La souffrance (5/X)
(En supplément à la présente chronique mensuelle sur la souffrance, vous pourriez tirer avantage à lire ou même à relire les quatre précédentes sur le même thème – de janvier à avril 2019).
La précédente chronique a été rédigée sous la forme d’un dialogue imaginaire, entre un lecteur et son serviteur, et nous avons ici la suite de ce dialogue. Le lecteur rebondit donc sur les nombreuses propositions qu’il a reçues (le mois dernier).
Lecteur – Il y a des bonnes choses dans tout ça, je ne peux pas le nier, mais demain, quand je vais me retrouver face à une nouvelle facture à payer ou à je ne sais quoi qui va me tomber dessus, il en sera tout autrement ! En quoi ces belles paroles pourront-elles vraiment m’aider ?
• Serviteur – Non, tu ne peux pas le nier, mais tu aimerais bien, semble-t-il, et « ne t’inquiète pas », si tu y tiens, tu ne tarderas pas à te trouver une « bonne raison » pour le faire. Et sans même le nier, de toute façon, tu l’ignoreras, l’oublieras ! En attendant, tu ne peux pas faire mieux que te rabattre sur l’imaginaire et l’anticipation. Alors, il peut te suffire d’observer cette tendance à l’anticipation, à faire des plans sur la comète. C’est juste une réaction comme n’importe quelle autre et doit seulement ou peut être reconnue comme telle.
Autrement, la question que tu poses ici, telle que tu la poses, n’inspire pas d’autre réponse que celle que je viens de te faire. Nous allons y revenir. Je peux simplement ajouter, pour l’instant, que ce qui n’est pas reçu n’est pas reçu et qu’une « bonne parole » qui ne t’aide pas tout de suite ne t’aidera pas davantage demain. Autrement dit, ce qui nourrit ton cœur dans l’instant, ce qui le dilate, l’ouvre pour demain et à jamais.
L. – OK pour l’imaginaire et l’anticipation, mais tout de même, qu’en est-il de la souffrance dans le monde, bien réelle celle-là et non plus imaginaire ? D’ailleurs, s’agissant de tes invitations si nombreuses, je me demande parfois s’il ne s’agirait pas là encore de considérations légères ou même illusoires ! Peut-on être insensible aux enfants qui meurent de faim ou que l’on fait travailler en bas âge, qui pis est dans des conditions atroces ? On pourrait prendre bien d’autres exemples, tout à fait incontestables ! Là, on n’est plus non plus dans l’anticipation !
S. – Voilà précisément le genre de questions typiques auxquelles il serait sage de ne pas répondre ou dont aucune réponse ne satisfera l’interrogateur ! Pourquoi ? Parce que ça n’est pas une question ! C’est une controverse, une contestation, une réaction. Tu peux légitimer l’aspect que tu avances, mais libère-le de la question ou admets alors que ce qui pourrait être dit en écho à la question prétextée passera à la trappe. Lorsque l’on rétorque systématiquement aux réponses que l’on obtient par des « oui mais… » (OK mais…) ou des « et si… », on est dans la réaction. Ça peut être reconnu et gagne à l’être !
À ce stade, sauf s’il est lui-même dans la réaction, l’interpellé ne peut plus que se taire, sachant pertinemment qu’il n’est pas entendu, qu’il ne peut pas l’être. Les questions réactionnelles attendent, non pas une réponse sensée, mais de quoi réagir encore et, de toute façon, toute réponse – aussi sensée qu’elle soit – sera mise au service de la réaction. Et la communication devient fort délicate car si l’on tente de montrer à l’interpellant réactif sa posture adoptée malgré lui, il ne peut que réagir de plus belle.
Une question qui contient une réponse, une opinion, n’est plus une question ; elle est le prétexte pour un point de vue que l’on veut imposer. À partir de ce schéma très commun, on se fera un cadeau inestimable quand on pourra reconnaître que l’on est tout bonnement dans la réaction. Et il est probable que cette reconnaissance inspirera une question dont la réponse pourra être une révélation, un éblouissement.
Précisons encore, indépendamment de leur validité, que nos points de vue deviennent problématiques quand nous voulons les imposer, quand nous les formulons là où il n’y a pas lieu, comme à travers le prétexte d’une question. Osons le voir et le dire, cela revient à « tricher », à mentir, à faire intrusion… C’est exactement comme prétendre avoir une question à poser à un conférencier et se mettre à donner sa propre conférence. L’assistance est venue écouter le conférencier, non pas un intervenant digressif ou polémique.
Il n’est pas vain de s’arrêter un peu sur ce point, parce qu’il se trouve qu’il illustre magnifiquement, caricaturalement, un positionnement humain plus général : on dit aspirer à une chose et l’on reste positionné de telle sorte à ne pas l’obtenir, à rester dans le vouloir et dans la déploration.
Manifester un désintérêt total, une indifférence absolue (loin de son cœur), faire montre de cynisme ou d’ironie, vouloir occuper une place qui n’est pas la sienne, chercher à en découdre, se comporter de façon intrusive, tenir à avoir raison, à se montrer plus savant ou supérieur, rester dans la suspicion (pathologique), établir compulsivement l’évidence des choses, des aberrations…, ce sont là diverses attitudes qui ne sont pas reconnues par quiconque en adopte en direct, exercent celle de son choix de façon exubérante.
Ces attitudes révèlent cependant un sentiment viscéral de manque, de privation, de frustration, l’impression d’être injustement traité et une forme de souffrance qui est donc à la fois ignorée et manifestée. Dès lors que nous nous arrêtons sur la souffrance, nous ne pouvons pas passer cet aspect sous silence. De plus ou surtout, nous tenons là encore de quoi répondre à la question bien légitime sur la persistance de la souffrance et nous allons tenter de l’étayer.
En attendant, autant que tu puisses l’entendre, sache que bien d’autres avant toi ont considéré la misère du monde, en dehors de toute réaction, sans l’évoquer pour servir leur humeur, « ni surtout leurs bobos personnels ». Il en est même qui agissent en toute discrétion, de façon très efficace à leur niveau. Sommes-nous « sensibles » à la misère du monde par attendrissement véritable ou pour justifier notre réaction ? En d’autres termes, participons-nous à la misère du monde à travers la réaction ou contribuons-nous à sa diminution ? La question mérite d’être posée indépendamment de la réponse. L’attendrissement véritable inspire les actions possibles et souhaitables, mais n’étant pas mental, il est loin de toute considération réactionnelle.
Maintenant, hors réaction grossière ou superficielle, la misère du monde peut nous toucher d’une façon qu’il est utile de considérer pour ne pas maintenir un autre déni de notre propre souffrance, en fait de nos vraies douleurs. L’autoappropriation de la détresse humaine est parfois très manifeste chez certaines personnes qui peuvent souffrir effroyablement à l’écoute de la misère d’autrui. En réalité, c’est seulement ainsi qu’ils peuvent « exprimer » leur propre « souffrance », mais cette expression-là ne les sert évidemment pas. Tous, nous avons à nous libérer de nos propres vieilles douleurs, mais il s’agit d’une « action » directe, consciente, lucide…
Je n’ai aucun intérêt à parler de moi, de ma petite histoire personnelle, sauf quand des anecdotes permettent d’illustrer divers énoncés. Or, j’ai envie de confier ici qu’il m’arrive parfois d’être touché aux larmes quand j’ai à l’esprit la folie, la violence, la cruauté du monde, sachant qu’il s’agit là du reflet d’un état d’esprit collectif, de notre propre état d’esprit actuel. La fabrique de la souffrance carbure, en cet instant même, à l’accumulation de toutes les réactions. La façon dont nous réagissons à toute souffrance (la nôtre ou celle d’autrui), de l’indifférence totale à l’indignation la plus manifestée, dénote proportion gardée notre propre responsabilité. Mieux nous nous éveillons à notre véritable nature, laquelle méconnaît toute réaction, plus nous sommes nombreux à nous éveiller, et plus ce qui est reflété change aussi de nature.
Je ne peux rien te dire d’immédiatement libérateur quant à ce qui pourrait t’arriver demain, ni quant à ce qui se passe maintenant à l’autre bout du monde. Pour moi, dans l’instant, la « misère du monde », c’est… toi ! Ce n’est pas une offense ! C’est concret : je vois, je sais que tu n’es pas bien, que tu n’es pas épanoui, et je suis ouvert à la possibilité de t’aider, laissant la vie exercer son inspiration. Or, ce que « j’initie » pour toi en ce moment, selon ta disposition, tout comme ce que je libère en moi en toute occasion, est une réduction de la misère du monde.
Simplement, imagine un peu que notre échange nous ouvre davantage, nous dévoile davantage la présence et l’amour. Imagine que c’est dans cet espace que nous allons accueillir quiconque se présentera à nous… Imagine ! Si tu sais la réalité des synchronicités, tu admettras que ton état intérieur touche le monde au-delà de ce que nous pouvons concevoir. Imagine ! Ça, peut-être résisteras-tu à l’imaginer, mais tu continueras sans hésitation à imaginer le pire !… C’est notamment en continuant d’imaginer le pire que nous maintenons la souffrance, la nôtre et celle du monde. Et cela, nous le faisons… maintenant !
L. – Comment ne pas se sentir accusé par tes propos ou, sinon, comment ne pas se sentir coupable ?
S. – De même que je te dis le cas échéant que tu déprécies à tort ta valeur, que ta réalité est amour, de même je peux être amené à te dire que ta question est trop réactionnelle pour que je puisse tenter d’y répondre. Dans les deux cas et dans le cadre de notre échange, c’est pareillement quelque chose que tu peux voir, reconnaître, considérer sans le moindre jugement et recevoir comme étant des propositions elles-mêmes étrangères au jugement de ton serviteur. Je ne dis rien pour toi qui ne soit pas pour moi !
Tu ne te sens accusé que parce qu’en effet, tu te sens coupable. Or, si tu te sens coupable dans l’instant, ce qui est à la fois inutile, compréhensible et un bon signe, c’est juste que tu commences à voir. Alors, fais de cette vision de la reconnaissance pure, ce qui sera simultanément de la libération. Quiconque te fait savoir que tu te promènes avec la braguette ouverte ou avec une étiquette dans le dos n’est pas forcément en train de te juger, mais tu peux te sentir juger, juste parce que… tu te juges toi-même !
Ce qui fait notre souffrance, ce qui le fait encore d’instant en instant, nous l’activons de façon sournoise (généralement très discrète), et nous pouvons même le « manifester en direct de façon ostentatoire, envahissante ». Ce qui fait notre souffrance, dans les deux cas, le fait ici et maintenant, et quelle grâce nous faut-il pour entendre cela, pour le considérer, pour l’envisager ? Proportion gardée, la fabrication de notre souffrance a lieu en effet ICI ET MAINTENANT, à savoir pour toi à cet instant même où tu me lis et pour moi à cet instant même où je t’écris. Je n’ai pas choisi délibérément d’évoquer ce point à la cinquième chronique consacrée à la souffrance. C’est la grâce qui me l’a amené, sachant que je lui dois l’essentiel de mes développements.
Je suis ici en train de dévoiler celui de nos dysfonctionnements psychiques qui pourrait s’avérer le plus pernicieux. Je crains fort que beaucoup d’entre nous ne puissent pas le reconnaître et je suis pourtant sûr qu’il s’agit d’une révélation des plus heureuses, des plus libératrices. Je te présente donc notre « fabrique personnelle de souffrance inexhaustible », notre fabrication constante de contrariétés ou notre mode opératoire pour maintenir en l’état notre identification à un « subisseur » très particulier.
Et la spécificité de cette fabrique de souffrance, c’est qu’elle ne s’arrête jamais, qu’elle fonctionne en permanence, plus particulièrement à l’instant même. Dès le premier texte, j’ai évoqué la simultanéité de l’effet et de la cause du mal de vivre déploré et ce que j’ajoute ici, c’est la compréhension possible qu’en cet instant même, la fabrique de la souffrance « tourne à plein régime » (ou au ralenti dans le meilleur des cas).
Avec l’aspect réactionnel de tes dernières questions, tu montres que ta propre « fabrique de souffrance » est bien en marche : prétendant vouloir un éclairage, tu es et restes avec une forme de déni, sinon de doute, l’anticipation et l’imagination du « pire », tout au moins de ce qui n’est pas heureux… Tu cherches de quoi minimiser ce qui est dit, voire de quoi le contester. C’est ta posture génératrice de souffrance. Autrement dit et en réalité, tu n’es donc pas disposé à être « éclairé ».
• L. – Il y a quelque chose de troublant dans ce que tu me dis là. Tu décris bien l’un de mes positionnements chroniques que j’avais déjà reconnus, mais le pointer comme étant là, juste ici et maintenant, c’est un peu bouleversant !
• S. – Comme je te comprends ! Et c’est là de même quand tu cesses de te montrer réactif dans tes questions, quand tu es sur le point de recevoir de la lumière ou dans ton quotidien tout ce qui peut représenter pour toi le bon, le beau, le bien, voire quand tu le reçois effectivement. Quand tu as vraiment de quoi être « heureux », regarde bien ce qui se joue en toi ! La fabrique de souffrance est toujours en marche. On peut tenter de formuler ce qui se passe à ce moment précis : tu ne peux pas basculer du vouloir ou de l’attente languissante, réactionnelle au vivre pur et simple, à la pleine appréciation. À un certain niveau, tu restes dans le vouloir, dans l’attente frustrée, dans la souffrance. La fabrique reste en marche, très productive, « efficace ».
C’est toujours ici et maintenant que l’on cause et maintient sa souffrance, par exemple, en déformant complètement la réalité, en ne demandant pas l’aide dont on a besoin, en refusant le bon qui nous est offert (incluant l’aide éventuelle) ou en voulant nous l’approprier, en en voulant plus, en voulant autre chose que ce qui est, en restant dans le déni ou l’opposition, en répondant à ce qui se présente à la manière dont on l’a attendu, en restant déçu, insatisfait ou en désaccord quoi qu’il se passe… Et ce ne sont que quelques exemples !
Comme bien d’autres, chacune de ses postures maintient et fabrique en direct de la souffrance. Or, comme elles sont aussi chroniques, les conditions de vie que nous déplorons peuvent leur être attribuées. On peut donc dire que nous les fabriquons en direct. Il me fut dit un jour, « tu n’es pas aveugle, tu continues de devenir aveugle », et j’en ai alors perçu toute la pertinence. Ce fut si puissant et si évident que je demeure ouvert, aujourd’hui encore, à la possibilité de voir comment ou combien je deviens aveugle, continue de le devenir ou le maintiens… Au lieu de se demander pourquoi l’on vit ce que l’on vit, on gagnerait beaucoup à se demander comment on le perpétue.
Pour rester un moment avec l’évocation des conditions de vie, des circonstances extérieures, arrêtons-nous sur les plus pénibles, sur celles qui font éprouver l’urgence et le sentiment d’être acculé, d’avoir l’épée sur la gorge… par exemple, vous rentrez de voyage et votre valise est sur le palier ; vous êtes à découvert, venez d’être licencié et de nouvelles traites arrivent ; on vous diagnostique une maladie incurable, vous annonce un handicap à vie… Il peut s’agir d’une circonstance qui nécessiterait une solution immédiate sans que l’on ait dans le moment la moindre possibilité de l’envisager.
Là encore ou là d’autant plus, le seul ou vrai besoin immédiat est la conscientisation de notre positionnement, ce positionnement chronique, non seulement dont nous éprouvons les effets, mais qui est, qui reste à l’œuvre au moment même de la déploration. On ignore bien entendu que ce que l’on déplore, on est en train de le fabriquer, on continue de le fabriquer. Autrement dit, on reste dans la posture qui l’a provoqué.
Voir tout cela est une possibilité, une possibilité libératrice, mais juste une possibilité ! Il en est d’autres, celles qui maintiennent et fabriquent de la souffrance : subir sans mot dire, courber l’échine, jouer les victimes, faire de l’esclandre, se retirer dans sa tanière… Notons que ces possibilités-là ne sont pas totalement dépourvues d’une forme de jubilation, aussi inadmissible que ça paraisse ! La jubilation est néanmoins un élément important de la fabrique de souffrance.
Tu peux déceler l’effet jubilatoire dans la façon dont certains mettent « grand cœur » à se plaindre, à s’indigner, à faire la démonstration de leurs vécus incohérents, et soupçonner alors ta propre réaction jubilatoire. Précisons ici que tu peux tout voir de tes postures et manifestations dysfonctionnelles pour peu que tu t’y disposes, pour peu que tu ne te considères pas au-delà de l’humanité en souffrance.
Tu résistes à le faire, comme s’il s’agissait de confirmer ce que tu t’emploies à démentir et croyant ainsi te montrer digne. Or, c’est quand tu reconnais tes postures et croyances autoaccusatrices mensongères que tu fais montre de dignité. Nous rendre véritablement compte de nos dysfonctionnements conditionnés est, non pas censé être encore au service d’une considération égoïque, mais une attention bienveillante, un témoignage d’amour.
• L. – Eh bien, je me rends doucement compte qu’il y a de moi dans tout ce que tu évoques, que je peux aussi y résister encore, venir avec un « oui mais », simplement hausser les épaules ou carrément tout rejeter en bloc ! Peut-être est-ce la première fois que je vois ça ou que je peux m’y arrêter au point de pouvoir le dire, commencer à le dire. C’est un peu comme si je me voyais ou comme si je voyais le faiseur de souffrance dont tu as parlé ! J’ai un peu de mal à me l’avouer, mais je suis touché…
• S. – Et là, sans en avoir l’air, tu es tout bonnement en train de débusquer le « moi souffrant », le « moi pensant », le « moi séparé », l’ego, l’identification intégrale, ton seul et vrai problème, le problème existentiel de tout être humain, mais encore la porte de sortie de l’enfer. Voir tout cela, commencer à voir tout cela, toujours sans en avoir l’air, c’est être présent à ce qui est, manifester ce que tu es, être ce que tu es, dévoilé, en pleine lumière. Sans cela, tu ne verrais pas ce que tu es en train de voir.
La souffrance persistante ou résiduelle, la fameuse fabrication en direct qui a libre cours, n’est possible qu’à travers le voilement de cette réalité essentielle. Et ce voilement est le penser crédibilisé. Il opère à partir de l’idée d’être une entité séparée. Puisque cette une illusion, tout ce qu’il met en place psychiquement et physiquement est pareillement illusoire. Ce qui est illusoire est aussi trompeur. Il n’est pas de tromperies par lesquelles on se laisse prendre qui ne plongent pas dans la souffrance.
En résumé, ce que tu déplores, ce pour quoi tu déplores aussi de ne pas avoir de solution, de ne pas savoir comment le gérer, c’est aussi ou surtout ce que tu « fais advenir » simultanément. Ce que tu vis et vois, en le déplorant, c’est le reflet de ton état de conscience. C’est vrai pour toi comme pour moi, comme pour tout le monde, et tu aurais tort d’en faire un autre problème. En revanche, à mesure que l’on reconnaît et intègre cette réalité, on s’en libère aussi peu à peu.
Eh oui, comme moi-même, comme tout le monde, ce que tu déplores, ce dont tu souffres, c’est ta fabrication de l’instant. Ça peut avoir l’air d’une « mauvaise nouvelle », étant une attitude à la fois délirante et tourmenteuse, mais en ce qu’elle indique surtout et clairement la possibilité d’un fonctionnement différent, n’est-ce pas une « bonne nouvelle » ? Se rendre compte qu’une clé est en fait entre nos mains est toujours une découverte que nous ne pouvons qu’apprécier !
Or, avec la conscience de la responsabilité directe de notre conditionnement, quant à la souffrance, nous allons pouvoir en venir à une autre « bonne nouvelle », peut-être également inattendue ! Nous fabriquons ce que nous déplorons, mais tout à fait étrangement, en réalité, ce que nous déplorons n’existe même pas. Par exemple, c’est ici et maintenant que tu te prends pour ce que tu n’es pas, ce qui est un mensonge aux effets désastreux.
Juste à l’instant, dirais-tu que ce que tu déplores est de la même intensité que lorsque tu l’as déploré ce matin, hier, avant-hier, il y a trois jours ? Oh, tu peux bien ne pas être habitué à relever la différence d’intensité, ainsi que d’autres nuances différentes, mais ce que tu éprouves varie sans cesse et n’a donc pas de réalité ferme ! Il est aussi bien de dire que ça n’existe pas. Ce qui existe est la fabrication, mais le produit « manufacturé » n’est qu’une illusion. Pour lui donner de la vie, de la couleur, une forme, il faut y penser encore, continuer d’y penser inlassablement, autrement dit « faire tourner la fabrique à plein régime ».
Lis tranquillement les énoncés qui suivent et que j’ai extraits de mes fichiers qui en comptent à ce jour plus de vingt-cinq mille :
• La pure conscience n’interagit pas plus avec ce qui est que le ciel avec les nuages, ceux-ci pouvant se former, se déplacer et se déformer à leur guise (ce qu’ils font effectivement).
• S’il n’y avait pas ce qui est conscient, RIEN n’existerait, et il y a à jamais ce qui est conscient alors que ce dont il y a conscience n’existe déjà plus dans la « même totalité ».
• Ce dont tu es conscient dans l’instant n’existe déjà plus de même manière, « dans la même totalité », et c’est pourtant honoré plus que ce qui en est conscient. On préfère l’irréel à l’éternel.
• Ce dont tu es conscient n’existe plus et tu le rafistoles mentalement, souvent même avec des rajouts saugrenus (ta fabrication).
• Apprécie d’être conscient de ce qui est, ainsi que des pensées et autres intentions qui peuvent en découler, de tout ce qui est insignifiant, de tout ce qui n’existe déjà plus.
• Émerveillé par un coucher de soleil, tu invites un proche à l’admirer à son tour et ce n’est déjà plus le même qu’il voit.
• Rappelle-toi que ce qui apparaît n’existe déjà plus, mais n’en fais pas une croyance : reconnais-le, tout de suite !
• Même le bruit continu « perturbant » n’existe déjà plus en tant que perception identique et il en va de même pour le souvenir maintenu à l’effet toujours changeant.
• RIEN de ce qui existe n’existe encore, si ce n’est de façon illusoire du fait que le mental s’y agrippe.
• Oui, la cécité existe temporairement, mais ce que j’en pense et en ressens tout de suite n’existe déjà plus !
• La vision ou le rappel que ceci ou cela n’existe déjà plus laisse place à ce qui demeure à jamais, en retire le voile.
• À l’endroit précis dans son vol, l’oiseau que tu vois tout de suite n’existe plus ; il ne s’y trouve plus, et même assis sur la branche, il n’est déjà plus le même.
• Il y aurait bien des façons d’illustrer la façon dont ce qui existe n’existe plus, mais permets-toi de reconnaître simplement que ce que tu penses et ressens ici et maintenant n’existe plus !
• Peut-être t’arrive-t-il de dire oui ou non pour sentir, aussitôt dit, que le oui ou le non n’existe plus, plus du tout ou plus avec la même intensité. Dans le monde de la forme, rien n’est permanent, jusqu’aux cellules du corps qui le font se transformer d’instant en instant.
• Si tu considères ta peur ou ta colère, par exemple, prétendrais-tu qu’elle existe toujours de façon identique ? Cette peur ou cette colère-là que tu éprouves dans l’instant n’existe plus !
• Si possible en t’en amusant ou avec le sourire, reconnais que ce gros problème qui te préoccupe tant ici et maintenant n’existe plus ! D’ailleurs, n’existe-t-il pas juste en tant que pensée, en tant que souvenir ?
• Tu peux être mal en pensant à la tristesse, à la colère ou au reproche d’un ami, mais tu ignores ce qu’il en est en cet instant, sans même considérer que ta projection est davantage en cause !
• Non seulement le problème (préoccupant) de l’instant n’existe plus, mais il n’a jamais existé ici et maintenant tandis qu’il n’était qu’une pensée. Et de surcroît, ce qui n’existe plus non plus, c’est la préoccupation !
• Des « nuages » passent, ne font que passer, et ce qui « existe », semble exister, se prolonge, ce n’est que ce que l’on en pense et encore de façon fluctuante.
• Une « parole désobligeante » ou une « mauvaise intention » peut bien t’être destinée, en apparence, mais quelle est sa durée par rapport à ce que tu en fais, au temps que tu lui consacres ?
• Ne nie surtout pas ta contrariété, ni ton ressenti douloureux, mais perçois qu’il n’existe plus ou, si tu préfères pendant un temps, qu’il n’est plus le même !
• Le ressenti douloureux que tu reconnais enfin n’a plus la même réalité, ne serait-ce que parce que là, il est reconnu. Et le reconnaître à nouveau un instant plus tard est en réalité une autre expérience. Vérifie-le !
• Tu finiras par reconnaître que ce que tu as perçu comme n’existant plus, en fait, n’a jamais existé !
• « Rien de réel ne peut être menacé. Rien d’irréel n’existe. En cela réside la paix de Dieu. » (Un cours en miracles)
• Pour aller plus loin, même ce à quoi tu résistes n’existe pas. Tu es comme l’enfant qui ne veut pas aller se coucher (qui y résiste) de peur de se retrouver nez à nez avec quelque monstre. Certes, il le voit sans nul doute, mais il le fait exister de la même façon que nous faisons exister nos « ressentis monstrueux ». Ce à quoi je viens de penser n’existe déjà plus, ce que je viens d’éprouver n’existe déjà plus, mais grâce ou à cause de la mémoire, je peux me laisser croire que c’est toujours là. J’y pense, je projette, j’imagine et j’y crois… On s’est bloqué dans le temps.
Ne t’est-il jamais arrivé d’aller chez le médecin, pour un problème auquel tu avais accordé une « existence aussi incontestable que déplorable », pour ne quasiment plus le sentir alors que tu essayais de le décrire ? Parfois, ne cherches-tu pas à gratter un bouton qui n’est plus là ? Soupçonne ta capacité à faire durer ce que tu déplores. Vois que rien n’est là comme tu te le laisses croire. Ce que tu déplores n’existe pas maintenant.
Oui, nous tentons de faire exister et croyons même qu’existe ce qui, en réalité, n’existe pas. Alors, stop ! Non, ici, il ne s’agit même pas de lutter contre le penser, d’essayer de ne plus penser, mais il suffit de remarquer ce que fait le penser et de le stopper. Vois, non seulement que tu penses, mais mieux encore que tu fabriques, que tu donnes vie à une scène à la fois imagée et émotionnelle. Stop cette créativité délirante ! Stop ! Ressens ta préférence à stopper ce jeu fou. Dispose-toi à y renoncer, aime l’idée d’y renoncer. Et si tu résistes à cette idée, permets-toi au moins de t’en amuser, d’en rire.
« Quand on laisse tomber les excuses, la justification, pour un instant tout ce que l’on a appris pour parvenir à l’épanouissement, quand on se dispose à cela, alors il y a épanouissement » (Gangaji).
• Tous, nous aspirons à la paix. Alors, humblement, reconnaissons en nous ce qui est conflictuel, sans rien en penser, ainsi que de l’espace infini qui le contient, la présence, la conscience !
• « Quelle que soit la circonstance, se souvenir que l’on n’est rien d’autre que la conscience est toujours une bonne idée » (Francis Lucille).
• Dès lors que j’accepte véritablement le fait de vivre le plus clair de mon temps dans l’ignorance, de méconnaître donc la réalité, en cette fraction de seconde au moins, je suis conscient.
• « Notre problème est notre préoccupation excessive pour ce que nous ne sommes pas » (Francis Lucille). Et ce problème cause la souffrance.
• « L’ignorance nous prive de notre identité véritable qui est la conscience universelle en lui substituant des sensations corporelles restrictives et des notions limitatives sur ce que nous sommes (un homme, une femme, une profession, etc.) » (Francis Lucille).
• C’est aussi notre propre ignorance générale, largement ignorée (par nous-mêmes), qui nous mettra le cas échéant en situation d’être faux, de tricher, de mentir, d’abuser, de rester positionnés comme si nous savions…
• L’ignorance voile la réalité et favorise la fausseté, mais si l’ignorance est généralement une réalité ignorée, la fausseté propagée est souvent délibérée.
• La souffrance est juste une réaction émotionnelle et non pas une situation dite problématique et qui peut faire l’objet d’une attention tranquille et efficace.
• La souffrance n’est pas une situation, ni même ce que l’on en pense, mais elle est l’effet de ce que l’on en pense. Ce que l’on pense peut être explosif ! (À suivre)
Texte très compliqué à comprendre je vais devoir revoir mes bases ou alors changer de cerveau… Bonne continuation tortueuse à l’auteur que je trouve personnellement trop sombre à mon goût
– Il m’apparaît que ce petit mot – pour en avoir pris le temps – n’a pu être écrit que parce qu’en fait, quelque chose du texte en cause a été reçu, qu’une appréciation reste encore difficile, « assombrie » !
– Le texte incriminé comprend probablement une réponse au commentaire qu’il semble avoir suscité.
– J’aime bien qu’ait été relevé, donc vu, mon côté sombre (résiduel), cette vision « partagée » étant une illumination, merci !
– Le partage est un peu amer : pourquoi souhaiter à quiconque une « continuation tortueuse » ?
– Votre serviteur ne prétend pas à la clarté et c’est pourquoi il reste disponible pour tenter d’apporter toute clarification. Mais si elle n’est pas demandée ?…
Chère Maud, avec toute mon amitié