La souffrance (3-X)
(En supplément à la présente chronique sur la souffrance, vous pourriez tirer avantage à lire ou même à relire les deux précédentes sur le même thème – janvier et février 2019).
• La séparation qui afflige le plus l’homme est irréelle, mais il en fuit bien trop la douleur pour s’en rendre compte.
• On ne maintient son attention sur toute séparation physique que parce que l’on ne peut reconnaître sa fracture de l’âme, son sentiment viscéral de séparation.
• Tu peux bien perdre tes yeux ou tes jambes, ton travail ou ta fortune, mais tu ne peux perdre ce que tu es. Ce que tu es étant unité, il ne s’y trouve rien qui puisse être perdu, rien dont tu puisses être séparé…
• Il n’y a perte que de ce qui est impermanent quoi qu’il en soit et dont on peut être détaché avant de le perdre !
Outre mes évocations occasionnelles du sujet, peut-être avez-vous beaucoup entendu parler de « séparation », du « soi séparé », du sentiment illusoire de séparation, sans pouvoir forcément approcher la portée fondamentale de cette réalité que méconnaît la psychologie moderne. Il nous faut nous intéresser davantage à la séparation dès lors que nous parlons de souffrance et surtout de la possibilité de l’abandonner de façon réelle, définitive. En effet, on finit belle et bien par abandonner sa souffrance, ses attitudes réactionnelles. Cela nous arrive bien des fois d’abandonner notre souffrance, mais nous ne le relevons pas. Peut-être est-ce d’ailleurs aussi la raison pour laquelle nous allons y replonger très vite.
Comme je ne l’ai jamais vraiment fait jusque-là en public, je décide ici de m’arrêter spécifiquement sur la séparation, d’essayer de faire passer l’importance qu’elle revêt, sachant que la fin de la souffrance en dépend. Toutefois, je ne vais pas théoriser (à l’excès) sur le sujet, ce qui n’est ni de mes aptitudes, ni de mes préoccupations, mais je vais apporter de quoi vous permettre de sentir ce dont il est question, d’en avoir (ici même) une « expérience directe » (si vous vous y disposez). L’expérience pourra n’être qu’une approche, mais celle-ci pourrait être édifiante et inspirante. J’ai dit que « l’acceptation véritable » n’avait pas d’autre raison que la fin de la souffrance et cette même raison est encore plus vraie quant à la reconnaissance possible de notre sentiment irrationnel de séparation.
Ce sentiment-là est profondément enraciné en l’humain, de façon collective et immémoriale. On peut dire que « tout le monde » l’ignore, l’éprouvant néanmoins, et il est donc d’une importance extrême. Il ne s’agit pas de n’importe quelle séparation. Il ne pourrait en exister de pire si elle était réelle, mais elle n’est qu’imaginaire et tout à fait impossible. C’est le sentiment irrationnel de séparation d’avec soi-même, d’avec l’ESSENTIEL. Pour me suivre, remplacez « l’ESSENTIEL » par ce qui est pour vous plus parlant : la Paix, l’Amour, la Vérité, la Sagesse, l’Intelligence infini, la Présence, le Divin, Dieu…
La fausse impression de séparation d’avec l’Essentiel se cache derrière la séparation psychologique, affective, occasionnée ou non par la séparation physique, souvent cristallisée par cette dernière. Même quand on pense et repense à quelqu’un dont on est séparé, on continue en général de dédaigner le sentiment profond de séparation qui est pourtant impliqué (rappelé). On s’intéresse exclusivement aux circonstances, en tous domaines, pour ne pas avoir à confronter ses douleurs profondes. On pense pour ne pas sentir…
Dans la première ébauche des cinq blessures, il y a tout juste vingt ans (à l’automne 1998), j’en avais inclue une sixième, la « blessure de séparation ». Je l’envisageais déjà comme la blessure fondamentale, comme étant celle de tout un chacun, antérieure à ce que j’ai appelé « notre blessure principale » parmi les cinq que je nomme « abandon, dévalorisation, maltraitance, rejet, trahison ». Toutes témoignent de séparation. Manifestement, il m’a fallu mettre davantage mon attention sur ces cinq blessures psychologiques et explorer en profondeur la séparation plus spirituelle, de diverses manières, avant de pouvoir en parler d’expérience réelle, tangible. Les épreuves s’avèrent être des cadeaux, mais c’est souvent bien plus tard que l’on peut s’en rendre compte.
Voyez si vous pouvez me suivre, m’accompagner, si le cœur vous en dit. Ordinairement, notre disposition à voir ce que nous n’avons pas encore vu est exclue a priori ou très limitée. C’est d’autant plus vrai quand il est question de voir ce qu’il serait bon que l’on voie, mais que l’on ne veut justement pas voir, surtout ne pas voir. Alors, venez-vous AVEC moi ou « gardez-vous vos distances », restez-vous dans la séparation ? Trêve de plaisanterie, nous allons utilement voir que la séparation/non-séparation imprègne tous nos états d’âme, tous nos positionnements et toutes nos interactions. C’est une prise de conscience possible des plus importantes, laquelle est comme un cadeau à se faire.
Quand vous êtes « amoureux » de qui vous aime de même, il se peut que plus rien ni personne n’existe autour de vous, excepté votre âme-sœur, ce qui n’est pas forcément très heureux, même si cela veut dire aussi que vous avez cessé (un temps) de voir partout des problèmes (NS). Toutefois, une autre expérience est également possible et peut-être l’avez-vous connue ou avez vu d’autres en témoigner : vivant et appréciant pleinement votre amour, tout (NS) vous semble beau autour de vous et c’est aussi un peu comme si vous aimiez tout le monde (NS), que vous faisiez preuve de compréhension et de bienveillance. Amoureux, vous pouvez vous sentir pousser des ailes, devenir par exemple très relationnel, très présent, très à l’écoute (NS).
Ne vous méprenez pas, je ne suggère pas ici la façon dont vous devriez vivre, amoureux ou non, mais j’évoque des réalités susceptibles de vous rappeler ou de vous faire conscientiser vos propres vécus éventuels. Prenons d’ailleurs d’autres exemples : vous venez d’apprendre une excellente nouvelle, de vous réconcilier avec un être cher, de finir une tâche dont vous vous félicitez vraiment, de faire une découverte éblouissante, d’obtenir un gros gain, de recevoir un cadeau inattendu que vous appréciez ou une proposition des plus alléchantes… Ce peut encore être le fait que quelqu’un ait accepté votre invitation ou se soit montré particulièrement touché par vous…
« Grâce à » cette bonne fortune, le cas échéant, vous débordez de joie. Certes, elle peut être l’occasion (pour certains) de retrouver une vieille arrogance, de la manifester outrageusement. Or, connaissez-vous cette autre expérience possible qui nous intéresse pour l’heure davantage : vous célébrez cette joie « débordante » avec le monde qui vous entoure (NS), vous souriez à la vie (NS), manifestez une forme de générosité. Peut-être est-ce aussi un peu comme si vous vouliez prendre le monde dans vos bras (NS). Mais n’est-il pas alors déjà dans votre cœur (NS) ? Êtes-vous bien sûr que cette expérience ne vous dise rien ? Ne l’avez-vous jamais vécue, à un certain degré, sous une forme ou sous une autre ?
Et il peut même vous arriver tout à coup de vous sentir divinement bien sans aucune raison extérieure apparente. C’est même ce qui en soi a le pouvoir de vous attirer toutes sortes de gratifications. Dans ces moments-là, reconnaissez la façon dont vous vivez la vie, le monde autour de vous, ce qui se présente à vous, combien vous pourriez aussi être inspiré, voir surgir des élans et les suivre avec plaisir et efficacité. Si vous avez fait des expériences qui se rapprochent de ce qui est décrit ici, rappelez-vous-les simplement. Je vous propose d’avoir à l’esprit l’une de ces expériences si heureuses que votre regard sur le monde peut alors être vraiment différent de ce qu’il est par habitude. Cette différence n’a pas besoin d’être spectaculaire.
Je l’ai souligné, l’accès soudain à la joie, à l’amour, au plaisir, au contentement, à la liberté… peut être vécu avec arrogance (S) et donc ingratitude (S) – conditionnement (S) oblige -, et pour certains, c’est là l’occasion de retrouver un blocage (S) familier, inattendu en l’occurrence. En général, ils le connaissent et le déplorent dans la difficulté à mettre en place ce à quoi ils aspirent. Et face à l’épanouissement accessible, ce blocage devient une sorte de sidération. Dans une forme plus douce de l’expérience, on dira : « Je n’en reviens pas (S) ! Je n’en suis pas revenu (S) ! »
L’arrogant est dans le déni total de sa culpabilité, la projetant au passage (S), et le « sidéré » reste simplement pris dans les griffes de sa propre honte et/ou de sa propre culpabilité (S). Il vous faut connaître ces vécus possibles, d’autant plus si vous ne pouvez vous rappeler des expériences épanouissantes que vous auriez donc pu célébrer. Vous pouvez encore tourner le dos (S) aux gratifications qui s’offrent à vous ou les vivre dans une insensibilité totale (S).
Or, il est encore une toute autre expérience possible qu’il nous faut relater également. Que peut-on ressentir en étant sur le point de réaliser qu’une séparation n’existe pas ? Témoignant de cette expérience-là, un proche a récemment utilisé le mot « déchirement ». C’est être à la fois avec la joie et la douleur, non pas de la souffrance. Oh, le rebasculement dans la souffrance est bien sûr toujours possible ! Ce déchirement est notamment fait du rappel contextuel de la blessure originelle et universelle, ainsi que de la découverte de la folie humaine. Pour l’acception du mot « déchirement » qui nous intéresse, notons tout de suite que le dictionnaire indique : « Grande douleur morale entraînant un sentiment de rupture intérieure (notamment lors des séparations) ».
Pour éprouver la séparation telle que nous la vivons, il faut bien qu’elle se soit déjà manifestée d’une façon ou d’une autre et ce fut forcément avec une grande douleur morale. Pour certaines personnes, le simple fait de vivre subitement une qualité relationnelle très chaleureuse en rappelle simultanément le manque ordinaire, voire de façon confuse ce qui fut à l’origine de ce manque, en termes de ressentis… Et c’est pourquoi l’on peut donc résister aussi au meilleur. « Oh, non, ne m’aime pas, parce qu’en m’aimant, tu me rappelles combien j’ai éprouvé le manque d’amour ! »
Maintenant, venons-en justement à ces moments bien plus nombreux où vous vous sentez mal, où vous souffrez d’une manière ou d’une autre. Si vous y avez accès, vous pouvez vous en tenir à ces moments où vous êtes en pleine réaction. Ici, je ne pense pas que vous ayez besoin d’exemples pour vous aider à vous rappeler vos vécus souffrants, comme celui auquel vous avez pensé il y a deux minutes ou hier pendant trois heures ! Dans votre façon à vous de souffrir, selon votre blessure, reconnaissez ce qui se rapproche de ce que propose la liste suivante :
• Vous vous sentez démuni, seul au monde(S) ; vous cherchez peut-être de la compagnie sans rien demander(S) ; vous n’envisagez même pas que quiconque puisse vous aider (S)…
(J’arrête de poser les (S) dans ce qui suit et vous pourrez les y mettre vous-même quand je vous en aurez expliqué le sens et l’utilité le moment venu)
• Vous vous stressez ; ne vous arrêtez pas à qui vous propose son aide ; vous sollicitez qui ne fait au mieux que vous utiliser ; vous dénoncez le monde ; vous ne pensez qu’à vous…
• Vous vous plaignez plus que d’habitude ; vous ne voyez que l’injustice ; par vos exigences, vous découragez l’aide et la compagnie ; vous voulez toute l’attention…
• Vous êtes en colère, prêt à envoyer balader tout le monde ; vous vous mettez au-dessus de tout le monde ; vous faites des histoires, créez des conflits. Vous êtes jaloux…
• Vous ruminez, imaginez l’hostilité ; vous vous retirez, vous isolez ; vous ne faites pas vos demandes ; vous vous méfiez de qui vous approche…
• Vous vous sentez seul, esseulé, isolé, perdu, dans le vide, tendu, serré, étriqué, limité, coupé, fermé, à l’écart, piégé, emprisonné…
• Vous ne pouvez ou ne voulez compter sur personne ; vous ne pouvez ou ne voulez voir personne ; vous êtes indifférent aux gens ou voulez en découdre avec eux ; vous voulez vous approprier l’autre en pouvant vous refuser à lui (elle)…
• Vous faites des différences (énormes) ; vous voulez vous distinguer, vous montrer spécial, supérieur, voire inférieur…
Sans la connaissance du sens profond du sentiment (irrationnel) de séparation, lequel s’applique à l’Essentiel absolu, on ne l’envisage qu’à partir des corps, du monde physique. Il y a alors la séparation psychologique causée par des mésententes, des divorces, des voyages, des départs (distance géographique), les difficultés de rencontre, la maladie, la mort… Or, relisez l’évocation de vos vécus épanouissants et de vos vécus souffrants et remarquez bien qu’ils concernent tous la séparation et la non-séparation, très souvent indépendante de la présence ou de l’absence de qui que ce soit. (NS) dit la non-séparation et (S) la séparation.
Même entouré, vous pouvez vous sentir seul, vous couper, vous replier sur vous-même. Entouré, vous fabriquez de la séparation (de quoi y croire), envoyez les gens promener, les repoussez, ne les voyez pas, ne les regardez pas, ne les écoutez pas. Au lit, vous pouvez tourner le dos à votre partenaire, non pas toujours juste pour dormir ! Parfois, vous ne voyez pas une personne qui vous sourit ou qui vous accorde de l’attention, ni une autre qui pourrait bien momentanément apprécier la vôtre… C’est précisément face aux autres que l’on éprouve les effets de la séparation imaginaire, irréelle, impossible, dont l’esprit humain a fait sa réalité.
Explorons encore un peu d’autres aspects de sorte à vérifier, à reconnaître l’implication sous-jacente de l’impression profonde de séparation, que l’on cherche à la démentir ou à la provoquer réactionnellement. À quoi aspirez-vous ou qu’est-ce qui pourrait vous tenir à cœur ? Une belle maison ? L’envisagez-vous pour vous isoler ou être proche du monde, accueillir chez vous des amis, votre famille ? Dans vos activités professionnels, le contact humain a-t-il une place ou justement pas ? Qu’en est-il de vos loisirs, des occasions de rester à l’écart ou de rencontre ? Dans vos rêves secrets, quelle est l’importance de l’autre ou des autres ? Pourquoi aimez-vous les voyages (si vous les aimer) ?
Est-ce pour vous difficile de mettre fin à des relations et/ou d’en créer de nouvelles ? Repensez-vous souvent à d’anciennes connaissances, ayant peut-être envie de les revoir ? Que ressentez-vous en général face aux gens que vous rencontrez dans la rue, les transports en commun, dans les files ou salles d’attente… ? Percevez-vous l’aspect « séparation/non-séparation » qui sous-tend vos diverses interactions existentielles ? La séparation éprouvée ou provoquée dans le monde de la forme est la cristallisation de l’impression intime de séparation qui est originellement spirituelle.
Voyez que, quand vous vous sentez au plus mal, quelle que soit la forme de votre souffrance, il y a toujours à l’arrière-plan l’idée de la séparation, la posture à la fois « séparé » et « séparant » (on est séparé et se sépare). On peut même dire que cette posture « séparé » et « séparant » est dans la souffrance totalement envahissante, parce qu’elle est la souffrance elle-même. Voyez que cette posture peut être là même en présence de qui vous « aimez » le plus. Par conséquent, voyez surtout qu’elle n’a rien à voir avec la séparation physique. Oui, relevez bien cet aspect, cette réalité !
Voyez aussi que, quand vous vous sentez le mieux, la posture « séparé et séparant » n’est plus, que vous êtes dans la non-séparation, que vous êtes dans l’unité, y compris si vous êtes seul physiquement. Par conséquent, voyez encore une fois que la posture « séparé et séparant » n’a rien à voir avec la séparation physique, avec la distance physique, géographique. Vous n’avez peut-être pas encore fait l’expérience (consciente) de vous sentir un avec le tout, mais si vous pouvez reconnaître qu’il vous est effectivement déjà arrivé de vous sentir bien moins séparé, vous pourrez aisément soupçonner la possibilité de connaître une unité plus complète et la manifester.
Quand vous êtes dans la non-séparation, là où vous commencez à vous sentir merveilleusement bien, vous n’accordez plus le même crédit aux pensées qui passent ; vous êtes plus proche de ce que vous êtes ou vous le manifestez. Vous pourriez sentir que ces moments sont vrais. La non-séparation est réelle et la séparation est imaginaire, une illusion. Quand vous souffrez ou réagissez, vous êtes donc juste repris par cette illusion. La souffrance repose sur une illusion.
Vous est-il déjà arrivé – alors que vous venez de voir résolus divers problèmes, voire de vivre de belles choses – de vous surprendre avec des pensées ou une posture pessimistes, malheureuses, négatives, pour vous rappeler, tout à coup, qu’en fait, tout va bien ? Ce rappel est heureux dans la possibilité mentionnée. Il est puissamment utile de le repérer, de pouvoir l’avoir à l’esprit s’il se trouve qu’on l’a effectivement déjà vécu. Quand nous souffrons, un positionnement inverse s’impose de façon violente : nous avons oublié que nous sommes unité, non-séparation, que nous sommes présence spacieuse, et non pas cette souffrance ramassée, ce corps éventuellement et momentanément mal en point, cette petite personne préoccupée par son image, par ses petits intérêts personnels.
Il y a la souffrance, la réaction, rendue possible par le penser conditionné, incongru, intempestif ; il y a l’imaginaire compensateur momentanément plaisant, rendu possible par le penser conditionné, incongru, intempestif ; il y a enfin la présence à ce qui est, la conscience de ce qui est, l’appréciation sans objet, sans intention ni attente, rendue possible par le penser relâché ou dont le crédit lui est retiré. Dans les deux premiers cas, c’est la séparation que nous éprouvons, que nous fabriquons encore ou que nous tentons en vain de démentir. Dans le troisième cas, l’idée de séparation n’est plus, ni son ressenti par conséquent.
À travers ce qui a été développé jusque-là, vous devriez pouvoir reconnaître que la séparation/non-séparation imprègne fortement la façon dont vous éprouvez l’existence. Sans conscientiser la réalité de la séparation éprouvée, on ne peut pas en finir avec la souffrance. Nous avons besoin de reconnaître que nous sommes et restons positionnés comme si nous étions séparés. C’est alors seulement que nous pouvons franchir l’étape suivante : réaliser que la séparation éprouvée n’existe pas. Même si c’est déjà largement suggéré dans ce qui précède, peut-être pouvons-nous encore nous en rendre compte plus clairement. Rappelez-vous vos propres expériences qui confirment globalement ce que suggèrent les énoncés suivants :
• Des synchronicités et de multiples autres signes bienvenus montrent qu’il n’y a pas de séparation au niveau de l’être, de l’essentiel.
• Quand, comme par hasard, vous arrive une information importante le jour même où vous en avez absolument besoin, où est la séparation d’avec l’essentiel ? Cela ne vous est-il jamais arrivé ? En êtes-vous sûr ?
• Alors que j’ai voyagé seul, aveugle, sans JAMAIS rester longtemps dans une situation embarrassante, j’ai surtout vérifié la non-séparation d’avec l’Essentiel.
• Comme bien d’autres conditions de vie, celle de la cécité peut au quotidien donner accès au témoignage de l’Essentiel dont personne n’est séparé.
• S’agissant de douleur ou d’amour, la séparation ou la non-séparation n’a fondamentalement rien à voir avec les corps qui eux-mêmes, d’ailleurs, dépendent d’un seul univers physique (relativisant donc même la séparation géographique).
• On peut très bien être en conflit avec son conjoint allongé dans son lit à côté de soi (éprouver ainsi la séparation) et dans l’amour en évoquant quiconque à mille lieues.
• On peut évoquer en soi un être cher, avec tendresse, et c’est encore vrai quand il a quitté son corps, parce qu’il n’y a pas de séparation.
• Les corps sont séparés, indépendamment de la distance, mais les cœurs ne le sont pas et c’est plus à sentir qu’à conceptualiser.
• On peut ressentir la présence d’un défunt dans la pièce et, a contrario, l’état d’absence d’une personne bien vivante assise à ses côtés (expérience personnelle).
• La mort d’un proche, séparation physique réelle, peut, de façon soudaine et en apparence paradoxale, nous plonger dans la présence, dans la conscience de la non-séparation, juste parce que l’annonce mortuaire nous arrache alors du penser compulsionnel ordinaire.
• Les corps ont leur attrait, mais la relation profondément intime est au-delà du physique, là où la séparation d’avec l’Essentiel est impossible.
• Si nous déplorons l’état d’absence d’un proche, nous devrions pouvoir découvrir combien nous sommes nous-même absents, combien nous sommes dans la tête !
• Si nous nous pensons peu concernés par la séparation, vérifions ce qui parle d’union ou d’unité dans nos pensées, paroles, actions et interactions.
• Quelle qu’elle soit, notre blessure renvoie forcément à la séparation et donc à la culpabilité que l’on réprime et projette à la fois. Plus on la réprime, plus on la projette.
• Étant notre seul problème fondamental, la séparation engendre des problèmes séparateurs (non-accès, distance, absence, arrêt, isolement, ostracisme.
• On s’enchaîne à des pensées, à des dogmes, à des groupes… car on s’accroche à ce que l’on peut pour déjouer la séparation.
• On souffre originellement de la séparation imaginaire et l’on fabrique cependant des séparations successives, mais on n’est conscient ni de ses douleurs profondes, ni de ce que l’on fait pour tenter de les fuir.
• TOUT ce que l’on fait extérieurement pour contourner la séparation imaginaire n’est JAMAIS efficace sur le plan d’un épanouissement réel (durable) (et cela ne peut l’être).
• Toute « solution » apportée à un problème irréel ne peut causer que plus de trouble car c’est poser un problème là où il n’y en avait pas.
• De même que de vouloir s’aimer soi-même est moins libérateur que de reconnaître enfin à quel point on ne s’aime pas, de même il s’agit moins de vouloir sentir son unité avec le tout que de reconnaître purement et simplement son positionnement « séparé / séparateur ».
Se libérer de l’impression de séparation veut ultimement dire qu’il n’y a pas de différence entre quiconque et soi-même, que l’on fait un, qu’autrui est soi-même, que soi-même est autrui. Avec la vision qu’autrui est soi-même, on ne peut pas lui être hostile, le juger outrageusement, ni même le craindre. La vision qu’autrui ou le monde est soi-même est en réalité la vision pure, sans un soi-disant « moi » qui voit. Pour juger autrui au point d’en faire profiter le monde, il faut avoir une haute idée de soi-même, laquelle est toujours fausse et surtout séparatrice. La vision de l’unité rend la souffrance impossible et cette vision se dévoile en l’absence de toute projection, du penser intempestif.
Quand vous souffrez, essayez de ressentir que ce qui est là, en vous, n’est pas seulement la souffrance, mais qu’il y a surtout le « moi » qui y est attaché. Ce n’est pas « souffrance », c’est « moi, qui souffre », « JE souffre ». Il est vraiment possible de saisir cet attachement puissant à la souffrance. Quand on peut le saisir, on se rend compte qu’il est la souffrance elle-même. Si je connais vraiment l’irréalité du moi séparé, est-ce que je peux encore souffrir ? La souffrance est l’identification extrême à ce moi.
Douleur profonde ignorée, l’impression fausse de séparation est causée, maintenue et répandue par le seul penser incongru identificatoire. Ce « penser incongru identificatoire » est ce qui est appelé le « moi séparé », le « soi séparé ». Il est imaginaire, irréel et souffrance, souffrance immédiate et ajournée. La souffrance est immédiate en ce sens que, quoi que nous vivions, notre expérience de chaque instant serait différente si nous ne nous prenions pas pour ce que nous ne sommes pas, pour ce « moi séparé. La souffrance est aussi ajournée en ce sens que les effets de l’idée séparatrice identificatoire finissent tôt ou tard par se manifester de façon effroyable.
Le « moi séparé » est surtout le « moi pensant », le « moi historique ». Or, il est tout à fait possible de l’observer, juste de l’observer. L’observer veut dire ne rien en penser, ne plus penser, sans quoi c’est encore lui qui a le dessus. Et dans cette observation véritable, il apparaît clairement que le « moi pensant » est à la fois séparé et séparateur. La « dernière étape » pourrait être la réalisation que ce qui observe n’est séparé par rien, n’est en rien concerné par la séparation. Et c’est ce que vous êtes, ce que nous sommes, n’étant pas ce qui est observable. Nous ne sommes pas le penser.
• Fermement positionné comme si nous étions séparés au niveau du cœur, bien sûr inconsciemment, nous ne pouvons que souffrir.
• Ou tu continues de faire fi de ton sentiment de séparation, en souffrant, ou tu découvres l’irréalité de la séparation et tu te libères.
• La souffrance repose sur un double positionnement « soi séparé » et « soi subissant le monde », sur deux chimères.
• Nous avons tous une histoire et des blessures différentes, mais nous sommes tous pris dans la même illusion, une posture de séparation.
• Le non-pardon ou une réaction maintenue est une séparation garantie, une fracture du cœur, de la souffrance forcément inutile.
• Nous souffrons de nous vivre comme une entité séparée et toute posture qui en découle est un rajout de souffrance.
• La souffrance permet de contacter plus facilement son sentiment de séparation, celui-ci demeurant quand tout semble aller bien.
• Toute souffrance endurée est de la souffrance prise et auto-infligée, constituant un mur séparateur et infranchissable alors.
• Renoncer à l’attachement, c’est surtout renoncer à l’impression viscérale de séparation : avec la certitude d’être séparé, il faut à tout prix fabriquer et consolider du lien.
• On a plus ou moins peur de mourir alors même qu’il est si bon de mourir tout de suite, d’abandonner tout de suite le « moi pensant », le « moi historique », le « moi séparé » qui est surtout le « moi souffrant » (illusoire mais souffrant).
• La conscience de la non-séparation est la libération, la fin de la souffrance, le dévoilement de ce que nous sommes à jamais. (À suivre)
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