La quête de parentalisation
En ce tout-début d’année que je vous souhaite sans tarder lumineuse, féconde et heureuse, comment vous sentez-vous ? Êtes-vous la proie de préoccupations qui affectent votre humeur ? Si vous avez des ennuis de santé ou diverses autres contrariétés, leur surimposez-vous de la souffrance émotionnelle ? Plus ou moins, nous faisons tous cela. Nous l’avons évoqué régulièrement. J’aime aussi préciser à chaque fois, alors que je mentionne l’une ou l’autre de nos tendances, qu’il n’est pas question de nous la reprocher, de nous en vouloir de réagir (comme nous réagissons).
Il s’agit seulement d’être à chaque fois un peu plus conscients si nous le voulons, si nous le pouvons. Nommer, définir et observer une tendance est une chose ; la juger en serait une autre (sans intérêt). Certaines personnes passent à côté des compréhensions ou prises de conscience transformatrices tant qu’elles interprètent comme jugement, comme accusation ce qui est relaté. Et même si vous vous voyez faire cela parfois, cela ne vous est pas reproché non plus et vous avez là encore l’occasion de recevoir quelque chose d’utile pour vous. VOIR, c’est receVOIR.
Or, concernant nos réactions émotionnelles et donc notre souffrance, notre mal de vivre, il est juste utile de savoir que « nous ne souffrirons jamais assez pour résoudre nos problèmes par ce biais ». Oui, à un certain niveau ou à un certain degré, nous croyons que notre réaction émotionnelle va représenter ou permettre une solution. En tout cas, nous pensons que nous allons en retirer un avantage significatif. Sans cela, sans cette attente, est-ce que nous continuerions de réagir (de souffrir) ? Et souffrir davantage n’apportera donc rien de plus (en tout cas rien d’heureux). En réalité, plus nous souffrons et plus nous nous attirons de quoi souffrir encore. Nous nous l’attirons ou nous maintenons simplement ce qui nous blesse, nous frustre, nous rend malheureux.
Alors, essayez de vous sentir bien ici et maintenant, ne serait-ce que pour quelques minutes. Et même si vous ne le faites pas, ayez à l’esprit cette possibilité (bien réelle). Dans ce cas, essayez d’imaginer une personne qui choisit de se sentir bien et de prolonger un peu l’expérience, de se la rappeler lorsqu’elle se voit retomber dans des idées noires et des ressentis douloureux. Pour cette personne ou pour vous-même si vous vous prêtez à l’exercice, selon vous, que va-t-il se passer tôt ou tard ? Autrement dit, que devient l’expérience plus régulière d’une personne qui s’efforce d’être heureuse le plus souvent possible ? Ayez votre réponse, ressentez-la ! Que vit une personne qui passe son temps dans la souffrance ?
Formulé de façon un peu différente, ce qui précède est juste un rappel de l’observation partagée par beaucoup d’entre nous que le ressenti à venir résulte du ressenti présent. En d’autres termes, si tu veux être malheureux demain, sois-le maintenant. Si tu veux être heureux demain, sois-le maintenant. Si tu aspires à l’amour, ressens l’amour tout de suite. Si tu veux être comblé, ressens sans attendre le contentement et la gratitude. Quoi que nous croyions, nous avons tous toujours de quoi être contents et reconnaissants. Et ce n’est pas parce que nous avons du mal à adopter un tel positionnement que sa valeur doit être remise en cause. Voyons-le comme une clé toujours disponible, rappelons-nous son existence et utilisons-la sans réserve – autant ou du mieux que nous le pouvons.
Voici maintenant une toute autre clé qui est susceptible d’ouvrir la porte du lâcher-prise en cas notamment de conflits relationnels (en cas d’insatisfactions relationnelles). Elle renvoie à un phénomène que j’ai observé comme jamais jusque-là les dernières semaines et que je nomme « la parentalisation réparatrice » (à défaut d’un meilleur terme). Listez les circonstances relationnelles qui peuvent vous affecter, qui vous affectent régulièrement. Sont concernées les relations professionnelles, amicales aussi bien que les relations les plus intimes. Et pour l’instant, choisissez un seul exemple. Vous avez donc à l’esprit cette situation relationnelle qui vous fait vous sentir mal, qui vous fait éprouver un malaise.
Pouvez-vous admettre que, face à une circonstance semblable, nombre de vos amis ne réagiraient pas du tout comme vous, voire n’y réagiraient en aucune manière ? Vous avez déjà lu dans ces chroniques (ou ailleurs) que la difficulté qu’on déplore n’est pas le (vrai) problème. Le problème est ce que la difficulté du moment vient raviver en nous. Le problème est toujours en nous et la clé annoncée précédemment est une compréhension peut-être plus précise de ce phénomène. En effet, comprendre ce qui se joue en cas de réactivation émotionnelle peut produire un apaisement. Là encore, l’apaisement est l’effet d’une pleine conscience.
Je vous suggère donc, concernant cette difficulté relationnelle que vous acceptez « ici et maintenant » de considérer de façon ouverte et bienveillante, de vous poser la question suivante : « Qu’est-ce qui me manque là ? OK, il y a toute la situation, tout ce que j’en pense, la manière dont j’y réagis, mais en définitive, qu’est-ce qui me manque ? » Voici quelques réponses possibles qui devraient pouvoir vous inspirer : de l’aide, du soutien, de la présence ; de l’approbation, une autorisation, de la discrétion, du respect, des encouragements ; des explications, de la compréhension, de la clarté, des sollicitations, des témoignages de reconnaissance ; de l’accueil, des invitations, de l’affection, de l’attention, de la complicité… Votre propre réponse peut être différente, bien entendu, mais vérifiez tout de même si elle ne s’apparenterait pas à l’une ou l’autre de mes propositions.
Prenez le temps de trouver une réponse, votre réponse. L’avez-vous ? Eh bien, cette chose qui vous manque dans la situation difficile du moment, pouvez-vous remarquer qu’elle vous a manqué en de multiples circonstances, surtout avec des personnes différentes, qu’elle vous a manqué toujours ? Cette affirmation pourra sembler hâtive ou même hasardeuse pour certaines personnes et évidente pour d’autres. Vous pourriez la vérifier à travers des exemples différents et même découvrir ultérieurement sa véracité pour le premier cas. Ce qui vous manque encore et encore, c’est ce que vous n’avez pas reçu, pas vécu avec l’un et/ou l’autre de vos parents lors de votre prime enfance.
La question suivante est la fameuse clé, l’exercice à faire en vue de relativiser ce qui est éprouvé une nouvelle fois. « Dans cette situation conflictuelle (en tous cas douloureuse), comment est-ce que je veux être « parentalisé » ? Quel rôle est-ce que je veux faire/voir jouer par … ? (la personne avec qui je vis le problème). Sans le dire, sans en être conscient, je veux qu’elle soit le parent que je n’ai pas eu, qu’elle soit quelque chose du parent avec qui j’ai éprouvé un manque particulier. Quelle est cette attente précise, mon attente toujours frustrée ? »
Puisque je précise maintenant que vous n’obtiendrez jamais cette parentalisation réparatrice, vous pourriez vous étonner ou même vous « insurger ». ET pourtant ! Observez-le bien, c’est justement votre expérience. Vous n’avez jamais été parentalisé comme vous attendez d’être traité, jamais de façon suffisante ou durable. C’est pourquoi vous continuez de rencontrer les mêmes insatisfactions, les mêmes difficultés. Il n’y a cependant pas de fatalité et la solution existe (nous allons y venir). Il y a cette douleur émotionnelle ravivée si souvent, le manque qu’elle implique et la vaine attente vis-à-vis d’un parent de substitution. Précisons qu’on peut encore chercher ce parent à travers un enfant, un animal ou même une activité.
Ne sachant pas que vous voulez être parentalisé (d’une certaine manière), vous ne savez pas non plus pourquoi vous le voulez, pourquoi vous le voulez encore. Vous étant senti traité enfant de façon relativement blessante, ayant éprouvé un manque, vous en avez déduit que vous étiez indigne (par exemple). Vous vous autoaccusez d’être … (mauvais, inutile, détestable…) et vous vous évertuez dans la vie à le démentir. Pour tenter de renforcer ce démenti, il reste urgent que l’on vous traite à l’inverse de la manière dont vous vous êtes senti traité enfant, autrement dit qu’on vous « parentalise » (de façon réparatrice). En définitive, personne n’a à le faire, personne ne le fera jamais car personne ne vous juge comme vous vous jugez. Pour mieux dire, personne n’a idée de votre culpabilité, de vos autoaccusations, de ce que vous cherchez à guérir.
En outre, être traité de façon heureuse n’est pas si aisément acceptable pour qui a été traité durement. Dans certains cas, on demeure fermé à ce qu’on dit vouloir. C’est une autre façon de dire qu’on ne peut vivre la « parentalisation espérée ». On conserve surtout la peur d’être traité de la manière connue et c’est de la sorte qu’on entretient et s’attire les mêmes expériences. Ainsi, on peut y réagir comme on y réagit à chaque fois. Et l’on tient à sa réaction, par habitude, par seconde nature. Donc, que ne faut-il pas s’attirer dans sa vie pour être pleinement en mesure de réagir de la manière habituelle si « jouissive » ?
Reconnaissez aussi que jamais, dans une relation intime, vous n’avez reçu ce que vous pourriez reprocher à beaucoup de ne pas vous avoir donné, de ne pas vous donner. Puisqu’il en est ainsi, seule votre propre histoire doit être concernée au premier chef. Le seul moyen d’en sortir est la conscience, devenir conscient et, parfois, adopter de façon délibérée et progressive un nouveau positionnement. On ne pourrait continuer de se comporter comme on l’a toujours fait et escompter des changements dans sa vie.
Alors, pour vous-même, si vous deveniez ce parent que vous n’avez pas eu ? Si vous vous accordiez enfin ce que vous avez continué de croire pour vous impossible, interdit, inaccessible ou parfois même due absolument ? Se savoir digne du meilleur est excellent ; croire que le meilleur nous est dû risque fort de nous faire adopter des attitudes inharmonieuses et qui nous desservent. Peut-être connaissez-vous des gens qui expriment sans arrêt des exigences. Ils ne sont jamais satisfaits. Comme les autres, ils continuent de se refuser l’essentiel. Voyez lequel des cas de figure ci-après vous parle le plus et considérez-les tous pour vous aider à formuler ce qui vous correspond de façon plus appropriée.
Quand vous vous rappellerez ce qui vous tient à cœur et cesserez de croire sa réalisation impossible, vous serez enfin en mesure de faire des demandes trop longtemps retenues (demander de l’aide par exemple). Ne vous négligez pas !
Quand vous cesserez de vous accorder des choses par pure revendication et de croire en fait le meilleur pour vous interdit, vous trouverez aisément de quoi vous faire vraiment plaisir. Vous n’aurez alors besoin de l’autorisation de personne. Ne vous sous-estimez pas !
Quand vous saurez que vous avez votre place, que vous êtes important, vous permettrez à la vie, au monde de vous être agréable, de vous faire plaisir. Vous ne dépendrez plus d’aucun témoignage. Ne niez pas ce qui vous dérange le plus !
Quand vous serez à l’écoute de vos vrais besoins (besoin de repos, de place, de temps pour vous…), vous n’aurez plus d’intérêt à ce que votre entourage vous permette de satisfaire des caprices qui ne vous satisfont pas au bout du compte. Écoutez-vous enfin !
Quand vous parlerez enfin de ce qui vous fait le plus mal (ce que vous connaissez et taisez ordinairement), vous n’aurez plus besoin de vous plaindre de mille choses annexes en tentant ainsi d’obtenir de l’attention. Donnez-vous cette même attention !
Parentalisez-vous comme jamais vous n’avez été parentalisé, ni par vos propres parents, ni par tous leurs substituts que vous avez usés. Une excellente manière de le faire revient à vous inviter à ressentir ici et maintenant ce que vous voulez ressentir en général (relire les premiers paragraphes de la chronique). Voulez-vous faire de cette nouvelle année la plus heureuse de votre vie ? Traitez-vous enfin comme vous avez toujours voulu être traité par le monde !
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