne fait qu’obéir à son sentiment irrationnel de culpabilité, idem si l’on est en quête de preuves et de témoignages en sa faveur.
Celui dont la culpabilité n’est pas restimulée ou qui s’en est libéré n’est aucunement affecté par de fausses accusations, ne consomme pas de temps, d’énergie, d’attention en leur faveur. Il en apprend juste un peu plus sur les accusateurs qui, infailliblement, sont animés par leur propre culpabilité. « On sait pertinemment que l’on n’est pas coupable », ai-je écrit plus avant, mais est-ce si sûr ? En réalité, dès qu’il y a conflit, qu’il y ait ou non une fausse accusation directe, si l’on est pris dans le conflit, on est plus ou moins dans le doute, dans la confusion ou dans l’incertitude, avec de la honte « affichée », de la justification ou le vouloir convaincre ou montrer l’évidence.
Or, si l’on doute, si l’on n’est finalement plus si sûr, si l’on a honte (comme nos écoliers affectés), si l’on veut absolument se défendre, se justifier, convaincre…, c’est parce que l’on se sent coupable, parce que l’on est proche de ce vieux sentiment irrationnel de culpabilité. Quand il advient qu’il se dissipe, chose exceptionnelle à envisager bienveillamment, le désir de convaincre, d’apporter des preuves ou de recevoir des témoignages de réconciliation ou de réhabilitation disparaît complètement.
Maintenant, les situations où l’on est accusé à tort ou disons malmené « injustement » ont en général une fin et il peut être intéressant d’observer finement ce qu’est alors son ressenti. La vérité ayant par exemple été reconnue, ne pesant plus le poids du « traitement odieux », il y a une sorte de soulagement « suspect ». On n’était pas coupable, on n’était même pas en cause, et l’on se sent tout à coup soulagé. De quoi est-on soulagé ? Je ne parle pas ici d’une expérience où il y a des prises de conscience. J’évoque ce qui se passe régulièrement dans les relations humaines ordinaires. D’autres choses sont possibles, mais pour l’essentiel, le soulagement n’est rien d’autre que le sentiment irrationnel de culpabilité qui a été une nouvelle fois mis de côté, jusqu’à la prochaine occurrence « provocatrice ».
Pour éprouver d’abord le malaise désormais soulagé, on peut dire que l’on s’était laissé culpabiliser. En pareil cas où l’on est mal tout en se sachant innocent, on se laisse culpabiliser et puisqu’on se laisse culpabiliser, on est culpabilisé de fait tout comme on l’a été originellement, tout comme on l’a été enfant. Si, adulte, on peut être ainsi culpabilisé, essayons d’imaginer ce qui peut se passer quand on est enfant, ce que peut être sur soi l’impact de circonstances éprouvantes similaires ou en réalité bien pires. De surcroît, les circonstances éprouvantes de l’enfance n’avaient, elles, pas de fin. « Ce que l’enfant de 7 ans endure depuis le début de sa vie a duré 7 ans, TOUTE son existence, une éternité ! »…
Il arrive que même des très jeunes enfants soient directement accusés, culpabilisés par leurs parents ou que des parents les vivent simplement (sans rien dire) comme la cause de leur souffrance, mais l’enfant n’a pas besoin de ces circonstances extrêmes pour se culpabiliser et/ou éprouver terriblement cette forme de gêne qu’il ne nomme évidemment pas et que l’on appellera « honte ». De la même façon, devenu adulte, on peut bien sûr se faire accuser à tort, comme le tout jeune enfant a été accusé à tort ou a été vécu comme responsable, mais on n’en a pas davantage besoin pour être mal, pour se sentir mal, pour replonger dans son sentiment irrationnel de culpabilité et c’est ce qui se passe tout le temps…
Et c’est ce « mal », un malaise que l’on peut bien nommer de diverses manières, manifester de différentes façons, l’une d’entre elles étant le refoulement, qui est le « sentiment irrationnel de culpabilité. Autrement dit, dès que vous vous sentez mal, vous l’avez, vous le tenez, et vous n’avez pas besoin de chercher autre chose. Se sentir émotionnellement mal, c’est être avec le sentiment irrationnel de culpabilité. Il ne nous a jamais quitté et a au contraire été toujours très près de nous, toujours en notre compagnie. Ce qui est déterminant, c’est ce que nous faisons de ce malaise, de ce vieux malaise, de ce vieux paquet de douleurs qui renvoie, non seulement à son propre conditionnement, mais encore à toute la souffrance humaine.
Projeter sa culpabilité est un vain et terrible palliatif, nous l’avons vu, mais nous utilisons simultanément une autre stratégie. Évidemment, elle est toute aussi inefficace et même très « coûteuse ». Nous nous efforçons à être une « bonne personne », à ne surtout jamais déranger, à rester discret, à témoigner de notre compétence, de notre maîtrise, de notre gentillesse, voire de notre « sainteté »… Bref, nous faisons, tentons de faire du démenti !
Nous sommes en quête de reconnaissance, de respect, d’attention, de priorité et/ou d’importance. Nous voulons être perçu comme utile, intéressant, capable, séduisant, accueillant, grandiose, réfléchi ou accommodant… Nous voulons par-là être aimé, en avoir le témoignage toujours renouvelé. Plus nous voulons être respecté, reconnu, apprécié ou sollicité, plus nous attendons en fait le démenti de notre honte et/ou de notre culpabilité (fausse). Nous attendons des autres qu’ils recouvrent la haine de nous-même. Nous nous faisons du mal à ne pas être nous-même, parce que d’abord, pour rien, nous accusant à tort, nous avons mal.
Il ne s’agit pas de considérer ce « mal », le mal de vivre en fait, pour le déplorer, pour le dénoncer, pour s’en plaindre, pour s’en indigner ou pour s’apitoyer. C’est ce que nous faisons déjà bien trop de toute façon. Nous avons besoin de diriger notre attention au bon endroit si nous voulons vivre mieux, vivre autre chose, si nous voulons nous épanouir… Et nous allons même approcher ce sentiment irrationnel de culpabilité avec bonté, avec bienveillance, autrement dit – osons le mot – avec amour. Or, puisque c’est là encore évoquer « quelque chose » qui n’est pas vraiment compris, qui n’est pas entendu, nous le regarderons aussi de plus près avec la prochaine chronique.
Nous sommes avec notre sentiment irrationnel de culpabilité, bien sûr, quand nous nous sentons directement honteux ou coupable, quand nous nous faisons quelque reproche direct, nous en voulons. Or, ce même sentiment arbitraire est pareillement là, envahissant, quand nous nous positionnons comme si nous étions forcément un problème, imparfait, plein de défauts, dur, insensible, de trop, quand nous sommes sur la défensive, quand nous nous justifions, quand nous nous expliquons inutilement. Quand nous nous sentons simplement mal, le sentiment irrationnel de culpabilité est seul véritablement en cause.
Ainsi, si vous relisez attentivement cette chronique, vous pourriez surtout percevoir et retenir que tout malaise, le mal de vivre, la souffrance sous toutes ses formes n’est rien d’autre que le sentiment irrationnel de culpabilité, autrement dit que nous sommes mal (quand nous le sommes)… « pour rien » ! Du fait du sentiment de honte et/ou de culpabilité, sentiment arbitraire, on a à composer avec la haine de soi, le dénigrement de soi, et, au mieux, quand on ne réagit pas de façon toujours préjudiciable, on trouve des compensations qui ne satisfont que de brefs moments. Cela n’est-il pas évident que là où il y a « culpabilité », il n’y a pas d’amour ? Cela n’est-il pas évident que la réponse transformatrice ou même libératrice à la culpabilité est… l’amour ?
Merci
Riche. Intéressant
Vivement les résultats pratiques.