L’écoute, le don divin dont personne n’est privé – n° 181
« Il n’y a rien à corriger dans ta vie, il y a juste un appel de l’Amour auquel tu devrais céder si tu veux que ta vie change. Ton « soi supérieur » essaie de te le faire comprendre par tous les moyens, tous les jours avec une patience infinie. Il sait qu’un jour, tu tendras davantage l’oreille et que tu l’écouteras. » (Riad Zein)
L’écoute (véritable) est une aptitude absolument merveilleuse et déterminante. Nous la connaissons tous et nous la manifestons au moins en certaines circonstances, privilégiées, même si nous ne saurions pas forcément en témoigner. Ordinairement, ce qui est bon et naturel ne retient pas l’attention. La parole et d’abord le penser relèvent davantage de la compulsion tandis que l’écoute véritable s’apparente à un art. L’art le plus discret est aussi l’art le plus communicatif.
Une fois ou l’autre, peut-être avons-nous au moins pu apprécier l’écoute de quelqu’un. Si possible, rappelons-le-nous pour élever notre intérêt à « écouter ce qui peut être dit de l’écoute ». Je l’évoquerai plus loin, une expérience actuelle et très pratique m’a permis de m’arrêter davantage sur l’écoute, sur sa réalité et sur ses bénéfices inouïs (aussi bien fonctionnels que spirituels). Disons tout de suite qu’il s’avère très intéressant de pouvoir reconnaître les circonstances où nous manifestons nous-mêmes une véritable écoute. N’y aurait-il pas des moments où nous sommes en effet pleinement à l’écoute, à la manière que vont suggérer ces paragraphes ?
Et à propos, pour vous, l’écoute, c’est quoi ? Peut-être avez-vous écouté la radio ce matin, les informations, ou encore de la musique. À un moment ou à un autre, peut-être avez-vous été véritablement à l’écoute, mais il ne serait probablement pas abusif de dire que ce que vous dites avoir écouté, vous l’avez davantage entendu, par moment un peu comme un bruit de fond. Et c’est amusant et presque paradoxal de le formuler ainsi car en réalité, on entend bien que ce que l’on écoute bien.
Pour le dire autrement, ce que nous entendons est très différent selon que nous l’écoutons ou que nous ne l’écoutons pas. Même si nous pouvons à l’occasion déclarer avoir écouté une chose d’une oreille distraite, nous mentionnons plus rarement en avoir écouté une autre avec toute l’attention dont nous sommes certainement capables. Certes reliés à notre, à nos blessures, nos conflits relationnels sont maintenus ou créés à cause d’un manque d’écoute. Et si nous recherchons de l’aide, son effet dépendra encore de notre écoute, de notre qualité d’écoute, de notre disposition à écouter. Savons-nous écouter ? Plus exactement, quand sommes-nous véritablement à l’écoute ? Si nous ne savons pas écouter, sachons-le, nous ne savons pas non plus recevoir.
L’étymologie nous indique qu’entendre, c’est bien sûr percevoir par l’ouïe. De la même façon que voir est aussi recevoir, entendre également est pareillement recevoir. Percevoir, c’est recevoir au sens propre du mot. On dit « percevoir des intérêts » aussi bien que « percevoir un bruit ». Ce que nous percevons, donc ce que nous recevons, dépend de la façon dont nous demandons, dont nous nous disposons, dont nous regardons et ici dont nous écoutons. Les manques éprouvés invitent à considérer de près cette façon-là.
Parfois, en effet, il nous faudrait admettre que nous ne savons pas recevoir. Or, si nous devions nous interroger à cet égard, il pourrait suffire de bien découvrir la façon dont nous écoutons, la façon en réalité dont nous n’écoutons pas. S’agissant de ce que nous vivons, sentons, voyons, entendons, que percevons-nous, que recevons-nous ? Ce qui est perçu et donc reçu dépend de la façon dont nous écoutons, dont nous regardons, dont nous sommes disposés. C’est incontournable !
Donc, ici, je vous propose de considérer un peu votre propre écoute, de vous permettre de reconnaître sa qualité, quand cette qualité pourrait être très élevée et quand l’écoute véritable vous fait défaut, forcément à votre détriment. Nous ne pouvons rien « recevoir » de bon si nous n’y sommes pas disposés, si nous ne regardons pas, si nous n’écoutons pas. Comme déjà suggéré, nous n’allons pas nous arrêter ici sur notre conditionnement (blessures) qui nous amène à envisager l’existence comme nous le faisons, à regarder comme nous regardons, à écouter comme nous écoutons. Nous allons en quelque sorte « être à l’écoute de notre écoute » : que peut nous enseigner la façon dont nous écoutons ?
Ce n’est bien sûr jamais pour rien que nous réagissons comme nous réagissons, mais il est toujours utile de reconnaître la façon dont nous réagissons. Et reconnaître la façon dont nous réagissons est surtout un prétexte pour reconnaître que nous sommes bel et bien dans la réaction. La façon même dont nous réagissons est en général secondaire, mais la réaction elle-même (le fait de réagir) est toujours déterminant. Une question à se poser et se reposer de temps en temps : « Suis-je dans la réaction ou suis-je juste avec un malaise que je tente de reconnaître mieux que jamais ? »
Quand notre écoute n’est pas pleine ou véritable, elle est en fait empêchée ou pervertie par de la réaction. Or, cette réaction est pour la plupart d’entre nous si habituelle que nous ne la reconnaissons pas aisément. Certains peuvent même nier leur propre réaction tandis qu’ils sont simultanément en pleine réaction. Il pourra bien suffire, dans un premier temps, de juste considérer notre écoute, ses variations, sans rien en penser. Le penser ordinaire est l’obstacle majeur à l’écoute véritable. Et c’est là un point essentiel.
D’ailleurs, la circonstance idéale pour « évaluer » notre écoute, pour la connaître, c’est quand nous sommes en interaction avec le monde et d’autant plus quand nous conversons. Ne nous arriverait-il pas, alors que nous conversons, que nous nous prêtons à une conversation, que nous n’ayons qu’une intention, celle de « déposer » ce que nous tenons à dire ? Dans ce cas-là, l’écoute est a priori complètement exclue. Peut-être y a-t-il alors de quoi « entendre », l’autre aussi veut souvent déposer son « contenu », mais qu’il cause, nous ne l’écouterons pas vraiment. Et ce faisant, nous continuerons pourtant de déplorer l’impression de ne pas être entendu.
On pourrait évoquer des circonstances qui nécessitent peu l’écoute, s’il est juste question de faire passer une information par exemple, mais il ne s’agit plus là de conversations. Une conversation requiert au minimum un interlocuteur et une écoute réciproque. Sans l’écoute, la conversation est insipide, voire polémique, toujours vaine. Dans une conversation, il y a en principe deux temps très distincts : celui où l’on s’exprime soi-même et celui où l’autre s’exprime. On est émetteur alors que l’on s’exprime et récepteur potentiel quand l’autre s’exprime.
Ainsi, à tout moment et en toute circonstance, nous pouvons repérer ces deux temps bien distincts que sont l’émission et la réception. Parfois, je rappelle que, soit nous pensons, soit nous observons, que nous n’avons pas d’autre choix (sinon dormir ou somnoler). La plupart du temps, penser, c’est déjà réagir. Pour repérer ou même déjouer un peu la réaction, posez-vous cette question : « Suis-je en mode émission ou en mode réception ? »
La proposition pour vous serait de vérifier ce qui se passe en vous, dans vos conversations quotidiennes, alors que vous cessez d’être l’émetteur, celui qui parle, ne serait-ce que pour un bref moment. Avez-vous une attention réelle pour ce que dit l’autre, ne pouvant pas savoir à l’avance ce qu’il va dire, ni comment il va le dire ? Pouvez-vous parfois avoir comme une saine curiosité pour ce qui va sortir de la bouche de cet être humain qui est face à vous ou que vous avez peut-être au téléphone ? La vie nous parle de mille manières, à chaque instant, et c’est encore vrai « cette fois-ci » !
Allez-vous reprendre la parole pour poser ce que vous avez pensé et donc « préparé » pendant que l’autre parlait ? De façon peut-être systématique, allez-vous reprendre exactement là où vous vous étiez arrêté, comme si rien ne venait d’être dit ? Une vraie écoute cause en général et au minimum une sorte d’accusé de réception. En fait, avez-vous ou non été à l’écoute ? Parfois oui, parfois non, j’imagine, mais nous développons notre aptitude à l’écoute quand nous la savons faillible, relativement limitée.
Et la façon dont nous écoutons autrui, le monde, ce qui vient de l’extérieur, suggère aussi ou surtout la façon dont nous nous écoutons nous-mêmes, dont nous sommes à l’écoute de ce qui se passe en nous, de ce qui se dit en nous. Et d’ailleurs, il s’en dit tant en nous que le penser persistant est ce qui nous empêche de jouir pleinement de cette aptitude magnifique et libératrice qu’est l’écoute véritable. Jean Klein a dit : « L’écoute est de nos sens le plus spirituel ».
Et même notre corps nous indique que nous avons moins besoin de parler et donc de penser que d’écouter, que de regarder et que de sentir : nous avons une langue, mais nous avons deux oreilles, deux yeux et un potentiel tactile et perceptuel incroyable. Sans nous le reprocher, bien évidemment, reconnaissons que nous fonctionnons un peu comme un mendiant malheureux qui serait assis sur un siège bourré d’or (référence à des contes spirituels). Nous sommes déjà « immensément riches » et nous pourrions recevoir tellement plus.
Et nos deux oreilles, nos deux yeux ne sont pas là pour nous faire taire, mais pour que nous recevions beaucoup, pour que nous puissions recevoir davantage. Notons d’ailleurs que lorsque nous parlons, que nous parlons pour parler, nous ne faisons que répéter ce que nous savons déjà, le connu, alors que lorsque nous écoutons et regardons, infailliblement, nous apprenons le nouveau, sous diverses formes. C’est dire – ce qui est surtout à sentir – que nous ne sommes pas positionnés pour recevoir, que nous ne sommes pas disposés à recevoir.
Le fait de passer de la verbalisation, de l’expression à haute voix, au penser continu nous laisse dans le mode « émetteur » et dans la méconnaissance du mode « récepteur ». Ce fonctionnement-là est très répandu et il limite en proportion l’accès au nouveau, aux intuitions, à l’inspiration, à l’apprentissage de tous ordres (nous allons y revenir), ainsi qu’à la libération émotionnelle.
Sans doute ai-je déjà écrit une part de ce que je viens d’évoquer ou j’aurais pu le faire depuis longtemps, mais il m’est donné d’en faire une expérience nouvelle et directe depuis plusieurs mois. Peut-être que cette expérience pourrait intéresser quelques lecteurs. J’ai toujours aimé les langues étrangères. Il m’était facile de retenir un vocabulaire important, d’apprendre la grammaire, et je n’avais qu’un problème, disais-je : entendre la langue ! J’ai pu lire assez tôt des livres en anglais et en allemand, mais dès qu’il s’agissait d’écouter les informations, par exemple, je n’entendais pas même les mots que je connaissais.
Il y a quelques mois, j’ai décidé d’apprendre de nouvelles langues, après avoir écouté une conférence sur le sujet. Le lendemain de cette écoute, j’ai commencé à m’immerger dans l’espagnol. Le plaisir des langues est une motivation suffisante, mais j’ai annoncé dès le départ que l’un de mes intérêts était aussi l’impression que j’allais pouvoir là en conscience travailler l’écoute, dépasser cette vieille difficulté. Et avec des possibilités que je n’avais pas il y a 40 ans (Internet, audio, mieux encore des amis hispanophiles…), je n’ai pas cette fois privilégié l’écrit. Aujourd’hui, je baragouine espagnol, mais j’ai surtout une qualité d’écoute accrue. Avec plaisir, j’écoute divers intervenants hispanophones…
« Je n’entendais pas » ! Je sais désormais que l’on aurait pu me rétorquer : « Tu n’entends pas, parce que tu n’écoutes pas. Après un mois d’apprentissage, j’ai fait un premier constat intéressant : si j’écoute l’espagnol (ici) comme j’écoute les gens qui me consultent, je le comprends « dix fois » mieux. C’est dire qu’ordinairement, je n’écoute pas comme il m’est naturel de le faire en certaines circonstances. Je n’étais pas conscient de ne pas vraiment écouter, d’écouter mal, de la possibilité de retrouver plus généralement une qualité d’écoute naturelle et systématique que j’avais bien repérée.
Et c’est en conversant en Espagnol que j’ai fait une observation essentielle, surtout étonnante à vivre : à plusieurs reprises, je me suis littéralement vu basculer du mode « émission » au mode « réception ». Cela s’est bien sûr produit au moment où je terminais mon intervention pour accueillir celle de mon interlocutrice. Cet accueil est la moindre des choses, pourrait-on dire, mais il n’est pas rare qu’il fasse défaut. Et Honoré de Balzac déclare judicieusement : « Ne pas écouter est non seulement un manque de politesse, mais encore une marque de mépris ».
Outre ma gratitude pour la disponibilité et la générosité de mon interlocutrice hispanophone, j’étais là d’abord pour communiquer, pour apprendre, pour m’entraîner, pour comprendre l’amie qui allait s’exprimer dans une langue pour moi nouvelle. En fait, si je tenais à un maximum de compréhension, je n’avais pas le choix, je devais lâcher le penser et n’être plus que réceptivité. J’évoque donc des instants où il me fut donné de pouvoir m’y prêter à « 100 % ».
Ce faisant, bien sûr, j’ai goûté à l’efficacité de l’expérience : une compréhension accrue, parfois « incroyable » ! Mieux encore, je fus très vite conscient de combien tout peut changer intérieurement dans l’instant où l’on peut basculer dans le « mode écoute ». Je me suis rappelé que ce qui dure est ce qui n’a pas été écouté, ce qui n’a pas été perçu sciemment. L’écoute n’est pas sublime sans que la perception le soit tout autant. Nous ne l’ignorons que parce que nous nous en privons.
Comme point de départ, sachez que l’écoute qui nous intéresse ici n’a rien à voir avec l’obéissance. Cette idée-là constituerait une résistance compréhensible. Il ne s’agit pas non plus de se taire, a priori, mais d’écouter. Du reste, se taire sans écouter ne signifie rien. Vérifions si nous pouvons parfois, non pas nous taire, mais écouter, être « joyeusement » à l’écoute. Et si nous pouvons déplorer le manque d’écoute de la part d’autrui, nous pouvons être assez sûrs, finalement, que nous ne nous écoutons pas nous-mêmes en réalité.
Beaucoup en nous peut bénéficier de l’écoute, à commencer par nos vieilles douleurs, ce douloureux qui ne demande qu’à être libéré, pour ce faire qu’à être perçu, perçu sciemment. Or, qu’advient-il de nos intuitions, nos inspirations, nos idées nouvelles, nos élans inattendus si nous ne les écoutons pas ? Notre cœur est ce que nous écoutons le moins, privilégiant toujours la dernière pensée qui s’impose. Eh oui, finalement, nous écoutons beaucoup, mais qu’écoutons-nous ? Ne serait-ce pas du « carburant » pour la « machine à réagir » ?
D’une façon très claire, écouter, c’est s’arrêter, arrêter de réagir, arrêter de se dire mille et une choses, arrêter de penser ou d’accorder crédit aux pensées. L’écoute véritable ne suggère pas un choix, ne privilégie rien, reste plein accueil. Je connais l’effet du « regard sans objet », forcément, mais aussi de la pure écoute sans objet, et j’aime l’évoquer, juste pour qui aimerait l’entendre. « Regarde, écoute, sens, reconnais, et n’en pense rien ! Tu noteras surtout combien tu penses et que ce que tu penses fait mal ». Quand le mental prend le dessus et que l’on s’en rend compte, il suffit d’être directement amour et écoute. Ce n’est pas seulement suffisant, rien ne serait mieux ! Un mot d’Éric Baret : « C’est extraordinaire d’écouter. Cela transcende ce que l’on écoute. L’accord profond de la vie consiste à écouter ».
Tandis que tout jugement est nécessairement une fermeture, l’ouverture véritable est manifestée par l’écoute ou par la réponse du cœur. Qu’apportons-nous dans l’échange quand nous sommes en relation, de la présence, de l’écoute, de la douceur, ou nos jugements, nos réactions, notre seul conditionnement ? Et si l’on exprime ou écoute un problème à partir de la présence, ce n’est jamais qu’un prétexte pour la retrouver ou la trouver enfin, autrement dit pour l’être sans voiles.
Alors, que risqueriez-vous à vous offrir des instants (même brefs) de « pure écoute » ? Cette écoute-là est la manifestation de votre véritable nature et sinon la moindre tentative un pas dans sa direction. Ainsi, au lieu de vous dire le cas échéant « je n’y arrive pas », dites-vous « dans l’instant, je manifeste davantage ce que je suis ». Vous êtes l’écoute pure et plus vous l’êtes sciemment, plus vous êtes présent, forcément, plus vous vous libérez. « Quand il n’y a pas de pensées, qu’est-ce qui sent, écoute, regarde ? Ce ne peut être que la conscience » (Eckhart Tolle).
Nous pouvons faire mieux que chercher à nous entendre, c’est… nous écouter !
Un message de l’instant : « Soyez dans l’amour ou à l’écoute ».
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