Des croyances non remises en question
Pourquoi vivons-nous ce que nous vivons ? Comment cela se fait-il ? Comment cela marche-t-il ? Pourquoi vivons-nous ce que nous vivons, incluant l’insatisfaction à ne pas vivre ce que nous voudrions vivre ? Nous pouvons nous poser ce genre de questions et nous pouvons aussi observer comment ou combien nous réagissons à ce que nous vivons et/ou ne vivons pas, à la fois aux circonstances incriminées et à ce qu’elles réactivent sur le plan émotionnel. Il y a des circonstances, il y a ce qu’elles font ressentir et il y a la façon de réagir à l’ensemble, la réaction (la manière dont ça répond en nous).
Avec tout notre conditionnement en général, nos diverses réactions sont maintenues et alimentées par ce qu’on pense, par ce qu’on se dit, par ce qu’on se répète, par des jugements et par des croyances de niveaux différents. L’implication inconsidérée du mental, ordinairement évoquée comme étant une identification mal fondée, est bien sûr seule en cause.
Si l’on peut faire le choix de s’en tenir à cette seule réalité pour expliquer le mal de vivre, j’aime bien aussi apporter dans ces pages de quoi vérifier qu’il en est ainsi. C’est tenter de montrer de quelle façon spécifique cela se manifeste pour chacun d’entre nous. Par exemple, dire que nous gagnons beaucoup à être de plus en plus dans l’acceptation est indéniable, mais voir quand, comment combien nous n’acceptons pas est certainement beaucoup plus parlant et pratique.
En fait, je veux ici aborder rapidement le thème des croyances pour m’arrêter surtout à un type de croyances qui semble retenir peu l’attention. Ce sont des croyances qu’on remettra le moins facilement en question et dont la prise en compte authentique transformera du coup son existence de façon radicale et heureuse. Je vais appeler cette sorte d’affirmations spécifiques « les croyances/justifications ». Allons-nous être en mesure de débusquer l’une ou l’autre de nos propres croyances/justifications ? J’ai a priori dans l’idée que nous en avons tous. Les nôtres peuvent se faire jour de façon grossière ou peut-être beaucoup plus subtile.
En consultation, toute personne disposée à voir, d’abord à regarder, découvre rapidement (au besoin) l’une ou l’autre de ses croyances auto-accusatrices (je suis ___ – inintéressant, inutile, nul, bon à rien, mauvais, idiot, méchant, dérangeant, etc.). Comme nous nous évertuons à démentir dans notre vie les croyances qui sont à notre désavantage jusqu’à pouvoir en quelque sorte témoigner du contraire, il n’est pas toujours évident de les reconnaître directement. On y parvient cependant. Le mode « démenti » est si puissant qu’on peut en effet résister encore à considérer sa propre croyance quand tout la révèle pourtant.
Or, pour des croyances de ce même niveau, certains ne les reconnaissent pas davantage comme telles dès lors qu’ils proclament qu’il ne s’agit pas de croyances, mais de la réalité, de la vérité. Ils disent par exemple : « Non, je ne me crois pas mauvais, méchant…, je suis mauvais, méchant…. ». Ici, l’identification est extrême. Une personne concernée ira même jusqu’à se comporter en adéquation avec ce qu’elle croit, retardant ou compliquant d’autant la simple reconnaissance de sa croyance. Elle aussi finira aisément par se rendre compte tôt ou tard du vieux schéma comportemental en cause.
Prenons juste un autre exemple de croyances également plus faciles à identifier, celles qui révèlent directement notre blessure et que nous allons appeler ici « les peurs/croyances ». Enfant, si vous vous êtes senti dévalorisé, vous aurez peur de l’être encore toute votre vie, bien sûr jusqu’à ce que vous vous libériez du conditionnement impliqué. Bref, vous avez peur d’être dévalorisé, vous croyez l’être en maintes circonstances. Bien entendu, vous « savez » vous mettre en situation de revivre toujours ce même scénario, attirer les « bonnes » personnes qui vous dévaloriseront, provoquer suffisamment celles qui pourraient ne pas le faire et, bien mieux, bien plus simple, interpréter les propos et attitudes de vos proches comme étant dévalorisants ou humiliants (même s’ils ne le sont en rien en réalité).
Selon notre blessure, nous croyons que nous allons immanquablement être abandonné (oublié, négligé), dévalorisé (rabaissé, humilié), maltraité (malmené, accablé), rejeté (ignoré, repoussé), trahi (empêché, contraint). Nous le croyons, nous en avons peur, nous nous y attendons. Beaucoup ne sont pas conscients de leurs peurs/croyances, mais bien des effets dans leur vie les révèlent là encore.
Quand l’une ou l’autre de nos croyances auto-accusatrices ou de nos peurs/croyances est identifiée, acceptée comme telle, elle n’a pas encore pour autant disparu de l’attirail mental qui nous sert à nous empoisonner l’existence, mais elle a au moins commencé à perdre beaucoup de son pouvoir néfaste. Si croire ceci ou cela était sans effet, nous n’aurions pas besoin de nous y arrêter.
Et, en outre, je ne trouve aucun intérêt heureux DURABLE à aucune croyance, ni même quand elle se veut positive. Il y a seulement que nous confondons souvent le plein contentement véritable avec ce qui n’est que soulagement. Oui, parfois, se dire certaines choses soulage, mais pour combien de temps ? Une croyance positive tente seulement de démentir une croyance négative. Pour commencer à la relâcher vraiment, cette dernière doit, non plus être démentie, mais être débusquée, reconnue, simplement perçue. De la sorte, elle sera résorbée !
Restons avec la peur/croyance, ce qui parle de votre blessure, ce qui parle surtout de la façon dont vous vous traitez vous-même. Enfant, si vous vous êtes senti dévalorisé, disions-nous, vous avez toujours peur d’être dévalorisé et vous croyez l’être encore quand vous ne l’êtes aucunement. Évidemment, vous croyez que vous le serez… Or, on se traite soi-même comme on a peur d’être traité ; on se traite soi-même comme on s’est senti traité enfant. Oui, on a appris à être avec soi-même à travers la façon prédominante dont notre entourage parental était avec nous. On se traite comme on s’est senti traité (donc comme on a peur d’être traité). On se juge comme on s’est senti jugé. On se blesse comme on s’est senti blessé… Donc, ici, comme vous avez peur d’être dévalorisés et comme vous croyez l’être, vous vous dévalorisez vous-même.
Et c’est là où nous quittons le domaine des croyances pour découvrir celui de la réalité. Vous vous dévalorisez vous-même, ce n’est pas, ce n’est plus une croyance, c’est ce que vous faites bel et bien ! Bel et bien, selon votre blessure, à un degré ou à un autre, vous vous négligez, vous vous rabaissez, vous vous malmenez, vous vous ignorez, vous vous empêchez. Tel est l’effet du conditionnement, des vieux schémas psychiques, du mental, de l’identification tenace avec son passé. Nos comportements sont dictés par nos croyances, par ce que nous pensons, mais ils sont réels. Voir et accepter ces comportements nous en libère peu à peu.
Il reste ce que nous sommes au-delà, ce que nous sommes en essence, ce que nous avons toujours été, serons toujours. C’est ce qui perçoit tout cela, la conscience, la perception directe, la présence, l’être, ce qui ne peut être nommé en définitive… Or, avant d’en revenir aux croyances, à un certain type de croyances, il nous faut mentionner une autre réalité, celle qui peut nous arriver de traiter nous-mêmes autrui comme nous nous sommes sentis traités, comme nous avons peur d’être traités, comme nous nous traitons nous-mêmes. Et quoi de vraiment étonnant y aurait-il en cela, même si l’on peut se retrouver en plein paradoxe ?
Oui, alors qu’on peut avoir à cœur de ne pas faire subir à quiconque ce qu’on a subi soi-même, tant que le conditionnement demeure trop présent, on peut finir par se découvrir en train en quelque sorte d’infliger à autrui quelque chose de ce qu’on a enduré, de ce qu’on a éprouvé. C’est ainsi, selon le cas, qu’on risque fort un jour ou l’autre d’abandonner quelqu’un, de le dévaloriser, de le maltraiter, de le rejeter ou de le trahir. Pour ce faire, il nous faudra évidemment « choisir » quelqu’un à qui, a contrario, on n’a strictement rien à reprocher en réalité. Qu’y avait-il à reprocher au petit enfant qu’on a été ? C’est la personne qui représente le mieux cet « enfant innocent » qui fera l’affaire !
Ici, je ne m’occupe pas de cet autre, « innocent », victime de nos assauts ou de notre positionnement réactionnel. Rien n’arrive par hasard, à lui non plus, et s’il est affecté, c’est à lui de considérer ce qu’il revit, ce que la circonstance lui offre finalement de conscientiser et de relâcher. Non, je m’intéresse seulement dans l’instant à cette tendance qui peut être nôtre à trouver un bouc émissaire que l’on va traiter comme on s’est senti traité (à la façon qui renvoie à notre histoire), juste pour explorer un autre « lieu libérateur ». Il s’agit toujours de regarder, de voir et, de la sorte, de retrouver la paix.
Donc, éventuellement, mon conditionnement me pousse à traiter telle personne d’une façon tout à fait inconsidérée, mais dans un tel cas, c’est plus fort que moi, c’est réactionnel et c’est surtout relativement inconscient. Or, quelque chose en moi sachant que je suis « à côté de la plaque », pourrait-on dire, comment vais-je m’en sortir, ne serait-ce qu’avec ma propre conscience ? Eh bien, voici les fameuses croyances/justifications ! Je vais tâcher de me raconter une histoire – avant peut-être d’aller la raconter à d’autres – qui va donner une base solide à mon positionnement, à ma réaction.
Admettons que le rejet soit votre blessure principale. Laissons de côté les divers traits de caractère associés (ou voir mon livre, « Le regard qui transforme »), mais observons simplement cette possibilité pour vous de rejeter ou d’ignorer quelqu’un qui s’est toujours montré amical envers vous. Eh oui, pareille chose peut nous arriver ! Comment allez-vous gérer cela, mentalement ? Bref, vous allez vous justifier, trouver une circonstance ou une autre pour asseoir votre « bon droit », témoigner de votre propre innocence, en fait tenter inconsciemment de vous déculpabiliser. Eh oui, de façon peut-être à nouveau paradoxale, vous culpabilisez !
Et vous voici piégé, peut-être pour longtemps ! Admettre l’existence de vos croyances/justifications, de ce dont vous vous êtes employé vous-même à vous convaincre, n’est pas une mince affaire en ce sens que vous vous reprocheriez alors d’avoir rejeté l’autre (ou de l’avoir traité comme vous l’avez traité). Voyez la double difficulté ici : voir que l’accusation n’était qu’une justification utile et que sans cette dernière, le positionnement adopté ne tient plus (d’ailleurs toujours selon ce que vous croyez).
– Permettez-vous de voir tout cela, comme de percevoir tout autre chose, de percevoir quoi que ce soit.
– Percevez la tendance aux justifications, qu’elles s’appuient ou non sur des mensonges.
– Accueillez pour vous la possibilité de vivre les choses et les relations à votre guise sans avoir à les justifier (ni même mentalement).
– Pour relâcher la culpabilité, voyez que vous culpabilisez. Voyez-le sans rien en faire, sans rien en penser C’est ainsi qu’elle se résorbe enfin.
– Retrouvez de l’humilité pour admettre que vous êtes, vous aussi, conditionné, blessé, et que la reproduction réactionnelle n’est qu’un effet parmi les nombreux autres.
– En voyant tout cela, en l’admettant, admettez de même que vous n’y pouvez rien, que vous n’avez finalement rien à y voir, qu’il s’agit seulement du fonctionnement humain tout à fait ordinaire.
– Simplement, aimez voir ; aimer conscientiser ; aimez offrir de l’espace à ce qui est, aussi en vous ; aimez être présent et goûtez à l’effet heureux qui en découle…
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