La réaction ou la projection
(Depuis deux ou trois ans, j’ai pris l’habitude de twitter quotidiennement des « visions invitantes », aussi diffusées automatiquement sur ma page et mon compte Facebook. Je recueille fidèlement ces « visions » qui sont généralement inspirées ou dictées par les circonstances et j’en ai à ce jour environ neuf mille. Et comme je l’ai déjà fait pour des chroniques précédentes, je vais encore en lister ici quelques-unes pour enrichir mon propos. De plus en plus, ces « visions » me viennent en séries et en déclinaison d’un même thème.)
La plupart d’entre nous (sinon tout le monde) admettrons aisément que nous sommes bien des fois confrontés à diverses épreuves (certaines pouvant être « effroyables ») ou, au moins, que tout ne se passe pas toujours comme nous le souhaiterions. Si cette affirmation fait l’unanimité, il en va tout autrement quand on évoque la façon de se positionner par rapport à ce qui nous pose problème. Nous sommes conditionnés à y réagir, en général, et c’est ce qui devient le vrai problème. Voilà l’affirmation qui risque de faire grincer des dents ou de susciter du désaccord, de l’incompréhension !
Je parle de « l’état réactionnel » et nous allons bien sûr le définir. L’évoquant en consultation, il me fut dit une ou deux fois : « ….Mais face à une telle situation, c’est bien normal de réagir et tout le monde réagirait de la même façon ». « Normal », certainement, puisque la norme de la communication, pourrait-on dire, est la réaction ! En revanche, ce n’est pas vrai que tout le monde réagirait de la même façon, chacun pouvant avoir sa propre attitude réactionnelle. Elle est fonction de sa blessure principale ou de sa blessure revisitée en l’occurrence.
Rappelons justement que, de façon spécifique :
- L’abandonné type se résigne, baisse les bras ;
- Le dévalorisé type se soumet, attendant le « bon moment » ;
- Le maltraité type se plaint, informe tout le monde de ses misères ;
- Le rejeté type se révolte, rue dans les brancards ;
- Le trahi type s’apitoie sur son sort, ronge son os à l’écart.
Ce ne sont là bien sûr que des aspects grossiers de nos réactions possibles. Certains ne saisissent pas d’emblée l’aspect contreproductif de la réaction, parce qu’ils la confondent avec la réponse éventuellement souhaitable ou même nécessaire à apporter face à moult circonstances plus ou moins problématiques. Ils pensent que ne pas réagir signifie ne pas agir, ne pas se positionner. L’action juste est basée sur la réalité de la circonstance et la réaction sur un vieux schéma (conditionné). Puisqu’elle prend forcément en compte la situation, l’action juste ou la posture adéquate est relativement originale, souvent inspirée, alors que la réaction est une répétition, une vieille rengaine, une attitude d’ailleurs attendue par qui nous connaît bien.
Selon notre blessure, notre conditionnement, nous avons donc développé un mode réactionnel spécifique, en standby en général, mais que nous pouvons parfois deviner, sentir, et ce, indépendamment de ce qui se passe pour nous. D’autres fois, voire très souvent, ce même mode réactionnel « se saisit » de la première occasion disponible pour se manifester avec ampleur (ou « en pleurs »). Cette première occasion peut être n’importe quoi, y compris un souvenir, l’interprétation ou même l’invention partielle d’un événement.
Si j’ai « soudainement » besoin de bougonner, je vous assure que je ne mettrai pas longtemps à trouver de quoi le faire. Il semble même, à partir de cet état d’esprit, que j’aie le pouvoir de m’attirer toute circonstance idéale pour réagir à ma guise. Ne m’enviez pas et ne me félicitez pas, vous avez ce même pouvoir et je ne doute pas que vous en usiez autant que moi ! Est-ce que ce ne sont pas « toujours » les mêmes séries de contrariétés qui vous font réagir comme vous réagissez ? Bravo, votre pouvoir d’attraction est grand !
Trêve de plaisanterie, l’attitude réactionnelle manifestée est notamment la résistance à ce qui est et persiste ce à quoi l’on résiste. Et il y a pire que la résistance, à savoir vouloir absolument rester accroché à la chose qui bouleverse, « tenir à y rester accroché ». Ce sont deux postures différentes et considérons justement une première liste d’énoncés « à twitter » :
- On ne va pas d’emblée relâcher la projection, d’autant moins que l’on tient absolument à ce que les choses soient telles qu’on les voit.
- Quand on tient enfin un « coupable », on ne va certainement pas le lâcher si vite et ce coupable peut être n’importe quoi (chose, personne).
- Quand quelqu’un vous fait fortement réagir, essayez de sentir et de reconnaître que vous tenez absolument à le voir tel que vous le voyez.
- Tenir absolument à voir ce que l’on voit, à voir comme on voit, le VOULOIR, est le principe même de la projection.
- On tient tellement à ce que l’autre soit tel qu’on le juge, pour réagir, que l’on se gardera parfois de lui exprimer quoi que ce soit.
- L’expression a souvent pour effet de révéler que l’on était dans l’erreur, à côté de la plaque, et cela aussi peut faire peur.
- Le pardon est, non pas difficile, mais complètement impossible quand on reste inconscient de la façon dont on veut que soient les choses.
- En certaines circonstances difficiles, ce n’est pas que l’on « ne veut pas » lâcher, mais c’est surtout que l’on « veut » rester accroché.
- « Ne pas vouloir lâcher » et « vouloir rester accroché » semblent synonymes, mais l’attitude et les effets sont pourtant très différents.
- Ne pas vouloir lâcher est une chose, de la résistance, et vouloir rester accroché en est une autre, de la dépendance.
- On ne pense surtout pas à ce que l’on ne veut pas lâcher, mais on pense obsessionnellement à ce à quoi on veut rester accroché.
- Sans tenir violemment à voir ce que l’on voit, comment pourrait-on encore réagir pareillement ? Et l’on veut réagir !
Tant que l’on conserve intacte sa tendance à réagir, on se trouve ou s’attire de quoi le faire et l’observation de son existence en témoigne pour peu que l’on veuille bien le voir. Or, ces choses déplaisantes que l’on s’attire et les autres déjà présentes que l’on utilise servent seulement à justifier notre mécontentement, notre indignation, notre réaction. En fait, aucune circonstance n’a en elle-même le pouvoir de nous affecter, notre réaction dépendant seulement de ce que nous en pensons, de ce que nous y PROJETONS. On peut découvrir que l’être humain (que nous sommes) est, sinon très drôle, au moins très étonnant !
On n’est pas mal, on ne souffre pas, parce qu’il se passe ceci ou cela, mais on utilise ceci ou cela pour réagir comme on a toujours réagi et donc pour… souffrir ! Bien sûr, pour que « ça marche », il faut y croire, comme on dit ! Mais on y croit, « y a pas de problème ! » Pour faire une différence heureuse dans sa vie, pour bénéficier des invitations qui éveillent, d’aucuns déclarent éventuellement et avec innocence qu’il faut y croire (ce qui est complètement faux), parce qu’effectivement, pour être mal comme on peut l’être, il faut penser, se dire des choses et, pour le coup, vraiment y croire. Étant donné qu’il faut croire des choses pour être mal, on se dit qu’il faut en croire d’autres pour être bien.
Nous croyons d’abord que tel événement, telle circonstance est la cause de notre souffrance du moment alors que nous ne faisons que l’utiliser pour « justifier » des vieux ressentis déjà en nous. Et au lieu de les reconnaître enfin, on y réagit, on est juste dans la réaction. Faisant fi du douloureux ravivé, on accuse l’événement, la circonstance, la personne, le monde. On use du mode « accusation » sans savoir ce qu’il est, ce qu’il signifie (deuxième liste de visions explicatives) :
- Par habitude, tout le monde utilise le mode « accusation » comme s’il avait une fonction utile, bénéfique, alors qu’il est toujours néfaste.
- On accuse aussi bien une mouche, son ordi, son mal de dos, le temps… que son conjoint, son voisin, ses parents, la vie, Dieu…
- Avant qu’il puisse être abandonné, nous devrions reconnaître combien nous utilisons machinalement le mode « accusation ».
- Nous accusons le monde, l’extérieur, dans l’ignorance totale qu’en réalité, ce sont des aspects de nous-même que nous jugeons sévèrement.
Nous jugeons, nous accusons, nous condamnons même, ne faisant de la sorte que projeter ce à quoi nous résistons, en nous-même.
- Le mode « accusation », néfaste, est développé à partir de l’inversion de la cause et de l’effet (on prend l’effet pour une cause).
- Quand on se rend compte qu’une circonstance déplorée est un effet et non une cause, le désir d’accuser déchoit, pour un effet libérateur.
- Toute circonstance ordinairement déplorée est l’effet de son seul conditionnement, de ses peurs, croyances, interprétations…
- Parce que nous inversons la cause et l’effet, nous maintenons les choses en l’état, nous les empirons, nous ne pouvons pas guérir…
On CROIT être mal, contrarié, répétons-le, à CAUSE de ceci ou de cela alors que ceci ou cela n’est que l’EFFET de ce que l’on pense d’abord, de ce que l’on craint, de ce que l’on croit. Un cours en miracles nous enseigne que l’on n’est pas contrarié pour la raison à laquelle on pense, pour ce que l’on croit. Ce qui est dit là est d’une importance primordiale, susceptible de transformer toute son existence si on l’intègre. Il s’agit de le vérifier pour soi, d’en faire l’expérience et en aucun cas d’y croire.
Ce qui se passe dans l’état réactionnel accusateur, c’est que l’on « se débarrasse » d’une faille personnelle, d’une caractéristique de son propre conditionnement, de quelque chose de « soi » que l’on n’aime vraiment pas (et c’est peu dire). On s’en débarrasse ou, pour être plus précis, on croit s’en débarrasser en l’attribuant à l’autre, voire à une chose à laquelle on s’en prend. On lui attribue ce qui est à soi et cela s’appelle « la projection » (troisième liste de twits) :
- Quand nous sommes dans la réaction, nous ne faisons rien d’autre que PROJETER un vieux malaise intérieur sur une circonstance prétexte.
- Il y a une distance énorme entre la circonstance à laquelle on réagit et ce que l’on y projette psychiquement et qui provient du passé.
- Toute circonstance déplorée n’est toujours qu’un prétexte car quand elle est dépassée, on se rabat très vite sur une autre.
- Tout le monde fait de la PROJECTION et il n’est pas sûr que nous ayons forcément une vision claire de ce que PROJETER signifie et implique.
- DE même que M. Jourdain dit de la prose depuis toujours, nous faisons de la projection, et nous en rendre compte amorce une transformation.
- Projeter, c’est plaquer à l’extérieur ses vieux ressentis et jugements sans se rendre compte qu’ils appartiennent à une histoire passée.
- Investir les gens et les choses de bon ou de mauvais, c’est faire de la projection, donc croire que le bon ou le mauvais leur est dû.
- Faire de la projection (on le fait tant), c’est se centrer là où le problème ne se trouve pas, donc sans la moindre chance de le résoudre.
- Dans la réaction et la projection, notre unique attente est de montrer que nous avons raison et que le monde (l’autre) est « abominable ».
- On projette pour se défendre, se déculpabiliser, se fabriquer une innocence, se montrer comme la « bonne personne », la « sainte personne ».
- L’hôpital qui se moque de la charité, un misérable qui se moque de la misère d’autrui, c’est ce que nous faisons quand nous jugeons autrui !
- « C’est celui qui dit qui est ! », « Toi-même ! »… Avec la parabole de la paille et de la poutre, le sens commun connaît bien la projection.
- Puisqu’on projette aussi sur des objets ce que l’on projette sur autrui, on devrait admettre mieux que les autres ne sont en rien concernés.
- On peut observer qu’il nous arrive ce que l’on craint inconsciemment et c’est une autre forme de projection.
- Nous pouvons accuser autrui d’une chose qui ne nous concerne en rien, mais c’est alors son intention imaginée qui nous dérange (la nôtre).
- Une circonstance peut bien être atroce, elle n’a jamais rien à voir avec ce que l’on y projette, chacun y projetant des choses différentes.
- Confondre l’absence de la réaction, de la projection avec la permissivité, c’est fondamentalement rester dans la réaction, y tenir.
- On peut éprouver comme affreuse aussi bien une chose qu’une personne, que n’y aurait-il pas de si affreux en soi (selon son seul jugement) ?
- Projeter, c’est trouver, avoir trouvé un coupable, ce qui est toujours faux, abusif, car c’est interpréter le présent à partir du passé.
- Non seulement on méconnaît d’ordinaire son sentiment de culpabilité, mais on ignore également que l’on passe son temps à le projeter.
- N’avez-vous jamais imaginé, n’imaginez-vous pas souvent des circonstances pires que ce qu’elles n’ont jamais été ? C’est de la projection !
- On ne va pas d’emblée relâcher la projection, d’autant moins que l’on tient absolument à ce que les choses soient telles qu’on les voit.
- Outre le reproche prononcé, « VOULOIR que l’autre ou la chose soit coupable, fautive », est une autre façon de définir la projection.
Du fait de la projection ignorée et pratiquée à longueur de journée, à longueur d’existence, on perçoit le monde comme il n’est pas ; on juge les autres comme ils ne sont pas. Or, on ne les affuble pas par hasard de tels défauts et/ou de telles qualités. C’est soi-même que l’on voit à travers eux, plus exactement sa propre image de soi dans ses aspects auxquels on résiste, que l’on ne veut surtout pas voir ou admettre :
- Toute abomination que l’on peut circonscrire est de la jouissance pour l’ego qui se console alors du sentiment de culpabilité.
- Ne pas projeter n’est pas nier la folie extérieure, mais, sans jugement, c’est surtout voir enfin la paix et l’amour.
- Sans la projection, on aurait à accueillir enfin les ressentis douloureux et l’on connaîtrait enfin l’appréciation vraie, l’épanouissement.
- Là où il n’y a plus la PROJECTION de son passé souffrant, il y a l’EXTENSION de l’état de présence, de l’harmonie, de la paix et de l’amour.
- Évoquons de vraies bonnes personnes, voyons la bonté qu’elles propagent et disposons-nous tranquillement à renoncer à la projection.
- Quand nous aurons reconnu à quel point nous sommes dans la réaction, nous aurons forcément plus de compassion envers les attitudes d’autrui.
- Voir quand ou combien on est dans la réaction ouvre la porte de l’éveil à la vérité et au véritable épanouissement.
En cette période-ci, à raison d’une petite dizaine par jour, je publie exclusivement sur twitter et Facebook (liens sur le site) des énoncés sur ce thème de la projection (il y en aura environ deux cents). Pour l’heure, précisons un dernier point qui peut être utile en cas de réactivation émotionnelle et donc de projection.
Bien sûr, la projection est l’expression détournée du sentiment de culpabilité, mais nous n’avons pas que le choix entre réagir comme nous réagissons et identifier directement son sentiment irrationnel de culpabilité. Pour le moins, si nous réagissons, c’est que nous sommes « mal », que nous nous sentons mal, et pourquoi ne pas essayer d’être juste avec ce ressenti-là. Oui, si nous sommes dans la réaction, c’est que quelque chose ne va pas et c’est là, ici et maintenant, non pas dans le passé…
- Avant de pouvoir ressentir notre culpabilité, en cas de réactivation émotionnelle, reconnaissons simplement que nous sommes mal.
- Dans la projection, on ne reconnaît pas sciemment que l’on est mal (peiné, chagriné, attristé, honteux, apeuré, bilieux, malheureux…).
- Si l’on ne reconnaît pas que l’on est mal quand on est mal, on reste dans la projection et l’on ne pourra pas se libérer de sa culpabilité.
- Accordons-nous d’être mal, d’être affecté, d’être malheureux, indépendamment de toute réaction, et ce sera se traiter mieux… enfin !
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