Êtes-vous prêt ?
Dans votre existence, il y a très probablement quelque chose que vous aimeriez avoir ou que vous aimeriez vivre, et également quelque chose que vous aimeriez ne plus avoir à endurer. « Ce n’est pas quelque chose, mais plein de choses », pourrait-on même dire. Quelle que soit cette chose, disons qu’on veut l’avoir, la posséder, la vivre, la manifester ou ne plus l’avoir, en être libéré, ne plus la subir.
Et l’obtention de cette chose ou la disparition d’une autre chose, on la DÉSIRE, on en RÊVE, on l’ENVIE, on l’ESPÈRE, on la REVENDIQUE ou on l’EXIGE – selon son conditionnement, son mode d’expression interne. Pouvez-vous vérifier et juste admettre ce qu’il en est pour vous ? (En lisant le mot « vouloir » dans ce texte ou l’un de ses synonymes, vous pouvez le remplacer par celui des mots que vous venez de voir écrits en gras (et/ou en majuscules) et qui pourrait vous correspondre davantage.)
Et cette chose n’arrive pas, ne se produit pas, jusque-là, ou pas de façon durablement satisfaisante. Puisqu’il en est ainsi, je suggère d’emblée que l’on n’y est pas prêt. Je dois préciser tout de suite qu’une façon de ne pas être prêt, pour certains, c’est se croire non prêts. Si vous avez tendance à n’en avoir jamais fini de vous préparer, alors qu’en réalité, vous êtes prêt depuis longtemps, vous pourriez insidieusement être conforté dans votre croyance. Pour vous au moins, être prêt à vivre ou recevoir ce que vous voulez vous demandera d’arrêter de croire que vous ne l’êtes pas. Oui, juste se croire non prêt, c’est du coup ne pas être prêt et se priver.
Quoi qu’il en soit, d’une manière ou d’une autre, nous ne sommes pas prêts à vivre ce que nous disons vouloir et que nous ne vivons pas jusque-là. Nous ne sommes pas prêts et, vraisemblablement, nous n’en sommes pas conscients. Le vouloir lui-même (avec son intensité et la façon spécifique dont on l’éprouve) révèle déjà la non-disposition et en tout cas l’obstacle. En doutez-vous ? Pour s’endormir le soir, ne faut-il pas cesser de le vouloir ?
On ne peut pas à la fois vouloir s’endormir et s’endormir. C’est l’un ou l’autre, l’un après l’autre. On ne peut pas davantage vouloir n’importe quoi d’autre et l’obtenir. Essayez de sentir la différence entre vouloir une chose et être disposé à l’obtenir. C’est une différence d’énergie, d’ambiance intérieure. Le vouloir est une tension qui empêche l’ouverture nécessaire au recevoir.
Il est une chose peut-être plus difficile à conscientiser ou plus délicate à s’avouer : nous sommes ordinairement plus intéressés, plus disposés à désirer une chose (à l’envier, à l’espérer…) ou à déplorer son absence qu’à l’accueillir, qu’à l’obtenir, qu’à l’apprécier simplement. Nous n’y sommes pas prêts… En revanche, nous sommes prêts à désirer… et à déplorer… Observons au passage qu’être prêt est efficace puisque nous avons sans cesse de quoi désirer et de quoi déplorer. Vous « aimez » vous plaindre ; vous vous attirez donc de quoi vous plaindre. Ça marche ! Vous « aimez » vous indigner ou ruminer ; idem !
Je sais une difficulté possible à entendre, à recevoir ce qui est dit là. Pour peu qu’il ait commencé à reconnaître la chose (après l’avoir niée ou simplement ignorée), notre mental dit : « Mais tout le monde fonctionne comme ça ! Mais je ne peux pas m’en empêcher ! Je dois vraiment être stupide ! Mais qu’est-ce que je dois faire alors ? ». Le texte se borne à évoquer, à montrer des positionnements, des fonctionnements, et il ne les juge pas, ni ne vient avec des « il ne faut pas » et des « il faut ». Quand on regarde véritablement et voit alors, une attitude ajustée souhaitable s’adopte d’elle-même. Simplement, voyez au besoin si vous pouvez vous détendre, lâcher la tête, vous contenter de « regarder ».
On pourrait encore parler longuement des façons multiples de ne pas être prêt ou s’amuser à expliquer pourquoi on en adopte certaines et non pas d’autres. Il est nettement mieux, bien plus efficace de percevoir l’un ou l’autre de nos comportements que de l’expliquer. À ce niveau, l’explication devient une justification, tout à fait inutile. Disons tout de même et simplement que dans ce phénomène si répandu de non-disposition au meilleur, se trouvent la peur, la honte, la culpabilité, des positionnements réactionnels contraires, des croyances limitatives inconscientes « c’est impossible, je n’ai pas le droit, ce n’est pas pour moi, je n’ai jamais de chance, la vie est injuste…).
Ah, si l’on pouvait seulement lâcher la tête ! Si l’on pouvait seulement s’arrêter de se dire tous ces trucs qui font mal et qui sont généralement faux ! « Faux ou non, s’ils font mal, pourquoi se les dire encore ? » Eh bien, parce que, pour cela, on est prêt, on est d’accord, on est tout à fait disposé à… à réagir à ce qui ne nous convient pas, à chercher à compenser d’une manière ou d’une autre. Et, infailliblement, on aboutit à cette même insatisfaction qui nous permet de réagir et de compenser de plus belle. Certes, c’est un fonctionnement machinal, automatique, inconscient, et il fonctionne à la perfection.
Nous ne sommes pas conscients que nous cherchons inlassablement et exclusivement à réagir et à compenser, ni que nous avons trouvé pour ce faire le bon moyen : être d’accord, être en disposition appropriée, dans un positionnement maintenu… Ne serait-il pas intéressant d’observer que ce positionnement si efficace face à ce qui ne fait qu’alimenter l’insatisfaction est précisément celui qu’on adopte bien trop rarement pour ses aspirations profondes ? Or, ces aspirations profondes, encore faudrait-il les connaître. On a énuméré différentes façons de ressentir son « je veux », n’oublions pas qu’on risque aussi, pour un domaine ou pour un autre, de maintenir en soi un « je ne sais même pas ce que je veux ». Ainsi, il est parfois tout à fait manifeste qu’on n’est décidément pas prêt à vivre le meilleur !
On a peut-être maintenant une meilleure idée de ce que veut dire « ne pas être prêt », mais « être prêt », outre les éléments déjà évoqués, qu’est-ce que cela implique ? D’abord, bien sûr, on est prêt à quelque chose, disposé à laisser être cette chose, d’accord pour qu’elle soit, et on la connaît, on « est avec ». Comme on vient de le voir, on est toujours prêt à vivre un problème ou un autre : on le connaît, on est avec ! On est avec, en l’occurrence, et combien ! On est avec, non seulement à travers les pensées répétitives, mais surtout par le vif intérêt éprouvé à réagir. Qu’on soit inconscient de ce ressenti, qu’on le méconnaisse ou qu’on le nie même ne change rien à l’affaire.
Cet intérêt représente donc une sorte de satisfaction, de contentement. Dès lors qu’on est effectivement prêt, par exemple à acquérir un bien ou à partir en week-end (pour considérer désormais un exemple plus joyeux), on se sent content. Le contentement, la satisfaction, l’intérêt témoignent du fait d’être prêt, du fait de se disposer à… Or, si c’est encore et exclusivement le stress qui accompagne l’un de ces projets possibles, on est toujours prêt à quelque chose, mais reste à savoir à quoi et, dans ce cas, cela pourrait ne pas être le meilleur pour soi.
« Suis-je vraiment prêt à vivre ou à recevoir ce que je dis vouloir ? » C’est une question intéressante, une invitation utile à l’observation. Tout aussi intéressante et utile, une autre question a été précédemment suggérée : « À quoi suis-je prêt le plus souvent ? ». Si l’on n’est pas prêt, comme je l’annonce dès le début du texte, à vivre ce que l’on dit vouloir et que l’on ne vit pas, on doit bien être prêt à vivre ce que l’on vit, ce que l’on endure, même si l’on dit bien sûr ne pas le vouloir. On y est prêt notamment en ce sens qu’on s’y attend.
Donc, être prêt, c’est se disposer, c’est être d’accord, avoir un intérêt. Cela s’accompagne d’une sorte de contentement ou de satisfaction. Quel qu’il soit, le vouloir a ici cédé la place à la seule disponibilité, à l’ouverture, à l’accueil. On décrit ici un « état d’esprit », celui qui répond simplement, naturellement, spontanément à une idée qui nous plaît, qui nous sourit. Selon le contexte, la satisfaction présente se mue en enthousiasme.
Cet état d’esprit particulier, le fait d’être prêt, ne reste évidemment pas sans effets. Il est inspirant, il dynamise, il pousse à l’action. Il attire ce qui lui correspond et c’est pourquoi nous vivons toujours ce que nous sommes prêts à vivre. On peut même parler ici de l’absence de tout état d’esprit en ce sens que ne se trouve plus rien pour faire obstacle. « Le champ est libre », peut être accueilli ce qui veut être accueilli !
Comme je l’indique, on est toujours prêt à quelque chose, sinon à être heureux, à être épanoui, le plus souvent à déplorer ou à espérer une chose, une relation, n’importe quel vécu. Pour tenter de faire simple, on pourrait dire qu’on est prêt de façon, soit négative, soit positive. Dans le premier cas (négatif), c’est bien sûr le mental qui est à l’œuvre. Dans le second, c’est l’être, la Conscience.
Le premier dit « je veux », « je ne veux pas », le second dit « je suis » ou, mieux encore, simplement accueille. Le premier est prêt (s’attend) à laisser les choses en l’état (en fait à les retenir), ce qui peut même contribuer à les empirer ; le second est disponible, ouvert au nouveau, au meilleur, capable d’accueillir les obstacles sans les interpréter, donc sans les retenir. Le premier se limite à ce qui est ou ce qui devient très vite pesant et le second, illimité, ne limite rien.
Être prêt au meilleur, c’est être sans attentes, autrement dit sans peur. L’attente compulsive d’une chose cache la peur d’en être privé encore. Avec cette peur, on est pris dans le passé, on reste conditionné. Avec l’attente, l’attention bascule dans le futur : ce qu’on attend est à venir. Voguant ainsi entre passé et futur, on n’est pas présent. Être prêt au meilleur, c’est être présent. Par exemple, si c’est de l’aide que vous attendez, vous vous rappelez confusément d’en avoir manqué (passé) et vous conservez la peur d’en manquer toujours (futur). Parfois c’est l’amour, parfois c’est l’argent que vous utilisez pour éprouver manque, peur et attente, et… pour demeurer frustré.
Le passé et le futur qui nous occupent, nous préoccupent tant, ce que notre fonctionnement ordinaire nous incite à faire, sont seulement des pensées dans notre tête. Ils n’ont pas de réalité, mais ils sont pourtant éprouvés comme tels, parce qu’y croire, en faire dépendre son existence produit des effets assez vite pernicieux et bien réels ceux-là. C’est dire qu’on se fait vivre du mal-être à partir de rien. Il n’y a que l’instant présent, « la seule chose que nous ayons », si l’on peut dire, chose donc précieuse et à laquelle nous accordons le moins d’attention. Nous accordons le moins d’attention à cela seul qui en mérite. Cette chose qui n’en est pas une n’est pas quelque chose que nous avons, elle est ce que nous sommes, qui nous sommes.
Or, tandis que le passé et le futur ne sont rien d’autres que des considérations mentales, des concepts, des pensées, tandis que nous ne pouvons aborder passé et futur qu’avec le mental, le présent, l’instant présent nous fait changer de mode. C’est passer du penser à l’observation, à l’accueil. Pris dans sa tête, animé par le passé et le futur, on peut ne pas être présent (on en abuse d’ailleurs), mais pour autant, on ne peut être ni passé ni futur. Ça n’existe pas. On ne peut qu’être présent ou simplement y résister. L’instant présent est ce qu’il est, soit nous le reconnaissons, l’acceptons, nous y accordons, soit nous tentons de le fuir, de l’éviter, de le nier, nous y résistons. C’est nous méconnaître nous-même.
Résister à ce qui est le fige et nous fige. Seul le mental est là impliqué. Voir et accepter vraiment ce qui est témoigne d’une décontraction, d’une légèreté, d’une ouverture. C’est alors la présence, la conscience, l’observation éveillée qui est connue. Là et là seulement, tout est possible : libérer le douloureux enfin reconnu et goûter au nouveau apporté par l’énergie qui circule librement, la vie qui s’écoule naturellement. Les choses arrivent quand nous sommes prêts et qui pourrait penser, espérer l’être sans être présent, donc conscient prioritairement de l’instant présent ?
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