Nous aussi avons des réactions négatives !
Pour la chronique du mois dernier, je nous invitais à considérer – à tenter de considérer – nos propres attitudes éventuellement démesurées. C’est sans doute là une des choses auxquelles nous résistons le plus, et c’est bien compréhensible ! Il y a déjà en nous tant de culpabilité enfouie qui celle-là n’est fondée sur rien d’autre que des croyances erronées ou des décisions malencontreuses (notamment suscitées par une morale astreignante) que nous n’avons pas un accès facile à nos positionnements parfois « outrageants ». Alors, réfléchissons un peu :
Par exemple, il peut nous arriver de nous indigner (d’une façon ou d’une autre) devant ce qu’une personne est capable de faire endurer à quelqu’un de notre entourage et, le cas échéant, nous jugeons cette personne, nous lui en voulons, voire la rejetons… Mais face à ce même exemple, avec le temps, il peut nous arriver encore de découvrir que la « victime » amie se comporte elle-même à l’occasion de la façon dont nous l’avions vue être traitée (par l’autre).
Cela ne constitue pas pour autant une justification en faveur du « malfaisant », ni n’est davantage destinée à « condamner une victime ». C’est tout au plus une compréhension ou cela libère parfois l’étonnement. À ce stade, il s’agit seulement de vérifier si oui ou non nous avons déjà observé pareilles circonstances.
IL y a que les observations offrent la possibilité des découvertes, des compréhensions, de la conscientisation. D’abord, nous pouvons voir ici notre tendance à nous positionner face à un « mauvais traitement » subi dans notre entourage comme si les deux partis étaient sans rapport, comme s’ils n’étaient pas intriqués dans une seule et même histoire contenant des apports provenant des deux antagonistes – certes, ces apports peuvent eux être différents. Selon un point de vue hâtif, il y aurait le « malheureux » ou le « bon » d’un côté et de l’autre le « mauvais »…
Ensuite, quand nous avons vu que la personne non respectée (par exemple) peut elle-même être concernée par le manque de respect, comprenant mieux qu’elle puisse s’attirer les choses déplorées, pourrons-nous longtemps encore ignorer que cela doit de même s’appliquer à nous, à ces choses si pénibles auxquelles nous sommes confrontés encore et encore ? S’il fallait en accepter l’idée pour nous culpabiliser, nous sentir mal, mieux vaudrait y renoncer sur-le-champ ! Mais si nous aimons voir et sommes intéressés à transformer les choses à notre avantage, l’idée est excellente… C’est « le regard qui transforme ».
En d’autres termes, tout ce que j’éprouve, tout ce qui m’affecte, incluant ceux-là qui me « gonflent » ou pire encore, parle seulement d’une histoire contenant des ingrédients qui ne concernent que moi. Il s’agit beaucoup moins de chercher trop hâtivement ce qu’ils sont que de simplement savoir qu’il en est ainsi car c’est, ordinairement, ce que nous ne savons pas et ce que nous pourrions même repousser. Ne pas saVOIR, ne pas voir explique la pérennité du mal de vivre.
Et il y a bien des façons d’être nous aussi « blessants », à un degré ou à un autre, sans penser au pire (le pire commis est du reste peut-être plus difficile à se cacher). Comment témoignons-nous de notre amitié, de notre affection, à nos proches notamment de qui nous attendons beaucoup ? Témoignons-nous aussi de notre reconnaissance pour ce que nous recevons, pour ce qui est fait pour nous, pour la place qui nous est accordée… ? L’absence de reconnaissance, d’amour, de respect ne blesse-t-elle pas l’enfant qui la subit ? (Pourrions-nous en douter ?) Et nous avons certainement été cet enfant-là ! (Pour répondre à la question, attention à ne pas nous appuyer sur notre générosité ou autre heureuse disposition quand celle-ci est seulement basée sur des attentes que nous avons ou sur notre culpabilité – se croire en dette ferait faire n’importe quoi.)
Eh oui, nous pouvons à notre manière traiter autrui comme nous nous sommes sentis traités enfants. C’est encore la façon dont nous avons peur d’être traités. Mais il y a plus intéressant, il y a « pire » (considérons le sentiment de rejet en tant qu’exemple et en sachant qu’on peut le remplacer par tout autre, fonction de son histoire personnelle, comme se sentir abandonné, délaissé, négligé, ignoré, rabaissé, abusé, maltraité…) :
Aujourd’hui, si nous nous sentons rejetés, parce que nous nous sommes sentis rejetés enfants (voire l’avons été – même si nous avons oublié l’un et/ou l’autre), nous pouvons certes découvrir quand ou comment nous rejetons nous-mêmes autrui, mais nous aurons fait la plus belle des avancées quand nous verrons quand ou comment nous nous rejetons nous-mêmes.
Pour un temps, laissez de côté la manière négative dont vous éprouvez que les autres ou la vie vous traite et soyez conscient de comment il vous plairait d’être traité, considéré… Nommez cela.
Alors, est-ce ainsi que vous vous traitez ? Voyez qu’il n’en est rien, vraisemblablement ! Voyez-le, c’est tout !
Nous attendons des autres ce que nous nous refusons à nous-mêmes. Nous voulons obtenir d’autrui le « pardon » que nous nous refusons. Et ce que nous voulons des autres est effet du manque éprouvé enfant que nous continuons d’ignorer (pour avoir dû le refouler) ou de nier.
IL ne s’agit pas – surtout pas – de faire « toute une histoire » de nos possibles côtés blessants, d’y resté arrêté. Cela n’est qu’un des moyens pour reconnaître enfin NOTRE propre blessure. Oui, d’une manière ou d’une autre, nous avons été conditionnés (donc blessés) et toutes les circonstances que nous pouvons déplorer dans notre existence n’en sont que les effets. Les conflits relationnels, les maladies, les handicaps, les manques, les échecs, les déceptions en sont quelques exemples auxquels on peut donc encore ajouter la mauvaise humeur, la suspicion, les reproches, les exactions, etc.
Et nous résistons à ces effets, nous n’en voulons pas, nous voulons nous en débarrasser au plus vite. Nous ne voyons pas que cela les fait, non seulement durer, mais encore se multiplier. Les effets à la fois sont logiques et constituent une sorte de signal d’alarme. Nous avons besoin de ressentir enfin ce qui demeure, ce qui encombre en nous, pour nous en libérer, pour retrouver une plus grande disponibilité, pour avoir accès à nos véritables aspirations et pour nous épanouir dans l’accomplissement de ce que, tous, nous avons à réaliser.
Et, lectrice de la chronique, Isabelle me confie (alors que j’écris ces lignes) trouver bien long le chemin qui mène à l’épanouissement ou à la paix d’esprit. C’est encore le blessé en nous qui tient pareils propos. Il est notre résistance qui, si compréhensible qu’elle soit, a seulement besoin d’être reconnue comme telle pour être libérée, pour précisément raccourcir ce chemin que nous sommes seul à faire traîner en longueur. Et notre expérience pourrait parfois être immédiatement plus heureuse si nous pouvions nous accorder aussi de voir le chemin déjà parcouru…
Mais pour l’heure, une éventuelle préoccupation est là, parfois bien concrète et bien prenante, et pour tenter de ne pas y rester engluer, tâchons de commencer à y mettre un peu de lumière. OK, il y a le problème, mais « qu’est-ce que c’est pour moi, qu’est-ce que je vis, revis avec ça » ? Voici quelques questions (pour conclure) dont la réponse à l’une ou l’autre peut libérer un peu de charge émotionnelle :
– Suis-je dans une forme de réaction (lamentation, révolte, soumission…) ?
– Est-ce que je suis en colère ?
– Est-ce que je suis complètement découragé, désespéré ?
– À qui ou à quoi est-ce que je me soumets ?
– Serais-je avec des exigences sans nombre ?
– Ai-je tendance à me trouver toujours un os à ronger ?
– Est-ce que je m’ennuie sans savoir ce que je veux ?
– Y a-t-il quelque chose que je ne dis pas à quelqu’un ?
– Y a-t-il quelque chose que je ne demande pas à quelqu’un ?
– Y a-t-il quelque chose que je ne m’avoue pas ?
– Alors que je parle beaucoup, y a-t-il une véritable douleur que je n’ai jamais confiée à personne ?
– Ai-je peur d’être traité d’une certaine manière (méprisé, oublié, trahi, dévalorisé…) ?
– Est-ce que j’en veux à quelqu’un ?
– Est-ce que j’ai envie de me venger ?
– Est-ce que je m’en veux ?
– Est-ce que je me sens coupable ?
– Est-ce que j’ai honte ?
– Est-ce que je crois des choses qui ne sont pas bénéfiques pour moi ?
– Ai-je oublié les moments de grâce ou de joie que j’ai pourtant vécus ?
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