Ces épreuves que nous nous attirons
De façon inlassable et infaillible, un nouveau problème, une nouvelle contrariété se présente sur notre chemin. Il suffit de considérer avec attention les ressentis éveillés par la difficulté du moment pour reconnaître qu’ils sont bien familiers et qu’il ne s’agit toujours que de la re-présentation d’une même vieille histoire, en fait de l’une de nos blessures non guéries. Le problème, la difficulté, la contrariété, c’est un résultat, un de ceux dont on se passerait volontiers (croit-on).
Nous avons adopté, suite à la façon dont nous nous sommes sentis traités enfants, des croyances limitatives qui sont devenues des convictions personnelles, autant dire « la vérité » pour nous. Cette vérité non remise en cause dicte nos pensées ordinaires, lesquelles nous font nous sentir d’une certaine manière. Quand ladite vérité et les pensées associées sont négatives, l’ambiance émotionnelle intérieure est loin d’être heureuse ou positive (on le devine). Or, c’est à partir de cette base que nous agissons et que nous n’agissons pas, que nous posons certains actes et que nous en retenons d’autres. Bien entendu, l’agir et le non-agir ne restent pas sans effet. Les effets sont notre existence telle qu’elle est, à savoir les résultats mentionnés précédemment.
Et, par ailleurs, on « court » après des résultats qui n’arrivent toujours pas. On voudrait bien ceci, on attend ou espère cela ; on rêve à une chose, on en revendique une autre… Il y a donc les résultats qui nous déplaisent et il y a ceux dont nous déplorons le manque. Avec cette nouvelle chronique, j’ai l’intention d’insister davantage sur ce qui sous-tend cette réalité, sur une façon peu commune de considérer les choses. Elle est inhabituelle, mais elle suggère surtout une voie de sortie, une possibilité de transformation.
Dans ces pages mensuelles, vous avez lu que ce qui nous « convient » si souvent, c’est réagir, résister à ce qui est. Oui, autant le reconnaître, nous « aimons » nous plaindre, nous rebeller, ronger un os ou même nous résigner, nous soumettre. Nous avons notre propre attitude réactionnelle et afin de pouvoir la pratiquer, il nous faut au moins un problème : un de ces résultats que nous déplorons ou qui demeure inexorablement absent. Dans ces mêmes pages, vous avez pu lire encore que tout problème enduré dissimule un cadeau, celui notamment de nous permettre d’apprendre quelque chose d’heureux sur nous-mêmes.
Même si c’est d’une façon un peu provocatrice en apparence, essayons de simplifier ou de synthétiser ce qui vient d’être rappelé. Nous en sommes généralement tout à fait inconscients, mais nous voulons absolument vivre ce que nous vivons, tout ce que nous vivons, et nous ne voulons pas vivre ces choses, ces résultats dont nous prétendons souffrir le manque. Oui, si quelque chose semble faire défaut dans notre vie, à nos yeux, c’est que nous ne le voulons pas. Je relève « vouloir » et « ne pas vouloir », mais « ne pas vouloir » reste un « vouloir ». « Ne pas vouloir une solution », c’est « vouloir le problème ».
Oui, vous voulez ce que vous endurez (tout comme moi-même bien entendu) ! Et pour évoquer les « résultats indésirables » dont il peut être question, je reproduis la liste de problèmes ou conflits possibles proposée dans la chronique précédente :
Une personne (conjoint, membre de la famille, ami…) qui ne répond pas à vos attentes, qui ne vous donne pas ce que vous voulez, qui ne vous prouve pas son amour, qui fait des choix différents des vôtres, qui ne se comporte pas selon vos critères moraux, vos notions de bien et de mal ; une panne, un accident, une grosse contrariété…
Ce que vous ne pouvez vous permettre de faire ou de posséder ; ce que d’autres ont et que vous n’avez pas ; les efforts que vous fournissez et qui ne servent à rien ; tout échec ; qu’on vous préfère quelqu’un de manifestement moins compétent, moins expérimenté ; qu’il vous faille si souvent attendre votre tour…
Des conditions laborieuses de vie, de travail, de déplacement ; un manque d’argent ou de divers biens matériels ; un conjoint et/ou des enfants sur qui « on ne peut absolument pas compter » ; des problèmes de santé fréquents et/ou multiples, parfois au diagnostic difficile ; une simultanéité de problèmes plus graves les uns que les autres…
Les exigences d’un conjoint ou de proches (d’ailleurs tardivement ou insuffisamment reconnues – notez bien qu’il s’agit ici d’exigences subies) ; se sentir vécu comme la cinquième roue du carrosse ; diverses douleurs physiques (corporelles) ; des désirs jamais satisfaits qui déconcentrent, consomment l’attention ; le manque d’aide (qui peut ne pas être identifié) ; une épreuve d’un proche, d’un être cher vécue comme la sienne…
Une personne qui vous accuse ou pourrait bien vous accuser ; une situation professionnelle que vous ne parvenez pas à mettre en place ; une personne qui vous déçoit une fois de plus ou qui, décidément, ne veut pas vous faire plaisir ; le nouvel obstacle de l’instant qui vient tout compliquer et qui vous empêche de profiter d’une chose ou d’une autre, d’une relation…
Alors, votre difficulté à vous, c’est quoi ? Eh bien, je le répète : c’est cela que vous voulez vivre et vous le voulez même de deux manières ou à deux niveaux : votre ego le veut, la conscience le veut.
L’ego. C’est la sphère du mental, du penser réactionnel, de l’identification avec ses conditionnements, avec ses blessures non guéries. Il nous faut du « grain à moudre », il nous faut de quoi réagir, et cela s’appelle « problèmes ». On est bien content de détenir la preuve, d’une certaine manière, que la vie est en effet dure avec nous, que le meilleur reste pour les autres…
La conscience. C’est la sphère spirituelle, celle de l’apprentissage, des découvertes, de l’acceptation, des solutions, de la guérison. C’est surtout cela seul qui perçoit. Ici, une question peut être posée et on pourrait gagner beaucoup à se la rappeler : « Avec cette circonstance problématique, qu’est-ce que la conscience veut m’aider à voir et à dépasser ? » Dans un premier temps, la réponse est de moindre importance que la pleine disposition à se poser la question.
En niant ou en continuant d’ignorer que, souvent, c’est la seule possibilité de réagir qui nous anime et sans un véritable intérêt pour la question susdite, on risque de cultiver longtemps l’adversité sous toutes ses formes. Maintenant, je confie également que l’adhésion à cette compréhension (ouverte) ne suffit pas à transformer sa vie de façon heureuse du jour au lendemain. Résister à ce qui est, réagir est devenu une seconde nature qu’il semble difficile d’abandonner pour la plupart d’entre nous. Nous sommes l’esclave de nos habitudes.
Je conçois bien sûr qu’on puisse envisager différemment l’existence humaine, d’autant que ma propre perception s’affine continuellement et que je serais donc naïf pour croire que je détiens la Vérité. Or, en lisant ce qui précède, si votre désaccord éventuel s’exprime de façon un peu véhémente ou dédaigneuse, vérifiez pour vous-même, pour vous seul, si ce n’est pas juste votre propre mode réactionnel ordinaire qui est à l’œuvre. « Être facilement et régulièrement en désaccord », par exemple, est une attitude réactionnelle. Affirmer obstinément qu’il n’y a pas de solution pourrait en être une autre…
Je me surprends à réagir encore et encore, de façon quasi quotidienne, et c’est d’abord confirmer que je ne me prétends pas au-dessus de la mêlée. En revanche, la conscience ou la reconnaissance de telle ou telle de mes tendances a pour effet d’apaiser les choses assez rapidement, de diminuer le nombre des épreuves, ainsi que de leur durée, et de prolonger ce qui réjouit le cœur. Comprenez en conséquence le sens de mon propos : j’invite à une conscientisation de nos ressentis réprimés et de nos divers positionnements réactionnels, parce que la seule pleine conscience est transformatrice (ce sur quoi j’insiste dans mon premier livre publié en 1997).
Ultimement, il s’agit de reconnaître que nous sommes à l’origine de tout ce que nous vivons et/ou ne vivons pas. Nous en sommes responsables. Nous fabriquons nous-mêmes ce que nous déplorons… Nous le faisons aussi par culpabilité, donc pour nous punir ou nous compliquer la vie. D’aucuns résisteront à faire leur cette compréhension ; d’autres en profiteront pour reconnaître leur pouvoir réel, celui de créer et de réaliser enfin ce qui leur tient véritablement à cœur.
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