La résistance à deux niveaux
(Il y a quelques années que j’explore, de façon de plus en plus fréquente, la « méthode Sedona » présentée par Hale Dwoskin depuis des décennies. Je dois en partie la présente chronique à l’expérience que j’en fais personnellement.)
À un degré ou à un autre, nous sommes confrontés dans notre existence à bien des choses qui ne nous conviennent pas ; nous en subissons certaines et d’autres nous manquent parfois douloureusement. Nous en sommes relativement mécontents, insatisfaits, et nous y réagissons d’une manière dictée par notre conditionnement (nos blessures), aboutissant à des réactions qui font partie du malaise éprouvé. Mais au fait, quelle explication donnons-nous à ces circonstances particulières déplorées ? Quelle est notre interprétation de la chose ? Nous sommes-nous déjà questionné à ce sujet ? Autrement dit, quelle est notre réponse à la question : « Pourquoi est-ce que j’endure ce que j’endure ? ».
N’envisagez pas la question sous l’angle réactionnel. Ne la considérez pas ici comme la plainte ou l’indignation que vous pourriez déjà formuler à l’occasion. Si votre voiture, votre ordinateur ou tout autre chose tombe en panne, vous pouvez certes y réagir émotionnellement (colère, découragement ou autres), mais qu’il y ait ou non réaction, la question devra bien être posée à un moment ou à un autre, par vous-même ou par quelque technicien, juste pour savoir ce qui se passe, puis ce qu’il y a lieu de faire.
Eh bien, il pourrait être tout aussi légitime de se demander pourquoi l’on vit ce que l’on vit, d’autant plus quand on observe que ce sont inlassablement des circonstances identiques qui nous remuent. Or, s’il devait s’avérer que la question ainsi posée suscite peu d’intérêt, ce pourrait être que l’on tient trop à sa réponse réactionnelle ordinaire. Il suffit de s’écouter un peu parler de ses propres problèmes pour découvrir la réponse à cette question qui est la sienne. En voici quelques-unes possibles entre autres :
– Le monde est dur ou injuste avec moi ; je suis maudit ; je pose un problème quand tout va bien pour moi ; je n’ai pas intérêt à montrer ma joie, ma réussite (mieux vaut donc éviter cela dans ma vie !) ; il faut en baver dans la vie ; rien n’est possible, faut pas rêver ; je n’ai jamais de chance ; c’est pas normal qu’on me fasse ça à moi !…
Ces énoncés, ces seules croyances participent beaucoup de ce qui est vécu, de ce qu’on s’attire soi-même. Aucune de ces assertions n’explique quoi que ce soit en réalité ; y croire peut expliquer tout. Croire en l’injustice, par exemple, ne favorise certainement pas l’abondance (ne l’invite pas à se manifester ni à se perpétuer). Comme tout le monde, je vis des choses plus ou moins difficiles et je finis toujours par percevoir comment je me débrouille pour me les attirer et pour les maintenir. La question n’est donc plus « pourquoi est-ce que je vis ce que je vis », mais « comment est-ce que je me débrouille pour vivre ce que je vis, pour le revivre encore et encore ».
Une telle interrogation évacue le risque d’accuser le monde, la vie, les autres, mais le conditionnement spécifique de certaines personnes les incitera alors à s’en prendre à elles-mêmes. Il est toutefois possible d’envisager que la cause se trouve en soi-même sans en faire une faute. Je n’associe tellement pas la culpabilité avec cette cause que j’en vois plutôt en réalité la perfection. Oui, la cause reconnue de toute chose représente un enseignement parfait !
Nous sommes responsables de ce que nous vivons, de ce qui nous affecte, et, ici, peu importe la manière, l’explication. Nous nous attirons l’adversité par peur même de la vivre, par la croyance que rien d’autre ne nous est réservé, parce que nous ne savons pas apprécier le positif, parce que nous ne le reconnaissons pas ou nous en croyons tellement indignes. Il y a bien d’autres façons de repérer cela – c’est régulièrement rappelé dans les chroniques – mais indépendamment des diverses explications imaginables, je souhaite aujourd’hui m’en tenir à un fonctionnement repérable et qu’il est alors assez aisé de relâcher, d’abandonner, de transformer à notre avantage.
D’abord, je me propose de rebondir sur une observation qui m’est faite parfois, s’agissant des limites auxquelles reste sujet tout écrit, un livre et d’autant plus un modeste article comme celui-ci. Dans bien des cas, une exploration en consultation sera plus efficace et plus rapide que la réponse à une invitation reçue à travers quelques paragraphes ou même tout un livre. Cependant, je sais ne pas être le seul à aimer me laisser inspirer par des nouvelles manières de présenter les choses, d’où qu’elles viennent, de les percevoir, de les regarder. En offrant mes découvertes et compréhensions, je pars du postulat que le lecteur est à la fois capable et libre d’en faire usage à sa convenance. Et s’il résiste ??? Eh bien, nous résistons tous à ce que nous vivons et nous allons précisément considérer ce point.
Pour prendre un exemple pratique, ayez à l’esprit une chose que vous ne parvenez pas à obtenir, à faire ou même à être. Libre à vous, bien entendu, d’explorer ce qui va être dit pour des choses dans ces différents domaines (avoir, faire et être). Pour l’heure – et peut-être depuis longtemps – vous ne parvenez pas à vivre ceci (votre exemple). Pouvez-vous concevoir qu’il y a en vous de la résistance à ce sujet, sous une forme ou sous une autre ? Si cela vous désole, si cela vous énerve, si cela vous dérange de ne pas aboutir, c’est de la résistance. Ici, notez que je vous propose, non pas de renoncer à votre désir, à votre projet, mais de juste reconnaître « mieux que jamais » la résistance occasionnée.
Vous résistez, nous résistons au fait de ne pas vivre ceci ou cela. Ordinairement, nous n’avons pas idée de combien nous résistons, ni surtout des effets malencontreux de la résistance. Je m’emploie ces jours-ci à mieux observer ce phénomène et ce que je découvre m’émerveille (aussi bien pour moi-même que pour les gens qui me consultent). La résistance se trouve encore tout aussi puissante à un autre niveau, peut-être plus difficile à identifier. Si nous résistons donc au fait de ne pas vivre une chose (de ne pas l’avoir, la faire, l’être), nous résistons aussi à l’idée de la vivre (de l’avoir, de la faire, de l’être) et même au seul fait de la vivre quand nous la vivons déjà.
Sinon vous-même, ne connaissez-vous pas des gens qui semblent avoir honte de leur nouvelle voiture, de s’être permis de s’acheter cette belle voiture ? C’est de la résistance à vivre « le bon ». Les gens qui se justifient quand ils « se permettent » ce qu’ils se permettent témoignent de leur propre résistance à vivre le bon, en fait ce qui est pour eux essentiel. Pour certains, réussir là où toute leur famille a échoué peut être délicat à assumer. C’est de la résistance. Quand vous hésitez à faire ce que vous aimez, quand vous le limitez, vous résistez encore. Oui, c’est dire que nous résistons autant à l’idée d’avoir ceci qu’au fait de ne pas l’avoir.
Percevez-vous ces deux niveaux de résistance ? En d’autres termes, nous éprouvons du malaise à ne pas atteindre un but et du malaise à l’atteindre. D’aucuns sont malheureux sans partenaire et malheureux encore quand le partenaire apparaît. Ils résistent au fait de demeurer seuls et ils résistent au fait de se sentir aimés (par exemple, parce qu’ils se dévalorisent, se vivent comme inintéressants ou sans importance). Remarquez, ici, que je ne m’arrête pas trop sur les nombreuses explications possibles à notre résistance, mais sur la résistance elle-même. Sa seule prise en compte suffit à faire une différence remarquable ! Voyez que vous résistez, non pas pourquoi vous résistez !
Revenons justement à votre propre exemple. Cherchez tranquillement à reconnaître la résistance aux deux niveaux. Si vous avez du mal à la repérer, testez d’autres exemples. L’essentiel est que vous reconnaissiez votre résistance aussi peu que ce soit. Percevez que vous résistez au fait de ne pas avoir une chose et encore à l’idée d’avoir cette même chose. Peu importent les mots que vous vous dites dans les deux cas, peu importe l’histoire que vous vous racontez, il y a que vous résistez et que cette résistance reste le seul obstacle à l’épanouissement. C’est une autre façon de parler d’acceptation ou de non-acceptation. Accepter, c’est cesser de résister. Acceptez donc de recevoir, n’y résistez plus ! Accepter le manque le fait disparaître et permet à la prospérité de jaillir.
En définitive, il s’agit de reconnaître, d’admettre sa résistance, de l’accueillir pleinement, sans le moindre jugement, sans la moindre explication, de s’y plonger en conscience – en quelque sorte – et de s’inviter alors soi-même à la relâcher, à l’abandonner. Non, ce n’est pas difficile. Seul est difficile de la reconnaître pleinement, authentiquement, mais dès que vous l’avez permise en vous, la lâchez se fait aisément, soit du seul fait de juste la voir comme telle, soit en vous proposant en effet de la laisser désormais. Allez-vous le faire ? Allez-vous tester cela ? Quand ?
Est-il besoin de redire que le renoncement à la résistance ne signifie pas renoncer à quoi que ce soit d’autre ? Cesser de résister, c’est recouvrer le calme, la paix, le dynamisme aussi. C’est encore, par exemple, avoir accès à l’inspiration, aux intuitions, à son pouvoir créateur. Cesser de résister, c’est permettre au courant de la vie de circuler librement. Cesser de résister, c’est devenir libre. Résister et cesser de résister se fait ici et maintenant. Conscientiser les deux, c’est être présent. Et moins il y a de résistance, donc plus d’acceptation, et plus il y a aussi et surtout d’amour !
Et c’est dans nos relations, en réponse à nos conflits éventuels, que l’abandon de la résistance atteint son apogée. Peut-être n’aurez-vous pas de mal à percevoir votre résistance en considérant tout désaccord éprouvant avec un partenaire. On ne veut pas du conflit, n’est-ce pas ? On y résiste fort ! Or, vous devinez sans doute la suite : on résiste de même à la solution. Offrez-vous de reconnaître cela et, autant que vous le pouvez, invitez-vous à relâcher tour à tour la résistance au conflit et la résistance à la solution. L’abandon de la résistance se fera progressivement et vous ne tarderez pas à en apprécier les effets : le retour de l’harmonie, de la paix, de l’amour…
Comment nous débrouillons-nous pour endurer ce que nous endurons ? Au moyen de la résistance ! En résistant au manque, à l’absence, aux obstacles, et en résistant à recevoir, à l’expression et à la facilité !
Il se peut que l’abandon de la résistance s’apparente beaucoup à l’expérience ailleurs appelée le pardon.
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