De l’aveuglement à l’illumination (grâce au « recevoir » véritable)
En cours de rédaction de cette chronique, poursuivie à différents moments, j’ai « vu » qu’elle synthétisait en partie ce que nous avons exploré ces neuf derniers mois. Nous avons principalement parlé du « moi séparé », donc de « nous-mêmes » en tant qu’ego ou conditionnement, de ce « moi solitaire » qui résulte du positionnement ancestral et malencontreux « rester coupé de la Source ». Peu importe ce que nous croyons ou ne croyons pas, nous demeurons tous fidèles à des positionnements bien ancrés qui font notre « drame ».
Et par exemple, d’une manière habituelle (conditionnée), nous restons positionnés comme si ce qui se passe dans notre vie, pour nos proches et dans le monde ne devait pas exister. La façon dont nous y réagissons en témoigne. Bien sûr, je fais ici allusion à ce qui nous contrarie d’une manière ou d’une autre, à ce que nous utilisons inconsciemment pour projeter des aspects de notre propre conditionnement psychique (peurs, croyances, non-acceptations…). Inconsidérément, nous fabriquons nous-mêmes notre propre misère, en contribuant aussi à celle des autres, du monde, et, malheureux, nous en subissons âprement les effets ou nous tentons de lutter contre.
Or, nous pouvons finir par comprendre ou par sentir que TOUT ce qui arrive, TOUT, sur tous les plans, personnels et collectifs, se produit pour une bonne raison. Et peu importe que nous interprétions faussement ce qui advient ou que cela revête une certaine réalité, ce n’est jamais par hasard que nous percevons ce que nous percevons. Autrement dit, à partir du faux comme du vrai, de l’intelligence (universelle) est à la base de ce que nous pensons, projetons, éprouvons, déplorons… Juste comprendre cela et se le rappeler peut déjà désamorcer un peu toute forme de réaction, de souffrance.
Un autre rappel peut également permettre un effet libérateur très utile et appréciable : tout ce que nous sommes amenés à percevoir et à déplorer reflète d’abord notre propre état d’esprit. On pourrait aisément se rendre compte que tout le monde ne déplore pas les mêmes choses, sinon pas avec la même intensité. On pourrait aussi reconnaître, souvent, lorsque l’on est de bonne humeur, que l’on ne vit pas la même réalité, même extérieurement. C’est donc dire qu’en changeant d’état d’esprit, la réalité ou les apparences seront d’autres effets. Les reflets d’un état d’esprit apaisé évoquent eux-mêmes la paix et l’harmonie.
À travers ce qui vient d’être dit, puisqu’une intelligence autonome est manifestement à l’œuvre, on peut en conclure que tout ce qui se passe ne dépend pas fondamentalement d’un « je » personnel, qu’il s’agisse de l’auteur ou du subisseur des circonstances. Il se passe des choses, comme dans un rêve, et le « moi séparé » se les approprie, tantôt pour les revendiquer (moi je …), tantôt pour les déplorer (je suis victime). La culpabilité irrationnelle est déjà due à une auto-appropriation indue.
Or, ce que nous sommes et demeurons à jamais n’est en rien affecté par quoi que ce soit. Seul un « moi séparé » peut souffrir ou se croire à l’origine d’un événement, alors que seule l’Intelligence infinie orchestre le tout. Beaucoup ont déjà une compréhension relative de cette réalité, mais parfois, ils la déclarent maléfique, diabolique, ce qui repousse ou évite toute remise en question. La Vie nous traite comme nous nous traitons nous-mêmes, et la Vie, c’est… nous-mêmes ! (Comme d’autres, je me suis longtemps cru maudit avant de percevoir la manière néfaste dont je me traitais moi-même.)
Ainsi, si nous pouvons reconnaître ou au moins soupçonner la Justesse divine ou l’Intelligence supérieure qui permet l’interconnexion de tous les événements et circonstances, la prédominance des synchronicités (perçues aussi bien comme négatives que positives), il devient beaucoup plus facile d’admettre ou au moins d’envisager qu’il n’y a qu’une conscience. C’est la même Conscience qui pilote tous les « moi séparés », donc aussi le mien et ceux avec lesquels je suis en interaction directe ou indirecte, déplorée ou appréciée. Et cette Conscience Une, la Conscience Une, est ce que nous sommes en essence. Ce que nous sommes en essence ne peut pas être diabolique, le « diabolique » ne pouvant concerner que le « moi séparé ». Et le « moi séparé » qui régit le monde, présent à toutes les échelles, met en lumière nos zones d’ombre personnelles.
Nous souffrons et réagissons, seulement parce que nous nous prenons pour ce que nous ne sommes pas et que nous prenons également les autres pour ce qu’ils ne sont pas. Le changement d’état d’esprit le plus essentiel commence par la remise en question de notre positionnement archaïque en tant qu’entité séparée, en tant que « moi séparé », en tant que ce qui souffre, ne peut que souffrir, qu’être en manque. Ce qui pense, ce qui croit ou ne croit pas, c’est ce que nous ne sommes pas. Ce que nous sommes est au-delà du penser.
Nous ne sommes pas le penser, le mental ; nous ne sommes même pas ce qui change ou peut changer d’état d’esprit, ce « mental chargé » qui peut être plus ou moins actif, voire somnolent. Il ne suffit pas d’être sans pensées pour que se manifestent instantanément la paix, la joie et l’amour, ce que nous sommes. Tant que le temps pèse, le « moi séparé » règne. Ce que nous sommes est hors du temps.
L’attente d’un temps meilleur à vivre signe l’implication du « moi séparé ». Un temps meilleur est possible, nous en vivons tous, mais rien de ce qui concerne le temps et l’espace n’est permanent et son attente ne peut intéresser que l’ego, que le « moi séparé ». Observons tranquillement que tous nos problèmes sont ceux du « moi séparé » ou que notre seul problème est notre identification à un « moi séparé ».
Nous ne nous libérons pas du « moi séparé » en lui donnant des coups de pied aux fesses. À certains égards, en être conscient suffit. À chaque instant où il est observé, il n’émet plus (momentanément). Il perd aussi beaucoup de son dynamisme dès lors que nous percevons toute manifestation, non plus comme intentions injustes ou maléfiques, délibérées, mais comme nécessité divinement intelligente. Comme tant d’autres, j’ai eu à traverser quelques épreuves terribles (« rappels » de la malédiction), mais sans en extraire une seule, je rends grâce de les avoir vécues, parce que toutes m’ont enrichi, éclairé, métamorphosé…
C’est le « moi séparé » qui a peur, qui a honte, qui se sent coupable, qui veut et qui résiste, qui croit et ne croit pas, et il ne peut en être autrement. Il s’agit seulement, non pas de chercher à le changer, mais de le savoir, de le reconnaître, d’en être conscient de façon unifiante et holistique. En général, on est conscient des choses qu’à un niveau très limité ou superficiel, tout comme on peut recevoir sans recevoir pleinement (nous y revenons plus loin). Et ce qui est pleinement conscient du « moi séparé » est ce que nous sommes. Ce qui est conscient ne se demande pas si le vouloir, la résistance, la peur, la honte et/ou la culpabilité ont été suffisamment résorbés, parce que ce qui est conscient ne se demande rien. La Lumière ou l’Amour ne questionne pas.
On peut habilement et bénéfiquement déstabiliser le « moi séparé », le faisant ainsi faiblir, perdre de sa force ou même disparaître (au moins momentanément). Par exemple, lorsqu’il y a réaction, contre qui que ce soit, quand de l’amour ressenti et rayonné lui est substitué, une tout autre expérience est vécue. Au passage, il y a aussi l’expérience de l’impermanence des choses, ici de la contrariété, ainsi que l’expérience du pouvoir de la conscience, de l’amour. Ces deux seuls rappels confondent le « moi séparé », perturbent l’ego… Le « moi séparé » joue assidument son rôle et la Conscience le sien sans relâche : l’accueil inconditionnel. La perception de la vérité réduit le « moi séparé » au silence et finira par l’annihiler.
Déjà, nous ne servons plus (momentanément) le « moi séparé » lorsque nous cessons de nous emparer des pensées qui passent ou de leur accorder crédit. Nous cessons de le manifester lorsque nous délaissons (au moins un temps) l’une ou l’autre de ses activités de prédilection : juger, accuser, commenter, justifier, anticiper, se montrer sûr de soi, réagir, résister…. Même en suivant un intérêt probablement compensateur, sans la croyance cette fois qu’il va nous mener à tout ce qu’il nous manque pour être heureux, nous desservons le « moi séparé », nous le mettons hors d’haleine et même – momentanément – hors d’état de nuire.
Rien de ce qui vient d’être dit n’est à croire. On peut même en douter, mais si ce doute n’est pas un rejet et s’accompagne d’un intérêt, d’une curiosité, quelque chose change déjà pour nous, une porte s’ouvre. La disposition à voir, à savoir, à recevoir aboutit toujours à des perceptions. Mes perceptions visuelles (parfois saisissantes) dépendent prioritairement de ma disposition à voir. Et c’est ma disposition à voir sans les yeux qui me permet de rencontrer ce qui en moi fait obstacle à la vision claire. (J’y reviens plus loin.)
En général, rappelons-le-nous, dans nos interactions et dans notre manière d’appréhender le monde et les circonstances, c’est l’ego ou « moi séparé » qui domine, qui se manifeste prioritairement, voire exclusivement. L’ignorance maintenue ne permet pas qu’il en soit autrement. Or, il y a aussi l’orgueil, l’arrogance ou l’entêtement – autres propriétés du « moi séparé » – qui excluent la remise en question salutaire et toute réceptivité lumineuse. Je parie que je ne suis pas le seul à flirter parfois avec ce genre de propriétés égoïques ! Qu’en dites-vous ?
À quel degré sommes-nous disposés à vivre le « meilleur », la vérité ? À quel degré sommes-nous disposés à voir, à savoir, à recevoir ? Il n’y aurait pas lieu de s’étonner de ne pas avoir accès à ce qui finalement ne nous intéresse pas au point de nous investir psychiquement de manière concrète et assidue. Avec suffisamment d’attention, nous pouvons remarquer que nous sommes manifestement plus enclins à déplorer les choses, parfois de façon plus ou moins élégante, qu’à nous ouvrir sciemment à ce qui réchauffe le cœur. Le seul fait de voir cela, de le reconnaître sans le déplorer, a pour effet de nous élever ou de nous préparer à une expérience plus épanouissante.
« Nous élever » implique de nous défaire du sentiment de culpabilité irrationnelle et/ou de ce que j’appelle personnellement la « profonde honte ». (Il y a la honte superficielle, celle qui peut nous faire rougir à l’occasion, et il y a une honte plus insidieuse, profondément enracinée qui retient avec elle notre libre expression.) En général, nous ignorons les poisons que sont la culpabilité et la profonde honte, ou leurs effets destructeurs, dans notre existence toute entière. La non-considération de notre « positionnement séparé et séparateur », maintenu par la profonde honte ou la culpabilité, pérennise notre insatisfaction chronique et souvent disproportionnée.
Un cours en miracles dit : « La culpabilité te rend aveugle, car tant que tu vois en toi la moindre tache de culpabilité, tu ne vois pas la lumière ». Dans cet enseignement, la culpabilité est à prendre dans un sens très large, pouvant notamment inclure la peur. Ainsi, on peut sans nul doute envisager la reformulation suivante de la citation : « La « profonde honte » te rend aveugle, car tant que tu vois en toi la moindre trace de honte, tu ne vois pas la lumière ». D’ailleurs, cette honte pousse à se cacher, à cacher sa « vraie nature », et c’est dans l’obscurité que l’on se cache. On pourra le comprendre, ce qui rend aveugle me fascine énormément. De fait, je suis profondément intéressé par tout ce qui obstrue la vision (au sens propre comme au sens figuré).
La culpabilité se rattache à des actions : « J’ai fait quelque chose de mal ». La « profonde honte » touche à l’identité : « Je suis mauvais, indigne ». Ainsi, la culpabilité concerne des actes perçus comme fautifs, tandis que la honte est une attaque contre le soi. Dans ce sens, la honte est plus enracinée, plus difficile à reconnaître et à déloger. On pourrait dire que la « profonde honte » est la forme la plus profonde de culpabilité : ce n’est pas « j’ai commis une faute », mais « je suis une faute (je suis un problème) ». Cette honte nous empêche de vivre et de manifester l’innocence de notre être véritable.
Nous ignorons probablement que nous nous cachons, comment nous le faisons, et surtout ce que nous perdons en nous cachant. La perte est incommensurable. La disposition à nous révéler, d’abord à nous-mêmes, et à nous laisser aller à notre vulnérabilité est d’un effet miraculeux : quand nous cessons de nous cacher, la lumière n’a plus rien à traverser. Elle est simplement là, et elle nous attendait déjà. Pour accéder à l’essentiel, il n’est pas nécessaire d’avoir guéri quoi que ce soit, seulement de nous laisser aller à être vrais, ici, maintenant, tels que nous sommes.
• Quand tu n’essaies plus d’être ailleurs que là où tu es, d’être un autre, et que tu peux regarder ton cœur sans défense, la lumière n’a plus d’obstacle. Elle ne te demande pas de t’élever, bien qu’elle t’inspire dans ce sens, ni te demande rien d’autre. Elle t’offre seulement de cesser de fuir, de te cacher. Elle est déjà là, derrière l’idée que tu devrais être quelqu’un d’autre. Ta sincérité est la seule clé, le seul préalable.
La Lumière ou la Sagesse n’exige rien, ne demande rien. Elle donne, elle donne tout. Et elle n’implique surtout pas l’inertie. Il y a en nous des élans à reconnaître, des mouvements à suivre, et parfois, nous nous sentons mal juste parce que nous résistons à ce qui nous appelle de l’intérieur. L’action n’est pas seulement appropriée en réponse à la procrastination. Parfois, nous nous sentons mieux lorsque nous agissons, passons à l’action, non pas à partir de la croyance qu’il faut agir, qu’il faut faire quelque chose, mais parce qu’alors, c’est tout bonnement juste de s’activer, de s’animer, d’être en mouvement ou dans l’action. Ce n’est pas toujours le désir d’échapper ou de compenser qui motive l’action de certains, mais le véritable bien-être qu’ils en tirent. S’abandonner à son élan intérieur est toujours source de joie.
Il me vient ici de réévoquer ce qui m’anime personnellement depuis deux ans et demi : la pratique de la vision sans les yeux. Lorsque je me suis demandé si j’avais mieux à faire, aucune réponse ne m’est venue. En fait, j’ai l’impression de respecter comme jamais un élan profond qui, outre les perceptions visuelles permises, élargit quotidiennement mon champ de conscience. Cet élan suivi nourrit mon appréciation et donc ma gratitude. Ci-après, je partage volontiers un épanchement qui est une sorte de prière personnelle :
• Il y a en moi un appel ancien, un appel à voir autrement, non plus avec les yeux du corps, mais avec le regard du cœur pacifié. Je ne cherche pas une perception spéciale, ni un don à faire valoir. Je cherche à me souvenir que je suis uni, uni à ce que je perçois, uni à Ce Qui perçoit en moi. (Voir sans les yeux rappelle l’ouverture, la manifeste, témoigne de notre potentiel insoupçonné ou paradoxalement négligé.) Là où mes yeux ne voient plus, l’Esprit voit. Et puisqu’Il voit, je peux Lui confier mes regards, mes hésitations, mes doutes, mes peurs d’aimer, mes blessures du contact. Et je ne veux pas faire de mon regard une arme, ni un nouveau refuge de séparation. Je ne veux pas que ma vision soit une fuite, mais un retour, un retour vers l’Innocence, un retour vers l’Amour, un retour vers Ce Qui voit à travers moi et ne condamne jamais. (Il y a des regards qui repoussent, il y en a même qui fusillent.) Saint-Esprit, toi qui es le témoin de tout ce que je perçois, enseigne-moi à voir sans projeter, à accueillir sans juger, à aimer sans vouloir comprendre. Quand je vois à distance, que ce soit pour rejoindre, non pas pour me protéger. Quand je vois sans les yeux, que ce soit pour mieux ressentir la lumière que l’ego ne peut comprendre. Et quand je ne vois pas ou ne vois pas clairement, apprends-moi à ne pas vouloir, ni m’en vouloir. Je suis en chemin, et chaque pas est béni.
Comme je l’ai déjà mentionné, la pratique de la « vision sans les yeux » s’avère être pour moi une expérience riche en enseignements. Elle me confirme, entre autres, que la difficulté à voir est proportionnelle à la difficulté à recevoir. C’est là une révélation sublime qui m’a frappé bien avant d’apprendre la vision sans les yeux. Maintenant, elle m’invite progressivement à surmonter ce qui maintient en moi une résistance à recevoir, sachant qu’elle est depuis bien longtemps devenue la résistance à voir.
Le « voir » ne comprend pas seulement la dimension physique : « Voyez-vous ce que je veux dire ? » . Quoi qu’il en soit, si tout le monde n’a pas un problème avec le « voir », il n’est pas certain que nous sachions tous recevoir véritablement. Or, il reste que voir, c’est aussi recevoir. De même que le « recevoir » interpelle le « donner », le « voir » dépend du regard, et le regard est un véritable don d’attention. Voir, c’est recevoir ; regarder, c’est donner. Et maintenant, il est temps de parler du « recevoir » véritable.
Recevoir véritablement, ça n’est pas prendre, ni s’approprier, tout comme donner véritablement, ça n’est pas imposer, ni faire l’objet d’un calcul, d’une attente. Qui sait recevoir ouvertement sait aussi donner gracieusement. On peut résister complètement à recevoir, mais aussi recevoir seulement avec intérêt sélectif ou de façon superficielle. Par exemple, nous pouvons recevoir une information dont nous ne doutons pas de la pertinence, ni de la véracité, mais la recevons-nous effectivement ? Si nous n’en tenons pas compte, alors qu’elle nous serait utile, nous pouvons dire que nous ne l’avons reçue que superficiellement, que nous ne l’avons pas intégrée. Elle n’est pas encore nôtre.
Relativement – mais manifestement – intéressé, lorsqu’on évoque ce qui nous a été dit, en précisant bien la source (un médecin, un thérapeute, une « autorité »), on révèle parfois que l’on n’a pas pleinement reçu ce dont il est question. Il peut d’ailleurs arriver qu’il ait été juste et donc compréhensible de ne pas l’avoir reçu pleinement. Il s’agit là alors de la difficulté à se fier à son propre ressenti… Par ailleurs, on affirme bien des choses, pour désormais les savoir siennes, sans qu’il nous vienne pareillement de nous appuyer sur la source éventuelle. Là, on a donc bien reçu ! On partage alors au besoin ce qui est sien sans s’en remettre à une validation extérieure. Ce que l’on a reçu complètement, on l’a intégré, assimilé.
La difficulté à recevoir est également trahie lorsqu’on se sent extrêmement honoré par ce qu’autrui peut nous dire, nous offrir, nous permettre. C’est alors un peu comme si nous confirmions que nous n’en serions pas dignes en réalité. C’est la même chose quand nous débordons de gratitude en négligeant l’appréciation concrète et directe : « Arrête de me remercier tant pour t’avoir invité dans ce restaurant, apprécie maintenant ton repas ! » La pleine et vraie appréciation est un beau témoignage de gratitude. Recevoir véritablement pourrait bien être un grand art.
S’agissant en particulier de la réalisation de nos dons, ainsi que de la qualité relationnelle, recevoir véritablement, c’est savoir sien ce qui est dévoilé – en impliquant, non pas l’ego, non pas le « moi séparé », mais ce que nous sommes. En effet, il s’agit, non pas de faire siens la paix, la joie, l’amour, la lumière, mais de les savoir siens. Le soleil n’aurait pas besoin de s’approprier la chaleur, de la faire sienne ; il incarne la chaleur même. Le « meilleur » nous est propre à tous, et c’est en recevant véritablement que l’on s’en souvient, avec… gratitude.
Outre la résistance grossière (déjà évoquée) à recevoir, il y a un « recevoir » timide, hésitant, qui n’est donc pas assimilé, et qui est celui du « moi séparé » tenace. C’est l’unité qui ne se fait toujours pas. Il ne suffit pas d’avoir reçu beaucoup (y compris via l’inspiration), ni d’avoir vu beaucoup (on peut rappeler ici le lien), pour baigner dans la lumière, pour la rayonner, pour ne plus être la proie du « moi séparé ».
Pour nous intéresser à ces choses, qu’il s’agisse de les écrire ou de les lire, il faut que nous ayons déjà reçu beaucoup, que nous ayons reçu suffisamment (que nous ayons vu, peut-on ajouter). Or, consentons humblement à considérer que notre recevoir reste largement perfectible, qu’il n’a donc pas pu nous gratifier de tous ses effets. Par son étymologie, le mot « recevoir » indique qu’il est question d’un « retour » et il est ici potentiellement question d’un retour à soi, à notre nature profonde, à l’unité. La « langue des oiseaux » nous permet d’aller dans le même sens : « recevoir » = « se revoir » = se retrouver.
Pour reconnaître la vraie valeur du recevoir, laissons de côté ce que nous avons pu recevoir avec avidité, égoïsme ou simplement soulagement. Le recevoir véritable n’a rien à voir avec ce qui est reçu. Il parle d’un déploiement intérieur et d’un espace si grand que tout peut y être embrassé. Et c’est notamment l’embrassement ou l’enveloppement qui touche, avec le flux entrant et sortant qui est de l’amour en action, en mouvement.
Si nous pouvons considérer des moments où nous ne recevons pas vraiment, comme nous l’avons vu plus avant, nous pourrions peut-être nous rappeler des expériences inverses, des occasions où nous avons tant ou si bien reçu que notre état intérieur du moment en a été complètement « bouleversé », métamorphosé. Au paroxysme de ma douleur abyssale et solitaire, arrivé à l’hôpital après être devenu aveugle, sachant que j’étais là pour tout un mois, un enfant m’a été envoyé avec pour « mission » de me réconforter. Je peux dire, après son passage, que je n’ai plus jamais été tout à fait le même. Ce jour-là, manifestement, j’ai été en capacité de recevoir, de recevoir pleinement. (Je relate cet épisode dans mon livre, « Cap sur l’acceptation véritable »).
À quelques reprises, j’ai reçu de même dans ma vie, mais ma profonde honte refoulée ne m’a pas épargné une inhibition totale épisodique, sur le point de recevoir, dès lors qu’il s’agissait de vivre ce qui m’était le plus cher. Et aujourd’hui, le recevoir passe pour moi par le voir. Il est question de recevoir pleinement la lumière. La lumière symbolise aussi l’amour et la vérité.
N’avez-vous jamais vécu un instant heureux que vous pourriez vous rappeler, en apparence grâce à un tiers ou autrement. À ce moment-là, si vous avez pu vous aussi recevoir pleinement, non seulement votre ambiance intérieure a changé tout à coup, mais vous avez été en quelque sorte pris par un dynamisme qui vous a fait dire ou faire des choses relativement nouvelles. L’idée serait ici que vous puissiez reconnaître, sans le déplorer, que vous n’êtes simplement pas (plus que moi) en capacité de recevoir quand vous ne recevez pas. Je ne verrai clairement sans les yeux qu’en étant en capacité psychique de voir.
Nous avons peut-être vécu un moment profondément humain avec un proche, où son accueil et son engagement étaient si évidents que nous n’avons pas douté de sa bienveillance et de son authenticité. Nous avons apprécié l’échange comme jamais auparavant et nous avons exprimé notre gratitude. Pourtant, si malgré cela, nous n’avons pas pu par la suite nous laisser aller pleinement à cet élan de connexion, il se peut que le recevoir ne soit pas, pour nous, une expérience fluide, intégrée, évidente. Et si nous avons du mal à nous rappeler une telle expérience, qu’en est-il de l’inverse ? N’avez-vous jamais rencontré quelqu’un pour qui recevoir semblait difficile, voire malaisé ? Notre propre difficulté à recevoir nous attire aussi ceux qui ne reçoivent pas.
Et maintenant, de la même manière, qu’en est-il de ce que nous avons reçu sur le plan spirituel ? Des révélations, des prises de conscience, des éclairages sur la non-dualité peuvent avoir illuminé notre chemin, suscitant émerveillement et gratitude profonde. Nous avons peut-être même eu la sensation de frôler l’Essentiel. Et pourtant, un beau matin, nous nous retrouvons dans le désespoir ou une mélancolie persistante. Pourquoi ? Parce que, bien souvent, ce que nous avons cru recevoir, nous ne l’avons en réalité pas encore pleinement intégré, pas encore accueilli dans toute sa profondeur.
Comme nous l’avons souligné, le « recevoir » véritable dépasse le simple fait d’obtenir quelque chose de l’extérieur, comme par exemple un cadeau matériel ou une faveur. Ce recevoir se réfère à l’ouverture totale à l’Univers, à la vie, et à soi-même. Cela implique un acte d’accueil profond qui est beaucoup plus qu’une simple acceptation : c’est une réceptivité totale, une ouverture du cœur à ce qui se présente, sans jugement, sans résistance, sans condition.
Le recevoir fécond ou libérateur nécessite un abandon à la vulnérabilité, à sa propre vulnérabilité, ce qui implique de se détacher des protections, des barrières mentales et émotionnelles, pour accueillir l’invisible, l’inconnu, incluant ce qui semble difficile ou inconfortable. Dans cette perspective, recevoir devient un acte d’humilité, où l’on reconnaît que l’on est connecté à une dimension supérieure ou à une énergie bienveillante. Recevoir véritablement, c’est donc aussi laisser entrer, laisser advenir ce qui nous dépasse, que ce soit l’amour, l’inspiration, la sagesse divine ou les expériences de vie qui nous transforment. C’est comme une porte ouverte, prête à accueillir ce qui vient sans se refermer au premier petit nuage.
Recevoir véritablement, c’est savoir que ce qui nous est offert, qu’il s’agisse d’une expérience difficile ou agréable, fait partie de notre chemin de croissance et de transformation spirituelle. Cela implique la pleine conscience que le Divin ou l’Intelligence infinie sait mieux que nous ce dont nous avons besoin à chaque étape de notre parcours. En cela, recevoir ainsi, c’est abandonner l’illusion de contrôle et permettre à l’univers de guider nos pas.
Le recevoir vrai n’est pas isolé, il est intrinsèquement lié au donner. Recevoir pleinement crée un flux d’énergie circulant à travers nous, une dynamique de don et de réception. La véritable « expérience spirituelle » du recevoir est celle où il y a un échange continu, où l’on se sent à la fois réceptif et généreux en retour, dans une danse fluide avec l’énergie universelle. Cela évoque un état de réceptivité active, où nous accueillons les bénédictions tout en partageant notre gratitude et l’amour avec le monde.
La sensation de paix intérieure et de gratitude profonde générée par le « recevoir véritable » permet une expansion de la conscience, parce que l’on cesse de voir les choses sous un prisme limité et on commence à accepter la fluidité des changements et des mystères de la vie. Cela active une connexion profonde à notre essence et à la Source divine. Cela nous nourrit, nous amène à une plus grande conscience de notre unité avec l’univers et avec tous les êtres vivants. C’est un acte d’amour inconditionnel envers soi-même et envers le monde.
La véritable capacité à recevoir exige de ne poser aucun obstacle à l’accueil, de savoir que donner et recevoir sont des processus constants, naturels et indissociables. Elle nécessite une ouverture totale, un lâcher-prise qui permet d’être disponible et, parfois vulnérable. Psychiquement, cela se manifeste par un « oui souriant », une acceptation sereine et une présence profonde. Physiquement, c’est l’image de bras ouverts, prêts à accueillir ce qui vient, sans réserve ni jugement, prêts à recevoir ce que la vie offre avec une disponibilité sans condition. C’est un état d’harmonie où l’on s’abandonne à l’énergie qui circule, prêt à recevoir pleinement sans craindre de se perdre dans l’échange. Le véritable « recevoir » accueille davantage celui qui donne que ce qui est reçu.
Dès que nous nous sentons mal, quel que soit l’état émotionnel dans lequel nous nous trouvons (ennui, frustration, manque, agacement, mécontentement…), et indépendamment des causes immédiates ou originelles, nous pouvons être quasi certains que le flux naturel du « donner/recevoir » est momentanément interrompu ou perturbé. Rien qu’en prenant conscience de cela, nous pouvons amorcer un véritable changement intérieur : en nous souvenant que ce flux est constant et naturel, qu’il n’a rien à voir avec le droit ou le mérite.
Alors, commençons par nous DONNER l’attention qu’il nous faut, celle qui nous permet de reconnaître et d’accueillir ce qui se joue en nous, dans l’instant. RECEVONS pleinement les impressions qui émergeront, sans jugement, sans attente ni impatience. Offrons-nous à cela avec simplicité et bienveillance. Ainsi, une fois le flux rétabli, l’énergie en mouvement purifiera ce qui le demande et jailliront les joyaux déjà présents, invisibles jusqu’alors.
On ne reçoit véritablement que lorsque l’on se sent reçu, c’est-à-dire accueilli dans notre vulnérabilité et dans notre essence la plus profonde. Ce point est essentiel : nous laissons-nous recevoir, accueillir, voir ? C’est là où l’on est vu, où l’on se sait ou se sent vu, où, en vérité, on se voit « pour la première fois ». Celui qui se cache ne peut être reçu, ni recevoir (et pour moi : …ne peut être vu, ni voir). Ce n’est que lorsque nous nous ouvrons pleinement au don, notamment en offrant notre vulnérabilité et notre authenticité, que nous pouvons réellement être accueillis. Le véritable recevoir n’est pas seulement une réception passive ; il implique une réciprocité, un échange vivant.
Lorsqu’on a véritablement reçu, la joie ou le contentement qui en découle naît du sentiment profond d’avoir été vu et considéré pour ce que l’on est, dans toute sa vérité. Le don, dans ce contexte, ne se limite pas à un simple acte ; il se réalise dans une expérience de reliance, de connexion profonde et de partage authentique. Le « recevoir véritable » va au-delà des échanges ordinaires et superficiels ; il se fait de cœur à cœur, dans une rencontre de pleine présence, sans barrière ni condition.
En résumé, le véritable recevoir est un acte d’abandon et l’offrande de notre vulnérabilité. C’est accepter d’ouvrir notre cœur et notre être à ce qui est offert, tout en étant prêts à laisser aller les résistances et à embrasser l’énergie qui circule autour de nous. Cela permet de nous connecter profondément à la vie, de nous nourrir spirituellement, et de devenir un canal à travers lequel l’amour, l’énergie et la sagesse peuvent circuler librement. C’est dans cet état de réceptivité que nous attirons ce dont nous avons besoin, que ce soit l’amour, la guérison, la clarté ou la prospérité, et que nous pouvons faire l’expérience de l’unité avec le tout.
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