Notre réalité profonde : la Présence, la Conscience, l’Amour, le Bonheur 6/6
Les chroniques précédentes informent du choix rédactionnel pour ces dernières publications – des dialogues imaginaires. Et si vous voulez mettre dans la « bouche de l’interlocuteur » vos propres mots et questions, ils seront bienvenus !)
INTERLOCUTEUR – Tu as déjà dit que nous nous infligeons nous-mêmes ce que nous déplorons, que nous le maintenons ou même nous l’attirons. Cela peut sembler extrême, mais j’y vois un aspect très positif : s’il s’avère que je me traite moi-même comme je me suis senti traité, ce que tu ne te lasses pas de répéter, je peux aussi cesser de le faire. Ce qui pourrait m’aider, me semble-t-il, cela devrait être de conscientiser mieux la façon dont je me traite moi-même effectivement. Comment est-ce que j’agis à mon encontre ? Qu’est-ce que je fais contre mon propre bien-être ? Peux-tu m’éclairer un peu plus ?
EXPÉRIENCE – Excellente idée ! Allons-y directement : accorde-toi un peu de temps et mets par écrit la façon dont tu te sens ou t’es senti traité par les personnes avec qui tu as été en conflit ou éprouvé un certain malaise. « Par lui, elle, eux, je me suis senti … (négligé, ridiculisé, accablé, ignoré, abusé…). Les mots entre parenthèses sont des exemples, trouve les tiens (des verbes). Dans ta liste, n’oublie pas tes parents et les personnes qui ont été des figures d’autorité dans ton enfance. Au passage, si tu ne prends pas le temps de te prêter à ce petit exercice, à toi seul de vérifier si cela n’est pas déjà une manière de « te traiter mal » : ne pas t’accorder du temps peut être égal à te négliger… On s’oublie ou peut s’oublier soi-même en de nombreuses circonstances, et l’on en paie le prix.
Ensuite, admettons par exemple que tu te sentes souvent rabaissé, ce que tu pourrais avoir noté dans ton exercice. Pose-toi alors cette question : « Ne se pourrait-il pas que j’aie tendance à me dévaloriser ? Quand, en quelle circonstance est-ce que je peux me dévaloriser moi-même ? » Et si tu tiens à voir la vérité – la tienne – pose aussi la question aux gens de confiance de ton entourage : « Pourrais-tu me dire si j’ai tendance à me rabaisser, à me dévaloriser (à me …) et en quelles circonstances ? » Oui, si tu es sincèrement disposé à voir, tu verras ! (Plus je regarde, plus j’ajuste mon regard, plus je vois – y compris sans les yeux.)
En fait, nous nous faisons à nous-mêmes ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fasse, ce que certains nous font ou nous ont fait, ce que nous craignons d’endurer, parce que nous nous traitons comme nous nous sommes sentis traités dès le début de notre vie. Or, très souvent, la seule façon de nous exprimer dit elle-même que nous sommes l’auteur (voire le bourreau) et la victime de nous-mêmes. Quand tu me dis, par exemple, « je m’énerve » ou « je me ronge les sangs », ne me parles-tu pas de ce que tu te fais à toi-même ? Rassure-toi tu n’es pas le seul de ton espèce ! J’ai vu bien des fois que je m’apitoyais sur mon sort. Pour m’amuser un peu, j’ajoute pour moi-même, donc en souriant : « Et tu n’avais rien de mieux à faire ? »
On est même capable de proclamer, sans conscience de l’implication : « Je me rends malade ». Oui, on le fait. On ne fait pas que le dire, on se rend réellement malade ! Alors, en toute conscience, allons-nous continuer ? Ce qui est fascinant — et tragique — dans cette mécanique, c’est qu’elle peut reposer sur une intention de protection. Par exemple, un enfant humilié peut apprendre à se rabaisser lui-même pour ne plus être surpris. S’il est rejeté, il peut finir par se rejeter lui-même, croyant ainsi éviter la douleur du rejet à venir. Si l’on se place ou se maintient soi-même dans la situation qui fait mal, on aura moins mal du fait d’y être soumis une fois de plus. C’est un paradoxe profond : dans ce cas, nous reproduisons la blessure pour éviter de la revivre… mais en la revivant donc sans cesse.
S’ennuyer, se tourmenter, se culpabiliser… ce genre de verbes pronominaux traduisent une forme de mise en boucle du mal, devenue autonome, comme si la blessure initiale n’avait plus besoin d’ennemi extérieur : nous avons pris le relais. Et pourtant, ces formes de souffrance ont ceci de bouleversant qu’elles montrent une tentative d’agir, de faire quelque chose avec la douleur, de la canaliser, de la rendre supportable, même à son détriment. D’où l’intérêt immense de les nommer : le « mal » une fois nommé, on peut commencer à en sortir.
Il y a bien des expressions que nous énonçons presque machinalement, sans conscience de leur portée auto-infligée, des tournures si banales, si culturellement admises, qu’elles passent sous le radar, alors même qu’elles révèlent une violence subtile que nous nous faisons à nous-mêmes, disent la manière dont nous nous traitons nous-mêmes, sans jamais en mesurer le poids. Ces expressions courantes, dites à la première personne, auto-dirigées, souvent sans recul, méritent bien qu’on s’y arrête un peu :
– Je me prends la tête ; je me fais du mauvais sang ; je broie du noir ; je m’en veux ; je me fais du souci ; je m’inquiète (pour un rien) ; je me stresse (sans arrêt) ; je me casse la tête ; je me fais des films ; je me torture l’esprit ; je me pourris la vie ; je me juge tout le temps ; je me fais honte ; je me culpabilise ; je me fais passer pour un idiot ; je me trouve nul ; je suis trop bête ; je suis un boulet ; je me mets la pression ; je me mets dans tous mes états ; je me prends pour un incapable ; je me crée des problèmes… (Et pour toi-même, c’est quoi ?)
En nous exprimant de la sorte, nous croyons parler de ce que nous vivons, mais en réalité, nous parlons de ce que nous nous infligeons. Et nous le faisons avec une telle spontanéité que nous n’en percevons pas le sens. Nous disons « je me prends la tête », « je me tracasse », « je m’en veux », comme si cela n’était là que de simples états d’âme, alors qu’en réalité, ce sont des actes auto-infligés.
Chaque « je me … » révèle sans le dire l’idée que le tourment vient de nous, et c’est vrai, non pas que nous en serions coupables, mais, comme je l’ai rappelé, parce que nous avons hérité de manières de nous traiter qui nous maintiennent dans la douleur. Nous avons copié la manière de nous inquiéter sur celle dont on a été inquiété. On se juge comme on a été jugé ; on s’en veut comme on nous l’a fait sentir. Ces petites phrases, anodines en apparence, sont les traces parlées d’un rapport à soi chargé. Elles témoignent d’une relation intérieure que nous n’avons pas choisie en conscience. Elles sont les répliques de voix anciennes, voix intérieures formées par la peur, la honte, la culpabilité, la comparaison… le regard d’autrui.
Et pourtant, les entendre avec une conscience neuve, c’est entrevoir qu’un autre lien à soi est possible, un lien qui cesse d’être punitif, inquiet, exigeant. En effet, si l’on peut dire « je me fais du souci », on peut aussi, un jour, dire : « je me fais du bien ». Qui pourrait donc nous empêcher de dire : « J’aime l’idée que l’harmonie touche tous les domaines de mon existence » ? Eh oui, « soi-même ! », avec un « je m’empêche d’être heureux », maintenu depuis fort longtemps.
Reconnaître ces expressions comme des gestes répétés, des réflexes qui échappent à notre contrôle, est une première étape essentielle. Mais cela ne suffit pas. En prendre conscience, c’est d’abord mettre en lumière un processus qui se déroule souvent dans l’ombre de notre esprit. Le simple fait de l’observer nous permet de commencer à en sortir. Il nous faut savoir que ce que nous nous disons à nous-mêmes chaque jour, a un pouvoir bien plus grand qu’on ne le croit. Les mots que nous utilisons façonnent notre expérience de nous-mêmes, nous ancrent dans des schémas de pensée, des réactions émotionnelles, parfois même des comportements qui ne nous servent plus. Par exemple, quand nous disons « je me prends la tête », nous validons l’idée que nos préoccupations sont légitimes, sans jamais nous interroger sur leur bien-fondé. Ces mots deviennent des automatismes qui nous éloignent de la possibilité de choix.
Ainsi, après la prise de conscience, il pourrait être très utile de remettre en question nos habitudes verbales, et surtout en quelque sorte, de les « reprogrammer ». Si nous avons pris l’habitude de nous inquiéter, de nous culpabiliser, de nous juger, nous pouvons aussi aspirer à changer ce langage intérieur pour qu’il nous soutienne plutôt que de nous abattre. Et juste aspirer à cela, c’est déjà commencer à mieux se traiter.
INT. – Je sais l’importance de l’observation, de la reconnaissance et du plein accueil, mais peut-on envisager quelque chose qui pourrait aussi contribuer au basculement ?
EXP. – À partir de l’observation, en effet, la première étape consiste à identifier les schémas récurrents de notre discours intérieur. Lorsque nous nous entendons dire des phrases comme « je me fais du souci », « je me fais du mauvais sang » ou « je me fais des films », il s’agit de s’arrêter et de se demander : « Pourquoi ? Est-ce vraiment utile ? » Ce n’est pas tant que l’inquiétude ou l’angoisse sont à bannir, mais plutôt qu’elles ne doivent pas rester notre mode de fonctionnement habituel. Elles sont surtout à reconnaître comme telles, au lieu de rester un contenu enrichi de jour en jour. Par exemple, au lieu de « je me désespère », le désespoir déjà en soi peut ou même doit être reconnu en tant que douleur pure, puis pleinement accueilli. Tu connais déjà les effets du plein accueil…
Une fois cette étape de prise de conscience franchie, ne serait-ce que pour un instant, on peut (au besoin) substituer ces phrases par des alternatives plus bienveillantes et constructives. Par exemple, au lieu de dire « je me tracasse » et de le revendiquer, on pourrait se dire : « je me dispose à trouver une solution à ce qui me préoccupe. » Cela ouvre l’espace à l’action, à l’inspiration, et non plus à la rumination inutile.
Par ailleurs, nous avons tendance à être plus durs avec nous-mêmes qu’avec autrui. Si l’un de nos amis se disait constamment « je suis nul », « je me déteste », ou « je me fais du mauvais sang », que ferions-nous ? Ne lui offririons-nous pas des mots de réconfort et des conseils bienveillants ? Pourquoi ne pas appliquer cela à soi-même ? (Petit rappel sans discours : « Aide-toi et le Ciel t’aidera ».) La bienveillance envers soi ne signifie pas l’auto-indulgence ou l’acceptation des mauvaises habitudes, mais plutôt l’absence de jugement sévère. Cela implique de traiter nos erreurs avec compréhension, nos faiblesses avec douceur et nos moments de doute avec patience. En changeant la manière dont nous nous parlons, nous pouvons peu à peu changer la manière dont nous nous vivons et dont nous vivons.
• Se traiter avec amour, patience et compréhension, c’est peut-être la plus grande des libertés.
INT. – Tout cela m’inspire, même si mon dialogue intérieur personnel semble impliquer davantage les autres que moi-même. Je peux les juger, les accuser, établir des listes de preuves de leurs attitudes avilissantes ou simplement malveillantes. Je ne le revendique pas, c’est manifestement ce que j’ai encore à dépasser !
EXP. – Déjà, tu en es conscient, c’est magnifique, et ne pas le revendiquer contribue au dépassement auquel tu aspires. L’étape suivante peut être : ne pas t’en vouloir, ne pas te juger, ni même te justifier (à travers le passé, ton conditionnement). Or, là encore, tu pourrais bien découvrir que certains de tes jugements pourraient s’appliquer à toi-même : on juge aussi autrui, très consciemment, comme on se juge soi-même, inconsciemment. C’est encore dire ici que l’on fait à autrui – tente de lui faire – ce que l’on se fait à soi-même (plus sûrement).
Prenons un exemple simple : si tu cultives de la haine ou une grande colère envers quelqu’un, où reste cette haine ou cette colère ? La haine et la colère ne s’apparentent pas au plaisir, au contentement, à l’amour, et elles sont bien logées en toi (dans notre exemple), et c’est bien toi qui les cultives, et c’est bien toi, là encore, qui agis contre toi-même. D’éventuelles « bonnes raisons » ne changeraient rien à cette réalité malencontreuse. La colère peut soulager, certes, mais le soulagement n’est pas le contentement : ne nous méprenons pas ! Et en somme, s’en prendre à autrui, même mentalement, ce serait un peu comme boire du poison en espérant que l’autre en meure. Les conséquences sont toujours pour le « consommateur ».
L’amertume et le ressentiment rongent de l’intérieur. Imagine quelqu’un qui nourrit une jalousie intense envers une autre personne. Même si cette jalousie n’est jamais exprimée, elle occupe une place considérable dans l’esprit de celui qui l’éprouve. C’est comme porter un lourd fardeau invisible qui détourne l’énergie, trouble la paix intérieure et empêche de ressentir de la joie. La personne se retrouve piégée dans ses propres émotions négatives, souffrant silencieusement de ses pensées (et pas moins si elles ne sont même pas confirmées).
Penser constamment du mal d’autrui ou souhaiter sa chute génère un état de tension. C’est un peu comme si notre corps et notre esprit étaient constamment en mode « combat », bien que la menace puisse n’être qu’imaginaire. Cela peut entraîner des symptômes physiques de stress (maux de tête, insomnie, problèmes digestifs…) et une anxiété généralisée, affectant la qualité de vie de la personne.
En général, ce que l’on critique ou méprise chez l’autre est un aspect que l’on n’accepte pas en soi, même quelque chose dont on peut s’accuser à tort. En se concentrant sur les défauts d’autrui, on évite de regarder ses propres « imperfections ». Ce défaut d’introspection empêche la croissance personnelle et maintient la personne dans un état de stagnation. De plus, même si les pensées négatives ne sont pas verbalisées, son attitude générale en est affectée. Elle devient plus irritable, plus cynique, et elle a une aura de négativité qui repousse les autres. Les amis s’éloignent, la famille se sent mal à l’aise en sa présence, et la personne se retrouve dans l’isolement qu’elle a inconsciemment créé elle-même.
INT. – S’agissant de notre rapport à autrui, pourrait-on poursuivre sur ce même sujet, en s’appuyant également sur le langage, comme on vient de le faire pour la « souffrance auto-infligée » ? Par exemple, on peut entendre l’expression « chacun sa merde ! ». Cela peut suggérer une forme d’indifférence réservée aux autres.
EXP. – En effet, tout comme notre propre langage informe indirectement du mal que nous nous faisons, nous pouvons aussi, par des mots ou comportements souvent anodins, infliger des jugements, des préjugés ou même des attitudes qui témoignent d’une forme de mépris, de rejet ou d’indifférence à l’égard des autres. Et des mauvaises intentions peuvent même être révélées à travers le langage. C’est là encore un aspect du « moi séparé » sur lequel on peut aussi s’arrêter un moment.
L’exemple que tu as pris est excellent : « chacun sa merde ». Cette expression montre une forme de détachement, voire de désengagement. Puisque tout le monde est responsable de ses propres problèmes… Elle suggère une forme de non-solidarité et donne l’impression qu’on se désintéresse totalement de ce que vivent les autres. Un peu dans le même sens, l’expression « c’est chacun pour soi » peut suggérer une philosophie de la compétition, de l’isolement, où l’individualisme prime sur la collaboration ou la solidarité. Elle peut aussi témoigner d’un désenchantement vis-à-vis de l’autre, de la conviction qu’on ne peut compter que sur soi-même et que les autres ne méritent pas notre soutien.
Avec « on n’est jamais mieux servi que par soi-même », on peut trouver là une forme de repli sur soi, où l’on rejette l’idée de collaboration ou de dépendance à l’autre, au profit d’une gestion de ses affaires en solitaire. Cela peut aussi traduire une forme de méfiance envers les autres et un désaveu implicite de l’aide extérieure. « Il n’a rien à m’apporter », une déclaration qui peut réduire l’autre à une fonction utilitaire, comme s’il n’avait de valeur qu’en fonction de ce qu’il peut apporter. Cela traduit une dénégation de l’autre en tant qu’être humain, une forme de mépris qui le prive de dignité, du droit à manifester ce qu’il est.
Ainsi, le langage que nous utilisons à propos des autres révèle bien plus qu’il ne le semble. Chaque jugement, chaque expression de rejet, de dévalorisation ou d’indifférence témoigne d’un regard porté sur l’autre qui, s’il n’est pas réajusté, peut entraîner un traitement injuste, souvent inconscient, mais aussi cruel. Tandis que nous nous rendons responsables du mal que nous nous faisons souvent à nous-mêmes, en reproduisant intérieurement les schémas des traitements passés, nous pouvons aussi projeter sur les autres une même froideur, une même dureté, une même indifférence. Et ce que nous disons à propos des autres, souvent sans y prêter attention, façonne nos actions envers eux et, à terme, notre manière de construire des relations.
En devenant conscients de ces mécanismes subtils, nous avons la possibilité de les déconstruire, de les remplacer par des expressions qui manifestent, non seulement un regard plus respectueux et bienveillant, mais aussi un désir authentique de reconnaître l’autre dans sa pleine humanité. C’est alors que nous délaissons le « moi séparé », que nous cessons de nous prendre pour ce que nous ne sommes pas. Cependant, cela engage notre état d’esprit général, ce que nous avons à dépasser, plus que notre seul langage, qui reste un révélateur utile.
INT. – Je sais que tu as beaucoup parlé de la réaction, que tu invites à ne pas la confondre avec une « réponse ajustée ». J’ai retenu, pour le formuler à ma manière, que la réaction serait un « tir » non contrôlé, émotionnel, relativement impulsif, tandis que la réponse ajustée serait une « offre » ou une proposition précise, inspirée ou clairement ressentie. Peux-tu évoquer ici aussi quelques effets de la réaction ?
EXP. – La réaction qui pose problème, que je suis effectivement amené à mentionner souvent, est une attitude automatique, instinctive et émotionnelle, déclenchée en apparence par divers stimuli. Elle comporte toujours un certain degré de malveillance (parfois envers soi-même). Il est surtout à savoir que l’attitude réactionnelle dissimule d’anciennes douleurs, et sa forme spécifique (plainte, indignation, rumination…) dépend de la blessure principale de chacun, blessure révélée par l’attitude réactionnelle elle-même. Or, lorsqu’on est dans la réaction, on n’est plus disponible pour autrui, pas davantage pour soi-même. On peut d’ailleurs admettre aisément que l’on ne peut pas se sentir bien auprès de quelqu’un qui est et reste dans la réaction.
Ici, considérons l’état réactionnel aussi bien de soi-même que d’autrui. D’abord, soyons conscients de ce que nous faisons peser lorsque nous sommes dans la réaction ou que notre propre réaction n’est pas sans effets. La réaction peut susciter beaucoup de malentendus. Par exemple, lorsque c’est l’autre qui est dans la réaction, soumis à ses propres vieux schémas, on peut se sentir à tort remis en question, se sentir en cause, croire que l’on a quelque chose à faire ou vouloir absolument faire quelque chose. En fait, à deux, lorsque l’un est dans la réaction, l’autre ou soi-même, il est vain de discuter. Le silence serait le mieux dans tous les cas.
Pour réduire le tort que nous pouvons causer à autrui, nous pouvons précisément tenir grand compte de notre état réactionnel. Nous sommes en général peu conscients du trouble que nous pouvons causer dans notre entourage. Lorsqu’on est en pleine réaction, on ne risque pas seulement d’affecter la personne à qui l’on s’en prend (éventuellement), mais aussi tous ceux qui peuvent à ce moment-là se trouver autour. La colère que nous exprimons, voire simplement notre état d’esprit, en présence d’un bébé, d’un enfant et même d’un animal, affecte aussi ces derniers dans une certaine mesure.
En état de réaction, rappelons que tout ce que nous disons et faisons, incluant les décisions que nous pouvons prendre, est voué à l’échec ou tend même à aggraver la situation déplorée (utilisée). Ce qui est réactionnel, donc mental, n’est pas inspiré et ne peut jamais être fécond. Or, il y a autre chose d’essentiel et qui peut également nous échapper souvent : dans la réaction, nous ne percevons pas ce qui nous serait hautement bénéfique et nous n’agissons donc pas dans ce sens. Enfin, réagir, c’est très souvent donner de l’importance à ce qui n’en a pas, perdre parfois son temps avec des personnes qui ne s’en sont pas montrées « dignes ». Et en réagissant, relevons-le aussi, nous ne témoignons pas non plus de notre propre dignité.
Que la considération de ton propre état réactionnel ne te cause aucun trouble ! Se libérer de la réaction est en fait très simple. Tu ne peux pas devenir conscient d’une de tes réactions et y demeurer. Il y a tout de même un prérequis : la disposition à voir vrai, à se voir, sans filtres. Et puisque tu me questionnes, mieux encore puisque tu lis ces textes, la condition préalable est déjà tienne. Nous faisons toujours du mieux que nous pouvons et notre disposition à la lumière, à l’authenticité, est le guide intérieur qui nous éloigne des excès et des dérapages.
INT. – Pour clore cet échange, j’aimerais que tu me souffles une douce inspiration, une petite « pratique » ou un état d’esprit qui m’aiderait à me fondre loin du « moi séparé », pour m’ouvrir plus pleinement à l’harmonie, à la sérénité, disons… au bonheur.
EXP. – Cette demande me fait un peu l’effet d’une « caresse énergétique » et me donne directement de quoi y répondre. N’aurais-tu pas toi aussi perçu, une fois ou l’autre, des mots qui semblent « caresser » le cœur ? Puisqu’on dit couramment que des choses, ici des mots, peuvent nous toucher, il n’y a rien d’extraordinaire à suggérer également que ces choses et ces mots puissent nous caresser ou que nous puissions les vivre tels des caresses. Alors, c’est avec une caresse que nous allons conclure cet échange. Vas-tu te laisser caresser, pardon… toucher ?
Notons d’abord que les mots « chérir » et « caresser » partagent une même étymologie. Ils parlent de ce qui est cher, de ce qui est aimé. La « caresse » parle d’amour. En fait, la « caresse » dont je parle renvoie à du connu sur lequel nous mettons rarement des mots. « La musique est une caresse de l’âme » », a dit Victor Hugo. Par quoi et combien de fois n’avons-nous pas été caressés ? Pensez à l’effet sur vous du sourire d’un enfant, d’un spectacle auquel vous avez assisté, d’un témoignage de gratitude que vous avez reçu…
Avec son sens ordinaire, la caresse annonce le contact, davantage la « fusion » que la seule proximité. Il est dit qu’en donnant, on reçoit. La caresse sincère en est une illustration merveilleuse. L’impact d’une caresse dépasse largement le plaisir physique ; ses effets sur celui qui la reçoit sont souvent trop marquants pour y être indifférent. En caressant, donc en donnant, on reçoit. Le don de la caresse précède toujours, ou accompagne, la réception de son effet sur l’autre : la connexion, un écho chaleureux. (Et j’ai envie de dire ici que ce qui n’est pas « caresse » est souvent « indifférence » ou même « brutalité ».)
Eh bien, nous pouvons nous inviter à pratiquer en conscience « l’art de la caresse » ! Et à partir du donner/recevoir, il s’agit, non plus d’effort, mais d’amour. J’ai écrit quelque part : « J’aime caresser l’idée de voir clairement sans les yeux ». Or, aimer caresser, c’est aimer aimer. Peut-on ne pas aimer aimer ? Et, comme dans l’instant, quand la grâce nous permet de « regarder l’amour », le « moi séparé » a cédé la place. Là se trouve aussi la disposition au « meilleur ». Es-tu prêt ? Es-tu à l’écoute ?
Juste pour un instant, imagine-toi caressant l’idée de vivre ou d’obtenir ce qui t’est le plus cher, ce qui te tient le plus à cœur, ce qui te permettrait de vivre un contentement (pour toi) irremplaçable. En caressant donc cette idée, ressens qu’elle t’enveloppe, comme une étoffe délicate qui épouse les contours de ton être, te réchauffant doucement de l’intérieur. Et tu peux aussi l’imaginer comme une douce brise sur ton visage, une sensation agréable qui parcourt ton corps, te murmurant doucement : « C’est là, c’est pour toi. » Oui, aimer une idée, la chérir, c’est la caresser, et cette caresse peut même être un acte énergétique tangible, perceptible. Tu finiras par aimer l’expérience de caresser une idée, en te laissant aller à sentir tangiblement la caresse énergétique initiée.
Laisse ta propre idée, chérie et donc caressée, vibrer en toi, comme la mélodie apaisante d’un instrument que tu aimes, te traversant de part en part et te remplissant d’une douce résonance. Tu peux même la respirer profondément, comme un parfum qui t’apaise et t’inspire, sentant sa chaleur se diffuser en toi et éclairer chaque recoin de ton être. Oui, « caresse » cette idée et ressens que tu le fais. Reconnais l’effet en toi de ta caresse intentionnelle ! Pourrais-tu redouter une telle intention ? Et si tu t’y prêtes de grand cœur, tu pourrais en ressentir un effet heureux immédiat, faire toi aussi l’expérience que « donner », c’est recevoir.
Or, tu ne vas pas t’arrêter là, tu vas te montrer plus « ambitieux » ! Toujours caressant ! Tu vas te disposer à passer de la réaction (éventuelle) à la présence, de l’évitement au plein accueil. Face à une douleur, une épreuve, toute contrariété, puisqu’elle est là, laisse-la être là, sans la juger. Sens que tu peux la couvrir doucement, comme on borde un enfant malade, sans chercher à la faire disparaître, juste à l’observer et à la reconnaître. Reste caressant. Veille à approcher cette expérience douloureuse comme si tu posais une main réconfortante sur une partie de toi qui souffre. C’est une caresse de compassion, un « je suis là avec toi » silencieux pour ce qui a besoin d’être vu, reconnu et accueilli.
Regarde toute difficulté avec la même tendresse que tu pourrais avoir pour un animal blessé et que personne ne pourra sauver. Observe-la simplement, sans la saisir, sans la juger, mais en lui offrant toute ton attention bienveillante. Accorde-lui un espace en toi, comme à un visiteur inattendu. Ne la repousse pas, ne la retiens pas. Accueille-la juste, sans rien attendre d’elle, avec une curiosité douce. L’accueil caressant transforme la relation avec la douleur ou le problème, en remplaçant la résistance par une forme d’acceptation douce et consciente, par l’amour.
Grâce à ma disposition à voir sans les yeux, depuis plus de deux ans, j’ai appris que le regard juste est plus une caresse qu’une saisie, sachant précisément que le regard est un don (comme le « voir » est un « receVOIR »). La vraie caresse n’est pas une prise. Or, il résulte de cela pour moi une conscience accrue : hors « moi séparé », tout est « caresse », caressant. La Présence est caressante, enveloppante. Quand j’ai à l’esprit l’effet sur moi des personnes qui m’ont arraché à la souffrance ou fait vivre un éveil, des personnes exceptionnellement présentes, je ressens tangiblement l’enveloppement, la caresse. Ainsi, nous pouvons nous inviter à vivre « l’art de la caresse », lequel est aussi celui de la bénédiction.
Un bonus :
Aie à l’esprit cette personne qui t’a blessé, celle à qui tes pensées négatives, épuisantes, sont destinées. Pour un instant, laisse-toi aller à l’idée que ton être tout entier rencontre le sien, l’enveloppe, le caresse. Offre-toi cette rencontre singulière, sans rien attendre, sans rien en penser. Rappelle-toi : une vraie caresse est pure et sans condition.
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