204 – Nos « positionnements psychiques » 1/6)
D’une manière très générale, nous déplorons ce que nous vivons, incluant notre ambiance intérieure, notre état émotionnel persistant, sans conscience de notre responsabilité, de ce dont nous ne nous libérons pas, ni surtout du potentiel qui est le nôtre. Nos réactions demeurent les mêmes, notamment parce que nous ne reconnaissons pas, n’accueillons pas et donc ne libérons pas le douloureux qui couve en nous depuis notre prime enfance. Ce que nous vivons extérieurement et intérieurement reflète et reflétera toujours notre état d’esprit, lequel change bien sûr au fil du temps et peut changer de façon plus rapide et surtout plus bénéfique.
En plus de notre penser intempestif, nos jugements, nos réactions, nos vieilles douleurs dédaignées et les mémoires qui nous habitent, sans jamais y mettre notre attention, nous restons psychiquement POSITIONNÉS de façon à ne rien pouvoir vivre d’autre que ce que nous vivons. Notre conditionnement est forcément constitué du passé, mais c’est ici et maintenant que nous composons avec les positionnements psychiques qui en découlent. La façon dont nous sommes psychiquement positionnés, ici et maintenant, est absolument déterminante, parce qu’en effet, elle conditionne tout ce que nous vivons et la manière dont nous le vivons.
Faut-il beaucoup d’imagination pour accepter l’idée que nous sommes toujours positionnés d’une certaine façon, voire pour ne pas douter que cette façon n’est pas toujours à notre avantage ? OK, le cas échéant, ce que nous vivons et surtout éprouvons devient de plus en plus insupportable, mais prétendrions-nous que nous ne serions plus enfermés dans les mêmes positionnements, que nous avons cessé de « faire » toujours les mêmes choses ? « La folie », nous dit Albert Einstein, « c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », ce qui comprend aussi « rester positionnés comme nous le sommes et d’en déplorer les effets » (forcément persistants). De la folie, en effet !
Ainsi, percevoir ce que l’on attend des autres ou de la vie même comme étant un résultat à venir pourrait nous permettre de nous demander à quoi attribuer ce résultat, à quoi est-il censé faire suite. Qu’avons-nous donc « fait » ou quels changements ont-ils été opérés en nous pour « prétendre » vivre tout autre chose que ce que nous vivons ? Quand nous avons posté une commande, il n’y a rien d’extraordinaire à ce que nous nous attendions à la livraison d’un jour à l’autre, mais ce qui précède nos attentes frustrantes et ordinaires n’est de loin pas aussi clair qu’une commande courante. L’état d’attente est lui-même un positionnement psychique très familier.
Le positionnement « attendre » explique aussi le fait, « en attendant », que nous fassions bien des choses (quoi que ce soit), par exemple que nous nous rabattions sur l’une ou l’autre de nos dépendances, que nous retrouvions désirs, envies, fantasmes, etc. Et peu importe l’origine de votre positionnement « attendre », assumez simplement qu’attendre est votre intention. Si attendre n’était pas votre intention, vous feriez autre chose ! Nous n’avons que l’embarras du choix !
Personnellement, j’ai très longtemps déplorer un état d’attente général et de nombreuses attentes frustrées spécifiques pour percevoir aujourd’hui qu’ »attendre » fut l’un de mes premiers positionnements psychiques. Aussi, grâce à ses effets directement perceptibles, très invalidants, le positionnement psychique « attendre » peut-il nous montrer l’intérêt et l’importance d’identifier nos divers positionnements et de nous en défaire. Tous sont pareillement opérants à notre encontre.
Cette chronique et les cinq prochaines seront entièrement consacrées aux « positionnements psychiques ». Celle-ci pourra déjà montrer qu’ils revêtent une importance essentielle et que ces mois que nous allons leur dédier ne sera pas du temps perdu. Alors, voyez pour vous-même si vous pouvez vous disposer à vous voir mieux que jamais fonctionner de façon contraire à la paix, à l’amour, à l’harmonie, à l’abondance, à votre plein épanouissement. Je vous propose, non pas de nous arrêter sur la cause de chacun de nos positionnements psychiques, mais juste de les reconnaître purement et simplement, donc sans les déplorer.
Un positionnement psychique est notamment une décision prise réactionnellement, une posture intérieure rigide, un effet cristallisé, un « comportement » limitant, une intention enracinée et généralement oubliée… Dans un contexte approprié, un tel positionnement occupe toute la place, en laissant donc de côté les possibilités heureuses et même inspirées qui soufflent une autre direction. Notre tête (positionnements) nous précipite à gauche, par exemple, quand notre cœur nous appelle à droite… La mobilisation d’un positionnement psychique ou de la décision associée est le malaise qui surgit alors que l’on emprunte pas la voie que l’on « sait » plus ajustée. C’est un conflit intérieur.
Avec certaines idées inspirées, donc nouvelles, vous allez vous sentir confus ou encombré si elles ne coïncident pas avec le positionnement psychique qui est le vôtre, par exemple, « faire la morale » ou « contrôler tout et tout le monde ». Parfois, cela parle de nos « j’aimerais bien, mais… ». C’est notamment l’idée enthousiaste de vous rapprocher de quelqu’un (de prendre de ses nouvelles) qui pourrait vous venir et voilà que vous retrouvez les jugements que vous portez sur cette personne. Comment allez-vous vous en sortir ?
On comprendra aisément que l’on demeure dans l’attente avec divers positionnements, avec des « intentions positionnelles » (inconscientes) du genre « ne rien demander », « ne pas s’exprimer », « rester seul », « ne pas s’occuper de soi », « ne s’occuper que de soi »… Ne confondons pas « ne s’occuper que de soi » (positionnement psychique) avec « être à l’écoute de soi ». Une personne « égoïste » reste forcément dans l’attente. En réalité, elle s’occupe, non pas d’elle-même, mais de toute envie qui surgit et qui la fait attendre la plupart du temps. Devenues des décisions définitives, nos « intentions positionnelles » sont très anciennes, profondément enracinées, et nous les respectons sans conscience, ce qui maintient le mal de vivre que nous déplorons.
Un « positionnement psychique » pourrait être littéralement une ligne de conduite, laquelle témoigne d’une intention passive ou active, « positive » ou « négative ». Ce positionnement est surtout inébranlable, chronique, récurrent. Notre état d’esprit général est d’abord la somme de divers positionnements psychiques. Quand il n’est pas serein, pourrait-il être constitué d’autre chose ? Certes, notre conditionnement explique nos vécus éprouvants, mais qu’en faisons-nous, QUE CONTINUONS-NOUS D’EN « FAIRE » ? Comment restons-nous positionnés face à toutes circonstances ? Nous pouvons réagir à l’un de nos vécus éprouvants ou l’évoquer parfois plus calmement, mais il ne nous vient pas de considérer le positionnement intérieur à partir duquel nous l’appréhendons quoi qu’il en soit.
Ce que nous faisons de nos vécus éprouvants est d’abord d’ordre mental et un positionnement mental est effroyablement puissant.
– Face à vos épreuves, si vous vous résignez (positionnement), vous les maintenez, vous en attirez de pires, jusqu’à « éveil » (abandon).
– Si vous continuez de vous soumettre (positionnement) à qui attend de vous ce qui ne vous convient pas, vous cultivez votre frustration, l’empirez, jusqu’à « éveil » (dévalorisation).
– Si vous continuez de taire (positionnement) ce qui vous fait et vous a fait vraiment mal, vous vous attirez des épreuves de plus en plus « injustes », selon vous, jusqu’à « éveil » (maltraitance).
– En vous maintenant dans le mensonge, dans une double vie, ailleurs (positionnement), vous vous sentez de plus en plus coupé, séparé, jusqu’à « éveil » (rejet).
– En continuant de renoncer (positionnement) à ce à quoi vous aspirez le plus, vous amplifiez votre ressenti « privation », et vous vous mourez, jusqu’à « éveil » (trahison).
Nous pouvons assimiler tel positionnement psychique à une intention plus ou moins inconsciente, laquelle peut contenir des aspects « positifs » ou « négatifs ». Les positionnements « ne plus rien attendre de personne » et « ne jamais manifester son mécontentement », par exemple, peuvent sembler positifs à bien des égards, mais ils contrecarreront bien des élans du cœur. Ainsi, vérifier ce qu’est notre intention profonde, alors que nous sommes sur le point d’agir ou de nous exprimer, c’est aussi désigner notre positionnement psychique. Prenons un exemple :
« Je veux qu’il me dise enfin pourquoi il se comporte comme ça avec moi ». Si l’intention est qu’il voit son injustice, son ingratitude ou encore qu’il change, ça ne le fera pas, essentiellement parce que nous avons à reconnaître, à accueillir et à libérer le douloureux rappelé par notre vécu AVEC LUI. Tout ce que nous vivons sont des effets notamment de nos propres positionnements, lesquels proviennent bien sûr de notre conditionnement notamment infantile. Et c’est parce que nous ignorons cela que nous continuons de vivre ce que nous déplorons de façon très naïve.
Non seulement des élans véritables ne peuvent pas être suivis, contrariés par des positionnements intentionnels contraires, mais en vérité, nous n’apprécions jamais véritablement ni durablement ce qui répond – il est vrai de façon illusoire –à ces positionnements-là. En effet, il est utile de se rendre compte que, proportion gardée, nous ne sommes pas à même d’assumer ce qui répond à nos intentions sous-jacentes, réactionnelles ou compensatrices. Tout jeune homme, par exemple, alors que je m’activais pour devenir chanteur, animé en partie par mon positionnement « exister, occuper une place », je n’ai pas pu répondre à la première invitation propice, une proposition très alléchante, inespérée.
Quand la vie a fini par répondre favorablement à l’une de vos attentes maintenues, avez-vous toujours pu le recevoir dans la facilité, la reconnaissance, l’appréciation, jusqu’à en exprimer de la gratitude ? Vérifiez-le ! Nous voulons ce que nous disons vouloir, aussi pour satisfaire l’un de nos positionnements psychiques : « se sentir aimé », « ne surtout pas être seul » ; « démentir l’interdit », « vivre du plaisir » ; « faire taire le manque », « avoir toute l’attention » ; « faire bonne figure », « pouvoir se vanter » ; « avoir le droit ou accès », « avoir des preuves, aussi avantageuses ».
– L’intention « profonde » du résigné, donc de l’abandonné, pourrait être de se montrer utile. Il l’est, mais qu’en fait-il ?
– L’intention « profonde » du soumis, donc du dévalorisé, pourrait être l’attente du moment propice. Il ne le gérera pas en toute liberté.
– L’intention « profonde » de la victime, donc du maltraité, pourrait être obtenir tous les égards. Il les obtient, souvent, mais il ne fait qu’en redemander (sans appréciation).
– L’intention « profonde » du rebelle, donc du rejeté, pourrait être la menace, l’intimidation. Il veut éliminer des concurrents, imaginaires. Et c’est sans fin !
– L’intention « profonde » du renonçant, donc du trahi, pourrait être ne pas perturber le cours des choses. Il ne fait que se laisser subir celui dans lequel il se maintient.
Imaginez-vous un instant positionné en soumis, en résigné ou en renonçant, n’est-ce pas évident que l’existence ne pourra pas être très plaisante ? Que de limitations en perspective ! La soumission peut être votre réaction face aux attentes d’un tiers, mais elle peut aussi être votre positionnement psychique général (y compris quand rien ne vous est demandé), ni n’est attendu de vous. Si vous avez face à vous une personne dont le positionnement chronique rappelle la soumission, vous pourriez déplorer par exemple son manque d’initiatives. Elle ne fait que s’en remettre aux vôtres ! Ainsi, si vous répondez systématiquement « je ne sais pas » quand on vous demande ce que vous voulez, votre positionnement psychique est « se résigner », « se soumettre », « renoncer » ou simplement « ne jamais rien demander ».
Nous avons tous des croyances et des postures réactionnelles, mais nous n’en avons pas forcément fait des positionnements inébranlables. Vous pourriez vous croire plus ou moins incompétent et vous soumettre plus ou moins à certaines personnes, sans déceler en vous une intention ferme et définitive, par exemple comme celle de « tout faire pour s’améliorer ». Sinon la plupart, certains de nos positionnements psychiques ne sont plus que des routines, parce qu’en général, plus rien aujourd’hui ne justifie que nous les maintenions. Enfant, vous avez pu avoir bien des raisons d’adopter le positionnement « ne rien exprimer ou ne rien demander », mais aujourd’hui, ces raisons ne seraient plus que des croyances (sinon de la peur résiduelle).
D’une manière générale, nous sommes aussi positionnés à partir d’un état d’évidence, de normalité, sans intention particulière en cause, parce que nous n’avons jamais envisagé que les choses pouvaient être toutes autres. Il y a « pire » que se dire que des choses sont normales, quand elles ne le sont pas, c’est les vivre comme normales sans jamais y prêter la moindre attention. Le positionnement « c’est comme ça, il n’y a rien d’autre » est d’autant plus terrible quand il n’est pas l’effet d’une pensée, d’une intention, ni même d’une croyance. C’est ainsi que nous vivons d’innombrables moments dans la journée.
J’entends en permanence de tout un chacun des allégations même anodines, formulées telles des évidences, alors qu’une autre évidence, criarde, raconte tout autre chose. Une allégation fausse est insignifiante par rapport au positionnement à partir duquel elle est formulée, celui-ci pouvant être une fermeture, une limitation, un aveuglement, une profonde ignorance… Nous vivons comme un oiseau dans sa cage à qui il ne viendrait plus d’en sortir alors qu’elle est laissée grande ouverte.
Nos positionnements psychiques sont basés sur du vouloir ou sur du refus, à partir d’intentions profondément déterminées. Comme la résistance irrépressible, le vouloir peut en lui-même être un positionnement psychique, mais quoi qu’il en soit, il accompagne toute intention obtuse. Un positionnement juste et inspiré n’est pas prévisible, ni donc routinier, parce qu’il répond, non pas à un conditionnement, mais à la seule expérience de l’instant présent.
En général, nous ne saurions pas dire d’emblée ce que sont nos positionnements psychiques. Mais s’il en est certains que nous pourrions revendiquer, il en est d’autres que nous n’assumons pas. Nous pourrions déclarer, par exemple, « il faut toujours que je ferme ma gueule », un peu comme s’il s’agissait d’une attente ou d’une exigence extérieure, même quand telle est bien notre positionnement psychique, avec pour intention d’éviter quelque confrontation.
Le positionnement psychique « se donner le droit » dit la croyance « je n’ai pas le droit », l’intention étant bien sûr de la démentir. Le positionnement psychique « commenter tout ce que je vois » dit l’incapacité à être avec soi-même, de même qu’avec autrui par conséquent, l’intention étant la fuite ou l’évitement. Ainsi, nos divers positionnements internes dictent nos réactions, la façon dont nous interagissons avec le monde, notre réserve, les histoires que nous nous racontons, nos conditions de vie, etc.
Il y a un positionnement inhérent à toutes nos réactions, mais chacune d’elle n’est pas forcément un positionnement (tout en pouvant l’être bien sûr). Avec le positionnement « obtenir ce que je veux », une personne pourra se plaindre à l’occasion, comme elle pourra être dans la manipulation, mais ces deux réactions peuvent ne pas être son vieux positionnement psychique… À l’occasion et réactionnellement, je peux encore faire savoir mon mécontentement, ce qui n’est pas mon positionnement majeur, lequel ayant davantage été « faire plaisir à tout le monde ! »
La réaction est une expression momentanée, impulsive, pouvant être très répétitive, sa seule intention étant la réaction elle-même, et le positionnement psychique repose sur une intention très précise, jamais remise en question. Le plaintif ne se plaint pas tout le temps (réaction), mais son positionnement « obtenir toute l’attention » ne le quitte jamais. Le bougon peut parfois être de bonne humeur, bien sûr, mais il reste d’instant en instant fidèle à son positionnement « ne déranger personne ».
Vous saurez ce que pense à propos de tout et de rien la personne dont le positionnement psychique (forcément chronique) consiste à tout juger (critiquer, évaluer, comparer, dénoncer, accuser…). Au passage, profitons-en pour vérifier à quel degré nous pourrions être cette personne-là. Or, l’un de vos propres positionnements psychiques n’est pas forcément de juger et d’accuser tout le monde, et si vous vous l’imputez à tort, vous êtes avec le positionnement : « se juger et s’accuser soi-même ». Au passage, si vous ne deviez reconnaître que ce positionnement-là comme étant le vôtre, sûr qu’il est à abandonner (comme tout autre), vous vous permettriez un beau changement d’état de conscience.
Quand nous voyons que nous sommes dans le jugement, ce qui peut se produire à chaque instant, le jugement ne nous quittant « jamais », nous avons opéré un premier miracle. Tôt ou tard, ce qui est naturellement substitué à nos positionnements psychiques, alors abandonnés, sont la paix, la joie, l’amour, la lumière, l’inspiration, la créativité. La prise en compte de nos vieux schémas ne doit surtout pas servir la honte, la culpabilité, ni donner lieu au jugement. C’est alors seulement qu’elle se fait libératrice. Quand nous profitons de la possibilité de reconnaître nos vieux schémas, quels qu’ils soient, nous tirons grand bénéfice à ne nous en reprocher aucun, à délaisser tout jugement.
La tendance à juger autrui comme à nous juger nous-mêmes est aussi un positionnement psychique possible à découvrir et… à ne surtout pas juger ! Le mode « accusation » est l’un des modes mentaux les plus populaires, devenant pour certains le mode « auto-accusation ». Ne faisons pas que le subir, reconnaissons-le aussi ! Kenneth Wapnick a déclaré : «Parmi les illusions, le jugement est l’activité la plus inutile du monde ».
La difficulté à relâcher un positionnement psychique repose d’abord sur son ignorance, puis sur le VOULOIR qu’il implique et auquel on ne renonce pas sans un « éveil » suffisant. En général, y compris si cela nous est proposé, nous ne pouvons pas reconnaître nos divers positionnements psychiques, simplement parce que nous n’y sommes pas disposés. Ainsi, pendant longtemps, nous ne pouvons pas être (vraiment) aidés, parce que nous suivons l’ornière de nos positionnements psychiques, un peu comme si les solutions s’y trouvaient. En effet, c’est avec l’idée (illusoire) qu’il allait être utile que nous avons adopté chaque positionnement psychique et nous croyons encore à son aide ou qu’il ne peut aboutir qu’à du bon.
S’agissant de toute personne qui manifeste son positionnement psychique de façon grossière, comprenons ou rappelons-nous qu’elle est convaincue qu’il n’y a pas meilleure attitude. Ce qui nous fait réagir et nous positionner comme nous le faisons est, non pas la maladresse, mais la certitude qu’il n’y a pas mieux à faire. De façon subtile, il y a déjà dans la souffrance la croyance qu’elle est en elle-même le moyen de sortir d’une situation éprouvante. Et si elle est le moyen, il faut donc en rajouter !
Qu’elle soit « subie » ou « infligée », l’autorité est un sujet très favorable aux positionnements psychiques et profitons-en donc pour nous y arrêter un peu plus. À partir d’un rôle d’autorité, lequel est déjà un positionnement psychique, tout autre positionnement psychique mobilisé trompera et même blessera autrui, d’autant plus si c’est un enfant. On peut éprouver une certaine satisfaction (parfois de la jubilation) à manifester une autorité envers autrui, y compris envers un enfant et un animal, sans conscience qu’il s’agit là d’un positionnement dément et blessant. En effet, tout positionnement autoritaire envers autrui est dément et blessant, et son absence n’empêche en rien la fermeté souvent nécessaire. Fermeté et autorité n’ont rien à voir.
L’autorité aboutit souvent au terrorisme, à la terrorisation. Ceux qui se targuent d’être obéis par leurs enfants ne disent pas qu’ils les terrorisent. Un proverbe grec dit : « Un excès d’autorité tyrannise l’enfant ». L’autorité pratiquée est toujours un abus de pouvoir et la fermeté exercée s’avère souvent être un acte d’amour. Et j’aime ce mot d’ Emile de Girardin : « L’autorité abrutit et abaisse ; la liberté désabrutit et élève ».
Si renoncer à votre autorité envers vos enfants ou d’autres vous semble inconcevable, découvrez donc en vous l’enfant qui piétine encore ! Nous pouvons préférer être crus plutôt qu’être obéis, être recherchés plutôt qu’être évités, être aimés plutôt qu’être redoutés… Dans ce sens, renonçons à exercer un pouvoir sur autrui. Nous pourrons avoir du mal à nous avouer notre positionnement autoritaire, à le reconnaître, mais il n’échappera à personne ou personne de notre entourage n’en sera intérieurement indemne. L’autorité qui n’en est pas facilite l’adhésion. L’abandonné accorde du crédit aux autorités extérieures et le trahi subit en silence leur défaillances. Le dévalorisé se soumet régulièrement à qui il vit comme autorité et le rejeté cherche à être vécu comme la seule autorité.
Si nous avons bien du mal à ne pas réagir, alors que nous sommes dans la réaction, nous en avons bien plus à délaisser notre positionnement psychique, lequel est davantage dans l’ombre, à l’arrière-plan. On peut même dire qu’il est une arrière-pensée ! Pour mieux distinguer la réaction du positionnement psychique, disons qu’en général, la réaction répond à un vécu, à un épisode « éprouvant », et le positionnement psychique le précède et l’accompagne. La réaction répond à l’épisode que le positionnement psychique a contribué à mettre en place. Celui qui se met à bougonner (réaction), les choses ne se présentant pas à sa convenance, essuie les effets de son positionnement par exemple « ne jamais rien demander ».
Vous voici à nouveau dans la plainte (réaction), parce qu’il n’a toujours pas fait ce que vous lui avez demandé. Le positionnement « exiger », « attendre d’être servi », avec la peur sous-jacente, ne peut aboutir qu’à des déconvenues. Avec le positionnement chronique « occuper toute la place », vous devriez comprendre sans peine que vous vous retrouviez constamment en situation de vous rebeller (réaction). Si votre positionnement chronique spécifique est « ne jamais demander d’aide », ne vous étonnez pas d’être souvent en situation de réagir à votre manière, fût-ce de façon très discrète.
Si je fais face chez moi à une négligence d’un proche, laquelle négligence fait par exemple que je me cogne ou que je cherche partout l’objet qui m’avait été emprunté, je ne peux plus réagir comme avant. En effet, je me sais désormais avec les effets de mon positionnement psychique « ne mettre personne mal à l’aise, ne rien faire pour être pris en considération… ». D’une manière ou d’une autre, la Vie nous montre la façon dont nous nous traitons nous-mêmes.
Outre nos douleurs infantiles non considérées, auxquelles nous avons toujours résisté, nos revécus éprouvants sont moins dûs à des vécus originels qu’aux positionnements psychiques que nous avons adoptés en réponse et que nous maintenons ici et maintenant. Cela étant dit, selon notre blessure, le démenti étant l’intention, nous sommes tous positionnés de sorte à vivre absolument tout ce qui est possible (a), faisable (d), sous notre nez (m), sous notre contrôle (r) ou accessible (t).
Ce n’est certainement pas quand nous sommes très affectés (ébranlés) que nous allons nous arrêter sur notre positionnement psychique, alors impliqué, mais vient un temps où nous pouvons être plus disposés à considérer tranquillement nos divers fonctionnements. En cas d’incendie, nous ne devenons pas pompier et nous faisons ce que nous pouvons. En réactivation émotionnelle, quand ça « brûle », nous faisons aussi ce que nous pouvons, mais après coup, ce que nous voyons et libérons nous évite les mêmes « feux ».
Nos divers positionnements internes pourraient être trop nombreux pour pouvoir les considérer comme une seconde nature et il est donc préférable de les comparer à des costumes que nous revêtons au gré des circonstances. Face à diverses circonstances spécifiques, quand nous sommes seuls, avec une seule personne, dans un groupe ou encore à la faveur de certains souvenirs ou autres pensées, nous pouvons passer d’un positionnement psychique à un autre. Il est très intéressant d’observer rétrospectivement notre posture générale quand nous sommes seuls et quand nous sommes face à diverses personnes ou situations. Indéniablement, nous ne sommes pas positionnés de la même façon.
Nous maintenons nos vieux positionnements par habitude et ignorance, et si nous les revendiquons, c’est que nous en avons fait des croyances. Nous les vivons alors comme très utiles, voire indispensables. Chercher à convaincre une personne d’abandonner une attitude physique ou psychique, y compris pour son « bien », est insensé ou très naïf, notamment parce qu’elle compose avec un positionnement méconnu par le « conseilleur ». Que peut faire la personne à qui vous conseillez de rompre définitivement une relation alors qu’elle reste, par exemple, en mode « régler un compte », « démentir son manque de valeur ou d’importance », « arriver à ses fins »… ?
Puisqu’elle est conditionnée, compensatrice ou réactionnelle, l’intention qui fait un positionnement psychique est toujours illusoire et parfois même irréaliste. En tant que positionnement psychique, « rencontrer l’âme sœur » est illusoire, mais quand l’âme sœur attendue devient « le prince charmant », l’illusion se fait aberration. En tant que positionnement psychique, « occuper une place » est illusoire, mais quand la place revendiquée est la « meilleure » ou déjà prise, l’intention est irréaliste. En tant que positionnement psychique, « vouloir s’accaparer quelqu’un » est illusoire, mais quand ce quelqu’un se montre distant ou indisponible, parfois de façon cruelle, le vouloir encore devient du masochisme.
Nos vieilles douleurs non libérées, ni même reconnues, nos croyances invisibles ou revendiquées impliquent aussi des positionnements ou des modes de fonctionnements d’abord mentaux qu’il peut s’avérer utile d’identifier, ce qui permettra d’en être de moins en moins la proie. Le positionnement est à nos vieilles douleurs refoulées ce qu’est la résistance à nos réactions courantes. On pourrait relâcher plus immédiatement positionnement et résistance que douleurs et réactions. La résistance et le positionnement sont davantage d’ordre physique ou comportemental, et quand ils sont réellement reconnus, ils subissent déjà un désamorçage. La réaction emprunte souvent la dimension physique, ne se cantonnant pas au plan mental, mais la résistance passe tellement par le plan physique qu’elle peut toujours être éprouvée dans le corps.
Psychiquement, nous résistons et nous sommes positionnés d’une certaine façon, mais résistance et positionnement renvoient d’abord au plan physique, et en l’occurrence, les deux impliquent donc le corps. Il est toujours plus facile d’intervenir immédiatement sur ce que fait le corps que sur une croyance, que sur une vieille douleur ou que sur une intention. Quand vous êtes tendu, alors que vous êtes préoccupé, vous ne pouvez pas sur-le-champ abandonner la préoccupation, mais sur-le-champ, si vous vous disposez, vous pouvez vous détendre. Détendu, vous aborderez plus efficacement la préoccupation. Un instant de relaxation ou de la respiration consciente ne fait pas revenir celle ou celui qui vous a quitté, par exemple, mais cela vous rend plus disponible pour vous libérer de la souffrance « occasionnée », ce qui est votre besoin réel.
Si vous avez déjà fait l’expérience de changer soudainement d’état d’esprit et par conséquent d’ambiance intérieure, eh bien, vous avez donc là – au moins momentanément – relâché un positionnement dont vous pourriez reconnaître qu’il vous cause du tort ! Quelqu’un qui ne relationne pas à partir d’un positionnement psychique se montre sans a priori, réellement disponible, à même aussi de recevoir. L’harmonie ne dépend d’aucun mode, sinon de l’abandon de tous nos positionnements conditionnés. Tout positionnement limite forcément l’inspiration, la spontanéité, l’insouciance et la disponibilité. (À suivre)
Commentaire
204 – Nos « positionnements psychiques » 1/6) — Aucun commentaire
HTML tags allowed in your comment: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>