La prière / demande
Monique écrit et demande :
« J’ignore si vous avez, par le passé, traité de la prière et des effets qu’on lui prête, notamment qu’elle serait « la plus puissante des actions ». Je souhaiterais connaître votre point de vue sur cette affirmation et si vous la partagez, quelle explication en donnez-vous ?
Est-ce la force de conviction de la personne qui prie, invoque, exige (de son dieu si elle est croyante) qui agit ou des lois naturelles que nous méconnaissons ? ou que peut-être vous connaissez ? Je cherche à comprendre si on le peut… »
Précisons d’abord que la prière est avant tout une communication spirituelle avec le Divin, une ouverture du cœur au Divin, pourrait-on dire, qu’elle manifeste une qualité de présence, et qu’elle ne se limite pas aux demandes. Elle peut simplement être une expression d’amour ou de gratitude (par exemple). La question de Monique semble porter sur la prière/demande (demande éventuellement « exigence ») et je peux proposer quelques points de vue personnels (qui n’engagent que l’inspiration du moment).
Des personnes déplorent ou simplement constatent que leurs prières/demandes ne sont pas entendues ; d’autres se moquent de la prière en déclarant que prier ne sert à rien ; d’autres encore rendent grâce de ce que leurs prières soient exaucées…
Avant de n’être qu’une demande ou une répétition machinale de paroles lues ou apprises par cœur, quand la prière est cette ouverture évoquée dans la première définition, on est dans cet état de présence dont nous parlons depuis quelques mois. On est ouvert, donc présent, avec une intention particulière : celle d’être dans l’amour, celle d’être dans la gratitude, celle de réaliser quelque chose… La prière/demande qui n’émane pas d’une telle présence « ne peut être entendue ». En réalité, elle n’est pas entendue, parce qu’elle n’est pas ressentie, ni vraiment formulée ou que ce qui est « entendu », c’est une autre « demande » (une attente contraire) qui demeure à l’arrière-plan.
Ce que j’explique ci-après vaut aussi bien pour la pratique de la prière que pour celle de la visualisation. Intéressons-nous d’abord à la demande, au fait de demander ou même au fait de ne pas demander.
Dans nos relations ordinaires, comment vivons-nous la demande ? Certains souffrent, s’indignent parfois de ce qu’on ne réponde pas favorablement à leurs demandes sans même réaliser qu’ils ne les ont pas formulées (sinon pas clairement, pas directement). Certains « font des demandes » en suggérant une réponse a priori, négative bien entendu : « Tu ne peux pas me prêter d’argent ? », « Tu n’as pas le temps de m’aider, j’imagine ! », « Tu ne sais pas où je pourrais me procurer … (ceci ou cela) ? »
Vous pourriez douter que cela soit révélateur, mais je vous assure que les gens qui obtiennent aisément des choses importantes qu’ils demandent ne s’expriment pas de la sorte. Et je ne dis pas que la « solution » réside dans un choix de vocabulaire. En fait, si l’on formule ainsi ses demandes ou si l’on ne les formule pas du tout, c’est qu’à l’arrière-plan, on conserve la croyance que l’on n’obtiendra pas ce dont on a besoin ou envie. Et cette croyance (généralement inconsciente) dicte la manière dont nous demandons et constitue la « vraie demande », très puissante : « Ne me donne pas ». Et ça marche toujours, toujours, toujours ! Nous avons le pouvoir insoupçonné de faire de notre existence ce qu’elle est.
Ce ne sont là que quelques éléments qui évoquent ce que peut être notre positionnement ordinaire par rapport à nos propres demandes. Il est important de considérer ce positionnement, de le reconnaître, car profondément ancré en nous, il demeure pareillement actif, qu’il s’agisse de nos demandes à nos proches ou au Divin à travers la prière.
N’êtes-vous pas porté à répondre favorablement davantage à quelqu’un qui vous demande une chose de façon claire et directe plutôt qu’à quelqu’un qui hésite ou qui vous le quémande ? Si vous hésitez, « quémandez » (par exemple), quand vous demandez, vous le faites encore quand vous priez. Vous continuez de croire que vous ne recevrez pas et par votre seul pouvoir, qui est immense, vous ne recevez pas, en effet ! Si la peur de déranger ou de la culpabilité limite vos demandes à vos proches, ne croyez pas que cette culpabilité a disparu quand vous « priez Dieu ». Et la croyance cachée « je ne recevrai pas » continue d’agir malgré vos demandes tentées, qu’elles soient faites (j’insiste) à l’un de vos proches, à l’univers ou à « votre Dieu » dans vos prières.
Contemplez cette parole biblique : « Tout ce que vous demanderez dans la prière, croyez que vous l’avez déjà reçu ; cela vous sera accordé ». Ne suggère-t-elle pas la présence en vous de la croyance contraire ? Comme il ne s’agit pas d’une question de vocabulaire (je le répète), mais de conscience, je vous propose de transformer un peu cette parole : « Quant à ce que vous demandez dans vos prières, vérifiez si vous ne vous attendez pas au fond à ne pas recevoir ».
On ne peut pas fabriquer une vraie demande, on peut juste s’inviter à la ressentir et découvrir les croyances/obstacles présentes pour s’en libérer petit à petit. Libre de ces dernières, pour peu qu’une demande soit juste ou qu’elle demeure, elle est parfois exaucée avant même que d’avoir été formulée. Notre « problème » n’est pas de ne pas avoir/recevoir ceci ou cela, de ne pas vivre une guérison, de ne pas atteindre tel objectif, mais de croire que l’on en est pas digne, que jamais on ne recevra (et plus encore d’ignorer ces croyances ou leur impact).
Pour illustrer un peu cela, pensez au fait « d’espérer une chose ». « J’espère…, mais… ». C’est à vrai dire ce que révèle un espoir et le « mais » est une peur, une croyance qui gagne aussi longtemps qu’elle n’est pas reconnue et acceptée comme telle (non plus comme une vérité, une certitude).
« La prière, la plus puissante des actions » ? Cela peut n’être qu’une formule ! Toute action devient puissante, puissamment efficace, quand elle est inspirée. Monique a encore écrit (pour préciser son questionnement) :
« L’affirmation évoquée, pour laquelle je souhaitais connaître votre point de vue, concerne la puissance de la prière. Comment peut-il être possible d’affirmer qu’elle serait la plus puissante des actions?
n’est-ce pas encourager l’inaction, la passivité devant les événements, le manque de réactions, la fuite et le refus de s’engager dans la vie en société?
Vivre en ermite, dans la prière quasi incessante et la contemplation serait-ce vraiment plus efficace que toutes les autres activités ? »
Qui va, qui peut inviter autrui à vivre en ermite ? Maintenant, si c’est l’élan, le choix d’une personne, qui serais-je pour juger un tel choix ? Ici, la seule question qui pourrait importer serait : « Ai-je le goût de vivre en ermite, dans la prière permanente ? »
Par ailleurs, je sais que je dois à des instants plus ou moins prolongés de présence consciente d’avoir soudainement ressenti l’envie de poser un acte, donc d’agir, ou simplement d’exprimer quelque chose à quelqu’un (ce qui se révèle encore être agir). Autrement dit, la pratique mentionnée est tout sauf une invitation à l’inaction, à la passivité, au désengagement. Et ici, aucune action, aucun engagement n’est dicté par une autre autorité que soi-même. De plus, ces actions sont justes, ajustées, alors qu’ordinairement, soucieux peut-être de ne pas rester sans rien faire, nous ne faisons que réagir. La réaction à une chose que l’on veut modifier la pérennise et l’empire même. Je doute qu’une des réponses à la prière ne puisse pas aussi être une invitation à l’action…
Quand une intention claire est pleinement ressentie, jusqu’à en ressentir de la joie, voire de la gratitude, son accomplissement ou quelque chose d’heureux ne tarde pas à se produire. Cela ne fait pas appel à l’exigence. S’il y a exigence, c’est encore qu’il y a une croyance contraire à l’attente affirmée. Et l’on peut vérifier que ce qui a été obtenu sous une forme de contrainte ne contente pas le demandeur de façon durable. C’est pourquoi une exigence à peine satisfaite en fait naître une nouvelle. Et c’est sans fin ! (Ainsi, d’ailleurs, bien malheureuse est la personne qui répond, soi-disant pour « avoir la paix », aux exigences d’une autre !)
Maintenant, quant à savoir ce qui est à l’œuvre, sa force de conviction ou celle des lois naturelles, quand une prière est exaucée, je l’ignore personnellement. Simplement, j’observe que le bon qui m’arrive dans la vie est généralement précédé d’une disposition à le vivre qui n’est pas entachée de peur, de culpabilité, ni même d’attentes (l’attente est elle-même révélatrice de peur).
J’observe aussi l’interaction de nos liens avec le monde, avec l’univers, qui fait que tout concourt « partout » à me donner à vivre ce que je vis. Je crois que nous créons notre réalité (incluant celle du monde collectivement) à partir des énergies que sont la peur et l’envie. Je crois aussi, quand ces deux énergies s’entrechoquent face à une même « intention », que la plus forte gagne et que c’est souvent la plus inconsciente. Mais n’est-il pas mieux ou suffisant, plutôt que de comprendre « comment ça marche », de savoir que « ça marche » ?
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