L’amour, le contentement et le plaisir
Les points de vue que je propose, notamment dans ces chroniques mensuelles, ont pour seul objectif d’ouvrir des pistes à ce qui contribue à la dissipation du mal de vivre plus ou moins éprouvant, vers ce qui nous aide au minimum à vivre de façon de plus en plus harmonieuse. Il ne s’agit en effet que de points de vue, non exclusifs d’autres, et il en est qui nous interpellent à l’occasion, nous aident effectivement, quand d’autres fois, ce sera une autre compréhension qui sera nécessaire. Nous ne sommes pas des machines prédéterminées à fonctionner avec un carburant toujours le même ! Ultimement, il s’agit de cesser de nous prendre pour qui nous ne sommes pas (ce que nous faisons tous et qui est le seul problème fondamental).
Comme c’est le cas de temps en temps, cette chronique fait suite à celle du mois dernier (n° 19) qu’il pourrait être avantageux de relire (sinon de lire). J’y parlais des conflits relationnels et, en quelque sorte, du manque d’amour qu’ils recèlent, révèlent. Nous détenons là un point clé pour faire une différence appréciable dans notre propre vie. Êtes-vous d’accord pour considérer que nous voulons tous être heureux ? Nous aspirons à ceci, à cela, quoi que ce soit (aspirations profondes et nourrissantes ou désirs compensateurs…), mais pour quel autre but que celui d’un bonheur plus grand ?
À ce propos, à un certain degré, nous entretenons la croyance que le bonheur dépend de quelque chose à venir (donc d’un « extérieur futur) : je serai heureux quand je serai en couple, quand j’aurai ma maison, un bon boulot, une nouvelle voiture, des enfants, la retraite… On fait bien d’autres choix encore, mais on peut observer surtout qu’on les fait se succéder inlassablement, qu’un certain bonheur n’est pas souvent au rendez-vous de façon durable. Et plutôt que de reconnaître cela, de s’y arrêter un peu, on se contente de nourrir une autre attente, de s’y précipiter. Mais tout cela a lieu, inconsciemment, parce que nous résistons à confronter un malaise tenace.
Pourtant, on pourrait observer que c’est quand on est heureux, d’abord, que tout va mieux, que des belles choses se produisent, que l’abondance se manifeste. Autrement dit, le plaisir devient accessible quand on est heureux. Il est essentiel de saisir cela, de repérer l’enchaînement réel dans lequel se déroulent les choses (le bonheur attire le plaisir), alors qu’on fonctionne généralement à l’envers, voulant du plaisir (à travers des choses) pour être heureux. (À chacun(e) de vérifier pour soi-même ce point de vue !)
Comme on croit souvent au hasard, en l’injustice ou la malchance, on peut aussi croire en la chance. Vivant quelque chose de bon ou de merveilleux, on considérera peut-être avoir eu de la chance. Or, la chance n’est toujours rien d’autre qu’un effet du bonheur (et de l’amour ressenti). C’est si vrai que certaines langues font peu la différence entre « chance » et « bonheur », ayant un même mot pour définir ces deux concepts (« luck » en anglais et « Glück » en allemand, par exemple).
Nos expériences chanceuses = heureuses reflètent le bonheur = l’amour préalablement vécu. Là où un manque de chance est éprouvé, un manque d’amour est concerné. Nous pouvons considérer cela, soit en continuant de le nier ou de l’ignorer, soit en s’en sentant mal à l’aise, donc en se culpabilisant, ou sans culpabilité, donc avec « amour ».
Laissez-moi vous présenter la triade « amour contentement plaisir ». Ramenée au niveau de l’expérience, à ce qui est expérimenté, c’est la version de la triade bien connu celle-là « être faire avoir ». En tant qu’ÊTRE, une fois libéré de la culpabilité, nous aimons, naturellement. Et « l’amour donne des ailes », on s’envole, on agit, on est content, c’est le FAIRE. Cela n’est pas sans effet : on a un résultat, récolte des fruits ; on reçoit (AVOIR), et cela nous fait plaisir ! Mais la chance = hasard n’a rien à y voir.
Cette triade « amour contentement plaisir » pourrait être une définition du bonheur. Rappelez-vous des instants où vous étiez heureux. Dans ces moments-là, pouviez-vous être plein de rancœur, de rancune, de haine ? Certainement que non ou alors il y aurait confusion entre « bonheur » et une sorte de « jouissance égotiste, arrogante, voire vengeresse ». Quand nous sommes véritablement heureux, nous aimons, nous exerçons notre aptitude à aimer.
J’ai rencontré des gens, généralement des enfants, (soudainement) heureux, comme pouvant sauter au cou du premier venu ! Quand on est heureux, on aime. Et si l’on sait cela, si l’on voit cela, se le rappelle, on se trouve à la porte de la solution à moult problèmes. Et, en soi-même, cela constitue une difficulté car c’est trop facile, c’est gratuit, toujours disponible, et cela ne dépend que de soi.
Alors, donnons-nous le temps et quand nous ne sommes pas bien, acceptons de considérer qu’en ces instants, nous avons oublié d’aimer. Et que n’aimons-nous pas alors ou que n’avons-nous pas aimé juste avant d’être mal ?
Quand nous souffrons vraiment, c’est que nous nous sommes quittés, l’être que nous demeurons est comme submergé. « Lui redonner la place », revenir, nous permettre de revenir, c’est aimer, voire ici aimer celui-là qui souffre, notre ego, le blessé, celui qui réagit, celui à qui nous sommes inconsciemment identifiés (ce pour quoi nous nous prenons erronément).
Et celui-là qui a mal, on peut aussi l’appeler « l’enfant blessé en nous ». Il s’est jadis senti abandonné, rejeté, dévalorisé, trahi ou/et maltraité. Ordinairement, sans s’en apercevoir, on le traite de même : fondamentalement, s’il est vrai que l’on a peur aujourd’hui encore d’être traité comme on s’est senti traité enfant, il y a surtout qu’on se traite soi-même à l’avenant. Faut-il beaucoup d’imagination pour saisir la différence dans la vie d’un être qui serait enfin aimé après avoir été « maltraité » ? La considération qu’on n’aime pas n’est en rien une accusation, c’est une invitation à aimer.
Puisque vous avez accès à ces mots, puisque vous êtes suffisamment disponible pour leur accorder un peu d’attention, vous êtes à même tout autant de vous inviter à aimer, donc prêt à être heureux, déjà. D’autres fois, nous sommes si violemment remués, embourbés dans un mal-être submergeant, qu’aucun rappel de sagesse n’a d’effet sur nous. Mais l’amour que nous autorisons en période d’accalmie compromet de plus en plus le retour de la noirceur. Donc, ne perdons aucune occasion d’aimer.
Cela étant dit, il n’y a pas à forcer. Il peut en effet arriver, par suite de fortes réactivations émotionnelles, que nous soyons complètement indisponibles pour aimer. Dans ce cas, il suffit amplement de le voir, de le reconnaître, de l’observer attentivement. C’est ne plus ignorer, ne plus nier la chose (le fait d’être sans amour) et j’ai l’expérience qu’une chose qui n’est plus niée ne dure jamais longtemps quand elle relaie une douleur.
Voyons si nous pouvons éliminer un autre obstacle à la reconnaissance de son « non-amour » : il est bien nôtre en maintes circonstances, quand la colère nous envahit, quand nous cultivons de la rancune, quand nous « piétinons » d’impatience… Dans ces instants-là, pourrait-on se faire croire qu’on aime encore ?
Et cette « prise de conscience » suggérée n’implique aucunement que nous n’aimons jamais ! Rappelez-vous des moments où vous avez aimé (un parent, un ami, un enseignant, un partenaire, un enfant, en recevant de l’aide de quiconque ou autrement, mais encore un animal, une activité, un jouet, un endroit, une période…). Ou rappelez-vous des moments où vous étiez heureux et vérifiez si, avec ce qui vous mettait en joie, vous n’aviez pas tendance à aimer plus facilement, à aimer tout simplement.
Fondamentalement, nous sommes des êtres aimants, telle est notre véritable nature. Mais profondément encore, inconsciemment et à tort, inconsciemment et à tort, INCONSCIEMMENT ET À TORT », ET À TORT, nous nous croyons non aimants. Nous ferons mille choses pour le démentir, et mille autres pour nous le prouver !
En nous rappelant que nous sommes fondamentalement aimants, nous devrions plus facilement nous « offrir » d’observer quand nous n’aimons pas, quand nous n’aimons plus. Observer qu’on n’aime pas n’est pas se condamner, mais s’aimer.
L’obstacle à défaire serait donc la difficulté à s’avouer la réalité de son non-amour, croyant notamment que ce serait un étiquetage exclusif et définitif. Il n’en est rien toutefois et, en revanche, le non-amour, qui a lui ses propres causes, demeure à la base de nos malaises, conflits, problèmes en tous genres (ils en sont les effets). Et si cela demeure douteux ou difficile à comprendre, admettez au moins qu’aimer est moins dangereux que haïr, que voir est plus fécond que se voiler la face – « parole d’aveugle »)
Mais que veut dire « aimer » quand l’angoisse nous envahit, quand la souffrance nous submerge, quand même le moindre espoir nous a quitté ? (Dans mon livre « Le regard d’un non-voyant », je définis l’angoisse comme étant « la non-conscience du rejet de soi-même » = « non-amour »). Observez les points énumérés ci-après pourrait donner un début de réponse – ne pas chercher à tout prix à répondre à toutes les questions, se les poser sincèrement constitue une première réponse :
Face à cette situation, qu’est-ce que je ressens ? Comment est-ce que je me sens traité(e) et qu’est-ce que cela me fait (ressentir) de me sentir traité(e) de la sorte ?
En quelles autres circonstances ai-je déjà ressenti pareilles choses ? Notamment me concernant, que me suis-je dit, qu’en ai-je déduit ? N’y a-t-il pas en moi des accusations et auto-accusations ? (Elles ne sont pas de l’amour).
Maintenant, à quel degré puis-je accepter de rencontrer tout cela en conscience ? Puis-je observer que je ne l’accepte toujours pas, mais apprécier de l’observer ? Accepter de ne pas accepter, c’est accepter. Aimer voir combien l’on n’aime pas, c’est aimer…
La réalité est, quand simplement ça ne va pas, que quelque chose nous échappe. C’est quelque chose que nous ne voyons pas, que nous n’identifions pas, que nous ne ressentons pas. Et nous en éprouvons les effets, parfois « insupportables ».
Permettons-nous de réaliser et de nous rappeler que nous faisons, que nous avons toujours fait de notre mieux. Ce simple rappel, authentique, est l’assurance de faire toujours mieux.
Commentaire
L’amour, le contentement et le plaisir — Aucun commentaire
HTML tags allowed in your comment: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>