Les effets des décisions non prises
Aujourd’hui, je vous propose de ne pas lire pour l’instant le texte qui suit, mais de faire à la place un petit exercice rapide et qui pourrait bien se révéler aussi intéressant pour vous qu’il l’a été pour moi. Rappelez-vous et notez les grandes ou « vraies » décisions que vous avez prises dans votre vie (dès votre plus jeune âge), jusqu’à celles qu’il vous arrive de prendre régulièrement ou de temps en temps. Je ne parle pas de ce que vous faites, de ce que vous avez réalisé, mais des éventuelles décisions que vous prenez ou avez prises préalablement en pleine conscience et qui, en effet, vous ont donc amené à agir. Ayez autant d’exemples que vous le voulez. Deux ou trois, ce serait déjà excellent ! Or, si vous prenez plus de temps pour enrichir votre liste, cela vous éclairera d’autant mieux. Ensuite seulement, reprenez votre lecture.
Le mois écoulé, j’ai été amené à considérer de près ce thème de la décision. Il y a les décisions que l’on peut prendre inconsidérément, celles que l’on regrette d’avoir prises, celles qui seraient à prendre… la difficulté à se décider… Retenons qu’il y a essentiellement toutes ces décisions que l’on résiste à prendre, en tout cas que l’on ne prend pas. En définitive, soit on décide en sa faveur, soit on décide par dépit, soit on demeure dans l’attente. On attend que « ça se passe », on attend que quelque chose arrive de l’extérieur ou, peut-être, d’être animé par une idée géniale.
Si, comme moi, vous aimez vous connaître mieux notamment à travers vos diverses réactions et vos fonctionnements ordinaires, amusez-vous (au moins) à reconnaître les décisions que vous ne prenez pas, que vous tardez à prendre. (Cela seul pourrait être un autre exercice à faire par la suite, peut-être de façon quotidienne ou régulière). Dans l’instant, pour ma part, je ne décide pas d’appeler une amie que j’attends, qui commence à être en retard, alors que le déroulement de ma journée pourrait bien pâtir de ce retard s’il se prolonge. Je ne décide pas de m’occuper d’une autre chose assez urgente, pas plus que je ne décide de ne pas m’en occuper (même si c’est ce qu’il semble). Choisir en conscience ce que l’on vit est une chose, le subir en est une tout autre. Voyez ce qu’il en est pour vous ! Qu’est-ce que vous ne décidez pas ?
On peut déplorer bien des choses dans sa vie – en tout cas les subir – sans réaliser dans certains cas que des décisions pourraient être prises afin de contribuer à l’amélioration de certaines conditions plus ou moins indésirables. Il n’est pas question de se reprocher cela – surtout pas – mais la pleine conscience étant transformatrice, il est souvent fort utile et intéressant de se poser les bonnes questions. Aujourd’hui, dans l’instant, qu’est-ce que je ne décide pas ? Qu’est-ce que je ne décide jamais ? Ce que l’on finit par faire sous la pression des événements, horaires ou autres circonstances n’indique pas que l’on a pris une décision consciente et réellement délibérée. En l’occurrence, on a au mieux décidé de subir sa vie.
D’ailleurs, en maintenant de jour en jour mon attention sur ce thème spécifique des décisions (à prendre, non prise, prise…), j’ai fait une découverte qui m’a émerveillé et que je vais mentionner ici. Il est peu probable qu’elle s’applique à ma seule personne et j’apprécierais que vous me fassiez savoir ce qu’il en est pour vous. D’abord, j’ai noté les grandes ou vraies décisions que j’ai prises dans ma vie et que je peux me rappeler, d’où ma proposition à votre intention du premier paragraphe. Les décisions réelles que j’ai « validées » comme telles sont celles que j’ai prises avec joie ou avec la conscience qu’une situation plus appropriée est à mettre en place.
Sur les cinquante qui me sont venues, seules cinq ou six décisions m’apparaissent comme pouvant être « jugées mauvaises » (je me demande cependant si celles-ci étaient vraiment de vraies décisions ou, dans l’affirmative, si un bénéfice ne m’a pas échappé). Les autres, toutes les autres ont été suivies d’événements heureux ou positifs. De plus, tout en faisant l’exercice, en recherchant les décisions effectivement prises, j’ai remarqué que les périodes ou circonstances où je ne décide de rien sont celles où je vis le plus d’ennui ou de frustration. Un constat s’est imposé à moi : soit je prends ma vie en mains (je décide) et je m’épanouis, soit je subis l’existence et je vis contrariété sur contrariété, insatisfaction sur insatisfaction. Sans prendre de décisions, au mieux, je vis par procuration et l’avantage retiré est, sinon illusoire, toujours éphémère.
Bien sûr, tout s’explique et ce n’est pas sans raison que nous ne décidons pas, que nous retardons des décisions, que nous vivons la prise de décisions d’une manière particulière, mais cela n’importe pas ici. Il est possible de mettre son attention sur sa manière personnelle de faire (et de ne pas faire). Vos questions, vos commentaires et vos propres observations pourront me permettre de poursuivre sur ce même sujet de façon concrète. En attendant, pouvons-nous décider d’observer les positionnements que nous adoptons de façon machinale, quasi permanente, à seule fin de bénéficier des effets heureux de la pleine conscience ?
En effet, dès lors que nous savons ce que nous faisons exactement quand nous sommes mal, quand nous souffrons, il devrait être plus facile de lâcher prise et de retrouver du bien-être. Êtes-vous d’accord avec ça ? Voyez-vous les choses comme moi ? Dans un premier temps, vous serez difficilement d’accord si vous pensez et réagissez à ce que l’on vous fait, à ce que l’on vous a fait, à ce qu’il vous semble endurer par le biais de votre environnement (actuel et passé). Or, même si « là-bas, dehors », des choses terribles semblent se produire, est-ce une raison suffisante pour cultiver de la souffrance à l’intérieur (en dedans de soi), pour perpétuer un mal de vivre ? Il serait grand temps de choisir la paix, l’amour et le bien-être plutôt que la preuve détenue d’être traité mal ou la satisfaction bien stérile d’avoir raison.
En disant « dès lors que nous savons ce que nous faisons exactement quand nous sommes mal », je fais allusion à ce qui se passe dans notre tête et non pas à nos activités extérieures, à ce que nous manifestons. La souffrance émotionnelle implique le mental. Si vous « voulez » continuer de souffrir, assurez-vous de demeurer fidèle à l’un ou l’autre des cas de figure ci-après. Si vous voulez souffrir davantage, adoptez-en plusieurs ! Décidez-vous ! Il est évident (et c’est heureux) que vous n’êtes pas concerné par tout ce qui est listé ci-dessous, mais vous gagnerez beaucoup à reconnaître ce qui parle de vous.
Prétendre qu’il n’y a pas de solution ; prétendre que vous êtes coupable ; prétendre que le meilleur est pour vous impossible.
Vous rabaisser sans cesse ; faire tout et n’importe quoi pour plaire ; refuser des compliments et des propositions que vous pourriez pourtant envier ; vous montrer par ailleurs égoïste.
Ne pas dire non quand cela s’impose ; vous laisser déranger pour ne pas déranger ; ronger un os après l’autre ; ruminer, ressasser, bouder.
Mentir, inventer des histoires ; mépriser qui vous aime et vous mépriser vous-même face à qui ne « vous aime pas » ; faire du forcing.
Ne jamais dire ce qui vous fait vraiment mal, ni ce qui vous fait vraiment plaisir (surtout quand il vous est donné de le vivre) ; multiplier vos exigences ; éviter tout sentiment de gratitude, toute expression de reconnaissance.
Conserver des attentes ; mieux encore, demeurer inconscient de vos attentes ; juger, blâmer les autres, les circonstances et vous-même (que reste-t-il de la mauvaise humeur sans attente et sans le moindre jugement ?).
Continuer de penser plutôt que de reconnaître ce que vous ressentez ou éprouvez.
Vous culpabiliser (généralement pour un rien, mais rien ne justifie la culpabilité de toutes façons), ne pas percevoir que l’on se culpabilise, parfois le nier et sans cesse démentir mille choses : démentir les choses dont on s’accuse à tort. On les a oubliées et l’on continue le démenti. À quel prix ?
Ne pas être calme, ne pas être présent, ne pas être juste là, conscient de ce qui est.
Ne rien accepter de ce qui est, ne rien accueillir (résister à tout).
De façon obsessionnelle, rêver, désirer, envier, espérer, attendre, fantasmer, revendiquer, exiger, vouloir à tout prix…
Est-ce que vous pouvez diriger votre attention sur quoi que ce soit ou est-ce que quoi que ce soit prend votre attention, la captive ? Prenez le temps de faire la différence, d’établir une distinction claire entre les deux : dans un cas, vous êtes le maître ou la conscience, vous ne l’êtes plus dans l’autre. Est-ce que vous avez des opinions sans en faire une histoire (sans vous identifier à celles-ci) ou est-ce que vous êtes pris par vos opinions, animés par celles-ci ? Bref, est-ce que vos opinions vous possèdent ? Est-ce que vous pensez ou est-ce que vous êtes pensé ? (Ce que je suggère et répète ici, je l’oublie moi-même souvent…).
Pour peu que vous vous appropriiez l’une ou l’autre de ces données suggestives, voilà de quoi faire dans votre vie une différence heureuse. Peut-être y a-t-il seulement une décision à prendre. Décidez, décidez-vous. Faites-le pour vous, en votre faveur !
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