Vouloir encore ou apprécier déjà
On veut bien des choses pour tenter en vain de vivre l’épanouissement alors que les choses se produisent, sans les vouloir, pour célébrer l’épanouissement déjà intégré.
Puisque c’est le temps des vux et des résolutions, il me plaît de m’arrêter un peu sur le fait ou la possibilité de s’attirer dans l’existence ce à quoi l’on aspire, mais tout autant ce que l’on pourrait préférer ne pas avoir à vivre. Alors, le texte risquant d’être un peu long, entrons tout de suite dans le vif du sujet : pensez donc à l’une de ces choses que vous aimeriez vivre (faire, devenir, recevoir). Autrement dit, tout comme en le faisant quand vous y pensez ordinairement, désirez cette chose, enviez-la, espérez-la, mentalement revendiquez-la ou exigez-la. Faites-le avec le « mot » et les ressentis qui sont vôtres (dépendamment de votre blessure). Au pire, si c’est ce que vous faites d’ordinaire, vous pouvez même déplorer de ne pas l’avoir.
Juste dans l’instant, considérez donc à votre manière courante ce que vous vous dites vouloir, quoi que ce soit ! Ici, je ne vous propose rien de nouveau, rien d’original pour vous, rien d’autre que ce que vous faites d’habitude ou de temps en temps. Faites-le, refaites-le maintenant pour que vous puissiez mieux comprendre ou recevoir la suite. L’expérience vaut mieux que bien des explications ou l’expérience associée à des explications permet plus certainement de saisir ces dernières.
« Je veux cette relation, ce travail, cette maison, cette guérison… Ce serait bien si je l’avais. Je suis impatient de l’avoir. J’espère l’avoir un jour. Je la veux à tout prix. Il faut que je l’aie. Cette chose n’est pas pour moi… » Là encore, choisissez la formulation qui est la vôtre. Vous pourriez rêvez de la chose ou même juste déplorer de ne pas l’avoir. Voyez vraiment ce qu’il en est pour vous. Si c’est « déplorer… », eh bien, déplorez ! Pensez à cette chose que vous voudriez ou pourriez vouloir et faites-le selon votre mode habituel. Peut-être pouvez-vous déjà reconnaître un peu mieux ce qu’est ce mode-là, pour vous. Maintenant, utilisez-le sciemment. Jouez un peu. Ce faisant, reconnaissez aussi comment vous vous sentez en vous y prêtant.
Ah, et si vous vous dites que cela ne sert à rien de toutes façons, cela même peut être votre propre « mode créatif » ! Oui, c’est bien un mode créatif puisqu’il assure que rien n’arrivera, que rien ne se passera. Peut-être est-ce la posture la plus appropriée pour que rien ne se produise. Nous créons tous notre réalité, mais nous ignorons longtemps comment nous nous y prenons. Ne vous inquiétez pas : les autres modes suggérés précédemment sont du même ordre. Nous y reviendrons.
Là, je viens donc de vous demander de penser à l’une des choses que vous voulez à la manière habituelle pour vous. C’est celle qui fait que vous n’avez pas cette chose, que vous ne l’avez toujours pas, ou que vous demeurez insatisfait si vous finissez par l’obtenir. Au passage, voyez votre puissance, votre toute-puissance : vous réussissez, même si c’est malgré vous en apparence, à faire en sorte de ne pas avoir ce que vous voulez.
Sinon vous-même, ne connaissez-vous personne qui n’a jamais ce qu’il veut ? Quelle puissance ! Eh bien, nous avons tous en nous la même puissance et nous l’utilisons aussi parfois (ou souvent) pour ne pas avoir ce que nous voulons. Nous pouvons aussi l’utiliser – ce qui n’est guère mieux – pour avoir des choses à condition de trimer dur ou de le payer très cher d’une manière ou d’une autre. Souvent, c’est dans des domaines très spécifiques que nous ne parvenons pas à vivre ou obtenir ce que nous voulons. Nous pouvons faire tout ce que nous voulons, y compris à notre détriment, faisant dans ce cas en sorte de ne pas obtenir ce que nous disons vouloir !
« Penser à ce que vous voulez » formule et résume une première possibilité, ma première proposition. En voici maintenant une autre, très différente. Pour l’entendre, pour la comprendre, pour la tester, vous allez devoir ne pas la confondre avec celle que nous venons d’explorer. Justement, je vous demande maintenant d’oublier la première proposition, au moins pour le temps d’expérimenter la seconde. Il sera essentiel de bien faire la différence entre les deux positions, lesquelles sont deux modes indéniablement créatifs. On utilise inconsidérément les deux (plus généralement le premier).
La seconde proposition : en considérant la chose que vous souhaitez avoir, réjouissez-vous tout de suite de l’avoir obtenue. Oui, faites comme si vous l’aviez obtenue et réjouissez-vous en, appréciez-en les effets escomptés. Soyez dans l’appréciation. Juste pour un moment, je le répète, ne pratiquez pas la proposition précédente, ce qui ne vous empêche pas de remarquer qu’elle est très différente. Je précise par ailleurs, contrairement à ce qu’il pourrait sembler, que je ne reprends pas ici directement l’invitation biblique : « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et vous le verrez s’accomplir ». Je ne m’appuie pas sur une croyance ; je parle de ressenti. Du reste, je n’exclus pas que la parole christique originale (avant les interprétations et traductions nombreuses) ait pu formuler davantage et même bien mieux ce que j’exprime ici.
Soyons au besoin assurés que vivre cette seconde proposition, ce qu’il nous arrive de faire bien des fois sans même nous en rendre compte, ne signifie aucunement être dans l’illusion. En fait, l’illusion appartient à la première proposition. Vouloir quoi que ce soit avec la peur de ne pas y arriver, c’est être dans l’illusion ; vouloir quoi que ce soit juste pour démentir un ressenti douloureux auquel on résiste, c’est être dans l’illusion ; vouloir pour vouloir, c’est être dans l’illusion. Juste vouloir est généralement illusoire…
Si vous avez l’idée de vivre ou d’avoir une chose, cette idée suffit potentiellement pour vous réjouir. Quand j’ai eu l’idée de m’acheter une maison, par exemple, j’ai été « fou de joie ». Je me réjouissais ; j’étais dans l’appréciation. D’abord, pour cet exemple précis, je me réjouissais déjà de reconnaître une préférence à laquelle j’avais résisté jusque-là. Ensuite, je me voyais déjà dans ma maison, dans mon jardin, et c’était bon. J’étais content avec cette idée d’une maison. Non seulement je n’étais pas dans l’illusion, non seulement je ne me racontais pas d’histoires, mais je témoignais là de la vérité de mon intention. Avoir une intention sans appréciation, quand elle peut représenter une célébration, qu’est-ce que c’est ?
Est-ce vraiment vrai que vous voulez vivre une belle relation, « amoureuse », que vous voulez vous sentir aimé et aimant, partager l’amour ? Si c’est vrai, « prouvez-le-moi », montrez-le-moi », ayez de la joie. Vivez ce à quoi vous aspirez « comme si vous l’aviez déjà reçu et vous le verrez s’accomplir ». Quand, tout joyeux, ce jeune ami m’a annoncé qu’il allait monter sa propre affaire, j’ai su qu’il disait vrai et qu’il réussirait. Il a réussi !
La proposition : réjouissez-vous maintenant d’avoir cette chose que vous voulez. Vous la voulez pour ressentir quelque chose de spécial. Alors, ressentez-le, puisque vous avez décidé d’avoir cette chose. Peut-être percevez-vous insuffisamment ce que je veux dire. Rappelez-vous une fois où l’un de vos meilleurs amis vous a annoncé sa visite pour un jour proche. Là, vous n’avez pas VOULU le voir (première proposition), vous n’étiez pas dans le « vouloir », mais vous alliez le voir et vous pouviez vous en réjouir. Il n’était pas encore là, la chose ne s’était pas encore manifestée, mais vous vous réjouissiez, vous étiez content. Le retrouver fut probablement bon !…
Alors, faites ici et maintenant l’expérience d’être content à la seule idée d’avoir ceci ou cela que vous voulez. En fait, ressentez à la fois la chose comme étant là et l’effet qu’elle produit sur vous (joie, plaisir, amour, contentement, satisfaction, etc.). Un élan (envie) qui surgit en soi peut être vécu comme l’annonce par un ami de sa visite. Abandonnez l’idée que cela pourrait ne pas être réel. Que votre plaisir soit réel ! Quel risque courez-vous à tenter cette expérience ? Qui pourrait vous empêcher de le faire ? Qui pourrait vous juger du fait que vous soyez content à l’idée d’avoir ou de vivre ce à quoi vous aspirez ? Offrez-vous cette expérience. Au moins, tentez-la ! Et si vous n’y parvenez pas, ne vous inquiétez pas. Nous y reviendrons.
Qu’elles soient suivies ou non, les deux invitations sont d’abord un prétexte pour bien spécifier les deux positionnements impliqués. Je n’insiste que pour vous permettre de faire, de reconnaître la différence entre les deux propositions, entre ces deux possibilités. Percevez qu’elles existent, connaissez-les sciemment. Peut-être allez-vous même reconnaître que vous les avez déjà expérimentées, la seconde aussi. À l’instar de mon exemple « maison », ne vous êtes-vous jamais réjoui à la seule idée d’envisager quelque chose ? Peut-être pourrez-vous trouver un exemple !
Quand j’ai décidé de m’acheter une maison, pour en vivre du contentement immédiat, je ne savais pas encore si le projet était réalisable. Je n’avais jamais étudié mes possibilités de financement. Ce projet verrait le jour ou non, ça n’était pas ma préoccupation. J’ai été émerveillé en réalisant un jour que les plus grands bouleversements heureux de ma vie (vivre dans une maison plutôt que dans un appartement, changer de profession, formations et équipement informatique coûteux…) avaient été précédé du plaisir insouciant à la seule idée des différents projets concernés.
Soit nous désirons, envions, espérons, revendiquons ou exigeons les choses, soit nous nous réjouissons à l’idée de les vivre. Dans le premier cas, il y a de la tension, de l’attente, de l’impatience, de la frustration ; dans le second, il y a de la paix, de l’insouciance, du contentement, de l’appréciation. Ici, alors que vous ne désirez, n’enviez, n’espérez, ne revendiquez, n’exigez plus, vous aspirez toujours à la chose. Ressentez l’équivalence possible entre « aspirer à une chose », et « être content à l’idée d’une chose ». On pourrait dire que c’est ce contentement qui l’attire. J’ai noté qu’avant que n’apparaisse l’idée de telle ou telle manifestation, j’étais déjà dans le contentement. Dans le cas « vouloir », la peur du manque attire ou maintient de quoi éprouver encore le manque.
À cause de cette peur (peur de ne pas recevoir), bien ancrée en soi, l’expérience que je vous propose avec la seconde option pourrait ne pas être accueillie de façon bénéfique. Ne luttez pas. Ne résistez pas à cette peur (éventuelle). Ressentez-la. Aspirez simplement à vous en libérer. Autrement dit, soyez heureux à l’idée de vous en libérer. Voulez-vous bien apprécier ici et maintenant l’idée de vous libérer de cette peur identifiée ? Aspirer à être libre de la peur, par exemple, cela ne peut-il pas représenter un projet magnifique ?
Dans ce que je viens de développer (les deux positionnements) ou plus exactement avec mon invitation aux deux expériences, mon intention n’est pas d’abord de vous montrer comment attirer dans votre vie ce à quoi vous aspirer. Un intérêt hâtif pour cette possibilité risquerait fort de faire passer à côté de l’essentiel et, en conséquence, l’expérience heureuse de laisser s’épanouir son existence ne serait toujours pas vécue. Là, il s’agirait encore d’une fuite, d’une précipitation, d’une illusion.
Plus simplement et pour l’essentiel, l’intention reste, comme d’habitude, de permettre une conscientisation. Il s’agit de reconnaître, de repérer ces deux fonctionnements tout à fait distincts. Vous pouvez avoir testé les deux, je le répète, mais sans conscience du jeu joué à chaque fois. C’est bon et utile de vérifier et de reconnaître ses fonctionnements, y compris ses modes réactionnels.
Votre manière de penser à ce que vous voulez ou de le vouloir (premier cas) est effectivement un positionnement réactionnel. Il découle de l’une ou l’autre de vos blessures. Vous n’allez pas le relâcher si vite et pas davantage si vous vous laissez prendre, réactionnellement, par la seconde proposition tellement plus alléchante. Dans ce cas, risquerait d’être revenu ou en fait de rester à l’uvre un « vouloir », un « je veux », encore écho d’une blessure, quelque chose à démentir ou à revendiquer.
On est capable de ressentir l’effet heureux d’une manifestation souhaitée, parce que la seule idée de la chose a émergé dans l’appréciation. En général, admettons-le, beaucoup d’idées de projets, d’intentions, de projections proviennent de la peur, de la culpabilité que l’on veut éviter ou démentir. Or, si l’on devait envisager la seconde proposition comme un nouveau moyen pour tenter d’arriver à ses fins, cela resterait vain. Pourquoi ? Parce qu’il y a là toujours du rêve, du désir, de l’envie, de l’espoir, de la revendication ou de l’exigence. C’est de l’attente quoi qu’il en soit, autrement dit de la peur. Et, en réalité, c’est donc rester dans le premier cas, dans le vouloir. « Vouloir » et « apprécier » sont deux ressentis très différents qu’il n’est pas difficile de distinguer.
Tant que nous faisons quoi que ce soit avec attente, la peur est présente. Sans peur, il n’y a plus d’attente. Et la peur attire ou maintient ce qui est redouté. Ici, comprenez que de la peur vous empêche d’obtenir ce que vous voulez ou ce que vous dites vouloir. Maintenant, un phénomène moins connu est également en cause, moins facilement identifiable. Voyez si vous pouvez le débusquer en vous comme il m’arrive de le voir chez ceux qui me consultent et en moi-même.
En fait, dans l’esprit de ce que j’ai expliqué pour le premier cas (vouloir la chose, y penser dans son mode), ce que l’on dit vouloir, on ne le veut pas. Plus précisément, on n’a pas d’intérêt à vivre ou à recevoir la chose. On n’a d’intérêt que pour déplorer de ne pas l’avoir ou pour la vouloir, ce vouloir réactionnel, vouloir crispé, vouloir fait de peur ou de manque.
La « perle rare », tout objet de la demande est seulement un prétexte pour donner libre cours à un mode réactionnel ou à un autre. Voilà pourquoi le dévalorisé envie une chose un matin et autre chose l’après-midi. La chose est le prétexte à l’envie. Ce qu’il veut, ce n’est pas la chose, mais c’est envier. C’est un vouloir inconscient, mais c’est bien un vouloir. C’est un peu comme s’il se disait : « Oh, quelle belle voiture y a-t-il là ! Elle me fait terriblement envie ! » Voici qu’il peut à nouveau envier.
Quand vous avez satisfait l’exigence d’une personne maltraitée (autre exemple), surtout s’il s’agit de votre compagne ou de votre compagnon, vous n’avez pas vraiment droit à un merci et une autre exigence ne tarde pas. Comprenez-la (le) : elle ne voulait pas être satisfaite, elle voulait exiger et elle trouve donc de quoi exiger toujours. On peut même dire que vous ne lui rendez pas service en répondant à ses attentes, la privant à chaque fois – certes jamais pour trop longtemps – de la possibilité d’exiger et de se plaindre à l’avenant !
Avec la blessure d’abandon, on ne fait pas mieux. Qu’avez-vous vraiment tenté pour obtenir ce qui habite votre désir, votre rêve depuis tellement d’années ? « Rien », parce que c’est désirer et rêver qui vous intéresse et non pas d’obtenir l’objet de vos rêves. Certes, le désirer et y rêver, c’est croire que vous le voulez, mais votre attention et donc votre intérêt reste sur le désir de la chose et non pas sur l’effet produit par cette chose si vous l’aviez. Vous ne la voulez pas, non pas que vous la refuseriez, mais l’obtenir n’est pas le sujet quand vous la désirez.
En tant que rejeté (si telle est bien votre blessure), reconnaissez donc combien il est pour vous important de pouvoir vous indigner et de protester. Certaines fois, c’est si fort, pour pouvoir réagir encore, que vous ne vous rendez même pas compte que l’extérieur vous est favorable, même si vous finissez par le lasser, bien sûr ! En tant que trahi, vous êtes déconcerté s’il vous est donné de vivre ou d’être sur le point de vivre ce à quoi vous aspirez. Vous ne pouvez « faire rien d’autre » qu’espérer, que fantasmer, ce à quoi vous tenez du fait de votre propre conditionnement. Vous n’osez pas vous laisser aller…
Quand il s’agit de vouloir pour vouloir, d’obtenir juste pour faire du démenti, quand il s’agit donc d’investissement compensateur, il est vain d’obtenir ce que l’on veut. On n’en obtient au mieux qu’un effet « soulagement éphémère ». À partir de cette compréhension, peut-on défendre quelque intérêt à lutter pour tenter d’arriver à ses fins, sachant que le résultat ne peut être d’aucune satisfaction durable ? Dans ce cas, même la « visualisation créatrice » – laquelle peut pourtant être efficace – reste sans intérêt.
Tant que votre propre mode réactionnel ne sera pas conscientisé, tant qu’il ne sera pas reconnu pour ce qu’il est, vous ne pourrez pas entendre, pas intégrer la seconde proposition, ni surtout la vivre durablement. Il y a donc à observer que, selon les moments, nous voulons rêver, désirer, nous disperser, envier, nous donner le droit, espérer ou fantasmer ; bougonner, revendiquer, insister, nous révolter, exiger ou nous plaindre… Permettez-vous de reconnaître ce qu’est votre propre tendance chronique (au-delà de la présentation caricaturale utile aux explications).
En effet, c’est une tendance, c’est notre tendance, une attitude réactionnelle, un comportement machinal, un fonctionnement humain banal jamais considéré. Nous ne nous en rendons pas compte car c’est devenu comme une seconde nature. Mais c’est surtout une attitude créatrice d’insatisfaction, de souffrance. En l’observant, nous découvrons peu à peu de quoi elle est l’effet. Elle n’est qu’un effet, un effet parmi tant d’autres.
Il y a des moments où l’on n’aspire à rien, ni ne se trouve dans un vouloir compensateur. Si l’on s’y trouve bien, appréciant ce qui est, c’est magnifique, c’est excellent. Or, une certaine insatisfaction peut cependant être éprouvée alors. On peut traiter directement cette insatisfaction, à savoir juste la reconnaître. Ordinairement, on la fuit encore à travers diverses compensations (fumer, manger, boire, s’adonner compulsivement à n’importe quelle activité).
À d’autres moments, un autre état émotionnel peut encore être vécu. Vous ne désirez pas, n’éprouvez le vouloir d’aucune manière, ni n’être conscient d’une réelle insatisfaction. Vous êtes certainement insatisfait, mais vous n’utiliseriez pas ce mot pour exprimer votre malaise du moment. Vous pourriez alors découvrir que vous éprouvez la non-envie. Des choses qui attirent généralement votre attention, qui vous font plaisir ne suscitent plus pour vous momentanément le moindre intérêt. Là, vous êtes donc avec : « J’ai pas envie », « Je veux pas », « Ça ne m’intéresse pas », « Je suis dégoûté », « Je suis coupé, désespéré », « Je suis écuré ».
Vous venez d’être à nouveau déçu, découragé, démotivé ; votre blessure vient de se rappeler à vous. Elle a été réactivée par une circonstance ou une autre. Dans ces instants, il vous est difficile d’aspirer à quoi que ce soit, de visualiser le meilleur et je ne vous inciterais pas à le faire. Ce serait vous encourager à éviter encore ce qui tente de se faire reconnaître, un ressenti douloureux qui a besoin d’être libéré.
Pourquoi ne sommes-nous pas dans l’illusion quand, face à un certain « vouloir », à une aspiration du cur, nous ressentons l’effet que la chose voulue est supposé produire sur nous ? Parce que tel est finalement notre vrai besoin : se sentir joyeux, en paix, dans l’amour… La chose voulue reste secondaire. Ressentir son effet peut bien l’attirer ou attirer n’importe quoi d’autre, mais ce n’est plus important. Rien ni personne à l’extérieur ne satisfera notre besoin. C’est le besoin satisfait qui influence heureusement l’extérieur. C’est le chagrin ou la culpabilité en nous et à quoi l’on résiste, par exemple, qui attire les conditions de vie déplorées.
Se permettre de ressentir immédiatement l’effet produit par toute chose ou circonstance que l’on veut est ni plus ni moins découvrir son vrai besoin. Satisfaisons-le alors. Et si vous deviez insister pour me dire qu’adopter une telle position est illusoire, se raconter des histoires, certes de belles histoires, je vous dirais que c’est certainement ce que vous faites en effet et mieux encore avec le négatif.
Quand vous redoutez l’avenir, anticipez négativement les choses, imaginez même le pire, ne vous racontez-vous pas des histoires ? Là, vous ne résistez pas à le faire, ni ne vous posez de questions. Je suis même sûr que vous en abusez ! En effet, on peut railler la possibilité d’apprécier prématurément la réalisation d’un projet tout en se permettant d’éprouver inutilement la frustration ou bien pire à la pensée de ce qui pourrait arriver.
La vérité est que ces deux modes sont très efficaces, qu’ils fonctionnent à la perfection. J’ai fait l’expérience que j’obtiens ce que je me réjouis à l’avance d’avoir. Dans ce cas, une idée surgit, dans la joie ou du contentement, et je la vois se réaliser. J’ai fait l’expérience que m’arrive ce que je redoute suffisamment, d’autant plus quand je ne suis même pas conscient de ma peur. Vous avez, vous aussi, fait ces deux expériences et il vous appartient de retrouver vos propres exemples. Or, vous pourriez noter (comme moi) que vous n’avez pas choisi, de façon délibérée, d’adopter, tantôt la première proposition, tantôt la seconde.
Le vrai besoin que l’on cherche à satisfaire à travers une chose ou une autre que l’on veut, peut être comblé immédiatement, sans cette chose. On n’a pas le pouvoir d’attirer immédiatement la chose. On a celui, plus intéressant, de vivre ce qu’elle est censée apporter.
On peut s’épargner bien des contrariétés, cesser de s’attirer diverses circonstances problématiques, dans la mesure où l’on conscientise ses ressentis de peur, de honte et/ou de culpabilité qui sous-tendent nombre de ses souhaits et projets.
Dans le meilleur des cas, on fonde ou confirme un projet à partir d’une expérience heureuse. On s’inscrit à un cours de danse, parce que l’on a du plaisir à danser. On pratique un sport, un art ou autre pour vivre encore le plaisir connu à le pratiquer. Or, dans le domaine relationnel ou professionnel, par exemple, on fonde en général son projet, non plus à partir d’un vécu réel, mais à partir de ce que l’on imagine, de ce que l’on désire, rêve, de ce que l’on envie, espère, fantasme, voire revendique, exige.
Et c’est de la sorte que l’on perd beaucoup de temps, d’énergie, et que l’on passe à côté de ce qui pourrait nous convenir. Certes, notre blessure est en cause et nous ne sommes pas conscients de fonctionner ainsi. Il est cependant possible de s’en rendre compte, de le considérer. Vouloir traiter un effet n’est jamais durablement efficace, mais ignorer des effets, c’est cultiver de la « souffrance » ou de l’insatisfaction inutile.
Être animé par le « vouloir compulsionnel », c’est être piégé, pris dans un cercle vicieux. Reconnaître ce vieux schéma conditionné, ce fonctionnement humain ordinaire, c’est commencer à s’en libérer. Plus on se libère de ce qui cultive ses intérêts compensateurs, mieux on a accès à ses élans véritables, et se présente alors naturellement tout ce qui est nécessaire pour être à même de les suivre jusqu’à la manifestation.
Tant que l’on reste la proie de son conditionnement, on ne peut pas savoir ce que sont ses propres intérêts profonds, ce qui nous tient à cur, ultimement. Hors de tout conditionnement, c’est la forme de contentement déjà présent qui souffle une nouvelle idée, un nouvel élan ou qui attire même diverses gratifications. C’est pourquoi la manifestation est une célébration de l’appréciation déjà vécue, déjà présente.
On ne peut pas transformer un « vouloir compensateur » en « élan spontané », lui donner la valeur d’une idée nouvelle. On ne peut que le reconnaître et s’en libérer. Dans le lâcher-prise ou l’insouciance naturelle, ce n’est plus le mental qui décide de quoi est censée être faite son existence. Là, il n’y a plus rien à démentir, ni une image de soi à défendre. Et la vie n’a pas la moindre difficulté à faire en sorte que tout prenne place de façon aisée, douce et épanouissante.
L’intégration au besoin de ce qu’évoque ce texte est notamment l’assurance d’être au début d’une nouvelle année, 2018, harmonieuse, « bonne et heureuse », immergé dans l’acceptation véritable, dans l’amour, le pardon à soi-même, ce que je nous souhaite, à tous !
Commentaire
Vouloir encore ou apprécier déjà — Aucun commentaire
HTML tags allowed in your comment: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>