La présence, ce que nous sommes (1/4)
En répondant à la proposition réitérée à la fin de chaque chronique mensuelle (depuis 11 ans), Jean-Pierre me questionne à propos de la présence en ces termes : « Dans les lectures, on voit ” être présent, de plus en plus présent, être profondément présent ou aller profondément au-dedans… » Ma question : comment va-t-on profondément au-dedans ? »
La seule idée de tenter une réponse un peu plus élaborée à cette question m’a quelque peu intimidé, en sachant bien que je ne me déroberais pas, d’autant moins que la demande m’est arrivée le jour même où il m’a été donné de connaître l’expérience la plus remarquable jusque-là du pur « état » de présence. Et puisqu’il est dit que l’on enseigne le mieux ce que l’on a besoin d’apprendre (Un cours en miracles), je me fais volontiers « apprenti enseignant ». J’envisage d’aller au-delà du questionnement de Jean-Pierre ou d’enrichir le propos, parce qu’il est essentiel. (Dans l’ensemble du texte, je cite régulièrement « Un cours en miracles » ou certains de ses enseignants, parce que je les ai relus ces dernières semaines et qu’ils ont largement contribué à ma remontée illuminée comme jamais d’un plongeon inattendu).
Ici ou là, on trouve effectivement l’invitation à être présent ou l’évocation de la difficulté à être présent. Pour la plupart des gens, ces mots ne signifieraient certainement pas grand-chose. Si on leur demandait s’ils sont présents, ils pourraient bien répondre : « Bien sûr que je suis présent puisque je suis là ! » Ce serait vain ou trop rapide de leur demander alors : « OK, mais qu’est-ce que ce ‘je’ qui est là ? » En fait, on est toujours présent – on ne peut pas ne pas être présent – comme on est toujours conscient. Or, on n’est quasiment jamais sciemment présent, ni sciemment conscient. Être sciemment présent ou conscient, c’est l’être en le sachant simultanément.
Comme je l’ai fait pour des chroniques précédentes, je vais rédiger ce texte sous la forme d’un dialogue entre l’apprenti spirituel (auquel nous pouvons nous identifier temporairement) et la présence qui va se « frayer un passage » entre mes limitations et à travers mes propres mots. Je me réjouis de découvrir avec vous ce qui peut être dit et même révélé à cette occasion. (Cet exercice est toujours riche d’enseignement et je le recommande vivement à quiconque se dispose à recevoir toute compréhension inspirée).
L’essentiel n’est en rien ce que nous vivons, éprouvons, pensons, mais c’est la possibilité offerte à tous de s’éveiller et d’être en paix.
- La présence – Tu es présent quand tu sors de ton conditionnement, quand tu sors du temps, de ta conscience du temps, quand tu sors du rêve. Tu es présent quand tu es véritablement à l’écoute plutôt qu’embarqué dans les pensées. Tu ne comprends pas bien ces mots, parce que tu ne sais pas que tu es conditionné, que tu es pris dans le temps, que tu rêves, que tu cauchemardes souvent. Autrement dit, tu es présent quand tu cesses de penser, d’accorder tant de crédit aux pensées ou quand tu cesses d’être positionné comme si tu étais le penser. Oui, tu te prends pour le penser lui-même. Tu penses le jour exactement comme tu rêves la nuit, sans être sciemment conscient de penser le jour ni de rêver la nuit.Être présent, c’est être détaché du penser pour ne plus faire que le percevoir quand il se manifeste. Quand tu n’y es plus attaché, il se manifeste moins, de moins en moins, sinon pour des causes pratiques ou créatives. Comme tu es présent, tu es sciemment conscient des pensées qui passent. Certains s’entraînent à faire des « rêves lucides », c’est-à-dire à être sciemment conscients de rêver quand ils rêvent pendant le sommeil. De la même façon, plus accessible, tu peux t’entraîner à être sciemment conscient de penser quand tu penses en étant réveillé. Tu passes toute ta vie à penser sans être sciemment conscient que tu penses, exactement de la même façon que tu rêves sans être sciemment conscient que tu rêves. Perçois-tu et reçois-tu ce qui est dit là ?
C’est d’abord parce que tu n’es pas conscient de rêver que ton rêve peut parfois être un cauchemar. Si tu étais sciemment conscient de rêver, l’aspect cauchemardesque perdrait beaucoup en intensité. Bien souvent, de la même façon, l’effet émotionnel de tes pensées ordinaires perdrait lui-même en intensité si tu étais conscient de penser, conscient de tes pensées, conscient des pensées qui passent (sciemment conscient, c’est-à-dire en le sachant en direct). Perçois-tu et reçois-tu ce qui est dit là ?
Peut-être ne l’as-tu pas encore observé, mais les pensées surgissent de la même façon que les images dans les rêves. Tu ne devrais pas pouvoir te laisser croire que tu choisis les unes et les autres. C’est dire que l’état de veille ordinaire reste un état onirique et que l’on peut donc parler du rêve nocturne et du rêve diurne (celui où l’on dort et celui où l’on est « réveillé »). Le mental est le metteur en scène dans les deux cas. Il est certainement doué, mais il n’est généralement pas très charitable.
- L’apprenti – Autrement dit, je ne fais que rêver, ce qui est souvent cauchemarder, y compris ou surtout dans l’état dit de veille. Je comprends que c’est cela ne pas être présent. Comme je suis aveugle et quand je déambule quelque part, je peux aisément me rendre compte du phénomène « rêve » ou même « endormissement », parce que le premier obstacle va servir de réveille-matin (parfois brutal). De fait, il est des circonstances où la cécité incite à plus de vigilance, de présence.
- P. – Bien vu, si je puis me permettre ! La vigilance est un attribut ou même un synonyme de la présence. En tant qu’aveugle, tu fais aussi l’expérience d’être guidé, par des personnes très différentes, et tu as pu observer des différences de guidage, dépendamment de la personne ou de son état de conscience du jour. Tu parles même parfois du seul chien-guide que tu as eu, qui t’a guidé pendant 11 ans, notamment dans les rues de Paris, sans que tu te cognes une seule fois. Quelle présence, quelle vigilance !
- A. – À l’époque de ma chienne (années 70-80), la présence ne m’étant pas encore aussi familière (en quelque sorte), je préférais être accompagné par mon guide à quatre pattes plutôt qu’aller seul avec ma canne blanche car, en toute confiance, je pouvais rêver à ma guise (m’évader = penser = ne plus être présent). J’en étais même fier, fier de ma chienne, et content comme d’avoir une nouvelle liberté.
- P. – Oui, tu as alors goûté à la liberté d’aller plus à l’aise, mais tu as découvert depuis que le libre cours laissé au penser n’offre qu’une liberté illusoire et en fait bien problématique. Cela étant dit, t’est surtout révélé ici, dans ta confidence, ton goût pour le penser, le fait que tu y aies tenu et y tiennes sans doute encore. Certains (dont tu fais partie) parlent de leur difficulté à cesser de subir le penser intempestif sans se rendre compte qu’ils y tiennent en réalité. C’est tenir à quelque chose qui dupe, qui cultive l’illusion, qui maintient dans le rêve et le cauchemar. C’est comme ne pas être là, être absent, ne pas être présent. Le seul vouloir ne pas penser n’engage rien d’autre que le penser.
- A. – Combien de cigarettes n’ai-je pas allumées pour juste penser davantage, fantasmer, ruminer, ronger mon os ! D’autres fois, le penser intempestif m’empêchait de dormir. J’ai passé ma vie à ne pas être présent. Ce n’est en rien un regret que j’exprime là – juste ce que je perçois – car je me sens au contraire étrangement bien en cet instant.
- P. – Il n’y a rien d’étrange : l’attention est sur la présence dans l’instant (façon de parler) et plus tu es présent, plus il y a de légèreté, de paix et même d’amour. Profitons-en néanmoins pour préciser une chose. La considération de ne pas avoir été présent peut n’être qu’une perception, un pur constat jaillissant dans la conscience, ou être une chose mentalisée (jugée, déplorée…), ce qui veut dire ne toujours pas être présent. Ce point est important car tu peux confondre penser encore à une chose avec juste la percevoir. Rappelle-toi et ressens bien cette question : « Est-ce que je perçois ou est-ce que je pense ? Est-ce que je perçois une douleur ou est-ce que je suis juste en train de souffrir, d’autant plus à partir de ce que j’en pense ? »En entendant (lisant) ces deux questions, est-ce que tu les reçois (pour les tester au besoin) ou est-ce que tu en penses des choses ? Est-ce que tu es présent, un peu plus présent, ou est-ce que tu restes dans la tête ? Tu es présent quand tu écoutes un interlocuteur sans rien penser et tu ne l’es évidemment pas quand, par exemple, tu penses déjà à la réponse que tu vas lui donner. Ce faisant, tu passes en partie à côté de ce qu’il te dit, mais plus encore de la subtilité de l’échange. Elle dépasse les mots, les informations… Si tu apprécies vraiment un art, tu comprendras plus sûrement ce que je dis là. Prise dans sa tête, une personne reçoit peu d’une œuvre artistique. Or, l’art est partout autour de nous.
- A. – Et revient la question du « comment faire » ! Je ne vais pas demander comment être présent (l’être davantage), mais comment se détacher du penser inutile.
- P. – Très généralement, autant le dire, ce n’est pas simple et n’espère pas trop y arriver une fois pour toutes. D’ailleurs, tu devras au passage te libérer de tout espoir, de toute attente, de tout vouloir, car il ne s’agit là que d’un gros os dont le « mental canin » est friand. Si tu as déjà ressenti un intérêt, une disposition pour l’éveil, pour la sortie du rêve, c’est magnifique et d’autant plus si tu reconnais et apprécies cette disposition. De cette façon, tu es déjà en chemin.Ta question même montre que tu as perçu l’attachement au penser inutile, ce penser réactionnel auquel on tient tant, comme on l’a déjà dit. Perçois mieux encore cet attachement, apprécie de le reconnaître. Tu n’en as pas toujours été là et la plupart des milliards de gens qui foulent la terre ne comprendraient même pas ce dont on parle. Réjouis-toi de voir ce que tu vois, d’en être là où tu en es car, sans en avoir l’air, c’est déjà être présent, plus présent. Tu peux être et tu resteras conscient des pensées qui passent, mais pour l’heure, mieux encore, tu peux être conscient de l’attachement aux pensées.
Bien que ces pensées entretiennent en général un mal de vivre, tu y es très attaché. Elles sont dictées par tout un conditionnement, par tes blessures d’enfant comme tu pourrais dire, mais c’est ici sans importance. Quels que soient tes thèmes de prédilection, il y a que tu penses de façon compulsive, inutile et préjudiciable, que tu restes positionné comme si tu étais le penseur ou le penser même et que tu n’es donc pas présent. Tu n’es pas présent à ce qui est juste ici et maintenant, tout autour de toi comme en toi-même.
Peux-tu regarder ce qui se trouve dans l’instant autour de toi, le reconnaître comme jamais sans rien en penser ? Si tu en penses quoi que ce soit, tu ne reconnais pas ce que tu perçois pour ce que c’est, mais pour des images que tu t’en es déjà faites, pour ce que tu en as déjà pensé. Sans doute est-ce ainsi que tu abordes les gens et les circonstances ordinaires, à partir des expériences passées, à partir de ce que tu as vécu ou même à partir de ce que d’autres t’ont raconté, à partir du passé (sans présence). Il t’appartient de vérifier que tu peux maintenant faire une autre expérience, explorer autre chose, une autre « dimension ».
Et si tu ne penses pas ou si tu renonces délibérément à accorder du crédit aux pensées de l’instant, si tu restes présent, tu vas pouvoir aussi être conscient sciemment de ce qui se passe en toi en termes de ressentis divers (sensations, émotions, sentiments, impressions…). En renouvelant souvent l’expérience, sans te préoccuper de sa durée à chaque fois, tu vas surtout découvrir différents effets de la perception et de l’état de présence. Ce qui est pensé est bloqué et enfle, ce qui est observé se dégonfle et se dissipe. Soit le rêve est poursuivi, soit il y a un éveil, au moins un instant d’éveil à chaque fois.
Ce que nous avons dit jusque-là montre que l’état de présence est variable, aussi bien en durée (apparente) qu’en intensité. Autrement dit, ce n’est pas tout ou rien et si tu te permets de reconnaître des circonstances où tu es davantage présent, tu pourrais bien en recevoir de l’aide pour en faciliter le processus. Reconnaître ce qui est bon, être avec, l’apprécier tend à le féconder, à l’attirer. La véritable appréciation a lieu sans pensées. Avoir des pensées positives, très positives, est une chose, être pleinement dans l’appréciation en est une autre (ou penser, ou ressentir).
Quoi faire pour être présent ? Absolument rien ! Ce serait plutôt le contraire : cesser de faire et se laisser faire, se laisser être, s’abandonner, s’en remettre, lâcher prise (mentalement), juste être, être sciemment, être sciemment conscient, observer sans attente, écouter sans attente, accueillir ce qui se présente, ce qui se passe quand cela se passe… Cet accueil n’est toujours pas du faire, mais c’est une pleine reconnaissance bienveillante.
Dans l’état de présence, la bienveillance n’est pas un effort car la présence, c’est la bienveillance elle-même. Proportion gardée, tu peux comparer la présence à l’espace physique dans lequel tu peux placer tout ce que tu veux, dans lequel peut être placé tout ce que quiconque veut, sans rencontrer la moindre résistance. On peut dire que l’espace se laisse faire, accueille toute chose bienveillamment. Sois sciemment l’espace de conscience dans lequel toute chose se présente. Perçois et reçois ce qui est dit là, parce qu’en le recevant, tu en perçois aussi le bénéfice heureux. Il ne t’est rien suggéré ici qui ne soit pas à ton avantage.
Quelle que soit leur valeur, tous ces mots ne sont pas la présence, mais ils apparaissent dans la présence. Ils sont perçus par la présence, par la présence que tu es. Tu es la présence, tu es ce qui est conscient. Tu es. Quand tu dis « je », tu dis généralement « moi, je » en te référant à tes pensées, à tes expériences (passées forcément), au passé, à ce que tu ne peux pas être en réalité. Tu as de la mémoire et des pensées, mais tu n’es pas cela. Ce que tu es s’est habillé de formes (corps, nom, langue, histoires = moi, je), mais tu n’es pas un habillage. Tu es ce qui perçoit l’habillage, lequel change d’année en année, de décennie en décennie ou d’incarnation en incarnation.
Il se peut bien que cela ne change rien pour toi dans l’instant de juste savoir que tu n’es aucun contenu (corps, mental, ressentis) et que tu es ce qui en est conscient, la présence spacieuse qui contient tout. De surcroît, plus tu en penses des choses, si c’est le cas, et moins il y a de chances que tu reçoives quoi que ce soit. Il n’est bien sûr pas suffisant d’entendre ni de te dire que tu n’es pas ce que tu crois être. Et s’il ne te semble pas croire quoi que ce soit, disons alors qu’il ne sera pas suffisant de savoir que tu n’es pas le positionnement qui résulte de ton conditionnement et que tu ne peux pas te rappeler d’avoir adopté.
Or, si tu fais tienne l’invitation que suggèrent les mots, tu vas davantage être présent, moins intéressé aux pensées et pouvoir enfin laisser passer tous les obstacles qui se présentent au lieu de les retenir. La différence ne tardera pas à se faire sentir. Rappelons ici que, pour qu’une transformation ait lieu, et parfois même assez vite, un vrai intérêt est nécessaire, une disposition sincère à voir est indispensable. Elle te permet d’ailleurs de reconnaître déjà des instants ou des circonstances où tu es nettement moins perdu dans les pensées, où tu es plus présent.
- A. – Il m’est arrivé de ne plus être que la présence, la présence sans voiles, avec peu de pensées et sans le moindre attrait pour celles-ci où il n’était même plus question d’être présent à ce qui est. À ce moment-là, à l’instant présent, ce qui est peut être ou ne pas être ; la présence n’en dépend pas. À ce moment-là, ce qui est n’est ni pris, ni nié, ni repoussé. Il n’y a que présence, paix amour. Je vois qu’au fond, ces mots sont synonymes.Or, il est d’autres moments (tellement plus fréquents) où le penser intempestif revient en force avec une ambiance émotionnelle plus ou moins pénible. J’ai même l’impression que l’ambiance pénible peut être là sans pensées ou sans l’attrait habituel pour les pensées. Je ne sais pas ce qui se passe alors – ignorance qui peut amplifier le malaise – ni si j’aspire même à la présence (je l’avoue), ayant simplement l’impression forte de juste subir les situations (impression qui est un revécu familier, il est vrai).
- P. – On devine la question que tu ne poses pas vraiment et c’est très bien, parce que tes deux paragraphes pointent assez clairement vers la réponse, vers la solution. De façon simple et rapide, tu évoques d’abord la présence (l’être pur) et la félicité ou l’épanouissement permis. Tu observes également qu’avec la présence dévoilée, rien n’est pris, nié, ni repoussé. C’est une observation magnifique et surtout très déterminante. Tu t’es ouvert suffisamment et tu as lâché suffisamment de ton vieux conditionnement pour occasionner le « dévoilement », ne serait-ce que de façon fortuite, mais tu en as aussi reçu un message utile et merveilleux.Quand le penser intempestif (qui est le penser tout à fait ordinaire) et/ou une ambiance émotionnelle souffrante persistent, semblent s’imposer, sois sûr que cela ne peut être ainsi que parce qu’il y a quelque chose qui est « pris, nié ou repoussé ». Faisons simple : « Quand ça va pas, tu es en train de prendre, de nier ou de repousser quelque chose ». Même si je te vois sourire et donc recevoir maintenant ce message, le recevoir juste un peu plus, précisons un peu les choses.
Repousser, refuser les pensées, les émotions, les circonstances, quoi que ce soit, c’est y résister et tu sais mieux que personne que persiste ce à quoi l’on résiste. Souvent, la résistance n’est pas reconnue comme telle, parce que tu n’as surtout pas reconnu ce à quoi tu résistes. Par exemple, tu peux accepter globalement une situation même difficile et résister à un élan du cœur qui cherche à percer.
Cette résistance éventuellement subtile peut justement impliquer le déni, ce qui devient forcément plus délicat. Tu ne peux pas à la fois nier une chose et la reconnaître. Tu ne peux strictement rien faire mentalement à cet égard, mais ton ouverture, ta disposition tranquille et la grâce retireront là encore ce voile appelé déni. Simplement, sens-toi bien (aussi bien que tu le peux) à ne pas savoir quand tu ne sais pas (la plupart du temps). Un changement d’état de conscience précède toute découverte, compréhension, libération.
« Repousser, nier », reste « prendre ». « La présence ne prend pas ce qui est », as-tu dit. Elle ne le saisit pas, elle ne s’en empare pas. Pourquoi le ferait-elle, d’ailleurs, pour en faire quoi ? L’espace physique ne résiste pas à ce qui l’occupe, disions-nous, mais il ne le prend pas non plus, il n’en fait rien. La prise d’une chose (une pensée, une émotion, un événement, une circonstance…) est l’apanage du seul ego, du « moi séparé », du programme qu’est le conditionnement, du « je pensant ou historique », de l’identité irréelle. (Ces formulations décrivent le positionnement conditionné impliqué dans tout mal de vivre). La présence est accueil et non pas prise, non pas accaparement. (La séparation sera abordée plus loin dans ce texte publié en plusieurs parties.)
Tu as déjà vu combien tu tenais au seul penser, mais tu seras surpris un jour ou l’autre de découvrir combien tu tiens de même à ses thèmes favoris, aux problèmes que tu sembles déplorer et aux réactions qu’ils te permettent. Tu tiens fort à ce que tu repousses (à ce à quoi tu résistes), ce qui est somme toute très logique. Il est difficile de repousser une chose sans s’y coller. Quand tu sentiras (reconnaîtras) que tu exerces une pression ou une résistance, rappelle-toi d’y renoncer, de lâcher prise, de n’être plus que présence spacieuse. Rappelle-toi au moins cette possibilité et que tu peux t’offrir une nouvelle expérience.
- A. – En recevant ce message, il m’apparaît encore, quand je suis pris mentalement et/ou émotionnellement, qu’il y a à la fois « prise, déni et refus ». On peut dire aussi « attachement, ignorance et répulsion ». J’entends finalement que cela s’appelle surtout la souffrance ou la souffrance persistante.
- P. – C’est utilement perçu, mais ce n’est pas essentiel. Prise, déni, refus, l’une de ces caractéristiques est toujours plus marquée et la reconnaître, la sentir, la percevoir, comme tu le sais, c’est la voir bientôt disparaître. Le reste s’effondre en même temps. Si tu enlèves n’importe quel pied à un tabouret qui n’en a que trois, il perd toute son efficacité, son utilité. Revenons à tes deux paragraphes précédents qui reprennent trois autres formules du jargon spirituel : être présent à ce qui est, l’instant présent et la présence.« Être présent à ce qui est » ou simplement « être présent » est un « doigt qui pointe », une invitation, un moyen pour dévoiler la présence, un déshabillage, une extirpation hors du bourbier mental et émotionnel. Ce qui est, en l’occurrence, c’est du contenu, de la manifestation (concrète ou abstraite). L’évocation de « l’instant présent » n’est qu’un rajout langagier pratique, en fait synonyme de « ce qui est ». Ce qui est ne peut qu’être dans l’instant présent ou ne serait pas. L’instant présent est ce qui est, une forme ou une autre, des formes, incluant le temps.
S’agissant de l’invitation à être présent, de l’invitation spirituelle en général, notons que ton partage révèle sa pertinence. Même en ayant reçu cette invitation de mille manières, il peut t’arriver encore de ne pas sentir ton aspiration à la présence (comme tu le confies). Cela seul pourrait expliquer la persistance du mal de vivre et c’est juste à savoir. Nous avions précédemment souligné son importance.
La présence, l’être, la conscience est intemporelle et omniprésente. Elle est indépendante du temps et l’avant, le maintenant, l’après ne peuvent y être référés. Pour la communication verbale, le « moment présent » devient synonyme de la présence que l’on pourrait de la même façon nommée parfois « toujours ». Ne te préoccupe pas de ces mots, n’y réfléchis même pas. Ils tentent maladroitement d’évoquer « ce qui reste quand tous les voiles sont retirés », la présence dévoilée, une évocation de l’éveil.
« Aller profondément au-dedans », comme demande Jean-Pierre, c’est voir tomber les voiles, par exemple, en se laissant faire en lisant et relisant ces quelques pages (tant d’autres textes bien sûr), en adoptant une posture d’écoute sans attente, en étant simplement disponible, intéressé et disponible. Tu t’invites à être présent autant que tu le peux jusqu’à ce que tu ne sois plus que présence. Sois présent pour être sciemment ce que tu es, la présence. La première fois que tu seras la présence dévoilée, tu pourras aussi bien rire que pleurer ou rire et pleurer à la fois.
- Vois que tu n’es évidemment pas présent quand tu es perdu dans les pensées ou en pleine réaction !
- Vois que tu es attaché au penser, sans le revendiquer et sans rien en penser !
- Vois que tu es généralement au service du personnage historique à protéger, à dorloter, à défendre !
- Vois que tout problème est un « attachement nié auquel tu résistes » et sache que la présence n’est attachée à rien !
- Vois combien tu prends pensées, ressentis et circonstances, t’en saisis, et que tu peux tout aussi bien les laisser passer, y compris si tu te sens attaqué !
- Laisse-toi faire, par la vie, par ton cœur, non plus par ta tête, et toute action juste se révélera !
- Sache que tu es la présence, quoi qu’il en soit, juste empêtré dans ce qui la voile !
- Vois que tu es le « je présence », le « je conscience » et non pas le « je pensant », le « je historique » !
- Vois que tu es, non pas le ressentiment ni la culpabilité, mais la présence et donc la paix, l’amour !
Avoir véritablement accès à la vie, à la paix, à l’amour, à la liberté, c’est être présent, c’est être la présence, la présence qui est. (À suivre).
Merci Robert…..:) !
Comme j’ aime la profondeur de tes textes……C’est un bonheur que tu puisses mettre les mots sur des choses que je pressens de manière bien plus confuse que ta clarté à les exposer…Merci c’est doux et apaisant..
Belle soirée ou journée…:)
Marie
Merci Robert, pour ce texte puissant, inspiré… et efficace!