Le vouloir réagir et le vouloir vouloir versus le pur ressentir et l’appréciation
À lire ou à relire, la chronique précédente évoque subsidiairement la persistance de notre conditionnement misérable qui continue en effet de s’imposer alors même que nous l’avons bien identifié. Cette fois-ci, nous allons voir comment cette réalité tenace est possible ou les stratégies psychiques qu’elle utilise pour pouvoir se manifester, pour s’être manifestée encore et encore. Vous pouvez désormais bien connaître votre blessure principale, en savoir beaucoup sur vos autres blessures, et continuer pourtant de « subir » votre conditionnement, continuer d’être mal, de vous sentir mal trop souvent.
Il y a ce dont nous nous privons, à savoir la clé de l’épanouissement, de l’éveil (objet de la précédente chronique), et il y a le mécanisme psychique qui permet au conditionnement de rester en place. Il n’est certainement pas évident de le percevoir, de le sentir, de le reconnaître, et c’est précisément ce à quoi nous allons nous employer aujourd’hui. Vous n’avez pas besoin d’avoir identifié votre blessure pour recevoir de l’aide éventuelle à travers ce que vous allez lire ici. Il suffit que vous soyez disposé à basculer du positionnement « je sais (je connais mes problèmes) » au positionnement « voyons ce qui se passe vraiment en moi ! »
Je précise au besoin que tout ce que je vais développer ici est forcément l’aspect amplifié, voire caricaturé, de nos fonctionnements conditionnés ordinaires. Je ne doute cependant pas que nous connaissions des gens (sinon nous-même) dont la mention apparemment caricaturale peut être ici en dessous de la réalité. Quoi qu’il en soit, il est souvent utile de forcer le trait pour se faire comprendre mieux et, si nous sommes concernés, il nous suffit de le vérifier : à quel degré, comment, dans quel contexte, etc., sachant qu’il ne va être question de rien d’autre que du fonctionnement humain général, collectif et ancestral.
Nous allons donc explorer ou mettre à jour un aspect incroyable de nos positionnements conditionnés que j’ai déjà mentionné, mais insuffisamment développé, et qui est même annoncé au début de la précédente chronique. Au passage, si vous l’avez lue, vous allez pouvoir vérifier à quel degré la chose vous a interpellé. Il s’agit des deux énoncés suivants :
Tout ce que l’on a vécu jusqu’à ce jour, on n’a pas pu ni même voulu l’éviter, parce qu’il nous fallait absolument (le)… déplorer. « Déplorer » (réagir) a toujours été une priorité.
On ne s’est pas donné de vivre ce que l’on se disait vouloir, parce que, par-dessus tout, il nous fallait absolument (le)… vouloir. « Vouloir » (être dans le vouloir) a toujours été une priorité.
Commençons avec le premier point. Ayez à l’esprit une circonstance récente qui vous a mis plus ou moins mal, qui vous a fait réagir. Ayez au moins un exemple, mais c’est bien aussi si vous en avez plusieurs. Tout de suite, je vous propose de mettre votre attention sur votre seule réaction en laissant à l’arrière-plan l’occasion utilisée pour la vivre. Admettons que votre exemple soit une personne qui vous a posé un lapin, qui vous a mis en colère ou qui vous a laissé sans voix (deux réactions différentes possibles). Vous laissez donc le lapin de côté et vous ne retenez plus que votre réaction : colère, soumission ou résignation (dans notre exemple).
En fait, je vous suggère de reconnaître dans la réaction associée à votre exemple ou vos exemples ce qu’il y a de familier, d’habituel : de la colère, une indignation, l’expression violente, verbale ou physique (y compris contre soi-même), la tendance comme à laisser tomber, à attendre que ça se passe, à ne jamais rien dire ou à ressasser, le besoin d’en parler à « tout le monde », etc. (Et vous pouvez aussi y ajouter des ressentis qui ne sont pas pareillement réactionnels : peur, honte, chagrin, angoisse, tristesse…).
Autrement dit, reconnaissez d’abord que vous réagissez effectivement et reconnaissez de même de quoi est faite votre réaction. Aidez-vous des exemples que je viens de donner, juste avant la parenthèse. On est habitué à réagir comme on réagit et l’on pourrait croire que tout le monde réagit ou réagirait comme soi-même en pareille situation. Cela dit, pour être complet, disons même que, quand on est dans la réaction, on se moque bien de savoir comment autrui réagirait ! Ici, ce qui importe est de regarder un peu ce qui se passe pour soi. Allez allez, regardez, il n’y a aucun risque à le faire, bien au contraire !
Tout le monde ne réagit pas comme soi et savoir que d’autres réactions sont possibles pourrait permettre d’identifier mieux ce qu’est sa propre réaction. En gros, c’est de la résignation, de la soumission, de la lamentation, de l’indignation ou de la rumination. En général, on ne sait pas que l’on est dans la réaction, d’autant moins quand on s’y trouve, quand on y est en plein. Bien sûr, l’état réactionnel peut être plus ou moins marqué, plus ou moins véhément, attisé plus ou moins fréquemment… En reconnaissant la spécificité de sa propre réaction, on pourra commencer à admettre qu’elle implique un conditionnement « personnel » ou qui n’a rien à voir avec la personne ou toute circonstance incriminée. Voyez-vous cela ? Pouvez-vous l’envisager ?
Dans l’instant, pouvez-vous vous reconnaître dans la réaction (bien sûr quand vous l’êtes) et la « définir » un minimum, dire ce qu’elle est, ou ne pouvez-vous rien faire d’autre que de maintenir votre attention sur ces choses qui vous font réagir ? Reconnaissez la différence et vous pourrez alors consacrer votre attention au seul phénomène « réagir ». Dissociez les deux aspects, la circonstance en cause et la réaction manifestée. J’insiste là-dessus car, quand je veux aider certaines personnes à identifier leur propre mode réactionnel, elles continuent parfois de me parler de ce qui les fait réagir. Autrement dit, elles continuent de réagir sans pouvoir le voir, le regarder, le prendre en considération.
Et donc, en cet instant même, voyez-vous ce qu’est votre réaction habituelle, êtes-vous disposé à la voir ou êtes-vous en « pleine réaction » ? Savez-vous répondre à ça ? Avez-vous même essayé ? De la disposition à voir dépend ce que vous allez recevoir de votre lecture. Maintenant, je vais vous proposer de découvrir (le cas échéant) que votre réaction n’a pas grand-chose à voir avec ce qui semble vous faire réagir, en fait avec ce que vous utilisez pour réagir. C’est incroyable a priori, n’est-ce pas ? Suivez-moi bien car il y aura « plus fort », plus incroyable encore !
Évoquons un premier exemple qui montre indubitablement que l’occasion utilisée est étrangère à une réaction manifestée, exprimée parfois même violemment. Alors que vous êtes contrarié, que vous avez vécu une de ces situations difficiles, c’est le chien qui vient dans vos « pattes » et qui se prend un coup de pied ; c’est votre enfant qui se fait rembarrer (ou pire) alors qu’il venait juste chercher un câlin ; c’est votre mère ou votre belle-mère qui vous appelle au « mauvais moment » et qui se demande ce qui vous arrive, sinon ce qui lui tombe dessus !… Que dire de la porte que vous claquez, de l’objet que vous jetez, que vous cassez, toutes ces choses ou circonstances ne sont-elles pas complètement étrangères à votre réaction ?
Si vous vous permettez de voir comment vous pourriez être concerné aussi par ce genre d’attitudes, c’est absolument magnifique ! C’est réellement une ouverture que vous vous permettez, ce à quoi la majorité n’a pas accès, mais ne vous contentez pas de vous accorder que vous avez en l’occurrence de « bonnes excuses ». Au reste, ici, vous n’avez pas besoin d’excuses, parce que vous n’êtes pas accusé (ni jugé). Vous êtes juste invité à voir et vous allez voir, juste si vous le voulez. C’est tout !
Avant cette réaction « excusable », vous aviez été contrarié, parce qu’au bureau, votre chef ou vos collègues …, parce que votre petite amie, petit ami vous avait annoncé qu’elle, qu’il vous quittait, parce que vous aviez appris une autre terrible nouvelle, parce que… Peu importe, la façon dont vous aviez été affecté et réagi, dans cette « première » situation, n’avait toujours rien à voir avec cette dernière, même si la situation a été objectivement problématique.
Observez bien que je ne prétends pas que nous ne sommes jamais confrontés à des épreuves, à des conflits, à des circonstances tout à fait indésirables. Je peux dire que nous ne savons ordinairement pas les vivre, les gérer, mais je dis ici surtout que nous ne faisons rien d’autre que les utiliser pour revisiter du douloureux en nous et d’autant plus pour réagir comme nous avons l’habitude de réagir. Le douloureux impliqué et les réactions n’ont en réalité rien à voir avec quelque circonstance déplorée que ce soit. Voici quelques autres exemples qui peuvent en témoigner :
Quand une circonstance ne nous fait plus réagir (qu’elle soit résolue ou non), on en trouve très vite une autre pour réagir de même ;
Une même circonstance ne fait pas (toujours) réagir tout le monde de la même façon, chacun trouvant ses propres circonstances pour réagir à sa guise ;
Observez les gens dans une longue file d’attente et vous verrez des réactions très différentes, sans parler des gens qui restent détendus et souriants ;
Vous croyez aider une personne qui se lamente, elle a à peine pris le temps de vous remercier qu’elle se lamente déjà à propos d’autre chose ;
Vous pourriez connaître des gens qui se comportent avec d’autres comme ils ne le font pas avec vous, juste parce qu’ils « recherchent » une réaction qui n’est pas chez vous (et vice versa) ;
Une même circonstance peut un jour nous faire réagir très violemment et un autre nous voir indifférent ou même complètement tranquille ;
Peut-être souriez-vous aujourd’hui face à certaines circonstances qui, dans un passé plus ou moins lointain, vous faisaient sortir de vos gonds
J’aurais aujourd’hui bien des choses dont faire mon os à ronger, comme je l’ai toujours fait, mais ce ne serait pas la même chose qu’il y a dix ans, vingt ans, trente ans, etc.…
Reconnaissez-vous que vous pouvez être dans la réaction ? Pouvez-vous mettre deux ou trois mots sur ce qu’est votre réaction ? Voyez-vous que la réaction est une habitude, qu’elle provient de votre conditionnement et que toute chose utilisée pour réagir n’est qu’un prétexte ? Soyez intéressé à le voir et vous le verrez ! Si vous ne le voyez pas, vous ne pourrez voir le reste, parce que cela ne s’arrête pas là !
Cependant, si vous ne voyez pas pour vous-même ce qui a été dit jusque-là, ne vous en faites pas (ne réagissez pas) ! Dans ce cas, commencez donc par le voir chez les autres. C’est souvent beaucoup plus facile au début. Parmi vos proches et amis, il en est certainement qui ont toujours une bonne occasion, s’en prenant à une tierce personne ou à une circonstance du collectif, pour être dans la bouderie, la plainte, la révolte, etc. Sur le point de retrouver une personne amie que vous n’avez pas vue depuis trois mois, vous pourriez vous demander qui elle est en train de bouder cette fois, de quoi elle va se plaindre aujourd’hui, quel est le nouveau sujet qui va faire l’objet de sa dénonciation… Et vous ne vous trompez pas, n’est-ce pas ? Alors, qu’est-ce que tout cela révèle ?
En réalité, quand nous sommes dans la réaction, nous ne voulons pas la solution du « problème » que nous incriminons, mais nous voulons tout simplement… réagir. C’est pourquoi toute chose utilisée pour réagir, réagir étant donc ce que nous voulons, n’est en rien concernée par notre réaction même. C’est fou, non ? C’est incroyable ! Mais c’est vrai pour vous comme c’est vrai pour moi. Et il y a pire encore, si je puis dire ! Non seulement nous ne voulons pas la solution du problème, mais il faut que le problème dure, pour pouvoir y réagir à satiété. Et puisqu’il finit par se résoudre, il faut nous en attirer un autre, en voir un autre, et ça ne rate pas. Puisque ce que nous voulons, c’est réagir, autant dire que nous voulons donc des problèmes, des conflits, des contrariétés. Oh, en trouver ne représente pas une difficulté énorme ! Il suffit d’allumer la radio, la télé ou de surfer sur Internet…
Et c’est donc ainsi que « Tout ce que l’on a vécu jusqu’à ce jour, on n’a pas pu ni même voulu l’éviter, parce qu’il nous fallait absolument (le)… déplorer ». Ce peut être délicat, très délicat de voir ça, mais ne pas le voir, c’est rester enfermé dans un cercle vicieux (très vicieux) qui fait notre mal de vivre, qui crée de la souffrance pour nous-même, autour de nous et dans le monde. Sans même être dans une réaction très marquée, en surprenant un peu ses pensées à certains moments, on peut se rendre compte que l’on cherche juste à réagir ou que l’on est juste, une fois de plus, en train de déplorer, une chose après l’autre. Par exemple, quelque chose vient de se régler ou d’être lâché et la même ambiance réactionnelle se plaque sur un autre sujet.
Quand nous sommes dans la réaction, nous sommes superficiellement positionnés comme si nous voulions nous débarrasser de la chose incriminée, en finir, la repousser. Nous venons de voir que c’est tout le contraire que nous faisons en réalité. Nous voulons la chose (problématique) pour y réagir. Comme nous ne réagissons que pour réagir et pour rien d’autre, il nous est difficile de reconnaître que nous sommes dans la réaction car ne plus l’être, c’est n’être avec plus rien ! Et passons maintenant au second point qui révèle finalement le même schéma psychique « pervers ».
Quand nous sommes dans le « vouloir heureux », compensateur, nous sommes superficiellement positionnés comme si nous voulions nous attirer la chose voulue (attendue, désirée, enviée, espérée, fantasmée, convoitée, jalousée, revendiquée, exigée…). Et là encore, en réalité, c’est le contraire qui se passe, et du seul fait de notre positionnement réel. Ce n’est pas la chose soi-disant voulue que nous voulons, mais ce que nous voulons, c’est juste la… vouloir. Selon notre blessure, le vouloir prend une couleur différente, mais le phénomène reste le même. L’abandonner aime désirer, le dévaloriser envier, le rejeté revendiquer, etc. Tous, nous aimons… vouloir (compensatoirement).
De même que rien d’extérieur ne justifie réellement sa réaction, le vouloir compensateur (qui est d’ailleurs lui-même une réaction) existe indépendamment des objets utilisés pour être exercé. Si ce n’est pas cet objet-ci, ce sera celui-là. S’il y a actuellement quelque chose que vous voulez ou voudriez intensément, laissez la chose à l’arrière-plan et concentrez-vous un instant sur la seule ambiance du vouloir (désir, envie, fantasme…). C’est une ambiance très spéciale que vous devriez pouvoir repérer. Reconnaissez qu’elle a été là souvent, en vous, indépendamment des divers objets utilisés. Ces derniers changent régulièrement, mais l’ambiance reste la même, seule son intensité pouvant varier. De toutes façons, l’intensité du vouloir varie sans cesse, même quand un même objet est visé. Ce qui demeure est le vouloir, le « vouloir vouloir ».
N’avez-vous jamais connu quelqu’un qui a désiré une même chose (voire une personne) pendant des années ou des décennies ? Ne fallait-il pas que le désir eût un intérêt, soit apprécié d’une certaine façon ?
Ne connaissez-vous personne qui collectionne des choses (chaussures, vêtements, voitures…), qui vous parle peu de la dernière chose acquise, mais de la suivante ? Elle reste dans l’envie !
Qu’en est-il de cette personne qui exige une chose de vous et vous en réclame une autre si vous cédez ? Elle reste dans l’exigence !
Connaissez-vous un rebelle qui cesse durablement de se rebeller s’il obtient satisfaction ? Revendiquer, c’est ce qu’il veut ! Je vous assure qu’il trouve de quoi le faire, qu’il n’est jamais en reste !
N’avez-vous jamais remarqué combien des gens peuvent être soudainement très embarrassés en obtenant ce qu’ils avaient tant espéré ? Ils savent être dans l’espoir (aiment espérer), mais vivre ce qu’ils espèrent est une autre histoire.
N’avez-vous jamais remarqué qu’il ne vous arrive pas de rester longtemps « satisfait » après avoir obtenu ce que vous avez voulu et attendu longtemps ? Il vous est même arrivé de l’expliquer en prétendant que cela venait trop tard !
Sachez que je ne dis pas que nous sommes incapables d’apprécier des relations, des circonstances, des choses, bien que la véritable pleine appréciation ne nous soit pas forcément très familière. Ce qui n’est pas pleinement apprécié n’est pas non plus attiré. Ne nous occupons pas ici de ce que vous obtenez ou vivez par surprise, sans l’avoir attendu. Peut-être est-ce d’ailleurs ce que vous pouvez apprécier le plus.
En revanche, pour insister sur le dernier exemple ci-dessus, comparez maintenant la place en vous du désir, de l’envie, de l’espoir…, bref du « vouloir » sous quelque nuance que ce soit, par rapport au plaisir qui fut le vôtre et le temps qu’il a duré quand vous avez obtenu la chose (le cas échéant). Vous devriez remarquer qu’il y a eu plus d’intensité, d’animation et de temps consacré à désirer qu’il n’y en eut pour le plaisir, lequel ne fut d’ailleurs qu’un soulagement. L’état « amoureux » est une belle illustration de ce même phénomène. On est bien plus amoureux tant que l’on reste dans l’attente, dans le « vouloir », plus amoureux que peu après que la relation soit vraiment établie. Le séducteur, le don juan éprouve ce même conditionnement et l’ignore bien entendu.
On trouvera au besoin mille raisons pour expliquer que l’on n’aime plus, y compris sa voiture, pour justifier que l’on en veut une autre, pour « jouer du vouloir » et pour un nouveau résultat frustrant. Mais considérons un peu ce qui peut être dit du « vouloir » dans la littérature :
« Comme nous ne mettons point de bornes à nos désirs, nous ne sommes jamais contents ; nous trouvons toujours qu’il manque quelque chose à notre amour-propre » (Jean-Baptiste Massillon).
« On désire une femme comme on souhaite posséder une maison ; en a-t-on fait l’achat, on n’en considère plus que les incommodités : le plaisir de la possession et de la jouissance s’usent par elles-mêmes » (Adolphe Ricard).
« Quelques biens que l’avare possède, il en désire toujours davantage » (Jean-François Marmontel).
« La vie se passe à désirer ce qu’on n’a pas, à regretter ce qu’on n’a plus » (Joseph Roux).
« Prétendre contenter ses désirs par la possession, c’est compter que l’on étouffera le feu avec de la paille » (proverbe chinois).
« “Le sac des désirs n’a pas de fond » (proverbe japonais).
« La perpétuité de l’envie est un vice qui ne rapporte rien » (Honoré de Balzac).
« Pas perdus, vains discours, débordements d’envie, trois excellents moyens de gaspiller la vie » (Louis Belmontet).
« L’envieux est en peine dans toutes les occasions qui devraient lui procurer du plaisir » (Edme de La Taille de Gaubertin).
« L’homme charme ses ennuis présents par l’espoir d’un avenir chimérique » (Jean-Baptiste Massillon).
« L’homme, éternel jouet d’un mirage trompeur, sans cesse est ballotté de l’espoir à la peur » (Publilius Syrus).
« Vivre toujours d’espoir, c’est vivre de chimère » (Étienne Vigée).
« Trop espérer, c’est se préparer des déceptions » (Alice Parizeau).
« Les tristes ont deux raisons de l’être, ils ignorent ou ils espèrent » (Albert Camus).
« L’espérance rend le temps bien long, et la jouissance bien court » (Stanislas Leszczynski).
« Tout le malheur des hommes vient de l’espérance » (Albert Camus).
« Que sont les fantasmes ? Des rêves dont nous nous servons pour nous préserver de la réalité. Notre monde est un plancher rigide qui nous casse le dos si on dort à même le sol » (Marisha Pessl).
En conclusion, voyons que nous voulons compensatoirement juste pour… vouloir (espérer, fantasmer, revendiquer, exiger…). Ce faisant, nous n’obtenons rien, ne parvenons à rien. Il ne nous reste plus qu’à réagir, mais nous réagissons alors juste pour… réagir. Voilà pourquoi nous continuons d’être insatisfaits, mécontents, malheureux. Inconsciemment, nous passons toute notre existence à vouloir, vouloir vouloir et/ou vouloir réagir. Quand nous l’aurons suffisamment reconnu, conscientisé, vérifié, nous remplacerons ce positionnement pervers par celui d’être tout simplement d’accord avec ce qui est, d’accord aussi de vivre le meilleur plutôt que de le vouloir. En fait, il s’agit de sentir ce que l’on veut au lieu de le vouloir, de substituer le sentir conscient au vouloir vouloir.
Vous est-il déjà arrivé de vous visualiser en train de posséder ce que vous vouliez obtenir, de vivre ce que vous vouliez vivre, d’être ce que vous vouliez être ? Si vous ne l’avez jamais fait, ce pourrait être un exercice très intéressant, grandement révélateur. Prenons un exemple. Juste pendant quelques secondes, visualisez-vous en train de vivre vraiment et d’apprécier, ici et maintenant, ce qui vous tient à cœur. Si vous me dites que vous n’y arrivez pas ou que ce n’est pas possible, permettez-moi de vous demander comment vous faites alors pour visualiser si souvent, et non pas seulement pendant quelques secondes, ce qui ne vous tient pas à cœur, d’éprouver déjà en direct ce que vous appréhendez, anticipez. Vous ne me ferez pas croire que vous ne le faites pas !
Quand vous allez vous visualisez en train d’apprécier ce qui compte pour vous, vous allez vraiment connaître la différence entre le vouloir habituel (désir, envie, espoir…) et l’appréciation dont vous avez pu faire l’expérience dans votre visualisation. Le vouloir est un repoussoir et l’appréciation un appel. Vous pouvez pratiquer la visualisation si cette pratique vous plaît, mais je ne vous l’ai suggérée ici que pour vous permettre de repérer différemment l’énergie du vouloir. Vouloir l’amour, l’attendre, est une chose, contreproductive, et sentir l’amour suffisamment attire tôt ou tard les conditions qui permettent de le célébrer… avec autrui.
L’exercice vous montre que vouloir, quoi que ce soit, et apprécier, quoi que ce soit, cause ou implique un état très différent. Pour la plupart d’entre nous, l’état associé au vouloir est le plus courant. C’est l’état utilisé pour nier ou éviter l’insatisfaction et qui ne fait au bout du compte que l’entretenir.
De la même façon, comprenons que réagir, à quoi que ce soit, et reconnaître le douloureux, quel qu’il soit (qui précède et « justifie » la réaction, causent ou impliquent un état complètement différent. Pour la plupart d’entre nous, l’état associé à la réaction est le plus courant. C’est l’état utilisé pour nier ou éviter la honte et/ou la culpabilité et qui ne fait au bout du compte que l’entretenir.
Quand on a vraiment perçu, compris, intégré ces deux grandes différences, l’une entre vouloir et apprécier et l’autre entre réagir et ressentir, on peut commencer plus aisément à participer en pleine conscience à sa décharge émotionnelle. On comprend au moins pourquoi l’on continue de vivre ce que l’on prétend ne pas vouloir et pourquoi l’on ne vit « jamais » ce que l’on prétend vouloir. On continue d’endurer ce que l’on déplore pour pouvoir continuer d’y réagir comme on tient tant à le faire et l’on continue d’être frustré pour pouvoir librement continuer de… vouloir.
Nous sommes tous concernés par ces deux tendances, à des degrés différents. Moins le degré est élevé, plus nous connaissons aussi ce qu’est l’appréciation et l’aptitude à accepter ce qui est. Comme j’aime le rappeler de temps en temps, la considération de l’une ou l’autre de nos tendances, de l’un ou l’autre de nos vieux schémas, ne préjuge pas de son intensité, de son niveau de manifestation. Quoi qu’il en soit, que va-t-il donc se passer pour soi si l’on relâche de plus en plus l’intérêt à réagir et le goût du vouloir ? On peut le soupçonner – de plus en plus d’appréciation et de libération émotionnelle permise par le ressentir conscient – mais il en va de notre choix, de notre disposition, de notre ouverture. Vérifions si nous voulons faire le choix d’une priorité nouvelle et donnons-nous le temps !
(Les chroniques et les milliers de twits que je publie contribuent à l’affermissement en soi de la disposition à assumer sa responsabilité au seul bénéfice de son propre épanouissement. Les questions qui me sont posées – quand elles le sont en effet – me permettent d’apporter les précisions nécessaires et, de surcroît, elles m’inspirent).
Comment faire quand on n’arrive pas à “sentir” l’amour ou nos besoins ou…?
Sorte de lobotomie qui fait que l’on peut complétement se stériliser pour ne pas être ds l’excès de la réaction ou de l’émotion, ce qui n’apparaît pas très vivant….
En fait, chère Odile, vous semblez évoquer la difficulté à « ressentir » en général ! Nous sommes tous plus ou moins concernés par cette difficulté, parce que nous sommes conditionnés à surtout penser (tout mentaliser). Or, la difficulté est accrue si l’on est fortement concerné par la blessure d’abandon. Dans « l’abandon » éprouvé, on a dû se résigner, puisqu’il n’y avait « personne » et le vécu étant horriblement douloureux, il a mieux valu l’étouffer autant que possible, ce qui implique « étouffer son ressenti ».
Alors, qu’est-ce qui va pouvoir nous aider ici ? D’abord, si ce qui précède parle, le considérer encore un peu plus, l’accepter pleinement, le connaître et le reconnaître… Ensuite, s’encourager à trouver de quoi apprécier ; se rappeler ce que l’on a pu déjà apprécier et se rappeler surtout le ressenti « appréciation » et se permettre même de l’amplifier. Si cela semble difficile, juste reconnaître cela, l’accepter là encore et, tôt ou tard, quelque chose s’ouvre. Se questionner fréquemment comme suit : « OK, je pense ceci, cela, mais qu’est-ce que je sens, ressens ? Qu’est-ce que ça me fait ? » Se questionner jusqu’à ce que la réponse ne soit plus une explication, du penser, du jugement, mais vraiment du ressenti et la conscience de ce ressenti.
Maintenant, si la difficulté semble plus marquée encore quand il s’agit « d’amour », se rappeler ce que l’on a aimé, qui l’on a aimé ; avoir à l’esprit ce que l’on peut aimer, qui l’on peut aimer. Quand on a un exemple, on bascule son attention de la chose ou de la personne sur le ressenti lui-même…
Laissez-moi savoir si cela vous aide et/ou si cela vous pose questions !