Se sentir aimé ou non aimé
Sans détour, laissez-moi vous poser une question, cette question-ci : vous sentez-vous aimé ? Si vous consentez à accueillir cette question peut-être anodine en apparence, faites-la pleinement vôtre et interrogez-vous vous-même comme suit : « Est-ce que je me sens aimé ? » Donnez-vous le temps et ressentez bien la question ! Il y a des gens qui vous aiment, bien entendu, mais cela ne répondrait pas à ce qui vous est demandé ici. Et vous pouvez justement vous sentir aimé par une personne, par deux personnes, par plusieurs autres encore, mais fondamentalement, vous sentez-vous aimé ? « Est-ce que je me sens vraiment aimé ? ». Remarquez donc qu’il s’agit de savoir, non pas si vous êtes aimé, mais si vous vous sentez aimé ordinairement et profondément.
De nouveau sans ambages, faisons un pas de plus avec cette autre question peut-être plus éloquente ou qui pourrait vous confronter davantage à du douloureux « soigneusement laissé de côté ». Prendre quelques instants pour suivre la proposition de cette chronique est un cadeau inestimable à vous faire : quand ou à quel degré vous sentez-vous non aimé ? « Se peut-il que je me sente parfois non aimé, que j’éprouve que je ne suis pas aimé ? » En fait, je suggère que nous contenons au fond de notre coeur un ressenti douloureux plus ou moins intense qui « s’appelle » je ne suis pas aimé. Peu importe qu’il découle d’un vécu terrible de la prime enfance ou de quelque interprétation de la même époque, il reste ce ressenti douloureux effroyable qui a été en partie refoulé. Et nous lui devons beaucoup !
Nous devons à cette douleur cuisante gardée secrète de nous croire non aimable, voire non aimant ; nous lui devons de nous culpabiliser, d’avoir honte et d’avoir peur ; nous lui devons nos réactions et nos conditionnements ; nous lui devons jusqu’à notre existence actuelle dans tous ses aspects malencontreux. Ne doutez pas un instant que, pour le petit enfant que vous avez été, se sentir non aimé demeure une expérience des plus pénibles et aux effets déplorables insoupçonnés. Alors, ouvrez votre coeur à ces quelques paragraphes qui pourraient bien vous réconcilier tranquillement avec vous-même !
Et pour profiter pleinement de la présente nouvelle invitation, ne pensez pas aux personnes qui ne vous aiment pas – ni à celles que vous vous êtes attirées pour éprouver une fois de plus que vous n’êtes pas aimé, ni à celles que vous croyez simplement non aimantes à votre égard. N’ayez pas votre attention sur cet autre, à l’extérieur, qui pourrait tout de même vous aimer davantage (selon vous, du fait notamment de vos actes, gestes et autres bonnes intentions ou même du fait de ses propres engagements), mais ramenez-la à votre seul ressenti (éventuel) de ne pas être aimé. Penser est une chose, sentir en est une autre. Cela est primordial, rappelez-vous-le toujours !
Penser à quelqu’un qui ne vous aime pas risque pour l’essentiel d’impliquer un jugement, du mental, et vous fait généralement souffrir, alors qu’avoir son attention sur le ressenti « je ne suis pas aimé » requiert de la conscience, de la présence, de la reconnaissance. Ce serait quelque chose comme : « C’est pourtant vrai que je ne me sens pas aimé » ou « Je ne m’étais jamais arrêté comme en cet instant sur ce fait que je me sens bel et bien non aimé ». Penser fait surtout tourner en rond et sentir en conscience libère. Vous détenez le pouvoir de vous libérer des vieilles charges émotionnelles ; votre positionnement fait (fera) la différence.
« Se sentir aimé », « ne pas se sentir aimé », « se sentir non aimé », ces expressions peuvent par ailleurs sembler un peu mièvres à certaines personnes ou ne rien produire sur elles leur permettant d’être touchées de façon utile. Alors, présentons les choses différemment. Reconnaissez-vous de la peur en vous ? Je parle essentiellement de la peur d’être traité d’une certaine manière (hostile ou négative) par votre entourage, par ceux que vous appréciez, par la vie. Ressentez-vous du danger, une menace, des risques ? Craignez-vous des critiques, des jugements, de l’indifférence ? Avez-vous peur d’être oublié, moqué, trompé, rabroué, malmené… ? Quoi d’autre ?
En ayant peur d’être traité de telle ou telle manière, il se trouve généralement qu’en effet, vous vous sentez traité de la sorte en maintes circonstances. Si vous avez peur d’être rejeté, par exemple, il arrive que vous vous sentiez rejeté en effet. Eh bien, se sentir rejeté ou traité de tout autre manière négative, ce n’est pas se sentir aimé, vous en conviendrez. C’est se sentir non aimé. A l’inverse, avoir entière confiance en la vie et aux autres serait davantage la disposition à se sentir aimé. Cela étant précisé, il n’est pas ici question de conseil (comme celui d’avoir confiance, parce que vous en manqueriez, ni de développer votre propre confiance), mais il s’agit juste de vérifier les ressentis douloureux contenus en soi. Ressentez, reconnaissez, devenez conscient…
Et soyez particulièrement attentif à la différence entre un « je ne suis pas aimé » qui peut devenir la traduction d’un ressenti enfin reconnu, enfin conscientisé, qui avait donc été enfoui depuis fort longtemps, et un « je ne suis pas aimé » qui peut être une sorte de lamentation ou d’accusation. Ne vous formalisez pas, la plupart des gens méconnaissent cette différence. Celle-ci est des plus importantes car dans le premier cas, il y a transformation et dans le second, il y a entretien de la souffrance. Et si vous avez tendance à vous retrouver dans le second cas, réjouissez-vous de le voir, de le reconnaître, car ce faisant, déjà vous n’y êtes plus ! L’ignorance piège, la conscience libère.
Comprenez qu’il n’est pas évident a priori d’admettre qu’est inscrit en soi ce « je ne suis pas aimé », parce que c’est l’enfant que nous avons été qui l’a éprouvé et que ce fut suffisamment douloureux pour le refouler d’emblée. Mais quand vous ne vous sentez pas reconnu ou quand vous vous dites non accepté, vous ne faites rien d’autre que témoigner d’un « je ne suis pas aimé » oublié. Si vous avez tendance assez facilement et en conscience à vous accuser vous-même, à vous juger négativement, ce peut être encore pour justifier un « je ne suis pas aimé » sans avoir à vous y arrêter.
« Si je suis si mauvais, si indigne, si coupable, comment me permettre de considérer le fait de me sentir aimé ou non ? » La question ne se pose plus ! Et l’on a oublié évidemment que l’idée d’indignité ou la croyance d’être coupable a résulté du sentiment (préalable) de ne pas être aimé. On ne se sent pas aimé et l’on en déduit que l’on est vraiment …, que l’on n’est pas digne d’amour. En conscience, croyez-vous qu’il existe au monde un petit enfant indigne d’amour ?
Dans ce qui précède, je ne suggère pas qu’il existe des êtres qui méritent absolument de ne pas être aimés. Je fais allusion à la « folie » qui fait rester fidèle à la croyance adoptée dans sa prime enfance : « Je ne suis pas aimable ». « Racontez-moi ce que vous voulez, mais ne me dites pas qu’un enfant – à commencer par celui que vous avez été – puisse être indigne d’amour ». Toutes vos croyances négatives inhérentes à votre dignité proviennent précisément de votre prime enfance. Simplement, considérez un moment cette « possible réalité » et son impact dans votre vie actuelle.
Pour se garder à bonne distance du ressenti douloureux « je ne suis pas aimé », on peut s’autoaccuser soi-même, nous l’avons souligné. Mais on peut aussi s’en prendre directement à ceux qui nous rappellent le manque d’amour, sans s’avouer nécessairement qu’on ne se sent pas aimé par eux. On leur reproche alors des choses, mille choses, et ce faisant, on reste dans sa tête, toujours bien loin de son ressenti. Ainsi, on s’attire des conflits ou des insatisfactions, on les cultive inconsciemment soi-même tout en continuant de les reprocher au monde.
C’est encore parce qu’on se sent non aimé que l’on s’impose une ligne de conduite (contraire à sa nature), que l’on s’évertue à se montrer bien gentil, trop complaisant, à en faire trop… C’est pour cette même raison qu’il ne reste à beaucoup d’entre nous que le rêve, le désir, l’envie, l’espoir, le fantasme, la revendication ou l’exigence. En ne se sentant pas aimé, on ne peut s’attendre à rien de bon ; on ne peut surtout s’attendre qu’au pire et c’est de la sorte qu’on se l’attire, qu’on se le crée.
Revenons sur la peur et l’impression (généralement non remise en cause) d’être traité de façon misérable, négative, hostile. Quelle est votre peur personnelle à cet égard ? Comment n’aimez-vous pas être traité ? Comment craignez-vous d’être traité ? Comment vous sentez-vous traité ? Enfant, comment vous êtes-vous senti traité (si vous pouvez vous le rappeler) ? Répétons-le : se sentir traité de la sorte, c’est surtout se sentir non aimé. Il y a qu’on se traite soi-même comme on s’est senti traité enfant (même et surtout si on l’a oublié). C’est la façon dont on a encore peur d’être traité dans sa vie actuelle (si l’on veut bien le reconnaître, le découvrir).
Si vous êtes comme moi, l’invitation du « new age » à s’aimer soi-même peut ne pas vous parler, ne pas signifier grand-chose pour vous. Maintenant, une lecture attentive de ces quelques pages ne vous laissera aucun doute quant à savoir ce que veut dire « ne pas s’aimer ». C’est se traiter comme on a peur d’être traité ; c’est se faire ce qu’on ne voudrait ou ne veut pas qu’autrui nous fasse. Ne cherche pas à t’aimer, cesse de te non aimer. En réalité, découvrez quand, comment, combien vous ne vous aimez pas. Devenez conscient de la manière dont vous vous traitez vous-même.
Se négliger, négliger ses besoins, ses priorités, ignorer ordinairement son confort, abuser de ses forces, de sa propre patience, taire régulièrement nombre de ses demandes, nier ce qui dérange…, voilà quelques exemples de la manière peu affable dont on peut se traiter sans même le réaliser habituellement. Permettez-vous de voir ce qu’il en est pour vous ! Et, à l’inverse, quand vous avez tendance à faire des scènes (du scandale, de l’esclandre…), ne croyez pas que vous agissez efficacement en votre faveur. En réagissant comme vous le faites alors (car en effet, vous n’agissez pas, vous réagissez), vous recherchez compulsivement un certain résultat, mais à la vérité, vous vous sentez bien plus mal que la personne qui néglige ses besoins ou celle qui nie son mal-être (par exemple).
Et en maintenant trop d’attention sur la personne par laquelle vous ne vous sentez pas aimé aujourd’hui, sur des personnes qui ne vous auraient pas aimé dans le passé ou encore sur d’étranges raisons qui ne vous rendraient pas aimable, vous passeriez à côté de la proposition faite dans ces lignes. Je vous suggère de relire le texte à différents moments dans les prochains jours et quand votre lecture vous permettra de retrouver un peu plus d’espace en vous-même, d’avoir accès à une sorte d’éclaircissement ou de commencer à ressentir davantage de paix, sachez que vous aurez commencé à vous réconcilier avec vous-même.
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