L’épanouissement (un dialogue imaginaire)
Quand j’ai pensé à écrire cette chronique du mois (janvier 2020), je ne savais pas encore ce qui allait en être le thème central. Aucune idée ne m’était venue jusque-là et tout à coup, j’ai imaginé qu’un lecteur me questionnait. Un autre jour, le dialogue qui a surgi aurait sans doute pris une autre tournure et je le publie donc comme un échange ordinaire que je pourrais avoir avec un ami en prenant un café. Sachez ou rappelez-vous que je réponds à toutes les questions !
Le lecteur – Qu’aurais-je à comprendre pour me sentir épanoui ou pour sortir de ma posture psychique habituelle ? Aurais-tu une réponse assez simple pour moi, qui me soit vraiment accessible ? J’entends par « posture psychique habituelle » ma façon de penser ordinaire (en fait éprouvante), mes diverses réactions et mes attentes compensatrices (le conditionnement séparateur que tu évoques régulièrement).
Le rédacteur – Pour être épanoui, pour te sentir épanoui, pour t’épanouir de plus en plus, il n’est rien que tu aies à comprendre et tu n’as donc pas à craindre une réponse compliquée. Si l’épanouissement dépendait de la compréhension à laquelle tu fais allusion, les petits enfants et les analphabètes n’y auraient pas accès. Il est connu que certains sont sublimement présents, en paix et dans l’amour, pleinement épanouis.
L. – Il m’est pourtant bien arrivé de me sentir divinement bien, en comprenant soudainement quelque chose qui m’avait échappé jusque-là, en faisant une prise de conscience !
R. – Oui, bien sûr ! Observe cependant que cette compréhension a jailli comme l’effet d’une certaine ouverture ou disponibilité, et qu’elle n’a pas été précédée du VOULOIR, du vouloir comprendre. Ta question initiale laisse entendre que tu VEUX comprendre. Non seulement il n’est rien que tu aies à vouloir comprendre, pour t’épanouir de plus en plus, mais « vouloir comprendre » en serait un gros obstacle.
Une réponse simple : ne veuille rien, n’attends rien, ne refuse rien, ne résiste à rien, ne cherche pas à devenir qui ou quoi que ce soit… Et, pour y parvenir, reconnais que la plupart du temps, tu es positionné à l’opposé ! Reconnais-le… sans rien en penser.
L. – Mais c’est frustrant, plutôt ennuyeux, non ? Sinon, comment cela peut-il nous épanouir ?
R. – Tu me demandes ce qui peut nous épanouir : pourquoi te proposerais-je quelque chose de frustrant et d’ennuyeux ? L’ennui et la frustration que tu évoques, qui te viennent ici, sont en toi indépendamment de ma réponse. Ce sont l’ennui et la frustration qui te font vouloir ce que tu veux et ne pas vouloir ce à quoi tu résistes, ce qui cause très précisément la perpétuation de tout ce que tu déplores. Ton positionnement ordinaire cause déjà l’ennui et la frustration que tu redoutes.
À l’inverse, c’est quand nous sommes libres du vouloir et du non-vouloir que la paix et l’amour sont dévoilés, que nous nous sentons bien, « heureux », que nous découvrons nos véritables élans et que tout se présente pour les manifester et pour célébrer encore ce que nous sommes, à travers des accomplissements qui représentent, pourrions-nous dire, un « gain collectif ». L’ennui et la frustration parlent de ton expérience actuelle et surtout chronique, non pas de celle que j’évoque en répondant à ta question !
L. – Alors, que dois-je faire ?
R. – Rien ! Du « VOULOIR faire », n’attends rien d’heureux ! Là encore, tu te verras « faire » des choses, mais dans le plein accueil de ce qui est, ce n’est pas ta tête qui en décide ; ce n’est pas l’application d’un « il faut » ou d’un « il ne faut pas »…
Es-tu simplement disposé à connaître une autre expérience de ton quotidien que celle que tu entretiens (FAISANT beaucoup dans ce sens) ? Ne serait-ce qu’un bref moment, peux-tu apprécier, juste apprécier, l’idée que la chose puisse être à ta portée ?
Entends bien ces deux questions avant d’y répondre !
L. – Je peux dans l’instant répondre par l’affirmative, même si je me rends compte que ça renvoie à un état d’esprit qui n’est pas forcément le mien d’habitude et que je n’en ai donc pas « abusé » jusque-là (sourire). Je peux soupçonner ce qu’est cet état d’esprit, je crois, et il me semble déterminant.
R. – Alors, c’est cet état d’esprit qui a pu te manquer souvent ! Je peux même te dire qu’il manque à la grande majorité des gens, non pas souvent, mais tout le temps. Et observe bien que cet état d’esprit dont fait allusion les deux questions ne contient pas le vouloir, ni même l’attente. Vérifie-le : quand tu es disposé à quoi que ce soit et/ou quand tu apprécies quoi que ce soit, il n’est rien que tu veuilles pour autant. Oh, tu peux toujours y plaquer du vouloir, mais c’est alors retrouver le vieil obstacle, retomber dans ton vieux schéma compensateur ou réactionnel ! Vouloir ou ne pas vouloir, c’est l’obstacle, en tout cas un obstacle.
L. – Là, en fait, je ne suis pas tout à fait sûr de comprendre, justement, car si je suis disposé à vivre ou à avoir une chose, j’ai tout de même l’impression de la vouloir !
R. – Peut-être la veux-tu plus que d’être simplement disposé à la vivre ou confonds-tu « être d’accord » avec « vouloir ». Seul toi peux le dire ! Dans l’instant, par exemple, je suis disposé à répondre à tes questions, je suis pleinement d’accord de le faire, de tenter de le faire, mais je ne veux strictement rien, ni n’en attends quoi que ce soit. Je peux même ajouter que j’ai beaucoup de plaisir à « le faire », en fait à voir surgir ce qui se présente à ma conscience. Et comme le chemin n’est pas entravé par le vouloir, l’inspiration s’écoule librement et joyeusement. Être pleinement d’accord de vivre ce que l’on vit, comme l’idée de vivre quoi que ce soit, n’est possible que sans le vouloir.
Pour prendre un autre exemple, admettons qu’une ado demande l’accord de ses parents pour passer le week-end chez des amis et qu’elle l’obtienne, même avec le sourire ! Est-ce à dire que ses parents veulent que leur fille passe le week-end chez ses amis ? Reconnais-leur la possibilité qu’ils soient seulement d’accord et ne veuillent rien du tout. Perçois-tu la différence ?…
L. – Eh bien, je viens de voir quelque chose, de comprendre quelque chose : en général, d’une manière ou d’une autre, je suis toujours en train de vouloir quelque chose ! Je suis par exemple avec du « j’aimerais ». Pour l’instant, je ne vois pas les moments où je serais juste dans la « disposition libre et heureuse » de vivre ceci ou cela (ce qui me tient à cœur). Et quand ce n’est pas le « j’aimerais », ça devient le « je ne veux pas, je ne veux surtout pas ! », « il faut absolument que je me débarrasse de ceci ou de cela… ! » En fait, je suis, soit dans le vouloir, soit dans le non-vouloir !
R. – Sauf que, dans l’instant, tu es « en bonne disposition », et c’est pourquoi tu peux voir ton fonctionnement, le reconnaître et sans doute apprécier de le reconnaître. N’est-ce pas ?
L. – J’apprécie aussi, en effet, de voir qu’il y a une autre façon d’être, en quelque sorte !
R. – De plus, peu importe ce que tu apprécies, tu es dans l’appréciation – non plus dans le vouloir – et, même si c’est encore subtil à ce niveau, tu reçois déjà ce que le vouloir ne peut jamais te donner. D’autre part, je te garantis qu’il t’arrive déjà d’être dans la « disposition libre et heureuse » de vivre une chose ou une autre, donc sans passer par le vouloir. Par exemple, l’idée peut te venir d’appeler un ami, d’en inviter un autre, de faire du sport, du ménage ou je ne sais quoi, et de t’y adonner avec plaisir. Cela ne te serait-il jamais arrivé ? Ces moments d’appréciation n’ont-ils pas tendance à provoquer d’autres circonstances heureuses ? Prête-s-y bien attention, le vouloir n’y est pas !
L. – Oui, mais…
R. – Je t’interromps ici pour te montrer quelque chose et tu pourras ensuite me raconter ton « oui, mais ». Le « vouloir comprendre » mobilise le mental et la disposition pure et simple est celle du cœur. Comme tu l’as relevé, elle est libre et heureuse. Elle permet notamment la compréhension, attire entre autres l’abondance et les relations harmonieuses. Ce n’est pas peu dire !
Avec le « oui, mais », par exemple et bien sûr en règle générale, on retrouve le mental, le « besoin compulsionnel de discuter » ; on repousse l’expérience, la possibilité d’une vérification expérimentale ; on est dans une forme de réaction ou dans une quête de compensation. Quelle qu’elle soit, toute réponse à un « oui, mais » se voit opposer un autre « oui, mais ». La discussion peut durer des siècles. Venons-en tout de même à ton « oui, mais… » !
L. – Tu semblais dire que l’appréciation était féconde, comme le vouloir ne peut pas l’être, étant même contraire. Mais comment se fait-il que beaucoup de gens semblent très chanceux sans donner l’impression d’apprécier grand-chose ?
R. – Que peut-on savoir du degré de leur appréciation ? Que peut-on savoir de ce qu’ils ont à vivre, y compris à travers leurs bonnes fortunes apparentes ? Et quoi qu’il en soit, quel intérêt tirerions-nous à savoir pourquoi certains autres vivent ce qu’ils vivent ? Si nous sommes disposés à reconnaître ce qui se passe pour nous-mêmes, ici et maintenant, nous allons infailliblement avoir des éclairages qui feront pour nous-mêmes une différence heureuse.
L. – Y a-t-il un point de départ, que pourrait-il être ?
R. – OK, dis-moi un peu, comment te sens-tu là, maintenant ?
L. – Ben, tout à l’heure, j’ai eu ma femme au téléphone et…
R. – Stop ! Tu t’apprêtes à me raconter une histoire. Elle est peut-être très intéressante ou très importante, mais je viens de te poser une question qui a elle-même son importance. Tu ne serais pas obligé d’y répondre, mais ce serait mieux que tu ne fasses pas comme si tu y répondais ! Bon, je te taquine ici car je ne doute pas un instant qu’avec l’histoire que tu serais prêt à me raconter, tu croies répondre à ma question, mais tu ne le fais pas !
Au mieux, tu vas m’expliquer pourquoi tu sens ce que tu sens, mais en principe, ce que tu sens, tu ne le diras pas. Pour me dire comment tu te sens, vois-tu, tu n’as pas besoin de le rattacher à une histoire. Selon le cas, il se pourrait que je t’invite ultérieurement à le faire, ce qui ferait donc l’objet d’une autre question. Donc, ici, je te demande, non pas pourquoi tu te sens comme tu te sens, mais comment tu te sens.
Et tout ça pour te montrer que l’on reste dans sa tête, dans le mental, dans le passé ou avec le penser, y compris ou surtout quand il serait question de juste observer, de juste reconnaître ce qui est, « ici et maintenant ». Le changement d’état d’esprit dont nous avons besoin est le basculement « de la tête au cœur ». Ce que tu penses, tu le penses maintenant, certes, mais ça concerne le passé !
L. – OK, j’ai l’impression que je pourrai voir mieux ce que tu tentes de me faire passer ici si tu me dis, toi, comment tu te sens toi-même !
R. – Eh bien, juste dans l’instant, je me sens assez content, dans l’appréciation ; je m’amuse. Je suis détendu, insouciant. Si j’extrapole un peu, en conscience, je passe de temps en temps de l’émerveillement à un soupçon d’insatisfaction. Je sui dans le plein accueil de ce qui est (me sens donc accueillant).
L. – Ah, tu connais encore l’insatisfaction ?
R. – Pourquoi donc, ça ne devrait pas ? Il y a là une croyance, il y en a tant en nous ! Et c’est plus fort que nous, il nous faut juger tout ou en penser quelque chose ! Je connais bien l’insatisfaction, entre autres, et ce n’est pas toujours juste un soupçon ! C’est un bonheur d’identifier du douloureux en soi car ça veut dire s’en libérer. Ce qui perçoit l’insatisfaction, comme n’importe quoi d’autre, est totalement libre et donc heureux. Revenons plutôt à toi : que ressens-tu, comment te sens-tu ou comment es-tu, juste maintenant ?
L. – En fait, je sui plus ou moins agacé, un peu comme si tu ne répondais pas à ma question !
R. – Très bien ! Et j’imagine que ça pourrait même être de la colère, si c’était plus fort ! Ça n’est pas encore dire vraiment ce que tu ressens, mais accueillons cette réponse, bienvenue ! Elle nous indique que tu es dans la réaction, une réaction qui n’est pas très virulente, mais c’est tout de même de la réaction. Et, en fait, elle dit ce avec quoi tu es (ce qui répond aussi à ma question) : tu es avec de la réaction ! Si tu peux le voir, l’accepter, le reconnaître, c’est magnifique ! Je pourrais me prêter à ta réaction, t’inviter même à y mettre le paquet, mais j’en connais la vanité et je te propose mieux tout de suite (quitte à revenir plus tard sur cette réaction que l’on pourrait explorer).
Si tu réagis, c’est parce que tu ressens quelque chose, quelque chose que tu ne veux pas ressentir justement. À ne pas recevoir la réponse à sa question, comme à ne pas recevoir quoi que ce soit, qu’est-ce que ça fait ? Ce sera dire ce que tu ressens vraiment. Veux-tu essayer ? Veux-tu regarder de ce côté-là ? En fait, chaque fois que tu peux te voir (te reconnaître) dans la réaction, au moins après un petit moment, tu peux te reposer la question : « Mais au fait, qu’est-ce que cela me fait en réalité ? Qu’est-ce que je ressens plus profondément, juste avant de réagir ? » Et ce que cela te fait, en réalité, c’est là, tout de suite !
L. – Je me sens frustré. Je me sens…, je me sens…
R. – Ne force pas, c’est déjà très bien ! Essaie de saisir l’effet plaisant à nommer son ressenti, à s’y arrêter. En général, on a accès très vite à cet effet avantageux. Observe par ailleurs que là encore, tu retrouves ta vieille frustration : rien d’original !
L. – Oui, je peux sentir ça aussi ! Mais en même temps, maintenant que je reconnais la frustration, j’ai l’impression qu’elle disparaît déjà ! C’est étrange.
R. : Oui, ça fait ça, même si ça n’est pas forcément toujours aussi rapide ! Se reconnaître dans la réaction, puis reconnaître le douloureux associé, sous-jacent, ça libère. Notre vie durant, nous nous privons de cette libération.
L. – Est-ce aussi simple que ça ?
R. – Quoi qu’il en soit et que j’ajoute, le « bonheur » est aussi simple que ça, en effet, et des petits enfants ou des illettrés pourraient te le confirmer ! Mais tous ces mots ne sont qu’une illustration et, si tu en es d’accord, je vais te proposer une autre expérience.
L. – Oui, je suis d’accord. Au passage, je fais mieux la différence entre « vouloir » et « être d’accord ». Tout de suite, il n’est rien que je veuille et je suis juste d’accord pour me prêter à l’expérience que tu annonces.
R. – Pendant – disons – quelques minutes, décide de n’accorder aucun crédit, aucun intérêt aux pensées qui vont probablement continuer d’affluer. Vois que je ne te demande pas de ne pas penser ; je te propose seulement de ne pas faire de tes pensées ce que tu en fais à longueur du temps : t’en emparer, les décupler, y croire, les suivre, leur obéir, les revendiquer, leur accorder une importance démesurée, les traduire en questions, en réaction, etc. D’abord, tu pourrais apprécier de découvrir que cette possibilité t’est tout à fait accessible, jusqu’à en être peut-être tout surpris ! (Toi, vrai lecteur, tente l’expérience, tu verras, c’est magnifique !)
Et pendant ce même temps où tu restes donc vigilant pour suivre l’invitation – je le répète – juste quelques minutes, si tu ressens un malaise, une humeur particulière, un état émotionnel quelconque, décide là encore de te hisser hors de cette ambiance qui ne devrait du reste pas t’être étrangère. Oui, tu peux décider ça aussi : décider de ne pas rester coller à l’ambiance « prenante » comme décider de retirer tout crédit aux pensées. Au besoin, tu peux même te hisser hors des impressions de froid, de vide, d’ennui, de solitude, de néant, etc. Bon, d’accord, tu n’es pas obligé de le faire, mais tu es tout à fait capable de le faire. Au moins, vérifie-le !
Vois-tu, ce qui accorde crédit aux pensées et qui est attaché aux émotions, c’est ce que l’on appelle « l’ego » ou le « moi séparé », tout ce que tu n’es pas. Ici, je ne veux rien te dire de plus car si tu fais (et refais) l’expérience, tu en sauras plus et mieux que ce que je pourrais t’en dire. Ce que je pourrais t’en dire risquerait de faire obstacle à ton expérience. En principe, nos amis ne nous racontent pas le film qu’ils nous suggèrent d’aller voir.
Tu es là, tranquille, « en confiance », et tu vois passer les pensées sans t’y intéresser. Tu perçois si bien tout ambiance émotionnelle éventuelle que tu t’en trouves au-delà ou en dehors. Tu es alerte, pleinement éveillé, tu n’attends rien, n’as besoin de rien… Tu sais que tu ne cours pas le moindre risque à demeurer ainsi pendant quelques minutes (ni bien plus longtemps d’ailleurs). Tu es juste d’accord, pleinement d’accord, d’accord à 100% d’être. Il ne pourrait d’ailleurs pas en être autrement. Tu es ! Tu dévoiles l’épanouissement, t’en approches !
Sur mon invitation, tu prolonges encore un peux l’expérience, mais en réalité, tu ne le fais que parce que tu en fais une auto-invitation, ce qui veut dire que tu pourras à loisir reproduire seul cette expérience. Et dans tes yeux, je vois que tu y es, j’y vois la présence que nous sommes, je vois que les mots ne sont plus nécessaires…
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L. – C’est si bon, si doux, si inhabituel que j’ai l’impression que c’est comme trop pour moi ! Cela dit, je viens surtout de voir la possibilité d’être sans son passé, sans son passé si encombrant. J’ai compris aussi ce que voulait dire « cesser de se prendre pour ce que l’on n’est pas »…
R. – Eh bien, n’est-ce pas fou tout ce que l’on peut comprendre quand on cesse de le vouloir ? Quant à l’impression du « trop pour toi », ce n’est que l’un de tes vieux schémas qu’il t’est aussi offert de reconnaître et au-delà duquel tu peux aussi décider d’être… Et tu n’es pas au bout de tes surprises si tu reviens régulièrement à « ici et maintenant ». Et ce « c’est trop pour moi », s’agissant « du doux, du bon », contribue d’abord à ta fameuse frustration. On ne peut pas résister au bon, d’une manière ou d’une autre, et ne pas finir par éprouver la frustration…
Je veux aussi commenter un peu le « passé encombrant », pour aller dans ton sens ! En général, c’est plus fort que nous, nous communiquons, nous présentons au monde avec tout notre passé, sous forme de pensées, d’attentes et d’autres réactions. C’est un peu comme si, sur le plan physique, nous voulions recevoir un massage en portant quatre couches de vêtements ou que nous allions rendre une petite visite à des amis en emportant des valises pleines à craquer… En d’autres termes, nous ne sommes pas libres, pas dégagés, pas disponibles…
L. – L’épanouissement se limite-t-il à une sorte d’état de béatitude ? Je ne me vois pas planer ad vitam aeternam dans l’espace céleste !
R. – Ni être comblé aussi longtemps (puisque ce serait trop) ! Et qui parle de planer, où que ce soit ? N’as-tu pas repris la parole ? N’as-tu pas reçu beaucoup ? Ne peux-tu pas concevoir que des élans peuvent là surgir, jusqu’à t’en trouver dynamisé, mobilisé, enthousiasmé, et passer à l’action ? Là encore, ce sera plus fécond et passionnant que tout ce que te fait faire le vouloir, le contrôle, tout ce qui t’est dicté par ton conditionnement. Mais expérimente par toi-même ! Ne me crois pas, ne crois personne ! Ajoutons que là où tu « plane », c’est quand tu te perds dans les pensées !
L. – Je ne veux pas raconter d’histoires, ni m’en raconter à moi-même, mais je reconnais aussi une ambiance émotionnelle, d’ailleurs sans histoire dans le moment, dont je perçois clairement le lien avec mille choses que j’ai vécues. Je ne voudrais pas faire comme si ça n’existait pas !
R. – Mais c’est excellent ! C’est ce que l’on pourrait dire « être avec une vieille mémoire », l’une de ces vieilles mémoires qui expliquent nos blessures et tous les drames que l’on a pu connaître. J’aime dire que c’est un autre cadeau de la qualité de présence, dévoilée « de temps en temps » quand on se détache délibérément du mental et de l’émotionnel : la présentation « paisible » des mémoires qui restent à nettoyer, à couper, à libérer… Oui, c’est « génial » de pouvoir être avec une ambiance douloureuse mémorielle sans plus la rattacher à une histoire, à une nouvelle histoire, à une histoire de plus !
S’ouvrir au plein épanouissement et même à « l’éveil spirituel » ne doit pas encourager le déni de ses vieilles douleurs, faites notamment de peurs inconscientes, de honte infondée, de culpabilité irrationnelle et de l’impression viscérale de séparation. Nous avons du « nettoyage » à faire, ce qui est en soi pleinement épanouissant. Nous avons besoin de l’intérêt à la conscientisation et de la disposition à nous en remettre au Divin ou, si tu préfères, à l’Amour, à l’Intelligence infinie, à ce que nous sommes en essence.
Tu ne peux pas maintenir longtemps une qualité de présence, non pas parce que c’est trop bon, mais parce que le douloureux en toi non libéré, non reconnu, provoque tes pensées et l’intérêt que tu leur accordes. C’est humain, c’est très compréhensible ! Or, en t’intéressant de plus en plus à ton ressenti, plutôt qu’à tes pensées, tu vas peu à peu réduire ce phénomène, te libérer. Nos pensées ne peuvent pas être plus importantes que nos douleurs.
L. – Tout cela m’aide à voir comment je suis seul responsable de ce que je vis, comment je cultive mon mal-être, comment je peux occasionner une autre expérience, comment je peux me libérer de mes vieux schémas, de mon vieux conditionnement, quitte à m’en donner le temps… Je reconnais et relâche toute prétention, toute posture égoïque, et je m’ouvre à ma vérité, à la vérité… J’entends que le préalable à l’épanouissement est la disposition libre à le vivre.
Puisque ce dialogue improvisé s’est arrêté sur le thème de l’épanouissement, terminons la chronique avec des énoncés qui l’évoquent et que j’ai extraits de mes listes qui en comptent à ce jour trente-deux mille.
La résistance cachée à percevoir nos conditionnements si puissants cause la persistance de ce qui repousse l’épanouissement.
Nous aurons à reconnaître, un jour ou l’autre, que ce que nous déplorons ou pourrions déplorer de ne pas vivre, nous ne voulons pas le vivre !…
Méconnaissant l’épanouissement, on passe sa vie à tenter de se soulager, le soulagement toujours occasionnel ne durant jamais longtemps.
Si nous confondons soulagement et épanouissement, nous continuerons de vouloir faire et avoir car l’un et l’autre soulagent souvent (et de façon illusoire).
Confondre soulagement et épanouissement, c’est ne connaître que le soulagement, le prenant pour la réalisation ultime.
Pour pouvoir continuer de se soulager, que ne faut-il pas faire encore, avoir encore ! C’est sans fin. On paie le prix fort pour peu de soulagement, au mieux, et le plein épanouissement est gratuit.
La résistance, l’attachement et le jugement constituent trois obstacles à l’épanouissement. Permettons-nous de les reconnaître… en nous !
Il y a en chacun de nous de la tendance humaine collective à se contenter de son sort, à résister aux transformations souhaitables, à n’avoir d’intérêt que pour la réaction et la compensation…
N’aimer rien d’autre que l’instant présent est gage d’épanouissement, TÔT OU TARD, tout autre chose créant la dysharmonie, SANS DÉLAI.
On ne peut s’épanouir dans l’existence quand, dans sa prime enfance, on a éprouvé que l’on suscitait une forme de gêne, de honte ou d’embarras. Le reconnaître, c’est s’en libérer bientôt !
Les pensées compensatrices n’existent que pour attiser le désir, l’envie, l’espoir, etc. et non pas pour obtenir un résultat épanouissant.
L’obstacle qui nous sépare de l’épanouissement est la résistance, la réaction, le douloureux dédaigné, le conditionnement et tous ses aspects, l’activité mentale.
Le jeune enfant a besoin, pour devenir adulte, de se sentir aimé et l’adulte, pour s’épanouir, de savoir qu’il est aimé quoi qu’il en soi.
Pour revivre et repleurer votre conditionnement, vous trouverez toujours autour de vous, sans peine, de quoi le faire, mais avec un regard ajusté, vous pourriez plus sûrement voir dans le monde de la lumière, de l’amour…
Pour pouvoir s’épanouir, l’enfant a besoin d’être reconnu et l’adulte a besoin de reconnaître ce qu’il est, sa véritable nature.
On cherche à produire un effet, pour être comblé, alors que l’épanouissement dépend du non-attachement aux fruits de ses actions.
Tiendrions-nous encore à nos réactions et à nos attachements en sachant qu’ils s’opposent directement à notre épanouissement ?
Tout aboutissement coïncide avec un épanouissement quand, au lieu du vouloir et de l’attente, le vrai plaisir a précédé sa manifestation.
Il est vain d’espérer une condition extérieure pour être épanoui, c’est l’épanouissement préalable qui attire des conditions favorables.
Il nous faut nous rappeler l’amour, pour nous épanouir, mais l’amour reste voilé par le sentiment irrationnel de honte et/ou de culpabilité.
Dès lors que l’on pense les choses, les juge, on ne peut être dans l’appréciation, ni rien envisager de façon épanouissante. Préféreriez-vous ignorer cela ?
Plus on comptera sur les conditions extérieures pour son épanouissement, plus elles risqueront de se montrer chaotiques, délirantes et même cruelles. Préféreriez-vous ignorer cela ?
L’effet épanouissant qui accompagnera des événements futurs dépend de l’épanouissement qui sous-tend leur organisation, étant alors vécu davantage comme une célébration.
En toute logique, on envisage par exemple de célébrer un mariage, parce que l’amour et l’épanouissement sont censés être déjà l’expérience vécue, se mariant, non pas pour être heureux, mais pour célébrer son « bonheur ».
Une chose à se rappeler, toujours utile : ne jamais compter sur le mental pour permettre une transformation ou l’épanouissement.
Une preuve que les pensées inopportunes ne servent à rien d’autre qu’à la souffrance est qu’elles n’aboutissent JAMAIS à une conclusion épanouissante. Vérifiez-le !
Ne pas se prendre pour son rôle permet de le jouer de façon plus épanouissante ou plus efficace, un peu comme le chien-guide qui n’est pas concerné par l’image de lui-même.
Accompagné pendant 11 ans par une chienne-guide, je ne me suis pas cogné une seule fois, elle n’en a pas fait une histoire identificatoire !
Ce que nous voyons, mettons en avant et que d’autres ne voient peut-être pas n’a d’intérêt réel que si cela contribue à l’épanouissement du plus grand nombre. Pour un intérêt personnel, égoïque, ce serait vain !
Un événement qui semble nous rendre heureux est en réalité une célébration du « bonheur » déjà connu, comme la naissance du bébé d’un couple épanoui.
Le plein épanouissement, véritable, ne requiert aucun contexte relationnel, matériel ni intellectuel : « Bien heureux sont les pauvres d’esprit ».
Drapé dans ses certitudes, on passe à côté de la réalité, de toute possibilité d’épanouissement réel et l’on se complique de surcroît l’existence.
Nous ne pouvons pas nous sentir épanouis tant que nous conservons en nous-mêmes du ressentiment, de la honte et de la culpabilité. Sachons-le, rappelons-le-nous, c’est tout !
Juste maintenant, si vous vous sentiez complètement heureux, complètement épanoui, il ne pourrait pas vous importer de ne pas avoir été heureux « hier ».
Accorderiez-vous encore autant crédit à toutes vos pensées, sachant qu’elles contrecarrent votre propre expérience de la paix intérieure, votre épanouissement ? Et peut-être préférez-vous l’ignorer !
Si nous pouvons causer nous-mêmes notre drame et surtout l’admettre, nous pouvons alors soupçonner qu’il nous est pareillement possible de causer notre #épanouissement. N’ignorez pas cela !
On est si habitué à réagir et à compenser, ce qui soulage momentanément, que l’on ne sait pas recevoir ce qui rappelle l’épanouissement.
« Au fait, le pardon ou l’acceptation véritable, à quoi bon ? » Eh bien, « peu de chose », il en va du vrai bonheur, de l’épanouissement total, rien que ça !
Le pardon ne concerne que soi-même et il n’est personne dont nous devrions attendre le pardon.
Pour nous épanouir, nous devons cesser de nous prendre pour ce que nous ne sommes pas : nous ne sommes pas un « moi séparé » !
« La notion du moi est le principal obstacle à l’épanouissement de toutes nos virtualités. Ce n’est qu’une substance imaginaire, construite par le contexte social et qui doit son existence à la mémoire. » (Jean Klein)
Il devrait ou pourrait être assez facile d’admettre qu’il est pour soi-même plus sain et épanouissant de « se prosterner intérieurement » que de « se laisser perturber psychiquement par sa réaction incessante ».
La prosternation intérieure est une plongée dans l’épanouissement ou à la fois un témoignage d’épanouissement et une contribution au maintien de cet épanouissement.
L’expérience véritable permet d’apprécier les effets épanouissants de la vision du divin et de la prosternation intérieure à la place de l’état réactionnel conditionné, adopté par l’humanité depuis des millénaires.
Pour favoriser l’épanouissement, le grand art consiste à percevoir les choses sans étiquetage simultané, sans jugements, sans pensées.
« Nous acceptons facilement et volontiers l’idée que le psychisme puisse évoluer, s’épanouir, pour atteindre un jour la paix et le bonheur. Mais en réalité, l’évolution psychologique n’existe pas » (Krishnamurti).
« Tout homme productif n’est pas forcément épanoui, mais tout homme épanoui est forcément productif » (Idriss Aberkane).
Quand une rose, un animal ou un petit enfant attire notre attention heureuse, il n’est généralement question que de l’instant présent toujours épanouissant.
Puissions-nous savoir et nous rappeler souvent, très souvent, qu’une autre réalité est « à portée de la main », sinon du cœur (mais la main le prolonge).
Et pour cette nouvelle année, puissiez-vous aspirer au meilleur, non pas en le voulant, non pas en l’espérant, non pas en l’attendant… mais en chérissant tout de suite et très souvent l’idée de le vivre.
Selon votre priorité ou votre préférence, puissiez-vous chérir l’idée d’être en bonne santé, apprécier des relations harmonieuses, vivre la prospérité et reconnaître vos qualités de cœur.
Bonne et heureuse année !
Waw… Quelle joie de me sentir profondément touchée par cet appel à l’épanouissement. Le coeur souffle un grand oui ! Et il exhale mille voeux parfumés à la rose vers vous et tout autour ~
Merci Robert ! Merci la Vie !