Des moyens pour rester insatisfait
Pour tenter de répondre à des questions posées régulièrement, je veux ce mois-ci rappeler ou préciser, non pas tant ce qu’il conviendrait de faire pour résoudre ses problèmes, pour dépasser ses conflits et pour recouvrer la paix, mais les différents moyens que nous continuons d’employer pour rester insatisfaits, malheureux, mal dans notre peau. Ces moyens sont multiples et je ne chercherai évidemment pas à être exhaustif ! La solution de nos problèmes surgit toujours d’un « relâchement intérieur » et n’est jamais permise par une condition extérieure à nous-mêmes (malgré des apparences qui peuvent laisser croire le contraire).
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D’aucuns peuvent croire que leur vie s’est positivement transformée grâce à la manifestation d’une heureuse circonstance (belle rencontre, entrée d’argent inattendu, nouvel emploi apprécié…). Cette circonstance n’est pas la cause ; elle est un effet : quand quelque chose est relâché dans son monde intérieur, le monde extérieur se modifie en conséquence. Prenons un exemple très simple : vous avez toujours résisté à faire vos demandes et, un jour, vous vous décidez à vous exprimer. Vous demandez, vous obtenez (en l’occurrence) et vous êtes comblé. Comprenez que le changement que vous vivez alors n’est pas dû à ce que vous avez obtenu, mais à la possibilité nouvelle pour vous de vous exprimer à votre avantage.
En fait, il s’agit de dissiper de la culpabilité, de la honte, d’autres douleurs profondes, de relâcher des peurs, des croyances, des humeurs, des conditionnements, d’autres attitudes réactionnelles… Dans ce qui précède, un premier obstacle à la transformation a déjà été mentionné : le fait de croire qu’on sera heureux ou comblé dès lors qu’on aura obtenu ceci, atteint cela. La plupart des gens comprennent cet énoncé et ils l’oublient très vite (cela m’arrive bien des fois). On continue de désirer un résultat ou l’on s’évertue même à l’atteindre. Le ferait-on si l’on avait réalisé que ce qui nous anime, c’est quelque chose qui nous encombre. Le besoin est de considérer cela et non pas de satisfaire l’envie du moment.
Avec ce fonctionnement-là, on demeure frustré. Voyez-vous cela ? Ma proposition vous fait-elle réagir ? Proportions gardées, vous pourriez vous indigner, vous révolter, râler face à mes assertions. Eh bien, l’ignorance générale de nos attitudes réactionnelles représente peut-être le plus grand obstacle à toute transformation heureuse. Quand on est dans la réaction (soumission, rumination, lamentation…), ce que l’on veut vraiment, c’est réagir, on veut de quoi réagir, et non pas trouver des solutions. Apportez une solution à l’un des problèmes de certaines personnes et au lieu de recevoir un peu de reconnaissance, vous vous voyez tenu d’en résoudre un autre, puis un autre… Ici, seule la conscience « problème » compte (et cela s’explique fort bien !).
Maintenant, rappelez-vous ou imaginez un peu la manière dont vous allez envisager ce qui peut ressembler à un problème lorsqu’il se présente à vous alors que vous êtes déjà de mauvaise humeur. De plus, cette mauvaise humeur n’est pas toujours très marquée, évidente. D’ailleurs, le vécu « problème » est ce qui peut la révéler. Qu’est-ce qui fait qu’une même chose peut un jour être parfaitement acceptée et, un autre jour, prendre des proportions démesurées ? Eh oui, la mauvaise humeur du moment ! On peut même ajouter que la mauvaise humeur en elle-même attire problème sur problème, contrariété sur contrariété.
Ici, voyez que la solution du problème ponctuel ne fera pas une grande différence puisqu’une mauvaise humeur l’a précédé (parfois l’a attiré). C’est la mauvaise humeur qui gagnera à être relâchée (toujours un « encombrement intérieur »). La mauvaise humeur semble être la « réponse » à un déni. La personne affectée ne reconnaît pas ce qui l’ébranle, ce qui la dérange vraiment. Elle rumine ceci ou cela et maintient dans l’ombre une vraie douleur. Reconnaître enfin cette douleur la relâchera. La mauvaise humeur ne sera plus, ni les contrariétés qu’elle faisait percevoir ou qu’elle attirait.
Dans bien des cas, savez-vous que vous vous reprochez mille choses, que vous vous en voulez ? Votre éventuelle tendance à vous défendre, à vous justifier, à vous expliquer un peu trop, à vous excuser sans cesse, à rester en retrait… témoigne de votre culpabilité, de votre croyance en votre culpabilité, du fait que vous vous sentez coupable. Si vous pouvez considérer qu’il y a de la culpabilité en vous, ne vous étonnez plus (si c’est le cas) de vivre l’adversité à laquelle vous êtes confronté ou de ne pas vivre ce à quoi vous aspirez pourtant. En l’occurrence, on se croit nécessairement indigne, indigne du meilleur, et l’on fait obstacle à la possibilité de le vivre. On se punit, on se prive.
On ne peut pas se croire coupable sans en craindre des conséquences. Si je m’accuse d’être inintéressant et inutile, je vais avoir peur qu’on me délaisse, qu’on m’oublie, qu’on m’abandonne. Si je m’accuse d’être nul, incapable, « pas à la hauteur », je vais avoir peur qu’on me rabaisse, qu’on me dévalorise. Si je m’accuse d’être idiot, je vais avoir peur qu’on me rejette. Et je me fais traiter de la manière même que je crains d’être traité (de la manière dont je me suis senti traité enfant), qui est devenue, qui est surtout la manière dont je me traite moi-même. C’est pourquoi, là encore, je ne peux attendre rien du changement d’attitude de mes proches à mon égard ; je dois reconnaître comment je me traite moi-même et y renoncer. Jamais je ne pourrai recevoir de quiconque ce que je me refuse.
Remarquez que tout ce qui précède montre que nous sommes responsables de ce que nous vivons et/ou de la manière dont nous le vivons, que nous ne sommes pas des victimes. Généralement, on ne se dit pas victime, mais on réagit bel et bien comme si on l’était. Ce serait dommage de ne pas le reconnaître car c’est encore un obstacle à la transformation. Se croire victime indique la non-disposition à se remettre en question et à se libérer de ses entraves. Et se savoir responsable, sémantiquement, c’est savoir que le « pouvoir de réponse » est en nous. Je ne vis vraiment pas la même chose quand je dirige mon attention sur la lumière plutôt que sur l’ombre, sur la gratitude plutôt que sur l’arrogance ou la résistance, sur la possibilité d’être libre, en paix, comblé plutôt que sur ce qui me rappelle l’insatisfaction.
Je vous donne ici un de mes trucs qui m’aide souvent quand je suis mal, quand je me suis laissé surprendre par une réaction émotionnelle. Je me dis : « Ah, je résiste en ce moment, je lutte, je suis dans la réaction, donc je souffre. J’ai le choix : ou je continue de souffrir, ou je m’invite à la gratitude ». En somme, c’est effectivement l’un ou l’autre. ON croit avoir bien des raisons pour souffrir ; on en a bien plus pour ressentir de la gratitude. Et je vous laisse imaginer ce qu’on s’attire dans la vie selon que son attention sera dirigée, soit sur ce qui bouscule émotionnellement, soit sur ce qui suscite la gratitude.
J’ai à cœur d’avoir du temps libre et j’en ai. J’aime faire du tandem et j’ai une « belle machine ». J’ai surtout deux pilotes merveilleux, idéaux, tellement disponibles que je refuse parfois des sorties proposées. J’aime m’informer dans des domaines particuliers, mon équipement spécialisé, mon accès à Internet et ma connaissance de l’anglais me comblent. Des amis viennent à ma demande répondre aux besoins que la cécité ne me permet pas de satisfaire seul. J’ai une maison et un jardin. Mon second livre est sur le point d’être publié. Et comment ne pas rendre grâce aux personnes qui l’ont pour moi lu, relu, re-relu…
Ce sont là quelques exemples personnels qui me viennent dans l’instant. D’autres me sont venus hier, d’autres me viendront demain. Qu’en est-il pour vous ? Vous avvez aussi vos listes ! D’abord, vous avez probablement de quoi vous loger, vous vêtir, vous nourrir, de l’eau à boire et pour vous laver, de l’air à respirer, des yeux pour voir et admirer tant de choses, des oreilles pour entendre la voix de l’être aimé, des bras pour étreindre, des jambes pour aller de l’avant. Mais vous avez aussi des proches, des amis, des moyens de transport, des possibilités de loisirs, divers équipements… Et si vous n’avez pas l’une ou l’autre de ces choses, vous en avez tant d’autres ! Reconnaissez-les.
Et vous avez, nous avons tous d’abord une capacité d’attention, une grande capacité d’attention. Ce don est absolument fabuleux. Reste à savoir, de par notre inconscience, où nous choisissons de diriger notre attention, sur le positif ou sur le négatif ! Nous pouvons devenir conscients. Tout comme les écrire, lire ces mots nous le permet. Testez mon « truc » et dites-nous ce qui se passe pour vous ! Ne vous découragez surtout pas quand la tendance négative s’impose. Tout nouvel apprentissage requiert de la pratique.
Terminons avec la réalisation des choses qu’on se dit, des jugements qu’on porte, du sens qu’on donne concernant les circonstances réelles qui affluent dans notre quotidien : le comportement d’un proche, la réponse négative à une demande, une administration qui ne répond pas, un appareil en panne, etc. Avec un peu d’observation, un peu d’entraînement, vous observerez que ce qui vous fait mal, ce qui vous fait réagir, ce n’est jamais l’événement réel incriminé, mais toujours ce que vous en pensez. Et ce que vous en pensez est dicté par votre blessure non guérie.
Face à un même comportement de l’un de ses proches, une personne se sentira humiliée, une autre abusée, une troisième rejetée. Chacune souffrira de son interprétation et non pas de la circonstance interprétée. Il y a l’événement réel, il y a ce qu’on en pense et, effets des jugements portés, il y a les sentiments douloureux. Permettez-vous à l’occasion de faire clairement la distinction entre une circonstance manifeste et ce que votre histoire vous amène à en penser. Il se peut bien alors que la souffrance se dissipe. Vérifiez-le ! Et quand ce sera le cas, il en restera une occasion supplémentaire de ressentir de la gratitude.
C’est dire que même le problème éprouvé peut finir par être vu comme un cadeau. Il nous permet de découvrir nos jugements, nos croyances, notre tendance à penser de façon négative et compulsive, à réagir, à lutter, et de relâcher le tout. Il constitue un moyen appréciable pour recouvrer la paix, la joie et l’amour. Quoi qu’il en soit, mettez-vous à votre manière en situation de ressentir la gratitude. Ce sera reconnaître bientôt la vie et l’amour que vous êtes déjà.
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