La souffrance (2/X)
En supplément à la présente chronique sur la souffrance, vous pourriez tirer avantage à lire ou même à relire la précédente sur le même thème – janvier 2019).
• Que nous le sachions ou non, que nous le déplorions ou non, nous avons tous à composer avec du « mal de vivre » ou avec un inconfort moral, et quoi qu’il en soit, l’essentiel de cette réalité nous échappe longtemps.
• La souffrance n’est pas toujours grossière, Dieu soit loué, mais un malaise certain affecte continuellement la grande majorité des gens (sans même qu’ils le reconnaissent forcément).
• Nous pourrions cesser de chercher à être heureux, ce que nous avons toujours fait en vain, et, à la place, reconnaître authentiquement et libératoirement comment ou combien nous « souffrons », « nous nous faisons souffrir ».
Pour commencer à faire au moins une petite différence heureuse dans notre existence, pour commencer à vivre un épanouissement ou à nous y disposer, il peut suffire de nous rendre à l’évidence que la souffrance – non pas la douleur – débute avec le penser inutile et qu’elle est entretenue avec ce même penser. Penser comme nous pensons, c’est réagir, et réagir, c’est « souffrir ». Essayez donc de souffrir en ne pensant strictement à rien, vous ne le pourrez pas, parce que souffrir, c’est penser ! Pouvez-vous envisager cela, SANS RIEN EN PENSER ?
Pour réagir, pour souffrir, le premier élément accessible est une simple pensée : un jugement, un souvenir ou une anticipation. Le mal-être ou le mal de vivre s’achève avec la fin du penser ou, pour mieux dire, avec le retrait du crédit qui lui est accordé. Or, on ne peut pas délibérément cesser de penser comme on pense, de façon durable, mais on peut commencer doucement à remettre en question ce que l’on pense, à cesser d’y croire, de lui accorder autant de sérieux, d’importance. C’est une possibilité, au moins à connaître !
Quand une personne est complètement identifiée à son penser ou à partir de son penser, elle ne pourrait pas envisager de ne pas penser, mais elle ne pourrait pas davantage retirer le crédit qu’elle donne à ses pensées. Son penser fait sa « raison d’être », sa réalité, son existence… N’envisageons pas pour elle une solution, elle ne lit pas ces lignes, les mépriserait ou simplement ne les comprendrait pas ! En revanche, nous fonctionnons comme elle à un degré moindre, étant toutefois disposés à reconnaître, non pas ce qui est bien et mal, mais ce qui nous fait du bien et ce qui nous fait du mal. Certains découvrent un jour, par exemple, qu’ils se sentent coupables, juste à ne plus se prêter à des échanges relationnels qui ne font rien d’autre que les léser, que les torpiller.
Il est à noter que ce qui fait généralement le plus mal est, non pas ce qui est ici et maintenant, mais ce que l’on juge, ce que l’on pense, relativement à ce qui s’est passé « hier », ou ce que l’on anticipe avec crainte. On y trouve principalement la résistance. Rupert Spira dit : « En l’absence de la pensée résistante « je n’aime pas ça, je ne veux pas de ça », il n’y a pas de souffrance ». Sans résistance, il n’y a pas de souffrance !
La véritable souffrance n’est jamais causée par quelque circonstance que ce soit, mais par ce que l’on en pense et par le dédain du vieux ressenti douloureux ravivé en l’occurrence. La souffrance est la réaction à une circonstance et non pas cette circonstance. Et cette définition est incomplète. On peut notamment ajouter que la souffrance résulte de choix inconscients, maintenus et consolidés. Ne nous reprochons surtout pas de souffrir, mais disposons-nous à voir de près ce qui se passe, en nous.
De façon étrange ou paradoxale, on pense pour éviter de sentir, bien sûr tout ce qui est « douleur », tout ce qui la rappelle. Or, ce que l’on pense fait mal. C’est pourquoi « souffrir », penser comme on pense, veut dire « se faire mal, se faire du mal ». « SE prendre la tête », comme on dit, et « SE compliquer l’existence » (qui est l’un de ses synonymes) sont des expressions très parlantes : les deux affirment ce que l’on SE fait, à soi-même ! Et au lieu de juste voir cela, si tant est que l’on ne le conteste pas, on risque encore de le déplorer, de se juger, c’est-à-dire de laisser faire le « penser tortionnaire ». Observons au passage, même si c’est une vérité d’évidence, que la contestation elle-même, sorte de querelle, d’altercation, se rapproche de la souffrance et non pas de l’amour.
Si vous vous disposez à « renoncer à la souffrance », en poursuivant votre lecture, rabaisser « l’interrupteur » du penser ordinaire à chaque fois que vous surprenez son intrusion. Ne vous inquiétez pas, votre lecture ne l’éliminera pas, hélas, et il se rallumera tout seul ! Cette allusion est intéressante car elle suggère un petit exercice : « Ne pourrais-je pas, de temps en temps, décider alternativement d’éteindre et d’allumer le penser ordinaire ? Au moins essayer, juste pour voir ! »
La pertinence de la proposition n’est pas la pratique d’un contrôle, inefficace, mais le constat, la reconnaissance ainsi permise du penser intrusif permanent. L’efficacité éventuelle sera due à cette reconnaissance qui comprend déjà en elle-même un état d’éveil. Ouvrez-vous-y, favorisez-le ! Que vous puissiez ou non vous y prêter, reconnaissez au moins que, le plus souvent, « cesser de penser » veut juste dire « cesser de souffrir ». Par « cesser de penser », comprenez « ne plus faire du penser sa raison d’être ».
À condition que vous ayez déjà pu reconnaître que, comme pour tout le monde, votre penser est machinal, automatique, que vous n’en décidez pas en réalité, vous pouvez bénéfiquement vous amuser un peu avec lui. Quand, juste une fois de plus, vous vous surprenez embarqué dans des pensées (saugrenues ou non), au lieu de le déplorer (le cas échéant), décidez de continuer de penser pareillement, mais de le faire SCIEMMENT, donc EN TOUTE CONSCIENCE. Juste parce que seule compte l’expérience, je vous laisse en découvrir les effets.
L’état de conscience ordinaire n’est pas à relâcher du fait que l’état d’éveil lui est supérieur, mais parce qu’il est un état de souffrance. « Je pense, donc je souffre », écrivais-je dans la précédente chronique. C’est le rappel, non seulement du penser incongru, souffrant, mais aussi l’illustration de la souffrance auto-infligée et de la simultanéité de l’effet et de la cause. Pour éprouver la noirceur, si cela vous arrive, vous broyez du noir. « Vous » êtes la cause de ce qui se joue en vous ! Pour le dire plus justement, ce qui évite aussi une inutile interprétation accusatrice, l’effet en vous est le noir et la cause simultanée en vous est le broyage. Le « vous » broyeur est un conditionnement !
Quand vous suggérez (judicieusement) à un ami de ne pas SE stresser, de ne pas S’inquiéter, de ne pas S’angoisser, de ne pas S’en faire, de ne pas SE faire de bile, de ne pas SE culpabiliser, vous relevez – sans en avoir l’air – ce qu’il est en train – causalement – de se faire. Peut-être lui dites-vous plus directement encore : « Arrête de te faire tant de mal ! » Dans une certaine mesure, vous savez donc la cause concomitante à l’effet éprouvant qui est le sien : il a mal (l’effet), parce qu’il se fait mal (la cause). Reconnaissez sciemment ce dysfonctionnement psychique dont nous usons et abusons tous. D’une manière plus large, ne résistez pas à reconnaître la simultanéité de l’effet et de la cause, d’autant qu’elle ne se trouve pas que dans les manifestations fâcheuses.
Quant aux moments où VOUS VOUS félicitez, où VOUS VOUS réjouissez, où vous vous éclatez, mieux encore où VOUS VOUS faites (carrément) plaisir, voyez-vous l’agissement causal, ainsi que son effet immédiat ? Quand VOUS VOUS détendez, VOUS relaxez, agissement causal, vous ressentez une détente, bel effet appréciable ! Ne refusez donc pas de voir que vous vous faites ce que vous vivez, sachant que vous pouvez ou pourriez surtout vous faire du bien, vous accorder le meilleur. D’ailleurs, recevez bien cet autre exemple qui suit !
Considérez « aimer » et « se sentir aimé », non plus comme un agissement, mais comme un « état d’être », toujours causal, et devinez ce qu’en est l’effet immédiat. L’amour est simultanément la cause et l’effet. Quand je suis dans l’amour, état causal, mon espace intérieur ou mon champ de vision (conscience) est grandement élargi, l’effet. On dit de surcroît que l’amour guérit, voire que c’est toujours l’amour qui guérit. Il est question de l’amour véritable, de l’amour sans condition et de sa puissance…
Ordinairement, on peut croire que l’on doit aux autres de se sentir aimé (le doit à l’extérieur), demeurant alors dans l’attente languissante. En réalité, « se sentir aimé » ou non est toujours précédé d’un état d’âme correspondant. D’ailleurs, n’y a-t-il pas « toujours » des gens qui nous aiment ? On se sent aimé de la même façon que l’on se sent traité mal et cela reste la cause directe de notre expérience de chaque instant. Amour ou peur, ressentiment, la cause de tout ce que l’on ressent est toujours en soi. La cause de notre drame est notre drame lui-même. Il n’y a pas de drame sans dramatisation. Quand vous vivez un drame, qui dramatise ? Nous ressentons l’amour quand nous aimons, non pas le contraire, même si on peut/pourrait le croire !
• Nous ne subissons aucun drame extérieur, nous dramatisons des circonstances. La preuve, tout le monde ne le fait pas !
• L’amour « extérieur » ne cause pas l’amour en soi, la preuve, nous y répondons selon notre état d’âme ! Il est amour, parfois !
Non, il n’est rien à l’extérieur qui ait le pouvoir de nous rendre heureux ou malheureux. Soit on se dispose au meilleur, soit on prête le flanc à l’adversité. Du monde de la forme, il n’est rien à attendre, ni même à craindre, ce que nous sommes n’y étant pas (pas de la façon imaginée). Par ailleurs, en nous éveillant à ce que nous sommes, en nous libérant, nous contribuons à la libération autour de nous et en restant dans la réaction, nous contribuons à l’ignorance générale. De quoi sommes-nous le reflet, de l’amour, de la présence ou de la dysharmonie ? L’incrimination si tentante du monde extérieur est TOUJOURS un déni ou l’ignorance de ce dont on est porteur, de ce qui fait mal en soi.
Le monde de la forme n’est pas à rejeter, ni à déprécier. Il est le reflet de notre état d’esprit, de l’état de conscience collectif. On y trouve aussi bien de quoi nous inviter à préférer l’amour qu’à célébrer la joie et l’amour que nous rayonnons, quand nous les rayonnons. Ainsi, selon notre état d’esprit, nous y faisons l’expérience du pire ou l’expérience du meilleur… Nous y voyons de quoi nous émerveiller ou de quoi souffrir. Et ce sur quoi nous mettons notre attention tend à foisonner, à proliférer.
Quand il y a problème, un problème éprouvé, c’est soi-disant une personne qui … (a dit ceci, a fait cela, n’a pas fait telle chose…), une situation gênante (panne, manque, trop, place, obstacle…) ou encore son état de santé. Et comme de bien entendu, il y a une foule de choses à en penser, quand ce n’est pas à les proclamer, et à tourner en boucle encore et encore. Ça fait mal, de plus en plus mal, mais « il ne faudrait surtout pas que ça s’arrête » !
Il y a belle et bien un problème, quand il y a problème éprouvé, mais l’attention n’y est pas ; l’attention n’est pas au bon endroit. On fait d’un problème un problème et c’est ce dernier qui reçoit toute l’attention… Ce problème est fait du penser, d’un positionnement maintenu, d’un fonctionnement programmé, automatique, de l’ignorance de la réalité… Et l’on ne voudrait même pas envisager la chose car on tient inconsidérément à ce fonctionnement-là, y compris (comme nous l’avons dit) à se faire souffrir. Peu d’entre nous sont à même de reconnaître ce mécanisme délirant ou d’en tenir vraiment compte !
Il n’est pas toujours évident d’associer son humeur du moment à des pensées précises, parce que le penser n’est pas toujours criard. Elles peuvent bien se faire plus discrètes, de vieilles pensées peuvent néanmoins être délogées ou soupçonnées : je le savais ; ça n’en finira donc jamais ; ce qui me tient à cœur est impossible ; je n’ai pas ce que je veux ; il n’y a jamais rien pour moi ; je n’ai pas le droit ; j’exagère ; personne ne me comprend ; je n’ai pas de chance ; ils ont tort ; ceci ou cela ne devrait pas exister ; je vais avoir des ennuis ; je suis maudit…
Il faut donc savoir que le penser ordinaire a aussi créé les vieilles postures mentales conditionnées, fidélisées d’instant en instant, pour comprendre ses diverses humeurs, ses divers états émotionnels. On pense ce que l’on pense de façon chronique et l’on est forcément positionné à l’avenant. Par exemple, pour avoir si souvent pensé que se faire plaisir était interdit, on peut éprouver une sorte d’insatisfaction sans même penser à quoi que ce soit. Ce faisant, ON SE prive ! Pour penser habituellement que tel groupe de gens (pays, religion, apparence physique, sexualité…) sont comme ceci ou comme cela, une attitude ou des propos réflexes s’imposent en leur présence ou s’ils font l’objet d’une conversation.
Vous pourriez me confier votre état plus ou moins malheureux de l’instant, en précisant que vous n’avez pensé à rien de particulier toutes ces dernières heures. Or, avec une brève investigation, en répondant à quelques questions, vous reconnaîtrez sans peine le lien entre votre humeur du moment et votre positionnement mental prédominant. Des pensées inutiles peuvent sembler nouvelles, mais leur aspect « original » est rattaché à la dernière circonstance en date et leur structure ou leur thématique reste très ancienne.
En résumé, ce que nous éprouvons (la souffrance) est causé par le penser inutile et par nos positionnements ancestraux. Or, c’est ici et maintenant que nous continuons de penser comme nous avons toujours pensé et que nous restons positionnés comme nous avons toujours été positionnés. Très tranquillement, reconnaissons cela ! Et ce n’est pas pour rien que l’on pense comme on pense, que l’on reste positionné comme on est positionné. Nous sommes blessés, nous sommes conditionnés et nous le manifestons maintenant. Nous avons dès le départ éprouvé la séparation, « irréelle », et « confirmée » par de nombreux vécus éprouvants, très réels.
Ces divers vécus ont laissé en nous des sentiments (irrationnels) d’insignifiance, de démérite, d’indignité, de culpabilité et/ou de honte. Nous les avons refoulés, bien entendu, et nous ne pourrions pas en faire l’aveu formel, mais nos pensées et positionnements s’en font l’écho de façon relativement aigüe. C’est dire que ces sentiments enfouis participent eux aussi directement de la cause immédiate de ce que nous endurons en toute circonstance. On est face au monde, « ici et maintenant », sous l’influence directe du douloureux tapi au tréfonds de son âme. Il est aussi cuisant qu’il est irréel et surtout effroyablement créateur.
• Effacé, ne laissant jamais rien passer, l’abandonné confirme (lui seul) son sentiment particulier d’insignifiance, cause directe de son ennui et de sa solitude, lesquels peuvent être une torture.
• Si le dévalorisé se soumet comme il se soumet, c’est aussi du fait de son (propre) sentiment de démérite, cause directe de ses échecs ou de ses réussites tardives, au prix fort (grande frustration…).
• Pour tenter de démentir son sentiment d’indignité (qu’il maintient donc), le maltraité a besoin de toute l’attention, cette indignité étant la cause directe de l’adversité et de la « misère » qu’il endure à tous niveaux.
• Pour tenter d’apaiser sa culpabilité irrationnelle, toujours en vain, le rejeté la projette sur le monde, cette culpabilité (qu’il veut ignorer) étant la cause directe de ses épreuves et accidents parfois très graves.
• Pour pouvoir nier sa honte profonde, le trahi aime secrètement, tait ses goûts, retient ses demandes, se laisse (lui-même) abuser, cette honte étant la cause directe de son isolement chronique, du partage non vécu, d’un mécontentement profond.
C’est ici et maintenant que nous demeurons, de façon causale et inconsciente, positionnés comme si nous étions insignifiants, déméritants, indignes, coupables et/ou honteux. Et c’est ici et maintenant que nous en déplorons ou simplement en vivons les effets. Ignorés ou non, ces effets sont surtout limitatifs, « séparateurs », terrifiants. Ils sont la souffrance ou ce qui la permet. Le vrai problème ou le problème surajouté est l’ignorance totale de cette réalité qui embarque tout le monde.
C’est ici et maintenant que nous nous attendons à être traités comme nous nous sommes toujours sentis traités, nous traitant d’ailleurs à l’avenant, ainsi qu’à vivre les mêmes impossibilités, interdits, injustices, infortunes, contraintes, empêchements, malédictions, etc. C’est ici et maintenant que nous réagissons à la moindre chose qui rappelle cette attente conditionnée, sans même que les faits s’y prêtent. On abandonne un jour son identification ou cesse de lui obéir, mais il est à savoir qu’elle conserve longtemps une dynamique très puissante. Le « vouloir » persistant en témoigne de façon éblouissante.
L’ego ou le « moi séparé » est notamment l’insistance à promouvoir l’image de soi, à la défendre, à la protéger, à tenter surtout d’en faire le démenti d’un vieux schéma inverse reposant sur l’insignifiance, le démérite, l’indignité, la culpabilité et/ou la honte. Ces ressentis profonds nous coupent de ce que nous sommes, de notre vérité. Ils sont/seraient à reconnaître, à abandonner et non pas à démentir.
On pourrait ou devrait s’arrêter ici sur le sentiment originel et illusoire de séparation (ce que j’ai fait jusque-là de façon plutôt discrète), mais comment pouvoir l’envisager, l’approcher, le ressentir, quand on a déjà du mal à reconnaître les bonds vers l’enfer qu’il nous a fait faire : basculement dans la honte et/ou la culpabilité, plongeon à corps perdu dans la réaction pour fuir le douloureux, y compris la peur, et fabrication compulsionnelle des circonstances misérables…
Disons que l’idée de séparation a germé dans l’esprit humain collectif et qu’elle est de tous temps reflétée partout dans le monde, même dans la nature. L’idée séparatrice est décelable dans la grande majorité des pensées, des paroles, des actions, des manifestations… (On y reviendra plus longuement dans la prochaine chronique). Pour recevoir de cette nouvelle liste des énoncés ci-après ce dont vous pourriez avoir besoin ou que vous pourriez apprécier, « DÉVERROUILLEZ UN PEU VOTRE CŒUR » et qu’il devienne alors vos yeux (lire sans pensées simultanément accréditées ou revendiquées) !
• « Peut-être n’ai-je pas encore vu à quel point le penser réactionnel gouverne chaque instant de mon existence, la porte de ma sensibilité restant alors complètement verrouillée !
• Le penser incongru et d’abord intempestif est le verrou de la sensibilité, de la pleine conscience de ce qui est, et le voile de notre véritable nature.
• Je veux sans fin ce que je déplore de ne pas vivre, sans me rendre que l’éventualité de le vivre reste verrouillée, me retrouvant (parfois) démuni face à toute occasion propice. Le verrou s’appelle honte ou culpabilité.
• « J’ai reconnu mon état réactionnel, le penser intempestif, même beaucoup de mes douleurs profondes, mais je n’ai toujours pas vu que je me prenais pour ce que je ne suis pas ».
• Je ne sais pas ce que veut dire se prendre pour ce que l’on n’est pas, j’ai l’impression que ça ne veut rien dire du tout ou je n’ai même jamais considéré la chose.
• Je suis prisonnier d’une personnalité adoptée, devenue ma première nature, et je reste positionné comme si j’étais cela, sans pouvoir m’en rendre compte.
• Mon fonctionnement humain est celui de toujours, que je renforce même avec le temps, et en envisager un autre n’a pour moi aucun sens.
• J’endure l’ignorance de mon fonctionnement conditionné et de la possibilité de l’abandonner.
• Proportion gardée, il est vrai que JE souffre, que MOI souffre, et que J’arbore ce JE, ce MOI comme un trophée dont je veux qu’il soit aimé, reconnu, admiré, glorifié, sinon plaint, qu’il fasse pitié…
• Quand je perçois ce que je fais de moi, du « moi », ce que je veux en faire, je peux commencer à soupçonner qu’il n’est pas ce que je suis.
• « Tant que je ne vois pas que je tente d’exister en tant que « moi séparé », plein d’intentions et d’attentes, je ne peux pas durablement me sentir bien, en paix, dans l’amour ».
• Tant que je considère ce qui est, y compris en moi, d’un regard arbitral, je retarde une libération. Il en sera ainsi tant que je resterai « moi moi moi ».
• Un regard qui transforme n’est pas celui de l’arbitre, ni de qui que ce soit, il est vision pure, sans assistant égoïque, sans « moi intrusif ».
• Seul le « moi pensant », le « moi séparé », peut juger comme « ça » juge, et les effets font la souffrance.
• Quand je suis à même de partager ma perception, sans l’implication du doute ou de la conviction, je m’exprime probablement sans ego. Le doute et la conviction arborés sont des préoccupations mentales, égoïques.
• La déclaration que l’amour est préférable à la haine, par exemple, telle étant mon expérience, se passe aussi bien du doute que de la conviction.
• Faite dans le doute ou avec conviction, une communication offre peu d’intérêt car elle est alors mentale, encombrée d’une peur et/ou d’une intention cachée, une forme de souffrance.
• Dès lors qu’il y a doute ou conviction, il y a l’implication conditionnée et illusoire d’un « je » envahissant, d’un « moi forcément perturbé »…
• Le sentiment viscéral et irrationnel de séparation est éprouvé là où il ne peut exister, au niveau du cœur, même si l’humain déplore des séparations physiques qu’il provoque lui-même.
• Alors que l’on aspire naturellement à l’unité, on renforce le sentiment de séparation en jugeant et condamnant le monde, voire soi-même, et la souffrance est à son comble.
• « Plus je juge et condamne autrui, plus je m’attends à être jugé et condamné en retour, et j’en souffre » (Bernard Groom).
• La souffrance chronique contient un message mensonger effroyable, « Je n’ai pas le droit à l’amour », ou bien ce message invisible est lui-même la souffrance.
• Qui pourrait vivre ou même se savoir l’amour à partir de l’idée d’être insignifiant, déméritant, indigne, coupable et/ou honteux ?
• « SE mourir » est un synonyme de « souffrir » : sachez clairement, quand VOUS VOUS mourez, ce que VOUS VOUS infligez !
• Puisque souffrir, c’est d’abord « se faire du mal », à soi-même, on doit admettre que c’est une attitude autopunitive.
• Même si la souffrance correspond singulièrement à une autopunition, elle tente aussi de témoigner de notre innocence et, par projection, d’une culpabilité extérieure à nous-mêmes.
• « Vois donc comme je souffre, c’est de ta faute, c’est de leur faute ! Moi, je n’y suis pour rien ! » Sauf qu’ici, dans l’instant, je ne vois personne, que toi en train de te flageller !
• La non-existence mensongèrement établie de toute réalité essentielle est due à un « verrouillage psychique » qui cause obscurément et par ricochet beaucoup de souffrance.
• Tu peux maintenir tes postures conditionnées, inexorablement autodestructrices, mais tu ne peux donc pas faire qu’elles ne t’affectent point.
• C’est un verrouillage psychique insoupçonné qui ne nous permet pas de percevoir que l’on se prend pour ce que l’on n’est pas, à savoir pour un « moi séparé ».
• Pour faire la différence entre un blocage conscient et un blocage inconscient, appelons ce dernier un verrouillage. Des verrouillages sont à la base de la souffrance et font sa persistance.
• Si un interlocuteur ne vous comprend toujours pas, malgré des explications réitérées, peut-être a-t-il à composer avec un verrouillage particulier.
• Le verrouillage qui empêche même d’entendre un concept ou une simple proposition témoigne d’un non-accès caractérisé au senti, à l’observation, à l’écoute…
• Si vous êtes affecté par l’incompréhension continue d’un interlocuteur, vous avez vous-même quelque chose à voir, à comprendre, à « déverrouiller » !
• Vous ne pouvez avoir à faire à des « gens verrouillés », si vous le déplorez, que si vous êtes verrouillé vous-même, si vous êtes par exemple dans le déni.
• C’est parce qu’il y a verrouillage qu’il y a vouloir compulsionnel et qu’il y a surtout souffrance. Et cela, on l’ignore longtemps !
• La non-disposition à se sentir aimé, à se sentir dans l’amour, est l’effet d’un « verrouillage relationnel », effet d’un non-vécu, d’une expérience inconnue.
• On souffre aussi du fait d’être positionné comme si la non-souffrance, la paix et l’amour n’existaient pas, n’étaient que des évocations à l’eau de rose.
• Le « ça n’existe pas » peut être un déni qui est alors un verrouillage, percevez combien il est terriblement séparateur.
• Ce que l’on est positionné à vivre comme si ça n’existait pas, d’une certaine façon, on ne veut pas que ça existe et ça n’existe donc pas… pour soi ! De la souffrance est alors malencontreusement préservée.
• Plus on est « mental », plus on a à composer avec des verrouillages psychiques, le « penseur » compulsif étant « handicapé mental ». À un certain degré, nous sommes tous des handicapés mentaux !
• Le verrouillage implique qu’aucune attention ne peut être accordée à ce qui se trouve « au-delà de la porte », et le verrouillage primordial représente précisément la séparation d’avec l’Essentiel, d’avec l’Amour ou le Divin.
• Pour beaucoup, l’évocation de l’être, de la conscience, de la présence, reste sans le moindre effet car « ça n’existe pas », tel est leur verrouillage.
• Pour certains, a été verrouillée la disposition à aimer, pour d’autres à se sentir aimé, et tous entendent donc parler de l’amour inconditionnel, « divin », comme s’il s’agissait d’une langue étrangère.
• Basé sur une impression irrationnelle de honte et/ou de culpabilité, le verrouillage est le conditionnement manifesté et ce qui en est « victime » est l’ego.
• Puisque l’on n’est pas l’ego, le « moi pensant historique », on peut abandonner son histoire et toute velléité d’amélioration.
• « La culpabilité te rend aveugle, car tant que tu vois en toi la moindre tache de culpabilité, tu ne vois pas la lumière » (Un cours en miracles).
• La cécité physique est une belle métaphore du verrouillage psychique et spirituel, mais elle en est aussi une cristallisation possible, sans nul doute !
• La constipation chronique ou prolongée cristallise un verrouillage psychique à identifier. La maladie est un « mal à dire » et le corps s’en charge très bien !
• Si nous n’étions pas aveuglés, « verrouillés », nous verrions, reconnaîtrions la bonté et la douceur de l’instant, la paix et l’amour, l’unité, le Divin…
• On n’est pas conscient de ses verrouillages, avant de les découvrir, mais on pourrait bien, cependant, se sentir comme sous les verrous.
• S’éprouver comme étant sous les verrous peut être une expérience pire que celle du prisonnier quand celui-ci a abandonné son identification.
• Il n’y a rien d’étonnant à ce que l’on se sente sous des verrous puisque l’on a en quelque sorte bâti une prison autour de soi.
• Nous devons à notre conditionnement notre prison, consciemment éprouvée ou non, et nous faisons tout pour la maintenir, pour la renforcer même.
• Étant auto-infligée, la souffrance est une prison dont nous avons seuls la clé.
• C’est en reconnaissant véritablement notre souffrance pour ce qu’elle est et ce qu’elle implique que nous pouvons commencer à nous en détacher…
La souffrance est rarement extrême et elle le devient, notamment parce qu’alors qu’elle ne l’est pas, on en fait peu cas. « On souffre en silence », comme on dit ! La souffrance est essentiellement un effet, nous l’avons vu, mais sa répression n’est pas plus indiquée que son expression. Me voyant comme dans un retrait suspect dans une circonstance éprouvante, il y a près de vingt ans, un ami (Luc Bouchard) m’a dit : « Que faudra-t-il donc qu’il t’arrive encore pour qu’enfin, tu… » La souffrance vraiment reconnue révèle au moins son inutilité. Reconnaissons-la dans ses aspects plus bénins de sorte à ce qu’elle ne se mue pas en séisme.
Est-ce que quelque chose vous tracasse, juste maintenant ? Dans l’affirmative, vous pourrez considérer qu’il y a pire, mais vous souffrez à votre manière ! N’y aurait-il pas une préoccupation sur laquelle vous revenez sans cesse ou à laquelle vous préférez ne surtout pas « penser » ? Vous n’en parleriez pas en ces termes, mais vous « souffrez » ainsi ! Quelle demande ne faites-vous pas, quelle limite ne posez-vous pas, de quoi ne tenez-vous pas grand compte ? De la souffrance encore (forme discrète) ! Gardez-vous un secret dont vous n’avez jamais parlé à personne ? Si oui, c’est votre souffrance qui est secrète et gardée « bien au chaud »… Autrement dit, la souffrance n’est pas toujours virulente, ni manifestée de façon bruyante.
Rappelons que la souffrance cache une douleur, qu’elle est la résistance à cette douleur. D’aucuns pourraient dire qu’ils résistent, non pas à une douleur profonde et ancienne, mais à la situation qu’ils déplorent, pour souffrir. Or, s’ils se prêtent à l’exploration, ils ne tardent pas à reconnaître ce qui est. En réalité, ils sont plus attachés à la situation déplorée qu’ils n’y résistent, lui offrant toute leur attention. De plus, si la situation est dépassée, ils en trouvent très vite une autre, du même acabit : en effet, quel attachement !
La situation choisie nous permet de réagir, de souffrir, ce à quoi nous tenons fort. C’est bien au douloureux que nous résistons et, pour ce faire, nous sommes donc attachés aussi à la souffrance. « Pour la souffrance, il est mieux d’ignorer cela car le savoir signe sa fin ». L’ego le contestera car il en va également de sa propre « existence ». (L’ego aime « égoïser » ou, si vous préférez, l’humain aime « humaner », à partir de son seul conditionnement). Sachons que c’est un vieux conditionnement humain et offrons-nous tout simplement de le reconnaître !
Allez, reconnaissons-le en nous en amusant : « Nous aimons égoïser, humaner, déconner… » ! Nous faisons des années de thérapie pour nous libérer de ce à quoi nous tenons « le plus », à moins que nous les fassions pour nous assurer un temps hebdomadaire minimal de lamentation et de souffrance. Quoi qu’il en soit, tout le monde sait faire pour se retrouver dans la circonstance qui lui permet de souffrir au mieux de ce que réclame son conditionnement.
Si vous avez lu attentivement ces deux dernières chroniques, au moins une chose ou une autre a dû vous interpeller de façon momentanément transformatrice. Si ce n’est pas le cas, relisez-les (ou faites-vous rembourser). Si une compréhension ou une prise de conscience vous a plongé un moment dans l’appréciation, « combien de temps » y êtes-vous resté ou qu’est-ce qui vous en a fait sortir ? En général, qu’est-ce qui nous fait quitter les moments plus épanouis ? Manifestement, notre préférence de la souffrance !
C’est juste une façon de parler, largement incomplète. C’est le choix tout à fait normal et donc attendu du « moi conditionné », qui est aussi le « moi victime » ou « moi subisseur » et pour qui nous nous prenons encore. Quand nous le voyons, le reconnaissons, voyant en réalité qu’il n’est qu’une pensée parmi d’autres, certes la plus tenace celle-là, plus la reconnaissance de l’illusion est puissante, plus nous nous en libérons. C’est nous libérer de la souffrance. (À suivre)
• En jouant le rôle de la victime, en me victimisant, posture causale, j’ai forcément besoin de m’attirer le pire (effet souffrant alors innocemment déploré).
• « L’égo des accusateurs se lave les mains des explications, seule la fin du rôle de la victime désactive celui du bourreau » (Martine Arzur).
Une question, je sens combien le mental peut être vide d’ analyse et autres, donc une absence évidente, ce n’ est pas pour autant que la présence soit présente … être habitée complètement et sans retour telle est mon univers …
Une question, je sens combien le mental peut être vide d’ analyse et autres, donc une absence évidente, ce n’ est pas pour autant que la présence soit présente … être habitée complètement et sans retour tel est mon univers …
OK, Denise, mais quelle est la question ?