« Il doit y avoir autre chose ! »
Alors très mal dans ma peau, quand j’avais environ 18 ans, je me suis dit quelque chose comme ceci : « Ce que je vis n’est pas tout ce qu’il y a et je ferai ce que je pourrai pour me libérer de ce qui m’encombre. Il y a forcément autre chose ! ». À l’époque, je savais déjà que je vivrais à Paris (au moins un certain temps) et mon idée était (à tort ou à raison) que j’y trouverais plus facilement de l’aide. Très rapidement, ce fut le cas ! J’avais besoin à la fois de me libérer émotionnellement et, en quelque sorte, de reconnaître ce dont j’étais porteur.
Récemment, j’ai entrepris de relire intégralement Un cours en miracles et je suis donc retombé sur l’évocation de ce qui est dit avoir été le point de départ de cet enseignement tout à fait exceptionnel (fin des années 60). Les deux personnes qui allaient le « recueillir » étaient collègues de travail, souvent en conflit, et un jour, l’une déclara à l’autre : « Il doit y avoir une autre façon de communiquer ». Elle reçut bel accueil ! La façon dont nous vivons nos épreuves, après y avoir contribué, peut souvent être la moins sage, celle qui empire les choses.
Oui, « il y a autre chose » ! Il y a une autre façon de communiquer, il y a une autre façon d’être, il y a une autre réalité ! Cependant, ne vivons-nous pas comme si ce que nous vivons, ce que nous ressentons, plus encore ce que nous pensons était une vérité absolue, une vérité incontournable et une vérité généralement désespérante ? Si la question/affirmation nous semble trop catégorique, nous pouvons ALORS nous demander à quel degré elle pourrait renvoyer à ce qu’est notre position. À quel degré sommes-nous positionnés comme s’il n’y avait rien d’autre que la réalité que nous endurons ? La question semble loin d’être superflue, qu’en dites-vous ? Avec la conscience ou le rappel que la réalité est toute autre, beaucoup de souffrance sera toujours atténuée.
Quand nous regardons évoluer les gens autour de nous, quand nous les écoutons parler, on peut sentir une rigidité, un positionnement fixe, une conviction inébranlable dans lesquels ils sont et restent englués, enfermés. « Mon Dieu, que tout serait donc plus simple pour eux », peut-on même se dire parfois, « s’ils n’étaient pas prisonniers de ce qu’ils se racontent ! » On peut reconnaître précisément qu’il s’agit d’une énergie très mentale, exclusivement mentale. En fait, cette énergie ne pourrait pas être autre chose, mais c’est intéressant de pouvoir la reconnaître comme telle, de la reconnaître tout simplement. Avant d’identifier quoi que ce soit, on ne fait qu’en éprouver un malaise.
Et cette posture énergétique rigide, mentale donc, se retrouve même tout autant chez beaucoup de personnes qui peuvent être prêtes à prêcher des allusions religieuses ou même spirituelles pour avoir eu un aperçu plus ou moins vague ou réel de « l’autre réalité », parfois juste pour en avoir entendu parler d’une façon qui les a troublés suffisamment. Quoi qu’il en soit, il s’agit de faire la différence entre ce qui est et reste une mentalisation et une ouverture réelle du cœur.
Maintenant, la considération de l’état mental ambiant, manifesté sans cesse tout autour de nous, n’a pas d’autre but que de vérifier ce qu’il en reste en nous-mêmes. Il n’y aurait aucun intérêt à voir dehors de la haine, par exemple, si ce n’était pas pour conscientiser et libérer la nôtre. Le seul intérêt à nous comparer à notre avantage renverrait à notre propre posture mentale. En d’autres termes, nous devons ou nous pouvons, nous en remettre au cœur pour nous aider à nous libérer de ce qui en nous n’est pas le cœur.
Il y a bien des moments ou des circonstances où nous tirerions grand avantage à nous dire qu’il doit y avoir autre chose ou à nous rappeler qu’il y a effectivement autre chose. Que nous soyons retenus dans des conflits relationnels, dans des problèmes matériels ou une sorte de mal-être indéfini, la façon dont nous restons affectés n’est pas la seule réponse qui s’offre à nous. Nous restons bien positionnés – et très longtemps – comme si nous croyions qu’il n’y avait effectivement rien d’autre ! N’est-ce pas intéressant de s’arrêter sur ce seul constat (même si nous ne remettons pas (encore) en question notre certitude éventuelle) ? Si l’on reste positionné comme si l’on détenait la vérité, il sera fort utile d’énoncer clairement, pour soi-même, ce qu’est cette vérité.
D’ailleurs, croire (quoi que ce soit) constitue en général un obstacle, une fermeture. Parlons-nous de ce que nous croyons ou de ce dont nous avons une expérience réelle (à un niveau ou à un autre) ? Il n’est pas simple d’identifier ce qui fait notre vieux malaise chronique, peut-être juste parce que nous croyons bien des choses. En tout cas, la difficulté de cette identification est grandement amplifiée par la posture égoïque : « JE SAIS ce qu’est mon problème ». Il m’est même arrivé de l’entendre de la bouche de personnes venues me consulter. Savoir en l’occurrence ce que nous disons savoir contribue au maintien de notre mal de vivre.
Il est par exemple une chose que vous pourriez ne pas savoir, selon votre conditionnement, et ce serait votre croyance – donc inconsciente – que vous êtes censé souffrir, censé être mal. Cette croyance est de ce qui explique la souffrance persistante de certaines personnes, ainsi que le malaise éventuel qui surgit face à tout rappel du douloureux (aussi d’autrui) alors qu’en réalité, la chose ne vous affecte plus. On peut alors prendre pour de la froideur le manque de souffrance. Pour certains, la croyance est que la souffrance donnera lieu à du réconfort. Ainsi, que ne se font-ils pas vivre pour obtenir un jour ce réconfort ?
Essayons de voir mieux ce qu’est notre réalité ordinaire, sans même nous arrêter tout de suite sur la possibilité d’une autre réalité, d’un autre art de vivre. D’ailleurs, même si nous devions évacuer a priori cette possibilité, la contester, cela ne devrait pas pour autant nous empêcher de reconnaître avec plus de clarté ce qu’est notre fonctionnement personnel, habituel, relativement imposant ou envahissant. Ici, il ne s’agit pas de croire quoi que ce soit, il s’agit de vérifier ce qu’est votre réalité éprouvée ! Cette seule reconnaissance permettra très vite de faire deux premières observations très édifiantes :
Quand nous avons identifié notre fonctionnement général très familier, si nous y prêtons suffisamment attention, nous voyons qu’il n’est pas toujours pareillement en vigueur. Son activation dépend des contextes, des moments dans la journée, selon que nous sommes seuls, en face-à-face, en groupe, en public, etc.
Même si à bien des égards, notre fonctionnement personnel n’est pas différent de celui de quiconque, nous ne pouvons pas nier les différences superficielles très marquées. Nous n’avons pas tous les mêmes blessures. Pourtant, il y a fort à parier que chacun vit son propre fonctionnement comme étant le meilleur qui soit.
Pour l’essentiel, ce fonctionnement consiste à penser, à se dire des choses et à être absolument certain d’un grand nombre d’entre elles. Nous pensons des choses relativement différentes, dictées d’ailleurs par notre propre blessure, mais nous avons en commun de penser et de penser inutilement, de penser dangereusement, « créativement ». Si c’est ici en dire trop, trop vite, reconnaissez au moins que ce que vous pensez « le plus souvent » est tout à fait inutile, n’apporte strictement rien à « l’objet » considéré. Pouvez-vous le reconnaître ? Et essayez de percevoir aussi comment vos propres vécus, changeants, peuvent éventuellement démentir la « vérité » dont vous êtes convaincu.
D’ailleurs, alors que nous passons un temps infini à déplorer des choses, une chose ou une autre, il ne fait aucun doute que nous pourrions reconnaître et donc apprécier davantage certains vécus gratifiants, ceux qui ont pour effet réel de nous combler. C’est aussi le manque d’appréciation, donc de gratitude, qui peut finir par nous faire nous sentir en dette. Nous y reviendrons plus loin.
Ainsi, il y a donc ces choses que nous pensons, énormément de jugements, mais il y a d’abord ou surtout le seul fait de penser. Si vous voulez avoir raison, par exemple, du point de vue de votre propre épanouissement réel, vous avez au moins deux fois tort : vous avez tort de vouloir avoir raison et vous avez tort de penser. Vouloir quoi que ce soit est toujours problématique, parce que c’est une vaine tentative de fuir ce qui en soit a besoin d’être libéré. La vanité de la chose explique le vouloir avoir raison permanent…
Penser est absolument inutile. La personne qui vous a réellement aidé dans votre vie n’a pensé à rien, elle a juste suivi son cœur. En voiture, quand vous avez évité un accident, vous n’avez pensé à rien, vous avez manifesté une grande présence, eu ainsi accès au geste le plus efficace, le plus sage. À l’inverse, celui qui commet ou faillit commettre un accident est très probablement perdu dans ses pensées. Toute action juste se passe du croire et du penser.
Tout à fait innocemment, nous pouvons croire que sans notre penser habituel, nous ne pourrions pas fonctionner dans l’existence. Et c’est exactement le contraire qui est avéré ! En maintes circonstances, il est des décisions que nous prendrions, des actions que nous mènerions, des actes que nous poserions, des paroles que nous prononcerions… si du penser ne venait pas y faire barrage ! Ne confondons pas le penser chronique, intrusif, avec les idées inspirées, lesquelles ne sont donc pas rebattues, réchauffées. Et comme nous l’avons souligné, en cas d’urgence par exemple, ce qui est à faire s’accomplit sans le diagnostic du mental.
Ici, je ne vais pas revenir sur ce qui explique notre penser compulsionnel, ni son contenu, bien que nous puissions expliquer beaucoup de choses. J’indique cependant qu’il n’est pas non plus question de nous reprocher notre fonctionnement (conditionné), quel qu’il soit, ni justement d’en penser quoi que ce soit. Ce qui est évoqué dans ce texte, c’est la possibilité de reconnaître comme jamais ce qu’est notre fonctionnement quotidien. Dans l’instant, par exemple, j’aime voir mieux ce qu’il est pour moi et je n’en pense rien. Certes, j’ai aussi annoncé « l’hypothèse » qu’existe une autre réalité. Alors, approchons-la doucement !
Ayez à l’esprit des instants où vous êtes en pleine réaction. Comment vous sentez-vous en ces moments-là ? La réponse est pour vous et peu importe ce qu’elle est. Reconnaissons-la et n’en pensons rien (si possible). Maintenant, rappelez-vous des instants où votre réaction était à minima (sinon complètement absente). Ce n’est pas l’un de ces instants, tout de suite, si vous jugez ce que vous êtes en train de lire. Un instant sans la moindre réaction en est un où vous ne pensez rien, sinon où les pensées passagères ne jouent pas le moindre rôle. En général, non seulement les pensées jaillissent, mais nous les chérissons.
Reconnaissez-vous ce qui diffère entre ces deux options, la réaction et la non-réaction ? Reconnaissez-vous que vous pourriez peut-être bien préférer l’une à l’autre ? Il ne s’agit que de ça, que de votre préférence ! Observons que pour préférer réellement une chose, nous n’avons pas besoin d’en penser quoi que ce soit, même si notre conditionnement, mental, peut nous pousser à tout justifier ! Quand vous aimez vraiment une chose, êtes en train de l’aimer, vous n’en pensez rien, vous l’appréciez. Ce qui fait penser, c’est la désirer, la vouloir…
Il m’apparaît ici assez clairement que penser inutilement, c’est vouloir contrôler, se contrôler soi-même ou contrôler les autres, le monde, les circonstances. Ceci explique en partie que l’idée de délaisser le penser ne nous sourit pas tout de suite ! Notre problème est, non pas le penser lui-même, mais l’attachement au penser. Regardons cela de près, nous reconnaîtrons alors ce qui peut être reconnu.
Un très grand nombre des pensées sont des jugements et ceux-ci trahissent du vouloir contrôler. D’où vient l’idée en nous que « ça saurait » ce qui doit être et ce qui ne doit pas être ? Pouvons-nous être intéressés/amusés par cette question, pour le coup sans y plaquer une réponse précipitée ? Cette réponse hâtive ne serait que du penser, encore du penser. Soit dit en passant, une question qui n’englobe pas une réponse dans sa formulation est forcément moins mentale. C’est encore ici faire allusion au « vouloir contrôler ».
Il est important de reconnaître ce qui est mental, ce qui ne l’est pas, ce qui l’est moins, parce que c’est s’approcher de ce qui nous confirme qu’en effet, « il y a autre chose ». Et avant de nous arrêter sur cet « autre chose », regardons encore le fonctionnement usuel, c’est-à-dire basiquement le penser inutile, intrusif, intempestif. Il est aussi ou surtout NON AIMANT, comparateur, justificateur, accusateur, contrôleur, anticipateur et même dictateur…, en fait effroyablement séparateur.
Or, pour fonctionner, ce penser incongru a besoin d’un tuteur, lequel s’avère être une illusion, et c’est le « je » prétendu, le « moi » mis en avant comme une sorte de trophée, l’auto-importance, le maître auto-proclamé, Le « Roi nu ». Oui, il règne en nous-mêmes, de façon plus ou moins grossière, plus ou moins délirante, plus ou moins machiavélique. On a fait une contraction psychique d’une vieille histoire en partie légendaire, passée de toute façon, à laquelle on s’est identifié et à laquelle on a donc donné ce joli petit nom de « je » : « JE… pense », « MOI, JE… pense ».
Et qui nous voit de plus haut dit : « Tu ne penses rien, parce que personne ne pense rien. Les idées t’arrivent, comme le souffle dans tes poumons, et tu les recueilles ou non. Tes pensées sont dictées par ton conditionnement identificatoire et tu n’en décides pas. Elles sont même prévisibles. Parfois même mieux que toi, tout le monde sait ce que tu vas penser, dire, faire, comme on sait ce que fera une machine une fois actionnée… Réveille-toi, tu n’es pas ce programme-là, ni un autre ! ». Le programme est très alléchant, parce qu’il semble tenir la route, parce qu’il est très élaboré, même s’il s’agit bien sûr d’une élaboration relative et conditionnée.
En effet, il y a la même naïveté dans l’affirmation « je pense » que dans l’affirmation « je respire ». Mon corps respire, en effet, mais je n’y suis pas pour grand-chose. Des pensées affluent, mais je n’en décide pas. Je décide à peine de ce que j’en fais. Je fonctionne de façon robotique. Et quand je vois cela, tout change, tout de suite ! Le « je » contracté n’est qu’une impression, une mémoire, une impression mémorielle, à l’évidence une illusion. S’agissant des pensées, on a fini d’y tenir quand on a reconnu combien elles pesaient.
Peut-être doutez-vous de la dimension du cœur, spirituelle, d’une réalité toute autre, peut-être même la niez-vous complètement, mais soit ! Qu’en est-il de vous-même, juste ici et maintenant ? Que faites-vous de vos propres impressions qui dépassent votre discours ordinaire ? Vous en avez aussi ! Et si vous vous arrêtiez enfin, juste un peu, sur ces instants où vous vous êtes soudainement retrouvé en paix et plein d’amour ? N’avez-vous jamais été interpellé par des synchronicités saisissantes ? Il est vrai que ceux qui les expliquent par le hasard en voient peu.
OK, laissons tout ça et regardons encore ce qui est bien ou plus réel pour vous : votre fonctionnement ! Simplement, sentez pleinement votre posture intérieure, celle-là même que vous pourriez justifiée, la « meilleure qui soit » ! Sentez-la bien, reconnaissez-la ou essayez de la reconnaître comme jamais. Pourquoi donc résisteriez-vous à « vous reconnaître », tel que vous vous exposez ? Imaginez que votre posture intérieure puisse être reflétée dans un miroir et regardez-la. Autrement dit, avec autant d’honnêteté que de bienveillance, considérez la réalité dans laquelle vous restez pris ou, si vous préférez, telle qu’elle est pour vous.
En fait, nous nous faisons un cadeau insoupçonné, déterminant, libérateur, quand nous consentons à reconnaître la façon dont nous fonctionnons, dont nous sommes positionnés, à reconnaître toute la place que nous laissons au penser, au mental, au conditionnement. Ce sont les mêmes effets heureux que lorsque nous reconnaissons des ressentis douloureux en nous. Et retenez bien qu’il ne s’agit pas de se taper sur la tête, ni même de VOULOIR se changer. C’est la reconnaissance pure et simple qui se charge de tout changement souhaitable ! Et ce changement est indéniablement amorcé quand, par exemple, on peut en venir à substituer à certaines de nos positions péremptoires un simple « j’ai tendance à… ».
J’ai fortement tendance à m’en vouloir, par exemple à me reprocher mes choix et décisions.
Je n’avais jamais noté combien je pouvais être dans la comparaison, comparant les choses, les gens entre eux et moi-même.
En fait et en gros, je reste soumis aux circonstances, la procrastination étant l’une de mes tendances très prononcées.
Il y a toujours quelque chose que je veux et quelque chose que je ne veux pas. Je découvre que cette double tendance consomme beaucoup de temps et d’énergie !
J’ai un avis sur tout et, de surcroît, je ne peux pas m’empêcher de le donner et de le redonner… (Cette tendance-là, on ne va peut-être pas la reconnaître tout de suite !)
C’est plus fort que moi, j’imagine toujours le pire (tendance à l’anticipation).
J’ai vu comme jamais ma tendance à être dans le contrôle, à vouloir contrôler tout et tout le monde, y compris moi-même.
Mais c’est fou combien « ça pense, là-haut » ! Je n’en reviens pas, et les jugements, je ne t’en parle pas !
Ouah, mais c’est comme s’il me fallait être toujours en guerre contre quelqu’un !
Je n’arrête pas de penser au passé (regrets, remords, nostalgie…).
Peut-être aurons-nous vu ici les tendances de certains de nos proches. OK, mais que cela ne soit pas juste une tendance de plus ! Il est plus utile d’y voir lesquelles se rapprochent davantage des nôtres. Il y en a deux ou trois qui me parlent et quand j’en vois le reflet dans le miroir imaginaire, l’image n’est pas resplendissante. Alors, qu’en est-il pour vous ? Pouvez-vous reconnaître l’une de vos tendances, en gardant le sourire ?
Et observez au moins deux choses : notre fonctionnement courant revient surtout à nous faire du mal, y compris quand nous jugeons et condamnons le monde, l’effet « soulagement » ne durant jamais très longtemps ; il est possible de reconnaître tranquillement notre fonctionnement et un changement heureux de l’état intérieur est alors immédiatement perceptible. Ce seul constat se mue très vite en auto-invitation à poursuivre l’observation de plus en plus libératrice. Or, pour que cela se passe effectivement ainsi, il est nécessaire que l’attention accordée soit, non seulement dépourvue de jugement, mais soutenue avec douceur et bonté.
Comment pouvons-nous être irrités par l’invitation à la bonté et à la douceur, indépendamment de notre possibilité momentanée d’y répondre ? Il se peut même que l’invitation nous agresse ! Il est dit « sois bon et doux envers toi-même ». Et la réponse est une moue désapprobatrice, quand ce n’est pas pire. Si tel est le cas pour vous et que vous le reconnaissez, ce qui est en soi merveilleux, offrez à cette moue un sourire du cœur. Même quand le « je pensant » est sur le devant de la scène, le cœur est toujours là, si puissamment d’ailleurs que c’est lui qui permet au soi-disant penseur ses incartades et autres forfanteries. Vous n’êtes pas sans ce cœur et le savent bien, parfois mieux que vous, certains de ceux qui vous connaissent. Rappelez-vous votre cœur !
Dans l’instant, j’ai à l’esprit divers constats, événements et circonstances qui se sont produits aujourd’hui même et les jours derniers. Tous ceux-ci furent particulièrement réjouissants et rappellent (encore dans l’instant) une gratitude profonde qui suscite peu de penser. Et ce n’est évidemment pas du penser qui fait mal ! Êtes-vous sûr de ne rien avoir récemment vécu vous-même de quoi vous émerveiller ou vous remplir de gratitude ? Au besoin, cette dernière évocation peut tout simplement nous montrer cette autre tendance qui peut être la nôtre à préférer à la lumière l’obscurité.
Or, la gratitude qui nous fait défaut bien trop souvent, ce qui signifie que nous restons « endettés », est d’un grand pouvoir, d’un pouvoir insoupçonné mais éclairant, illuminateur et libérateur. Peut-être pourrions-nous être surpris de découvrir que notre ingratitude est d’abord une auto-privation. Un cours en miracles nous dit : « Chaque fois que tu agis égoïstement envers autrui, tu jettes la gracieuseté de ta dette et la sainte perception qu’elle produirait ». La gratitude vécue est plus une attention cordiale authentique qu’une extériorisation, même si celle-ci peut en être un effet, un effet alors amplificateur. Le partage est puissant.
Évidemment, la gratitude ne se fabrique pas. Dans tous les sens du terme, une reconnaissance ne se fabrique pas. Nous la vivons ou nous ne la vivons pas. En revanche, une chose est complètement à notre portée immédiate : avoir à l’esprit ce qui pourrait mériter de la gratitude, beaucoup de gratitude. Et la considération de ces choses ne restera pas longtemps sans effets. Et quand nous reconnaissons quoi que ce soit, c’est que nous nous y sommes d’abord disposés, avec du cœur, avec de la bonne volonté.
« L’autre chose » est la lumière. L’autre chose est la paix, la joie, l’amour. La gratitude et l’émerveillement peuvent en être un tremplin. « L’autre chose » n’est pas à attendre, n’est pas à vouloir, n’est surtout pas à fabriquer. C’est là tout de suite et même si, là encore, ça semble hors de portée, quelque chose ne l’est certainement pas, sinon beaucoup moins, c’est la possibilité de nous disposer à vivre le basculement de l’ancienne « réalité » à la conscience d’être conscient, d’être présent, de se hisser hors du fardeau ancestral. Ne pas parvenir à une fin est une chose, ne pas s’y disposer en est une autre. Toute réalisation est précédée de la disposition à celle-ci.
« L’autre chose », l’autre réalité est ce que nous sommes, à jamais, alors que nous nous prenons pour ce que nous ne sommes pas. Nous sommes paix, joie et amour, et dans l’ignorance persistante de cette essence, la nôtre, nous attendons de l’extérieur la paix, la joie et l’amour. Au lieu de vouloir obtenir et posséder ce que nous sommes, attente insensée, nous avons à nous détacher de ce que nous « possédons » : prétention, croyances, jugements, idées fixes… Savoir et même pouvoir le vivre n’est pas si important, s’y disposer est essentiel !
Honoré de Balzac a dit (j’aime le rappeler souvent) : « Plus on juge, moins on aime ». En fait, penser inutilement, c’est d’abord juger et juger, c’est très vite accuser, condamner, avoir du ressentiment, nourrir sa culpabilité, réagir, se faire peur, se faire souffrir… Et cela, c’est notre fonctionnement très ordinaire qui pourrait nous amener à dire : « Il doit y avoir autre chose ». Or, nous ne pourrons jamais cesser durablement de penser inutilement et donc de juger tant que nous résisterons à l’amour, le garderons voilé, hausserons les épaules à son évocation. Et cependant, « l’autre chose », c’est l’amour. Alors, quand vous vous surprenez à nouveau pris dans des pensées inutiles, tout simplement, rappelez-vous : « Amour ! (douceur, bienveillance ou gratitude) »
Si vous me demandiez ce qu’est en résumé l’invitation contenue dans ces quelques pages, je vous dirais simplement ceci : avec honnêteté, reconnaissez le degré auquel vous vous disposez à vivre en paix, dans la joie, dans l’amour, dans l’appréciation. Et juste ressentir votre bonne volonté à vous y disposer un peu plus sera, non pas vous soumettre à la proposition d’un ami, mais vous faire le plus beau cadeau que vous ne vous êtes sans doute jamais fait. Ensemble, bénissons le monde ! Dédions au monde notre gratitude !
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