Le ressenti (définitions)
Ce mois-ci, je propose « de faire un peu de vocabulaire », ce notamment pour répondre à une des questions que nous adresse Isabelle C., fidèle lectrice qui veut voir plus loin et participe activement ! Sa question : « Quelles différences existe-t-il entre le ressenti, le sentiment, la sensation et même l’émotion ? » Et « l’impression » manque à la liste, nous allons le voir.
Il suffirait de se reporter aux dictionnaires pour étudier les diverses nuances et acceptions de ces termes (incluant leur synonymie que nous allons ignorer ici par souci de clarté), mais je vais m’arrêter à leur signification distinctive, concernée quand je les emploie. Il est en effet utile de définir les mots dont nous nous servons pour communiquer et essentiel de bien se comprendre.
C’est judicieux d’avoir nommé en premier le ressenti (appelé également senti) car il est l’aptitude à reconnaître ces diverses choses que sont les sensations, émotions, sentiments et impressions. Comme nous allons le voir, ces mots ne sont pas synonymes. En revanche, comme synonymes du mot « ressentir », on peut indiquer percevoir, voir, mais aussi éprouver, souffrir, dépendamment de ce qui est ressenti.
Comme voir, entendre, sentir (ici par le toucher)…, ressentir, c’est capter une information, la recevoir ; c’est percevoir. Donc, ne confondons pas l’aptitude à ressentir, le ressenti, avec ce qui est ressenti. Voir est une chose, ce qui est vu en est une autre (une image) ; entendre est une chose, ce qui est entendu en est une autre (un son) ; ressentir est une chose, ce qui est ressenti en est une autre (une sensation, par exemple)…
Je parle de sensations quand ce qui est ressenti concerne le corps physique. Le froid, le chaud, le plaisir et la douleur sont des sensations. Une migraine, une douleur dorsale, l’effet d’un vêtement trop serré, l’appréciation d’un mets succulent, une caresse sensuelle, tout cela parle de sensations. La sensation provoquée par le fait d’approcher une source de chaleur est une information précieuse, n’est-ce pas ? Sans cette information, nos mains seraient dans un piteux état !
Mais cette fonction d’information de la sensation demeure réelle dans tous les cas. Prenons l’exemple d’une douleur soudaine (au poignet, au genou ou ailleurs). Au-delà des remèdes que nous pouvons employer et qui ne font pas l’objet de ces lignes, nous pourrions souvent découvrir, juste avant que la douleur ne surgisse, des pensées auto-accusatrices, culpabilisantes. Cela n’est qu’un exemple, une illustration, où l’on pourrait bien recevoir l’information que l’on s’accuse à tort, que nous sommes habités par des croyances, des peurs, voire des décisions qui nous nuisent.
C’est dangereux de mettre sa main dans l’eau bouillante, ça l’est aussi de s’accuser à tort de quoi que ce soit. La sensation douloureuse constitue donc une sorte de signal. N’en tenir aucun compte revient à ignorer le voyant dans sa voiture qui indique un manque d’huile ou autre. Que se passerait-il, autre exemple, si vous continuiez à marcher pendant des kilomètres alors qu’une sensation bien spécifique vous indique la présence d’un petit caillou dans votre chaussure ? Nous pourrions avoir à notre disposition une foule d’informations dont nous ne faisons rien (cela pouvant expliquer pourquoi des signaux frappent de plus en plus fort).
En maintes circonstances, les sensations douloureuses sont donc précédées de pensées négatives reliées aux peurs, hontes et culpabilités. Et vous pouvez observez également que cette activité mentale produit encore un autre ressenti, c’est l’émotion. Elle peut se manifester sans que le corps de chair ne soit atteint directement même si, assez souvent, il est possible d’en percevoir une sensation plus subtile dans le corps énergétique. Si vous éprouvez la jalousie, par exemple, vous observerez sans peine cette fois tout ce que vous vous êtes raconté (à tort ou à raison – laissons cela pour le moment).
Pour vous sentir mal, alors que vous assistez à la réussite d’un proche, que ne vous faut-il pas penser ? « Ce n’est pas à moi que cela arriverait ! Je ne réussirai jamais rien dans la vie. Personne ne voudra jamais m’aider… ».
Vous êtes touché par une musique, une chanson ; vous l’aimez beaucoup, mais voici que la nostalgie ou un chagrin profond vous envahit. À quoi avez-vous pensé, repensé ?
Surgissant de l’activité mentale (telle que nous la définissons ici), l’émotion est donc reliée au passé. Même si elle implique la peur de l’avenir, cette peur s’appuie sur ce qui a déjà eu lieu, sur ce qui a été éprouvé. En quelque sorte, sans dissipation des traces laissées par le vécu traumatisant en cause, on a peur de revivre ce que l’on a enduré et c’est généralement inconscient pour l’essentiel. Mais notre capacité de refoulement est si grande que nous avons aussi réprimé des émotions et c’est pourquoi, en dernier ressort, notre corps nous « parle », c’est pourquoi l’émotion se mue en sensation quand elle n’a pas été entendue, perçue en conscience.
Et vous pourriez me dire ici : « Mais je peux écouter de la musique en ne ressentant que de la paix. Je peux assister aux réussites d’autrui en me sentant simplement content. Je peux être inondé de gratitude, parce qu’on me fait un compliment »…
Eh bien, mettons-nous d’accord pour nommer ces ressentis-là des sentiments. À l’inverse des émotions qui engagent le passé, observez que les sentiments impliquent exclusivement le présent. D’ailleurs, on ne peut sentir qu’au présent et quand le « senti ment », c’est seulement qu’il est devenu émotion.
Vous est-il déjà arrivé d’avoir le sentiment d’un risque, d’un danger ? Vous avez pu en tenir compte et faire ce qu’il convenait ou sombrer dans la peur ? Dans la peur (l’émotion), il est probable que vous ayez été moins efficace.
Et je ne suggère pas de rejeter l’émotion au bénéfice du sentiment (ce serait insensé), mais ces définitions peuvent nous permettre de nommer mieux notre ressenti ou de commencer à lui accorder plus d’importance. On passe l’essentiel de notre temps à « penser les choses », à juger, déduire, critiquer, se critiquer, et l’on a du mal à simplement dire ce que l’on ressent.
Même si l’on n’a besoin de personne pour éprouver des émotions, celles-ci s’inscrivent généralement dans une circonstance perturbatrice telle que les contrariétés en tous genres ou les conflits relationnels. Et là, on vient de nommer deux temps (la circonstance problématique, d’une part, et toute la réaction émotionnelle, d’autre part) d’un phénomène qui en compte trois en réalité.
En couple ou avec des amis, vous êtes témoin d’une situation (qui est ce qu’elle est) qui va affecter, perturber (émotionnellement) l’un d’entre vous. Sur quoi repose le basculement de la situation en cause dans la réaction émotionnelle ? Entre les deux, servant donc d’intermédiaire, une information a bien dû être captée. Ici, nommons cela une impression !
Et pourquoi les autres ne réagissent pas (sinon pas de la même façon) ? Le cas échéant, ils peuvent partager la même impression, sans tomber eux dans la réaction, simplement parce qu’ils n’ont eux aucune histoire associée à ce qui est vécu dans l’instant. L’impression est fugitive, souvent subtile, et, le plus souvent, nous ne la conscientisons pas. En tous cas, nous ne nous y arrêtons pas. D’une part, comme « handicapés » du ressenti, nous ne sommes pas entraînés à identifier nos impressions et intuitions, et, d’autre part, quand l’impression peut se faire l’écho d’une vieille blessure (d’un conflit non résolu), nous plongeons rapidement dans des considérations strictement mentales et donc dans la réaction émotionnelle (accompagnée d’une attitude réactionnelle).
En fait, l’impression est une information neutre et très précieuse. Et nous l’utilisons en réalité constamment, de façon heureuse, utile, ou malencontreuse, en conscience ou machinalement, pour nous soutenir ou nous perturber, pour des « grandes » ou des « petites » choses. Un matin, vous sortez de chez vous avec un parapluie, alors qu’il ne pleut pas, juste parce que vous avez eu l’impression qu’il allait pleuvoir. Si cette impression vous fait là accomplir un geste somme toute banal, observez encore qu’elle peut vous dynamiser, si vous aimez la pluie, ou vous effondrer, si elle vous rappelle grisaille et tristesse.
« Vous avez RESSENTI qu’il allait pleuvoir (IMPRESSION), vous en avez été égayé (SENTIMENT) ou déprimé (ÉMOTION), peut-être à en être malade physiquement (SENSATIONS) ».
Ce schéma psychique est constamment actif et si nous le « subissons » ordinairement, non seulement le connaître, le repérer favorisera la clarification, mais nous pourrons l’employer encore pour nous permettre de vivre ce à quoi nous aspirons.
Retrouvez ce à quoi vous aspirer profondément, quoi que ce soit (aide, abondance, plaisir, amour…). Ensuite, permettez-vous d’avoir l’impression que c’est là. Sinon des croyances contraires, qu’est-ce qui pourrait vous empêcher de tenter l’expérience ? Et comment allez-vous savoir que vous avez bien cette impression ? Par le sentiment qui va l’accompagner !… Et si l’expérience est surtout émotionnelle, observez simplement les pensées qui vous ont traversé : des croyances contraires. Sachez qu’elles ne se révèlent que pour vous permettre de savoir ce qui vous fait obstacle…
Remarquez que les sensations sont bien « lourdes », davantage que les émotions, que les sentiments sont plus légers, mais moins que les impressions. C’est dire que s’intéresser à ses diverses impressions permet d’apporter dans sa vie plus de légèreté. Elles vous informent de ce qui est à relâcher et vous permettent finalement d’apprécier le bon, le beau, le bien…
Commentaire
Le ressenti (définitions) — Aucun commentaire
HTML tags allowed in your comment: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>