Une façon de regarder nos problèmes
En général, même si notre degré de conscience est (éventuellement) plutôt bas, nous devrions pouvoir reconnaître, sans peine, que nous avons aujourd’hui encore quelque(s) problème(s) dans notre existence qui nous limite ou nous perturbe peu ou prou. Et pour faire simple, pour délimiter grossièrement ce(s) problème(s), disons qu’il y a, soit quelque chose que nous sommes, avons ou vivons, et que nous ne voudrions pas être, avoir ou vivre, soit quelque chose que nous ne sommes pas, n’avons pas ou ne vivons pas, et que nous aimerions être, avoir ou vivre.
Et face au problème connu, déploré, diverses considérations générales peuvent être communément soutenues, de la plus naïve ou terre à terre à la plus sensée ou spirituelle (assénées à autrui ou à soi-même) : « La vie est dure, injuste, quel lourd fardeau ! », « Tu t’écoutes trop ! », « Tu ne prends pas ta responsabilité ! », « C’est ton (son) karma », « La personne n’a pas réglé les conflits de son enfance, de sa famille, de sa généalogie », « Tu es trop identifié à tes histoires, à ce qui t’arrive », « Tu as oublié qui tu es (ta véritable nature) »…
Selon le point de vue à partir duquel on regarde les choses, quand bien même certains points de vue suscitent plus de souffrance que d’autres, ces diverses considérations (la liste pouvant être enrichie) offrent chacune des intérêts différents ou se défendent. Mais peut-être pourrions-nous convenir qu’aucune ne nous est d’une grande aide directe ou durable quand nous sommes pris par notre problème, surtout s’il dure depuis tellement longtemps !
Au-delà d’un travail de fond que l’on peut avantageusement faire à partir de tout problème (ce que nous faisons en consultation), il peut être de même utile et positivement transformateur de s’intéresser à une réalité que peut révéler le problème (par « problème », j’entends simplement une situation qui nous affecte). C’est ce que je propose ici, dans cette chronique, histoire d’exercer le « regard qui transforme ».
Une question préalable à se poser à soi-même, sincèrement, véritablement, serait : « Est-ce que je suis disposé, réellement, profondément, à tenter de faire quelque chose d’heureux, d’utile pour moi ? » Dans l’affirmative, cela impliquerait au moins que nous acceptions de nous consacrer un peu de temps. Eh oui, beaucoup se trouvent bien des raisons pour ne pas s’occuper d’eux…
ÉTAPE 1-. Choisissez un problème, un seul à la fois, et, pour l’exercice, contemplez-le tranquillement, reconnaissez-le comme tel (comme un problème), mais sans y réagir. Ne pas réagir au problème ne signifie pas le nier. « OK, j’ai tel problème, je le reconnais, je le « pose » là sur la table pour le considérer un peu autrement ! »
Pour mieux percevoir encore ce qui est demandé à cette étape, vous pourriez faire une liste de vos problèmes : je n’arrive pas à trouver ou à changer de boulot ; je ne parviens pas à me faire entendre, à être reconnu (aussi par quelque promotion) ; je manque d’argent, de temps, de moyens… ; j’ai mal au dos, aux articulations, je suis toujours fatigué… ; l’Autre me trompe, ne veut jamais faire l’amour, veut sans cesse faire l’amour… ; je rate ce que j’entreprends ; je suis débordé de travail, de demandes… ; je n’ai plus envie de ceci, de cela… ; l’Autre ne me comprend pas ; je suis tout seul dans la vie ; faut que je fasse le ménage, tous les jours à manger, ma déclaration, que je range des papiers ; etc., etc.
Là, vous ne devriez pas être occupé à réagir à l’un ou l’autre de vos problèmes si vous êtes d’accord pour juste en établir une liste. En faisant défiler vos problèmes, en les transcrivant, ne soyez pas étonné si certains vous semblent moins graves que ce que vous auriez cru a priori ! Et une fois faite cette liste qui n’a pas besoin d’être exhaustive, arrêtez-vous à un seul des problèmes avec la même qualité d’attention que celle qui vous a permis de rédiger la liste (dans ces instants où vous passiez tranquillement d’une idée à l’autre).
ÉTAPE 2-. Vous avez maintenant choisi un problème. Quels qu’ils soient, je n’en connais pas qui ne puissent pas révéler une accusation (ordinairement contre autrui) ; nous voulons maintenant l’identifier. Il ne s’agit pas de nous inciter à accuser d’une manière générale : « C’est pas bien d’accuser ! », sauf que ce point de vue moral ne nous empêche pas de le faire, de toute façon, et pourrait ici nous priver de réaliser un objectif des plus utiles.
Alors, face au problème choisi, dans cette situation problématique, comment vous sentez-vous traité ? Nous laissons complètement de côté le fait de savoir si c’est vrai ou non. Que cela soit vrai ou non ne change rien à notre réalité. Nous interrogeons seulement notre ressenti (nos impressions).
Par exemple, si vous me dites que dans telle situation (votre problème), vous ne vous sentez pas respecté, il s’agit en fait de l’accusation « il, elle, on ne me respecte pas = tu ne me respectes pas ». De la même façon, on peut accuser autrui de nous laisser tomber, de ne pas nous aider, de ne jamais vouloir nous faire plaisir, de nous rabaisser, de nous rejeter, de nous ignorer, de nous empêcher, de nous envahir, d’abuser de nous, de nous manipuler, de nous maltraiter, etc., etc. Obtenez donc votre propre accusation, devenez-en conscient.
ÉTAPE 3-. Notre accusation révèle clairement notre désir, notre demande, notre attente, parfois notre exigence. ACCUSATION : « Il ne m’écoute pas » ; DÉSIR : « Je veux être écouté ». ACCUSATION : « Personne ne veut me faire plaisir » ; DÉSIR : « Je veux qu’on me fasse plaisir »… C’est simple, non ? Identifiez ce que vous voulez, ce sera suffisant pour cette étape !
ÉTAPE 4-. C’est l’étape la plus « délicate »…, mais aussi la plus intéressante, celle qui fait une différence plus marquée quand on la franchit. Il s’agit de découvrir que ce que nous disons vouloir d’autrui, cela que nous avons identifié à l’étape 3, cela que nous accusons autrui de ne pas nous accorder (étape 2), est « précisément » ce que nous nous refusons à nous-mêmes. Ce qui peut donc être difficile et qui est à la fois utile de saisir, c’est quand, comment, combien nous ne nous donnons pas ce que nous attendons de l’extérieur (des autres, de la vie).
Prenons l’exemple de « personne ne veut me faire plaisir » (= « je ne me fais pas plaisir » : « Mais si, je me fais plaisir », m’a déclaré une jeune femme concernée par cette même accusation, « je m’achète ce que je veux, je fais ce que je veux ! » Et notre amie de poursuivre : « Je me fais plaisir, je me culpabilise assez pour m’en rendre compte ! »
Ce que l’on fait ne prouve rien, comment on le vit dit tout : nous ne pouvons pas parler de plaisir là où il y a de la culpabilité. Elle n’est pas là par hasard, elle a un sens, mais ici, peu importe ! La réalité de la personne est bel et bien qu’elle ne se fait pas plaisir, tout en éprouvant (accusant) que personne ne veut lui faire plaisir. C’est comme si l’on disait, bien sûr inconsciemment : « Donne-moi ce que je me refuse ».
– C’est parce que l’on se refuse les choses qu’on les attend de l’extérieur.
– C’est parce que l’on se refuse les choses qu’elles ne peuvent nous arriver de nulle part.
« Oui, mais je donne moi aux autres ce que je les « accuse » de ne pas me donner ». En effet, nous ne sommes fondamentalement pas traités par les autres comme nous les traitons, s’agissant surtout de la bienveillance, mais nous sommes traités par les autres comme nous nous traitons nous-mêmes. Tu veux être reconnu(e), reconnais-toi (vois que tu ne te reconnais pas toi-même) ! Tu veux être aimé(e), vois que tu ne t’aimes pas ! Tu veux être compris(e), respecté(e)… Considérez la maxime biblique « Aide-toi, le ciel t’aidera », elle sous-tend la même chose !…
ÉTAPE 5-. Le plus gros du travail étant fait (s’il l’est effectivement), il suffit maintenant d’observer ce que nous venons de découvrir, la manière dont nous nous traitons nous-mêmes, d’accepter de le voir, de se réjouir de le voir. Mais acceptez aussi le temps que cela vous demande pour atteindre cela. Vous saurez avec certitude que vous l’avez atteint quand cela sera devenu l’auto-invitation à vous traiter désormais comme vous vouliez que les autres vous traitent. Preuve supplémentaire, « cerise sur le gâteau », vous verrez que les autres commencent à vous traiter comme c’est bon et juste pour vous. Mais ils n’auront pas pour autant changé car les autres ne peuvent faire autrement que nous traiter comme nous nous traitons.
Alors, allez-vous tester cela ? Racontez-nous vos découvertes et expériences !…
Maintenant, dans l’exploration de certains problèmes, il arrive aussi que l’accusation qui surgit ne soit pas portée contre autrui, mais contre nous-mêmes. Cette auto-accusation peut évoquer ce que nous « faisons subir », soit à autrui, soit à nous-mêmes. Mais ce sont d’autres histoires qui pourront faire l’objet d’une prochaine chronique (si intérêt et demande).
Commentaire
Une façon de regarder nos problèmes — Aucun commentaire
HTML tags allowed in your comment: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>