Se comprendre soi-même
Au lieu de revenir de façon spécifique sur notre conditionnement, sur nos blessures, sur l’impression atavique de séparation, arrêtons-nous cette fois sur un effet marquant de cette réalité historique globale : nous ne nous comprenons pas nous-même ! Nous souffrons ou nous conservons un certain mal-être, que nous le reconnaissions ou non, parce que nous ne nous comprenons pas. Ne pas nous comprendre nous-même veut surtout dire nous blâmer, avoir honte, nous accuser, nous en vouloir plus ou moins consciemment, ce qui aboutit aux projections, sur notre corps, dans nos conditions de vie et plus fréquemment encore sur les autres. Puissions-nous comprendre cela, nous le rappeler !
Tout en ayant mille choses à déplorer dans votre quotidien, dans votre existence, peut-être restez-vous positionné comme si vous saviez précisément ce qu’est la vie, ce que sont les choses et même ce que sont vos problèmes. Dans ce cas, n’est-il pas étrange que vous ne remettiez pas en question votre « savoir », alors qu’en réalité, vous ne vivez pas l’harmonie, vous n’êtes pas épanoui ? En fait, non, ça n’est pas étrange ! Simplement, vous ne savez pas que ce que l’on finit par savoir réellement en matière de vécus éprouvants a infailliblement pour effet une décharge émotionnelle, une libération. Autrement dit, vous croyez savoir, mais vous ne savez pas ! « Nous ne sommes pas contrariés pour les raisons auxquelles nous croyons », nous dit Un cours en miracles.
À l’inverse ou en d’autres circonstances, peut-être déplorez-vous de ne rien comprendre à rien, donc de « ne pas savoir », mais vous limitez alors votre incompréhension (déplorée plus que reconnue) à vos conditions de vie et à tout ce qui se passe à l’extérieur, c’est-à-dire aux effets d’une incompréhension plus cruciale qui ne retient pas votre attention : vous ne vous comprenez pas vous-même ! Que vous prétendiez savoir ou déploriez de ne rien comprendre, dans les deux cas, le mental domine, opère seul. Sans discontinuer, ça pense, ça pense, ça pense, ce qui veut tout bonnement dire « tisser inlassablement un voile déjà très épais ». Et la lumière ne peut pas jaillir ! En d’autres termes, prétendre ou vouloir savoir ne vous est d’aucune utilité et vous enfonce au contraire dans les ténèbres.
Nous pourrions certainement trouver dans notre entourage des gens qui correspondent plus spécifiquement aux deux postures relevées ici, mais nous pouvons aussi faire mieux : reconnaître qu’il nous arrive, tantôt de prétendre savoir les choses, tantôt d’éprouver une totale incompréhension. Nous affirmons bien des choses qui témoignent de notre propre savoir prétendu et nous nous montrons aussi suffisamment étonnés pour avoir la preuve de notre incompréhension récurrente. L’incompréhension éprouvée dit que l’on veut savoir. Le savoir utile survient quand on a cessé de le vouloir.
Vous n’avez pas à vous questionner trop à propos de ce que vous pensez en général, à propos des sujets qui occupent votre esprit, car le seul fait de penser compulsivement suffit à vous laisser dans des états plus ou moins maussades ou agités. Nous nous laissons embarquer mentalement depuis toujours et il ne nous vient même pas de remettre en question ce fonctionnement habituel. Proportion gardée, nous pouvons même en être fiers ou le revendiquer. N’accordons-nous pas une importance extrême à ce que nous pensons ? Plus rarement inspiré, ce que nous pensons est dicté par notre conditionnement, par le passé.
Ah, si nous pouvions être et demeurer présents, dans le plein accueil de ce qui est, à l’extérieur comme à l’intérieur, être ainsi complètement libéré de notre attachement au passé et au futur, nous connaîtrions l’harmonie dans tous les domaines de l’existence ! Nous serions sans attente, donc sans peur, et d’une créativité surprenante. L’amour colorerait notre monde, plus encore qu’il le fait déjà. Cela pourrait être ou pourrait devenir une évidence, mais une forme d’orgueil y fait obstacle. Cela dément bien trop ce que l’on « sait », voyez-vous ? De surcroît, la perception de cette évidence nous priverait de la possibilité de déplorer notre incompréhension ! Celle-ci n’est pas forcément problématique, mais nous ne l’acceptons pas.
La considération ajustée de notre mental est un moyen tout à fait appréciable pour emprunter le chemin de la réconciliation avec nous-même. Il s’agit de redonner au mental sa vraie place, donc de s’en désidentifier. On n’est pas le mental. En premier lieu, on ne peut pas observer son mental sans être présent, de plus en plus présent. Mais « qui privilégie l’observation » ? Et qui s’y prête sciemment, d’une façon régulière ? Qui peut vraiment entendre, puis aimer la simple idée d’un état qui serait celui, non plus du penser, mais de l’observation ?
Si ce n’est pas encore le cas, on est resté longtemps sans soupçonner la possibilité d’être consciemment présent, de « s’installer dans la présence », d’adopter en quelque sorte un autre positionnement. On a pu découvrir cette possibilité à travers un livre, par exemple, et la tester un peu, mais ce n’était pas encore découvrir ses effets notamment transformationnels. Ensuite, c’est un peu comme si l’on oubliait cette possibilité ou, finalement, que l’on continue d’avoir beaucoup de mal à la suivre de façon générale ou durable. Puissions-nous au moins ne pas nous le reprocher, nous en vouloir, pour peu que nous ayons déjà eu vent de cette possibilité !
Laissons aussi de côté ce qui en nous pourrait encore juger tout ça absurde ou ne pas y croire (comme on dit). On ne peut pas rester dans sa tête, d’autant moins sans jamais s’en rendre compte, et vivre l’expérience dont il est ici question et qui surgit quand le mental est au repos. Voyons plutôt si nous pouvons envisager un autre regard avec douceur, avec la curiosité d’un enfant qui est dépourvu de tout préjugé. Et cette proposition, cette autre possibilité, pouvons-nous l’entendre ? L’entendons-nous ?
Ajoutons que, s’il y a la possibilité de comprendre nos fonctionnements, nos réactions, nos conditionnements, il y a aussi et avant tout celle de comprendre que nous en sommes là où nous en sommes. Disant le comprendre, je ne veux pas dire l’expliquer, pouvoir l’expliquer, mais le reconnaître et l’accepter. C’est la compréhension qui pourrait être concernée dans une expression comme « Je te comprends bien ». Il est rare que l’on s’accorde une telle compréhension. Plus communément, soit on s’en veut, soit on en veut à la vie et aux autres. Que se passe-t-il, en vous, si, en cet instant même, vous « invitez » l’accueil, l’acceptation, la bienveillance, l’indulgence, la permission ? La compréhension dont je parle ici est la mansuétude.
La considération de nos blessures revient essentiellement à la compréhension de nos schémas mentaux conditionnés. Les comprendre est cesser d’en être le jouet, cesser de subir sa vie. Les comprendre n’implique pas une investigation qui consisterait à se raconter inlassablement sa propre histoire. Les comprendre vraiment résulte de l’observation bienveillante qu’on finit par leur accorder. Il s’agit toujours du basculement du penser à l’observation, du jugement à la reconnaissance, de la résistance à l’acceptation véritable.
Je sais ma blessure principale résiduelle et la façon spécifique dont elle me fait réagir au déplaisant que je m’attire dans ma vie. Or, de plus en plus en souriant, je ne peux pas me voir tout à coup pris dans ma réaction et la maintenir durablement. L’observation neutre ou bienveillante est toujours efficace, libératrice. Sachez ou rappelez-vous que justifier l’une de ses réactions ne signifie aucunement la reconnaître.
Beaucoup de choses se transforment en notre faveur quand nous commençons à tenir moins à réagir qu’à observer ce qui se passe, qu’à observer ce que nous faisons, qu’à observer la façon dont nous nous positionnons. Soulignons qu’en effet, nous tenons longtemps à réagir et que nous sommes donc dépendants de nos positionnements réactionnels. Et cela, nous pouvons le voir, l’observer, le « comprendre », ce qui fait une différence… inestimable. Il semble que cette observation ne soit pas seulement un choix qui s’offre à nous. Ce pourrait être une invitation pressante de la vie.
Il est des circonstances déplorées qui ne changeront pas, mais nous cesserons de les vivre mal. De toute façon, nous devons notre malaise, non pas à quelque circonstance que ce soit, mais à ce que nous en pensons. Ce que nous pensons fait souvent mal, très mal. La cécité n’a jamais été pour moi cause du moindre malaise, mais il m’est effectivement arrivé d’en penser des choses très angoissantes.
C’est terrible, ça peut faire horriblement mal, quand une nouvelle épreuve se présente à nous, si on la prend, l’interprète du seul point de vue habituel. Là, on va se croire victime, maudit, incompris, malchanceux, puni, indigne, condamné… Jamais, la cause de l’épreuve ne se trouve dans l’un ou l’autre de ces traitements. C’est absolument magnifique, alors qu’une nouvelle épreuve se présente à nous, si l’on peut s’arrêter et s’ouvrir à ce que l’épreuve veut nous dire, nous montrer (s’ouvrir à ce qui nous est dit, montré à travers l’épreuve), s’ouvrir à l’invitation pressante ainsi reçue.
L’épreuve est un appel, un réveil, un réveil possible. On peut la vivre comme un cauchemar, mais existe-t-il des cauchemars qui ne réveillent pas le dormeur ? L’épreuve n’est qu’un cauchemar qui tente de nous réveiller. La violence du « choc » pourrait bien être proportionnel à la profondeur du sommeil. Les moments où je me cogne dans ma cuisine (à chacun ses épreuves) sont dus, non pas à ma cécité, mais à mon manque d’attention, en fait à « ma perte soudaine de la présence ». Et puisque je me suis à nouveau endormi, puisque je rêve, le réveil ne tarde pas à sonner.
Le réveille-matin finit par être très bruyant, les épreuves très violentes, juste parce que les signaux plus doux n’ont pas été entendus. Le bon sens populaire a capté un peu de cette réalité : « Ça me servira de leçon ! ». J’ai quelque chose à apprendre et donc à recevoir de toute épreuve que j’endure. Je n’ai pas à savoir a priori ce que c’est, ni même à m’attendre à quelque chose d’extraordinaire. Il me suffit de me rappeler que tout est intelligent et si je n’interfère pas mentalement, si je ne m’oppose pas, ce qui doit être accompli sera accompli.
Ne pas prendre ce qui vient d’être dit pour une invitation à la soumission ou à la résignation. Parfois, ce à quoi l’on s’oppose, ce à quoi l’on résiste, c’est au besoin fondé et spontané d’exprimer un désaccord. Chacun doit repérer pour lui-même quand il est dans la résistance, dans la réaction. Certains résistent à dire non, par exemple, quand d’autres disent non de façon réactionnelle et même systématique. Les effets de l’observation et de l’acceptation nous amènent aussi à nous positionner de façon la plus appropriée, nous soufflent les réponses ajustées.
Vous savez bien que vous avez un cœur ou, si vous préférez, que vous êtes parfaitement capable d’être touché par tendresse à bien des choses qui arrivent jusqu’à votre attention. Alors, êtes-vous capable également et régulièrement de considérer avec tendresse votre façon d’être face à ce qui se présente à vous, face à ce qui vous arrive ? Je ne parle évidemment pas de l’arrogance qui peut nous animer, mais j’évoque la possibilité du regard tendre que vous pourriez poser sur vos limites, sur vos réactions, sur votre mal de vivre : être doux, être tendre là où vous pourriez manifester jusqu’à une dureté extrême. Envers vous-même, soyez indulgent, compréhensif !
Essayez donc de vous remémorer les instants où, en votre for intérieur, vous avez considéré avec bienveillance votre mal de vivre ou votre positionnement ordinaire dans l’existence ! Ils ne devraient pas être très nombreux. Plus utilement, essayez surtout de reconnaître qu’en réalité, vous restez habité par une profonde honte ou un sentiment irrationnel de culpabilité. Ces douleurs-là causent votre difficulté à vous comprendre vous-même ou parfois la haine de vous-même. Pour l’heure, sachez au moins cette réalité, sachez-la surtout pour vous comprendre !
Certains froncent les sourcils ou haussent les épaules quand il est question d’amour, mais ce n’est là qu’un effet de leur honte ou de leur culpabilité. Ils fuient tout ce qui peut les rappeler. Cependant, l’amour est peut-être le rappel le plus inattendu de la honte et de la culpabilité tapies en l’homme. Beaucoup ont même à composer avec la honte d’aimer ou avec la culpabilité d’aimer. Se comprendre soi-même, c’est en quelque sorte s’aimer soi-même. La honte et la culpabilité y font obstacle.
Quand vous intégrez ce qui est dit là, quand vous le reconnaissez, vous laissez être ce que vous êtes, la conscience, la présence, et Cela ne vous juge pas, ne vous accuse pas, ne vous condamne pas. Non, cela vous aime ! En fait, ce que vous êtes n’aime pas, ce que vous êtes est amour, est l’amour même, et tout ce qui s’y frotte y est immergé. En attendant de pouvoir vous reconnaître en tant que cet amour, que cette présence aimante, sentez-la en vous ou tout autour de vous. Reconnaissez-la en tant que soutien infaillible. Vous pouvez même à votre convenance lui donner le nom de ce qui représente pour vous le plus l’amour, le sublime, l’essentiel… Essayez donc cela, au moins essayez !
Pour une fois, consentez à retirer le crédit ordinairement accordé aux pensées qui vous traversent l’esprit, qui ne sont que des doutes, des jugements, des assertions qui vous lèsent tôt ou tard… Pour une fois, admettez que ce discours programmé ne pèse pas lourd à côté de l’amour tout-puissant et qui méconnaît les conditions. Pour une fois, de façon tout à fait gratuite, posez sur vous-même un regard bienveillant, un regard dépourvu de tout jugement et qui ne demande rien, n’attend rien. Au moins, essayez !
– Ton drame n’est pas fatal, tu n’es pas seulement autorisé à être heureux, tu n’en as pas seulement le droit, mais tu dois l’être ! « C’est trop beau pour être vrai » est juste une croyance limitante à reconnaître.
– Bien des fois, tu es moins malheureux que tu ne l’es peut-être souvent et c’est le signe que tu peux ne plus l’être du tout. Permets-toi d’envisager cela !
– Ton mal de vivre n’est pas à nier et plus tu le reconnais, sans rien en penser, plus tu t’attires l’aide utile à sa dissipation. Et cette aide est d’abord celle de ton cœur.
– Ouvre-toi à la paix, à la joie, à l’amour, en te permettant de te laisser doucement habiter par cette disposition nouvelle. Souris juste à cette idée, ne force rien !
– Quand tu reviens à l’amour, à l’amour sans objet, quand tu te le rappelles, tu lâches le penser et avec lui le souci d’avoir raison ou l’impression d’avoir tort. Quelle délivrance !
– Quand tu reconnais que tu es dur envers toi-même, réellement injuste, voire que tu te maudis, si tu le reconnais vraiment, tu te laisses être douceur, bonté, et tu vois fondre la glace.
– Si tu te permets de te sentir uni à tout le monde, te pardonnes de ne pas le pouvoir ou de ne pas saisir l’invitation, tu t’accordes une compréhension qui ne sera pas sans effet.
– Tu pourrais douter des histoires que tu te racontes, de ce qui va et vient quoi qu’il en soit, mais tu ne peux pas douter que tu sois et ce que tu es ne peut pas être indigne d’amour. Non !
– Pour vivre l’appréciation et même la gratitude, tout de suite, permets-toi de chérir une idée. Si tu la chéris vraiment, elle viendra de ton cœur et te donnera bientôt de quoi vivre une célébration.
– Ces mots contiennent forcément quelque chose de bon pour toi, sois juste d’accord pour le recevoir. Rien d’autre ne t’est demandé !
– Dès lors que tu te réconcilies avec la paix, avec l’amour, tu manifestes le trésor que tu es et c’est un autre monde que tu perçois tout autour de toi.
– Plus tu accueilles avec douceur tes sentiments de honte ou de culpabilité, à effet de t’en libérer, moins tu es porté à rechercher et même à t’attirer des « coupables extérieurs ».
– Si tu devais ne pas comprendre ce texte, son auteur pouvant être en cause, ne t’en soucie pas, mais entends au moins l’invitation à te comprendre toi-même, à être réellement bon envers toi-même. Ne retiens alors rien d’autre !
– Ami(e), comprends-toi : considère-toi avec amour, dans le silence de ton cœur, et tu verras apparaître un monde nouveau, juste parce que ton regard sera nouveau lui-même !
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