Le déni, l’aveuglement et/ou l’ignorance (insoupçonnés)
Nos fonctionnements habituels, compensateurs et/ou réactionnels, n’ont pas grande importance, ni ne mériteraient qu’on les déplore, en ce sens qu’ils ne sont que les effets de notre vieux conditionnement humain, ancestral et collectif. C’est ce dernier qui gagne à être en priorité connu, reconnu, parce que nous y sommes identificatoirement attachés et qu’il est la base de notre « souffrance », de notre mal de vivre. Il est plus utile de connaître une cause que ses effets.
Cependant, il n’est pas vain non plus de pouvoir repérer les moments où nous sommes, tantôt dans la réaction, tantôt dans la compensation, parce que ce sont de gros « pièges ». Ces pièges reposent toujours sur du faux, sur une sorte de mensonge, sur de l’illusion (nous y reviendrons longuement). La réaction est un refus hostile de ce qui est ou de ce que l’on croit être et la compensation veut faire être ce qui n’est pas ou maintenir ce qui est temporairement et qui est interprété de façon illusoire. Ne confondons pas la conscience d’un vieux schéma psychique avec la déploration ou la justification de ce dernier.
L’idée de développer ce « nouveau thème » m’est venu alors que je venais d’être fugitivement revisité par un vieux fantasme ou, si vous préférez, par une envie obsédante. C’est là l’une de ces occasions vécues sans gravité, sans dramatisation, mais qui nous en apprennent beaucoup quand nous les « regardons ». Il est souvent très utile de regarder ce qui se passe en soi dès lors que se produit un changement intérieur soudain, une modification de l’humeur, qu’elle soit éprouvante ou relativement agréable.
Et quand on regarde, on voit ! On reconnaît ce qui est vu et qui nous échappe donc quand on ne regarde pas…, ce qui est le cas la plupart du temps ! Oui, la plupart du temps, on reste dans l’ignorance, dans une totale ignorance de ce qui se joue et se rejoue en soi. Or, savoir cela, se le rappeler le plus souvent possible, a pour effet de tomber de moins en moins dans la dramatisation, d’y rester pris de moins en moins longtemps.
Et en reprenant cette chronique, quelques jours après l’avoir commencée, j’ai été interrompu par une autre envie soudaine, celle de manger quelque chose alors même que je n’avais pas faim, que je ne pouvais pas avoir faim dans le moment. Ce fut une autre illustration pareillement anodine et révélatrice. J’ai même envie de dire qu’elle m’est venue comme pour confirmer et étayer mon sujet. Succomber à l’envie de manger ne m’aurait posé aucun problème, mais (comme souvent) j’en ai fait un « jeu » (celui des énigmes). En fait, j’ai regardé l’envie comme s’il s’agissait d’une contrariété ordinaire puisque je ne me laisse pas longtemps perturber par toute contrariété qui pointe son nez et d’autant moins, bien sûr, quand la contrariété se fait envahissante (ce qui m’arrive bien entendu).
Au point de m’en émerveiller, j’y ai principalement retrouvé une vieille ambiance familiale, le rappel qui était impliqué en l’occurrence : il se passait des choses « là-bas » qui semblaient importantes et auxquelles je n’avais pas accès, parce que j’étais malvoyant, parce que j’étais trop jeune, parce que je n’étais pas convié, parce que plus tard, j’étais aveugle, parce que se jouait un vécu mémoriel… Peu importe ! Face à cela, j’étais pris par l’envie, par l’attente, par l’insatisfaction… J’ai alors accueilli la frustration ou le mécontentement. Je ne sais pas ce qu’est ensuite devenu mon « envie de manger » puisque je n’y ai même plus repensé ! Je viens de prendre deux exemples somme toute banals des rappels parasitaires possibles, mais le processus en cause est toujours le même.
Quand nous voyons nous quitter soudainement un état plutôt paisible, le changement qui se présente alors est toujours sous la forme du « vouloir » (désir, envie, espoir, fantasme, exigence, revendication, prétention, attente…), pris par quelque intérêt compensateur, ou bien du « non-vouloir » (lamentation, indignation, rumination, résistance), animés par une forme de réactions). Quand nous ne sommes pas simplement en paix, dans l’amour, « ce qui est le cas le plus clair de notre temps », nous nous trouvons, soit dans le vouloir, soit dans le non-vouloir (soit dans la compensation, soit dans la réaction). Voyez-vous autre chose, une autre possibilité ? REGARDEZ !
Sans nos motivations compensatrices et/ou réactionnelles, nous serions en paix et dans l’amour. Ici, nous pourrions évoquer également le déni et le jugement, mais en tant que « voile pudique » (jeté sur ce qui est en soi), le déni favorise les intérêts compensateurs et le jugement est l’outil incontournable de la réaction. Bref, on en revient toujours au vouloir et au non-vouloir.
Ainsi, quand ce n’est pas le « vouloir » qui vient nous troubler, interrompre notre sérénité (si nous la connaissons), comme avec mes deux exemples plutôt dérisoires, c’est en effet la réaction qui prend le relai. Quelque chose nous irrite, nous agace, nous indigne, nous insupporte, nous fait fulminer… La réaction peut être plus ou moins violente, se faire même très discrète. On peut même réagir en prétendant, si on nous le fait remarquer, qu’il n’en est rien.
Peut-être jugez-vous à l’occasion certains de vos proches qui se montrent exigeants (vouloir) ou agités (réaction), mais prétendriez-vous, à votre manière, n’être jamais dans le désir et/ou la réaction ? Tout le monde ne vit pas le « vouloir » et la réaction de la même façon, mais sauf à être complètement libéré de son conditionnement, tout le monde compense et tout le monde réagit. Le jugement est d’ailleurs l’une des réactions que nous partageons tous, de façon plus ou moins prononcée. Il n’est pas facile a priori de relâcher le vouloir et la réaction, mais en continuant de les ignorer, on ne peut que les subir de plus en plus.
En m’étant donc arrêté sur mon envie de l’instant, dans mes deux exemples, j’ai vu, non seulement que l’envie n’était qu’un rappel, mais encore ce qu’elle rappelait précisément. Le vouloir est un rappel, pourrait-on dire, mais on peut dire aussi qu’il est la réponse décalée à un premier rappel plus ou moins douloureux qui ne fait jamais l’objet d’un arrêt : toute contrariété, matérielle par exemple, requiert au minimum que l’on s’y arrête, n’est-ce pas ? Le vouloir rappelle un manque qui, vécu de façon durable, a laissé une empreinte douloureuse.
Et comme dans mon expérience relatée, de par un arrêt bienvenu, de par le regard et de par ce qui est vu, reconnu (donc accepté), une compréhension a lieu – laquelle compréhension peut être une confirmation – et surtout un « changement d’énergie », une disposition radicalement différente. Encore émerveillé par cette réalité globale, comme pour aller plus loin dans la perception des fonctionnements psychiques, s’il y avait lieu, j’avais voulu retrouver mon fantasme, s’agissant du premier exemple, et pour l’observer encore mieux, mais ce fut pour le coup impossible : plus le moindre intérêt ! Non pas juste un sourire s’en est suivi, mais un grand éclat de rire ! Ainsi, arrêtons-nous sur l’aveuglement ou sur l’ignorance ordinaire qui maintient pour rien nos humeurs malheureuses persistantes.
Quelle est notre réalité commune ou ce qu’elle fut une grande partie de notre existence ? Quelle est la réalité du commun des mortels ? En fait, même si l’on croit maîtriser les choses, on reste soumis à son quotidien routinier, tantôt plus ou moins éprouvant, tantôt sans « histoires », semble-t-il. Par exemple, dans le « meilleur des cas », on est marié, on a de beaux enfants, une demeure correcte, un travail « satisfaisant », des loisirs « suffisants », une bonne retraite assurée… Et en l’occurrence, on pourrait dire et dit peut-être que « tout va bien ! » On n’a pas de problèmes !
Et pourtant, même ou surtout dans ce contexte plutôt avantageux en apparence, on est et reste le jouet de tout un conditionnement, de son conditionnement. Il est si ancien, si habituel que l’on fait avec sans conscience des aspects éventuellement éprouvants… « Tout va bien », mais le cas échéant, qu’en est-il de son diabète, de son mal de dos chronique ou de ses allergies épisodiques ? « Tout va bien », mais n’est-on jamais préoccupé par ce parent qui devient Alzheimer, par son enfant handicapé, par cette sœur en dépression ou qui a refait une tentative de suicide, par son frère ou son beau-frère qui a maille à partir avec la justice ?
Y compris quand tout semble aller bien, de façon durable, régulière, on pourrait certainement trouver bien d’autres contrariétés sur lesquelles on ne s’arrête surtout pas. Il s’agit là du « déni » que nous expliquerons plus loin. « Tout va bien », semble-t-on prétendre, jusqu’au jour où une maladie grave est diagnostiquée, où l’on fait faillite et sombre dans l’alcool (mon père), où l’on finit par se rendre compte que toute son existence repose sur des apparences, sur des intérêts matériels compensateurs… La notoriété ou un compte en banque bien garni, par exemple, causent une satisfaction mentale illusoire et passagère, mais ils voilent ou contrecarrent le vrai contentement, celui du cœur, prive de l’épanouissement réel.
Quand il n’était pas sous l’effet de l’alcool, lequel le rendait agressif vis-à-vis de ma mère, mon père manifestait en règle générale une forme d’optimisme béat. Il n’a pas pu se libérer de ses vieilles peines, de ses vieilles douleurs… Il fut bien avant moi la proie du déni. Jean-Marie Guyau a écrit : « L’optimisme béat est un état analogue à celui de l’esclave qui se trouve heureux, du malade qui ne sent pas son mal ». Se trouver heureux alors que l’on ne l’est pas ou ne pas reconnaître ce qui fait mal, c’est s’assurer de subir la persistance des épreuves et même de se les attirer en cascade, d’être confronté un jour à un gros « coup dur ».
Il en est beaucoup d’entre nous à qui l’on pourrait dire : « Que faudra-t-il donc qu’il t’arrive pour que tu ouvres enfin les yeux ? » Oui, cela me fut dit un jour ! Par exemple, il pourrait parfois s’agir de reconnaître la façon dont on est traité, dont on se fait et se laisse traiter. Bien sûr, la façon dont on traite autrui peut aussi à être considérée un jour ou l’autre ! Même si l’on fait ordinairement l’autruche, on finit bien par déplorer une circonstance plus éprouvante, par y réagir, par s’en plaindre, mais cela ne veut pas dire pour autant que l’on reconnaisse enfin le douloureux profond qui croupit en soi depuis des lustres…
Être dans le plein accueil, dans l’acceptation véritable de tout ce qui se présente, est une grâce à laquelle nous sommes ordinairement peu disposés, avouons-le ! Et c’est très longtemps à travers l’ignorance ou l’évitement que l’on vit sa réalité, son conditionnement, les effets des mémoires dans lesquelles on reste inscrit, embourbé. Oui, nos blessures sont soutenues dans ces vieilles mémoires dont nous avons parlé le mois dernier et qu’il nous revient d’offrir à la purification. La réaction et la compensation sont une autre forme d’évitement, une autre expression de l’ignorance ou l’aveuglement lui-même.
Si l’on ignore longtemps ce qui finit par s’avérer évident, on est forcément à mille lieues de savoir, de se rappeler que l’on a donné son accord pour se frotter à tout ce que l’on vit. À un certain niveau, j’ai bien sûr déploré ma cécité, je l’ai surtout niée longtemps, mais j’ai pu toucher de façon subtile et étonnante l’accord profond qui m’a conduit à en vivre l’expérience. Il est bien au-delà de l’acceptation. Ce peut même être un accord tacite en vue précisément de « travailler » l’acceptation.
En l’occurrence, l’ignorance (compréhensible) se superpose au « programme existentiel » qui est incontestablement le nôtre. Ici, on peut laisser de côté la compréhension dont il est question, éventuellement trop « exigeante », et nous en tenir à des aspects plus communs, qui peuvent nous permettre de dissiper des ombres, de piéger l’aveuglement et/ou l’ignorance (collectivement partagés). Occupons-nous avant tout de ce à quoi nous pouvons avoir accès de façon plus évidente, plus tranquille !
Il est une chose absolument essentielle que nous ne devrions pas ignorer, que nous ne devrions plus ignorer, que nous continuons cependant d’ignorer et sinon de dédaigner quand nous avons déjà pu la considérer un peu : proportion gardée, nous ignorons que nous vivons notre quotidien et toutes nos relations dans une « ignorance totale ». Il est au moins de nombreux aspects que nous ignorons totalement.
On a beau sentir et être amené à se dire très souvent, le cas échéant, « j’avais cru que… », on repart aussitôt à travers d’autres pensées, d’autres convictions, dans un autre « morceau relationnel », avec d’autres croyances ou positionnements comme si ces croyances ou positionnements rendaient témoignage de la vérité ultime, d’une réalité incontestable. Si vous m’avez lu jusqu’ici, sans doute est-ce quelque chose que vous devriez pouvoir admettre assez facilement. Alors, poursuivons !
Nous manifestons notre aveuglement dès lors que nous « voulons » quoi que ce soit, que nous sommes « dans le vouloir ». Là, du « faux » peut être découvert. Sans même nous le formuler, nous appréhendons la chose voulue (désirée, enviée, espérée, revendiquée…) comme si sa privation, son non-accès, sa non-réalisation serait un drame. C’est faux, bien sûr ! Or, le « faux » se trouve déjà en ce que nous projetons sur la chose voulue : elle est le plus sublime, le plus indispensable, le plus incontournable, le plus … C’est faux, bien sûr !
Voyez si vous pouvez vous rappeler une chose que vous avez longtemps voulue de cette façon, sans l’avoir jamais obtenue, et qui ne présenterait pour vous désormais aucun intérêt. Reconnaissez cependant que pour la vouloir comme vous la vouliez, vous lui donniez (sans le dire) une valeur éternelle. La « chose » a pu être un objet (voiture, bateau, maison…), une activité (art, loisir, métier…), n’importe quoi, et tout autant une relation, une faveur relationnelle, sexuelle, etc. Votre désintérêt d’aujourd’hui vous montre bien que vous étiez dans du faux.
Comprenez surtout que la souffrance associée au vouloir (manque, frustration, impatience, injustice…) dépend exclusivement de ce que l’on projette et de ce que l’on se raconte, donc d’un mensonge, de ce qui est faux. Pendant longtemps, on ne peut pas fonctionner autrement, certes, mais il est bon de savoir que l’on souffre ainsi pour rien. La conscience ou la « compréhension » a pour effet progressif l’abandon de la mentalisation et donc de la souffrance. Percevez-vous l’utilité à se le rappeler ?
« Quand je serai grand, adulte, je serai libre et comblé, donc heureux, épanoui. Quand j’aurai le permis, une voiture, je le serai ; quand j’aurai fini mes études, mon apprentissage, je le serai ; quand j’aurai un boulot, je le serai ; quand j’aurai une maison, une vie de couple, je le serai ; quand j’aurai des enfants, une promotion…, je le serai ; quand je pourrai me payer des vacances, je le serai ; quand mes enfants seront grands, je pourrai divorcer et je le serai ; en retraite, je le serai… » Faut-il vivre toute son existence dans le faux, dans le mensonge, dans l’illusion ? Proportion gardée, n’est-ce pas notre réalité, sinon celle de beaucoup que nous pourrions connaître ?
• « L’illusion est un effet nécessaire des passions, dont la force se mesure presque toujours au degré d’aveuglement où elles nous plongent » (Claude Adrien Helvétius).
Nous nous mentons en permanence, voyons-le ! Nous voulons, nous exigeons éventuellement, c’est vrai, mais ce qui est faux, c’est ce que nous projetons, ce que nous nous disons, l’épanouissement imaginé à l’idée d’un résultat voulu atteint. Nous l’avons vérifié mille fois et nous continuons pourtant de nous raconter des histoires, les mêmes histoires. Il est de ces histoires dont le temps qui s’écoule ne permet pas toujours de vérifier l’illusion, mais l’illusion est toujours associée au vouloir :
« Si seulement il (ou elle) pouvait comprendre ! Si seulement je pouvais gagner à la loterie ! Si seulement je pouvais recouvrer la vue, retrouver un bon état de santé ! Si seulement mes enfants n’étaient pas … ! Si seulement ma femme, mon mari … ! Si seulement … (ceci, cela), je serais libre, comblé, heureux, épanoui… ! » Or, pleinement épanouis, nous pouvons l’être, bien entendu, mais cela n’arrive jamais à travers le vouloir, à travers le faux, le mensonge, l’illusion… Et c’est l’objet d’autres chroniques.
Eh bien, ce faux, ce mensonge, cette illusion se déploie de la même façon quand nous réagissons à quoi que ce soit, quand nous sommes dans la réaction ! Ayez à l’esprit la dernière circonstance qui vous a fait réagir ou, si vous préférez, que vous tenez (encore) pour responsable de votre mal-être, de votre « déprime », de votre souffrance. Considérez vos jugements, vos conclusions, vos allégations, et demandez-vous d’abord si vous pouvez être sûr à 100% de ce que vous vous dites, de ce que vous affirmez ! N’ayez pas la « prétention naïve » que du faux ne s’y trouve pas !
« J’ai un collègue qui n’en fait qu’à sa tête et ça me déstabilise ; j’en ai marre du bruit des voisins, de leur chien et de leurs enfants qui lancent leurs ballons dans mon jardin ; j’en veux à mon mari qui ne m’aide pas et qui laisse partout un bordel sans nom ; je suis dégoûté par une telle ingratitude, après tout ce que j’ai fait pour lui (elle) ; je ne comprends toujours pas pourquoi il (ou elle) se comporte de la sorte ; il n’y a jamais rien qui marche dans ma vie, c’est insupportable ; si tu continues … et c’est la dernière fois que j’te l’dis !… »
Le dernier exemple choisi évoque un premier aspect du faux : « C’est la dernière fois que j’te l’dis », combien de fois n’a-t-il pas été crié ? Par ailleurs, l’inacceptable que nous dénonçons, en lien à nos contrariétés, varie en fonction de notre humeur, même face à une circonstance identique, voire parfois empirée. C’est donc faux que l’on serait mal à cause de ceci ou de cela, seul ce qui est en soi lui donnant une réalité différente d’instant en instant. Et on réagit aujourd’hui, de façon donc variable, contre cette personne-ci exactement comme on a réagi hier, il y a quinze ans, contre cette personne-là. L’une et l’autre étaient utilisées, mais ni l’une ni l’autre n’étaient en cause en réalité.
Dans tous les cas, on projette une histoire particulière sur une circonstance éventuellement problématique (ce qui n’est même pas obligé), on en conclut le « pire » et l’on s’en trouve mal, forcément ! Pouvez-vous vous rappeler des situations où vous avez ou auriez pu vous rendre compte après coup de combien vous étiez dans l’erreur ? Notez, en général, que vous n’êtes pas naturellement porté à vous y arrêter trop longtemps ! Ben oui, mais c’est « hélas » toujours le cas ! C’est vrai pour vous, comme pour moi, comme pour tout le monde ! Nous sommes toujours dans le faux et de façon à peine moins tranchée, Un cours en miracles nous dit que nous ne sommes jamais contrariés pour la raison à laquelle nous pensons.
Je rappelle ou précise au besoin que je ne remets pas en question la réalité de comportements répréhensibles ou simplement problématiques, ni la beauté qui nous entoure et la possibilité de l’apprécier véritablement. Je parle de ce que nous en faisons, du faux qui accompagne notre vouloir et notre réaction. Je dis la possibilité de sortir de l’aveuglement et de l’ignorance ou, plus modestement, de se savoir souvent dans l’ignorance, forcément. Et cette seule connaissance, n’en doutez pas, produit un effet bientôt libérateur.
Nous ignorons une foule de choses, y compris ou surtout concernant ce qui se joue dans toutes nos interactions relationnelles. Nous ignorons longtemps la réponse aux questions que nous pouvons nous poser ou qui peuvent nous être posées. Et le cas échéant, ce n’est un problème que pour l’ego. Considérez un petit enfant rayonnant, aimé par tout son entourage : notez que l’amour qu’il vit et irradie ne peut pas dépendre de ce qu’il sait, du savoir tel que nous l’envisageons, du savoir dont nous déplorons le manque ou que nous prétendons. Autrement dit, notre bien-être réel et possible ne dépend en rien de ce que nous savons. De surcroît, être bien à ne pas savoir est de la sagesse, fonctionner dans l’ignorance que l’on ne sait pas est une « maladie ».
Dans sa forme la plus grossière, le déni ou le « refus de reconnaître » n’est ni plus ni moins qu’un mensonge. Il est par exemple celui de certains « alcooliques », de certains « obsédés sexuels » ou encore des « menteurs patentés ». Ici, je n’ai pas à l’esprit ce déni-là quand je fais du déni le « compagnon de l’aveuglement ou de l’ignorance, même s’il reste bien sûr intéressant de le considérer aussi. Il y a ce déni plus subtil, plus pernicieux, et qui nomme l’attitude psychique réservée à un vécu auquel aucune attention n’est jamais accordée, pas davantage par celui qui l’endure que par son entourage. À douze ans, j’ai appris que mon père avait fait faillite, quatre ans avant ma naissance, et je n’avais jamais entendu prononcer ce mot, ni par lui-même, ni par quiconque.
L’une des diverses raisons pour lesquelles je suis devenu complètement aveugle (j’en connais de plus importantes) est que ma mauvaise vue d’un seul œil avait été vécue dans le déni, dans une forme d’indifférence. Ce déni est en fait une occultation, un « voile pudique » jeté sur ce qui heurte d’une manière ou d’une autre. S’il vous semble que des choses empirent pour vous, soyez sûr qu’elles sont l’invitation à reconnaître quelque chose qui reste nié en quelque sorte. Bien sûr, ce déni-là n’est pas en place pour rien, mais quoi qu’il en soit, sa dissipation est grandement libératrice.
Tout le monde n’est pas concerné par ce déni que j’évoque ici, mais il doit être connu au besoin. Il est ce voile pudique jeté sur une circonstance qui constitue tout un conditionnement mémoriel et qui, en général, n’est pas conscientisé. Il reste surtout la cause de vécus éprouvants et d’ambiances émotionnelles ou réactionnelles incompréhensibles. Ce qui est nié en l’occurrence est, non pas un comportement, mais de la douleur. Et quand cette douleur est enfin reconnue, une libération impacte toute l’existence.
Qu’il soit « refus d’accepter » ou « voile pudique », le déni repose en général sur une honte profonde. Ne soyons pas étonnés de la méconnaître ou de la connaître peu, parce qu’elle est souvent le déni lui-même. Certains d’entre nous ont honte d’être mal, d’être malheureux, d’avoir à composer avec une vraie douleur. C’est pourquoi ils la nient, c’est pourquoi il ne leur reste que la souffrance. Je le rappelle régulièrement, la souffrance est de la douleur mentalisée, de la douleur non acceptée…
Si « l’ignorance dédaignée » contribue largement à notre mal-être « chronique », considérons aussi ce que nous « savons faussement », ce que nous croyons, un éventuel encombrement d’informations plus ou moins fausses, car ce savoir-là constitue un aveuglement qui voile la paix et l’amour. Comprenant toujours du faux, le savoir qui fait mal est donc vain, à l’évidence. Préférons « la position du petit enfant rayonnant qui appelle le sourire » ! Il est libre du savoir encombrant et riche d’une connaissance qui n’a rien à envier à notre mental piégé par ses limites.
• Non seulement le vouloir (compensation) et le non-vouloir (réaction) empruntent et véhiculent du faux, mais ils cultivent et empirent le malaise qu’ils étaient censés dissiper.
• Non seulement nous jugeons, de façon fausse et compulsive, mais nous tenons fort à nos jugements, dans le dédain ou l’ignorance totale de ce qui en nous les suscite.
• Nous n’aurions pas de jugements (réactionnels) s’ils étaient unanimement partagés et le fait qu’ils ne le soient pas implique forcément une subjectivité à soupçonner.
• Plutôt que de réagir à ce qui est, il est mieux de reconnaître la douleur en soi car, de la sorte, on se libère.
• L’ignorance est faite d’une connaissance qui n’est pas encore venue jusqu’à nous et le déni d’une connaissance à laquelle nous résistons.
• Quand il se fait « voile pudique » (occultation), le déni peut aboutir à une acceptation, alors mentale, et quand il est « refus d’accepter », il est la non-acceptation elle-même.
• À partir du déni (honte) et de la projection (culpabilité), tout ce que nous faisons (pensons, disons…) nous attire le contraire de ce à quoi nous pourrions croire aspirer.
• Souvent, reconnaître sa posture de déni (occultation), c’est en définitive reconnaître sa honte profonde et cette reconnaissance est grandement libératrice.
• Sans déni ni projection, lesquels consomment toute l’énergie au bénéfice du rejet de ce qui est en soi, il reste la disposition à recevoir, l’afflux de l’inspiration et de la prospérité.
• Plutôt que de vouloir quoi que ce soit, pour l’apprécier demain, on peut chérir tout de suite l’idée de le vivre. On vit ce que l’on aime, non pas ce que l’on veut. Cela, SACHONS-LE !
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