La manière dont on ne se sent pas traité
On a trop souvent son attention sur ce qui contrarie, sur ce qui pose problème, en oubliant ou en ignorant même qu’on peut l’accorder fort utilement à ce à quoi l’on aspire profondément (au moins quand « l’orage émotionnel » s’est dissipé). Avant d’en arriver au point particulier que j’ai choisi de traiter dans cette nouvelle chronique, je vais revenir sur quelques principes relatifs au fonctionnement humain, considérés en général sous des angles différents. Comme d’habitude, lisez attentivement le présent texte et voyez si quelque chose vous touche, vous parle (vous émeut, vous guide, vous éveille, vous inspire – la suite donnera du sens à cette parenthèse insolite). Rappelez-vous aussi, quand un énoncé manque de clarté, qu’il vous est loisible de questionner.
Quand vous n’allez pas bien, quand « ça ne va pas », êtes-vous capable de le dire, de vous l’avouer, voire de le confier ? Et dans l’affirmative, que dites-vous, comment formulez-vous le malaise du moment ? On peut subir un malaise sans le conscientiser, en le niant même, sans parvenir à dire ce qui se passe ou en prétendant le savoir. D’ailleurs, c’est notamment parce que l’on est prisonnier de l’une ou l’autre de ces quatre attitudes possibles qu’on continue d’éprouver des malaises chroniques ou récurrents. Quand on parvient à une pleine conscience de ce qui se trame dans notre vie, la transformation peut se produire.
Récemment, une personne en consultation insistait pour m’expliquer qu’elle savait très bien ce qu’était son malaise : « Je suis mal, parce que j’ai des problèmes d’argent ». Je connais des gens qui ont bien moins d’argent qu’elle et qui semblent plus heureux. Un proche m’annonça un jour en s’en amusant (d’une certaine façon) qu’il venait de découvrir que sa femme le trompait. D’aucuns tombent en dépression en apprenant que leur conjoint ont eu un amant. La situation problématique (ou vécue comme telle) n’explique pas le malaise, la souffrance. C’est au contraire le malaise impliqué et ordinairement en sommeil qui attire la situation. La situation n’est pas la cause de ce qui est éprouvé, elle est son révélateur, son symptôme.
Cela étant rappelé, même si elle n’explique pas l’état émotionnel avivé, s’il y a une situation problématique, mieux vaut qu’elle soit reconnue, mieux vaut qu’elle ne soit pas niée. Or, quand ladite situation est nommée, rien ne garantit qu’elle soit bien réelle. Un client se plaint de ce que ses proches sont indisponibles pour lui alors que toute sa famille répond notoirement et inconsidérément au moindre de ses besoins. J’ai vu quelqu’un déclarer n’avoir jamais de chance à une personne qui l’inondait de cadeaux. Ce sont nos blessures d’enfance qui nous dictent certaines attitudes de cet acabit et je suggère de juste les reconnaître sans s’en préoccuper. Si j’en viens à les mentionner dans ces pages, je ne les juge pas pour autant.
Réelle ou non (peu importe), parfois lourde de conséquences, la situation problématique déplorée est donc seulement un effet. On s’approche de la cause en observant la façon dont on se sent traité à travers cette situation même. Je parle du ressenti qui est le nôtre et non pas de ce qui est fait (dehors). Ce qui est fait, commis se rapporte toujours à la situation. Ici, la réponse à considérer serait : « Je me sens … (maltraité, accablé, harcelé, méprisé, abusé, envahi, empêché, contraint, humilié, rabaissé, négligé, ignoré…) ». Dans l’existence, on se sent traité comme on s’est senti traité dans sa prime enfance (ou même comme se sont sentis traités des ancêtres avec qui l’on reste intriqué).
Il y a que se sentir traité d’une certaine manière implique une douleur spécifique. Si vous me dites, par exemple, que vous vous sentez rejeté, je pourrais vous répondre : « Vous avez identifié cela, c’est excellent ! Beaucoup ont un mal fou à reconnaître, alors qu’ils l’éprouvent souvent âprement, comment ils se sentent traités. Maintenant, qu’est-ce que ça fait de se sentir rejeté ? Y a-t-il en vous de la joie (associée au traitement éprouvé) ? Certainement pas ! ». Et votre réponse concernera donc un ressenti douloureux bien enfoui en vous depuis longtemps et que les situations problématiques endurées invitent au bout du compte à reconnaître, à ressentir enfin en conscience, à libérer par ce biais.
Comprenez bien que, lorsque vous vous proposez de reconnaître ce que vous fait sentir une situation ou surtout une personne, vous n’avez plus votre attention sur la situation ou sur la personne, mais sur vous-même de façon utile, sur votre ressenti, en l’occurrence sur une vraie douleur ordinairement évitée. Là, vous n’êtes plus avec vos jugements, vos croyances, vos considérations de tous ordres, mais vous êtes présent, vous observez, vous accueillez. Ce faisant, « vous vous purifiez ». La pleine conscience permet la transformation et, en effet, cette transformation représente souvent une sorte de purification. Nommez-la « libération » si vous préférez.
Après avoir ou non répondu à la question « comment est-ce que je me sens traité », vous pourriez tester une autre question pareillement révélatrice et libératrice. Il s’agit là de savoir comment vous ne vous sentez pas traité alors, bien entendu, que vous préféreriez vous sentir traité de cette façon. D’ailleurs, certains ont d’abord accès à cette réponse-là. Je leur demande comment ils se sentent traités et ils me répondent : « Je ne me sens pas accueilli », « Je ne me sens pas respecté », « Je ne me sens pas compris » ou « Je ne me sens pas soutenu ». En fait, pour le « pas accueilli » par exemple, ils se sentent rejetés, mais ils voudraient bien ignorer cela… On a élaboré bien des stratégies pour fuir ou plus exactement tenter de fuir ce qui a fait mal dans le passé.
C’est donc cette fois à dessein que je demande de compléter cette phrase : « Je ne me sens pas … (aidé, épaulé, soutenu, respecté, apprécié, admiré, reconnu, entendu, accueilli, compris, comblé, entouré, exaucé, aimé…) ». Trouvez votre propre « participe passé », celui qui traduit le mieux votre ressenti. Il est essentiel, parce qu’il vous indique votre besoin, la manière dont vous avez à vous traiter vous-même. Beaucoup autour de vous vous traitent déjà de la sorte et vous ne le percevez pas. L’ex-enfant qui s’est senti maltraité au début de sa vie a du mal à identifier quand il est aimé, adulte, quand il reçoit, parce qu’il n’a pas cette expérience-là. Pire encore, inconsciemment, il fait en sorte d’être traité comme il a toujours été traité afin de pouvoir le déplorer, de pouvoir y réagir.
Je rappelle qu’il est bon, qu’il est utile, qu’il est souhaitable de reconnaître et d’accepter ses diverses tendances, ses attitudes réactionnelles, ses croyances…, car c’est ainsi qu’on s’en libère. De plus, ce ne sont là que des effets et mieux vaut à chaque fois en revenir, en venir à son ressenti douloureux. Il est la cause qui demeure et c’est elle qui doit être considérée. Ne vous jugez pas ou voyez que vous le faites. Le jugement est inutile. Le jugement empire la chose jugée – le juge ment… De temps en temps ou le plus souvent possible, cessez de penser et observez.
Face à nos problèmes, de façon active ou passive, on ne fait ordinairement que réagir. S’indigner, c’est une réaction ; se résigner en est une autre… Or, qu’on le reconnaisse ou non, il y a qu’on se sent traité d’une certaine façon, de la façon dont on s’est senti traité enfant. Il y a que se sentir traité de la sorte, à tort ou à raison, ça fait mal. Ca réactive du douloureux en soi. Il y a qu’on ne se sent pas traité comme on aimerait l’être, parce que cela aussi a un effet sur soi. Avez-vous repéré ces deux dimensions : le traitement enduré et l’effet alors produit ? Vous avez le problème (représenté ou non par une personne), la façon dont vous vous sentez traité à travers ce problème et ce que cela fait en vous d’être traité de la sorte.
Or, il y a enfin, il y a surtout que la vie nous traite en réalité de façon idéale (y compris en écho positif à ce que fut notre blessure). Pris dans les effets de nos blessures non guéries, nous ne le remarquons pas, nous n’en profitons pas. Nous le limitons même. Les affirmations qui concluent ce texte pourraient vous aider à vous rapprocher de votre vérité. Lisez-les attentivement. Imprégnez-vous-en. Ressentez-les bien. Considérez bien celle qui vous touche le plus et/ou celle à laquelle vous pourriez résister le plus.
– Je me laisse guider, je guide de même et je suis aidé ;
– Je me laisse inspirer, j’inspire de même et je suis apprécié ;
Je me laisse éveiller, j’éveille de même et je suis accueilli ;
– Je me laisse émouvoir, j’émeus de même et je suis comblé ;
– Je me laisse aimer, j’aime de même et je suis exaucé – puisque je suis exaucé, je suis donc également exhaussé.
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