198 Le subir et ses implications 2/x
Avec la précédente chronique, nous sommes entrés dans le thème du « subir », de « l’impression de subir », et nous poursuivons ici dans le même sens. Le mois prochain, je m’attarderai plus spécifiquement sur ce que j’appelle « le subir inhibiteur », lequel est un ressenti douloureux profond, relativement ignoré, et qui peut expliquer la persistance de nos charges émotionnelles. Quant à l’impression de subir, nous pouvons aussi bien la revendiquer que l’occulter, nous en tenir à l’écart. Tant que nous ne voyons pas ce que nous « faisons », à notre encontre, nous continuons de le faire. Le déni et la revendication produisent les mêmes effets.
L’impression de subir est fausse, en ce sens qu’elle prétend que nous seraient enlevés la paix, la joie, l’amour, l’insouciance, ce qui est à l’évidence totalement impossible. L’être est paix, joie et amour, et personne ne pourra jamais changer cela. Nous ne pouvons même pas nous « mutiler » nous-mêmes à ce niveau, pouvant en revanche et très efficacement mettre un voile épais sur ce que nous sommes. Par ailleurs, s’agissant des circonstances concrètes déplorées, nous pourrons tôt ou tard nous rendre compte que nous nous les sommes, donc nous-mêmes, attirées pour limiter le risque d’abuser ou de profiter des autres, des choses, d’en exiger ou d’en imposer d’autres… Nous aurons à remettre en question notre conscience du péché ! Nous nous faisons vivre une forme d’adversité à travers le déni et la projection.
Ainsi donc, pour insister sur le déni, nous continuons de subir bien des choses. En fait, nous nous les laissons subir. Quand nous ne les déplorons pas, nous les minimisons, nous les nions ou nous les ignorons complètement. Dans le même sens, la résistance possible à reconnaître la folie et la malveillance ambiantes, que l’on s’abstiendra alors d’évoquer, renvoie au déni de ce qui a pu être « subi » dans sa prime enfance. À leur détriment, certains d’entre nous peuvent confondre la pleine considération de notre vécu éprouvé infantile avec la déploration ou la désignation de « coupables ». La reconnaissance de ce qui est ou de ce qui a été requiert à l’inverse l’abandon des considérations accusatrices, de toute forme de réaction.
S’agissant de la façon dont nous nous laissons traiter sans jamais nous y arrêter, même si nous l’éprouvons, quand nous la reconnaissons enfin, nous basculons, non pas dans la réaction, dans la dénonciation, mais dans un espace de compréhension et de libération. J’ai pu accompagner de belles personnes (en souffrance) qui n’avait jamais rien à redire sur leur entourage familial, de façon suspecte, jusqu’à ce qu’elles puissent s’avouer les aspects réellement malheureux de leur prime enfance.
L’attention refusée au « subir », en fait au vécu éprouvant, peut reposer notamment sur l’habitude, sur un positionnement moral ou même spirituel. Le « vouloir être une bonne personne » trahit la croyance inverse, à reconnaître, à relâcher ainsi. Si nous faisons fi de ce que nous ressentons, de ce qui se passe en nous, nous ne pouvons pas recueillir des intuitions, l’inspiration, ni même bien nous concentrer. Toute espèce de déni cause des limitations. Reconnaître ce qui est, ce n’est pas le déplorer. Ne pas reconnaître ce qui est, c’est s’assurer en revanche d’avoir beaucoup à déplorer (à subir) tôt ou tard.
Nos positionnements ordinaires sont plus directement reliés à ce que nous nous disons qu’à ce que nous « subissons », qu’à ce qui nous « est infligé », mais bien sûr, nous tirons des conclusions – très personnelles et orientées – de ce que nous vivons. Au lieu de maintenir notre attention sur des « infligeurs », il serait plus fécond de débusquer le « subisseur » en nous, sans le juger bien entendu. Nos diverses positions ou ce que nous pensons en général fait partie de ce que nous nous faisons subir. Nous sommes peu amicaux envers nous-mêmes, bien moins qu’envers autrui (en dépit de certaines apparences).
D’ailleurs, nous pouvons bien juger autrui, même « à raison », le plus souvent à tort, mais nous le faisons dans l’ignorance totale de comment nous nous lésons ainsi. Il ne devrait pas être difficile d’admettre que notre ambiance intérieure est toute autre quand nous ne sommes plus dans le jugement. De temps en temps, considérez vos pensées et surtout leurs effets sur vous. C’est par le crédit que vous accordez à vos pensées que vous vous faites subir leurs effets. Une personne confrontée à une situation qu’elle ne peut pas changer n’a pas forcément l’impression de la subir. Et vous en vivez vous-même bien des exemples ! Quand il pleut, subissez-vous réellement la pluie. Quand il neige, vos enfants la subissent-ils ?
Quoi qu’il en soit, « subir » est une chose, ce que cela nous fait en est une autre. Avec l’impression soutenue de subir ce que l’on endure, on n’a pas une pleine reconnaissance de l’effet douloureux en cause et l’on ne peut donc pas s’en libérer. Par exemple, quand on se sent littéralement abandonné, dévalorisé, maltraité, rejeté ou trahi, on croit subir (une infliction) ou l’on est positionné comme si l’on subissait ce que l’on éprouve. On ne peut pas être positionné de la sorte et manifester simultanément son pouvoir, sa puissance. Reconnaissez bien cette évidence ! Quiconque manifeste une grande puissance endure encore des épreuves, mais il ne les subit pas et il les dépasse tôt ou tard.
Derrière la seule impression de subir l’extérieur, on trouvera un sentiment profond de culpabilité, lequel résulte de velléités séparatrices et illusoires. L’humain s’accuse originellement de s’être séparé, de se séparer encore. Tout en se le reprochant, il continue donc de se séparer. Or, nous ne pouvons pas nous sentir coupables sans avoir peur de la punition, celle que nous allons donc subir, nous faire subir. On peut dire, en réalité, que nous subissons toujours tout ce que nous endurons, dans le sens d’en être victimes, mais c’est nous-même que nous subissons, sinon notre seul conditionnement. Nous sommes victimes de nous-mêmes !
Ou bien nous souffrons, nous faisons subir de la souffrance, ou bien nous sommes dans l’amour et la souffrance ne peut pas trouver place ou l’amour éponge la douleur qui apparaît. L’amour est aussi pouvoir, puissance. Il précède et accompagne la conception, la création, la transformation… Que nous le voulions ou non, notre « je subis le monde » dit plus exactement « je n’ai pas de pouvoir ». Que nous y croyions ou non, cela est absolument faux ! Pour l’avoir suffisamment intégré, savoir ou nous rappeler que nous ne subissons rien ou qu’il n’est rien que nous ayons à subir, que l’extérieur n’a aucun pouvoir sur nous, est d’un effet très libérateur, purificateur. Or, comme nous n’en sommes probablement pas là, d’une manière générale, reconnaissons-le. Simplement, acceptons-le et regardons dans la bonne direction !
Nous avons tous notre propre attitude réactionnelle générale (selon notre blessure principale), et pour réagir par exemple violemment, notre impression de subir doit rester d’une intensité correspondante. Il est justement intéressant d’observer que toute forme de réaction repose sur l’impression de subir et, comme nous venons de le souligner, que cela révèle l’aveu d’un non-pouvoir. Il sera bien difficile de comprendre et d’assumer sa pleine responsabilité avec l’impression sous-jacente et persistante de subir l’existence. Et Un cours en miracles nous dit : « Ta responsabilité ne fait que rendre hommage à ta puissance ». Soit nous sommes responsables, soit nous subissons.
Notre difficulté (éventuelle) à adhérer à la réalité de notre responsabilité repose d’abord sur notre confusion entre « responsabilité » et « culpabilité ». La culpabilité croupit en nous de toutes façons et, ce qui devient un « problème », si nous renonçons à notre état de « subisseur », nous devons du même coup renoncer aux cibles qui nous permettent de la projeter. Ou bien nous sommes des « subisseurs », ou bien nous sommes des êtres responsables.
Quand nous nous rendons compte que ce que nous endurons et déplorons est ce à quoi nous nous attendons, nous pouvons doucement commencer à voir comment nous ne subissons pas l’extérieur, commencer à voir que nous nous subissons nous-mêmes. Plus nous reconnaissons notre impression de subir l’existence, nous en libérant ainsi, et plus nous manifestons ce que nous sommes en essence, plus nous nous épanouissons. Quand nous sommes disposés à « voir clair », à reconnaître nos vieux schémas, à les accueillir pleinement, nous avons déjà entamé notre vieille impression de subir l’existence. Le plein accueil est une forme de « vraie prière ».
Quand nous sommes dans l’observation et dans la reconnaissance pure et simple de ce qui est, disposés à l’accueillir, nous avons au moins momentanément quitté notre vieux conditionnement, lequel implique toujours l’impression latente de subir les apparences, les illusions, des reflets, des effets… Ce que nous croyons subir ne sont que des effets, ne voyant pas alors comment et combien nous sommes cause ou que la cause réside en notre état d’esprit conditionné. Et n’éprouvez pas la CAUSE comme une FAUTE ! Dans nos instants de grande paix, de vraie joie, de plein amour, alors « en pleine lumière », il n’y a aucun commentaire sur le vécu, parce que l’ego ou le « subisseur » n’est plus là.
Il suffit que nous puissions poser un acte, ne serait-ce d’abord que sur le plan psychique, pour commencer à relâcher l’impression de subir, à désobéir à cette dernière. Que nous soyons conscients ou non de notre impression générale de subir l’existence, cette impression s’estompe (n’est plus limitante) dès que nous passons à l’action, voire que nous nous animons déjà intérieurement. On gagnerait souvent à se demander ce que l’on peut, dans quelque domaine que ce soit : « Tiens, dans l’instant, qu’est-ce que je peux et que j’ignore ? » Il y a ce que l’on ne s’autorise pas, ce que l’on n’ose pas, ainsi que ce que l’on exige, que l’on revendique, mais il y a aussi tout ce que l’on ignore ou néglige et qui est pourtant à notre portée, en notre pouvoir.
Jusqu’à 56 ans, j’ai ignoré que je pourrais faire du tandem de façon intensive, jusqu’à faire des sorties de plus de 200 km et gravir le Mont-Ventoux à 60 ans (sans mettre pied à terre). Je connus un « pouvoir » ou un potentiel saisissant ! À partir de 64 ans, j’ai découvert que je pouvais faire divers gros travaux, auxquels je n’avais jamais pensé jusque-là, et la seule expérience du pouvoir – en fait du « réalisable – fut prodigieuse. Elle est l’inverse du malaise qui accompagne l’impression de subir. Aucune de nos actions n’est déterminante, mais cesser de nous vivre comme étant sans pouvoir est essentiel.
L’orgueil n’accompagne pas l’humble découverte du pouvoir, du vrai pouvoir commun à tout un chacun, parce que c’est un plein contentement qui occupe alors toute la place. Il n’y a pas auto-appropriation de ce pouvoir. Seul un faux pouvoir, bien illusoire, peut être accompagné d’orgueil et il n’est qu’une autre réponse palliative à l’impression refoulée de subir. Le pouvoir manifesté de façon naturelle dément clairement l’impression de subir, l’élimine en fait, et sans cette impression, on PEUT très bien rester tranquille, inactif, ce qui est donc encore du pouvoir.
Puisque nous avons l’impression de subir l’existence, nous pouvons également redouter celle de nous faire subir à autrui, parfois en faisant tout pour l’éviter. L’impression de subir le monde est accusatrice, l’impression d’être subi par le monde est auto-accusatrice. Nous pouvons avoir, par exemple, le souci obsédant de ne jamais déranger personne. Or, par ailleurs, n’avons-nous pas tous des comportements réactionnels ou compensateurs ? Alors, forcément, nous les infligeons d’une manière ou d’une autre ! Ce n’est pas toujours l’amour que nous propageons !
Il s’agit cependant, non pas de savoir si autrui nous subit (chacun vivant ce qu’il a à vivre), mais de reconnaître nos intentions, nos attentes, nos indélicatesses éventuelles, voire nos jugements et accusations, mais encore nos croyances et autres positionnements inébranlables. Il est toujours et seulement question de reconnaissance pure et simple, ne l’oubliez jamais ! Simplement, au passage et au besoin, profitez-en pour prendre sur le fait votre tendance rapide à vous culpabiliser… Quand nous sommes disposés à reconnaître nos vieux schémas, quels qu’ils soient, nous relâchons peu à peu l’impression de subir et nous retrouvons notre vrai pouvoir, le pouvoir qui est étranger aux abus et à la prétention.
L’impression de subir (qui ou quoi que ce soit), généralement subtile, peut être devenue une croyance et de toutes façons, nous subissons beaucoup de croyances. En général ou dans certains domaines, ce sont de vieilles croyances qui nous guident, qui nous dominent, pour des expériences plus ou moins malheureuses. « Fonctionner » aux élans, au ressenti, à l’intuition, aux idées neuves, à la créativité… fait vivre des expériences très différentes, enrichissantes celles-là. Même les croyances spirituelles peuvent être subies et être alors infructueuses, parce que le « croire » implique le mental, non pas le cœur.
Vous croyez ou vous ne croyez pas en Dieu, mais dans un cas comme dans l’autre, que vivez-vous, que ressentez-vous, que savez-vous ? Quand on parle de Dieu, ne devrait-il pas être question de paix et d’amour ? Que voudrait dire alors croire à la paix ou en l’amour ? On est en paix, dans l’amour ou l’on ne l’est pas. Peut-être dites-vous croire en Dieu quand, en réalité, il est pour vous une évidence. Le « croire » ne vous est donc pas utile. Peut-être dites-vous ne pas croire en Dieu alors que vous êtes le plus souvent en paix et dans l’amour ! Vivre le Divin n’implique pas de croire quoi que ce soit. Êtes-vous bon, parce que « votre Dieu » vous le demande (croyance) ou parce que telle est simplement votre nature profonde ?
Si nous croyons au « subisseur », nous croyons forcément à « l’infligeur ». Si nous sommes l’un, nous manifestons aussi l’autre, mais en vérité, nous ne sommes ni l’un ni l’autre. Une croyance est toujours subie, même si elle ne rend pas vrai (tout de suite) ce qu’elle énonce. Par exemple, croire au pire est sur-le-champ forcément éprouvant. Rappelons que l’une des façons de se libérer de l’impression de subir, que l’on en soit conscient ou non, est de découvrir ce que l’on pourrait faire avantageusement et que l’on ne fait pourtant pas. La découverte se muera vite en auto-invitation effective.
Certaines croyances peuvent un temps causer du soulagement, mais quand nous sommes dans un état de grâce, quand nous nous sentons divinement bien, nous ne croyons rien du tout ; nous le devons, non pas à une croyance, mais à l’abandon momentané de toute croyance. Le petit enfant émerveillé, rayonnant, pleinement épanoui manifeste un état absolument naturel, lequel ne dépend d’aucune croyance. Hélas, des croyances pourront finir par l’entraîner hors de cet état « divin » ! Cela nous est arrivé ! Et observons-le, quand nos croyances sont contrariées, nous entrons dans la réaction.
Quand nous sommes en réaction contre ce qui se passe à l’extérieur, jusqu’à vouloir le changer, nous résistons en fait à quelque chose qui se trouve en nous-mêmes. Ce que nous subissons n’est pas ce que l’on croit. Et puisqu’il n’est précisément pas question de subir, soyons attentifs aux actes que nous pourrions poser et que nous retenons pourtant. Quand nous pouvons changer les choses, poser des actes, prendre des décisions effectives, s’agissant de nos élans véritables, il est heureux de nous le permettre, parce qu’il est toujours sage d’honorer ce que nous ressentons (non plus ce que nous croyons). Quand une prise de conscience nous fait adopter un comportement différent, nous ne pouvons pas être dans la réaction, ni dans la compensation.
Précisons ici que nous ne pouvons reprocher à personne de ne pas réagir comme nous, tous les gens ne « subissant » pas comme nous ! Quant à ceux qui restent insensibles à ce qu’endurent leurs semblables, voire les animaux, ils ignorent totalement qu’ils subissent leur propre conditionnement, de façon extrême, singulière. Ils restent pris dans ce conditionnement qu’ils n’identifient pas. Et quand nous sommes en réaction contre ce qui se passe à l’extérieur, il pourrait sembler que nous voulions changer les choses, ce que nous pourrions prétendre, mais en réalité, il n’en est rien. Ce que veut quiconque est dans la réaction, c’est… réagir. Il ne s’en prive pas !
Tant que nous méconnaissons notre nature profonde ou que nous ne propageons pas la paix et l’amour, nous restons positionnés tels des « subisseurs ». Il ne peut pas en être autrement. Nous existons alors en tant qu’egos. L’ego subit et fait subir, et le cœur rayonne, se propage. Nous ne pouvons pas avoir plus de pouvoir que nous en avons déjà, il est illimité, mais nous pouvons désormais l’utiliser à notre avantage et au bénéfice du monde. Peut-être l’ignorez-vous, mais vous avez incontestablement le pouvoir de créer ou de favoriser du bon tout autour de vous. Alors, aujourd’hui, ça pourrait être quoi ?
Si vous pouvez reconnaître votre positionnement en tant que « subisseur », ce qui est absolument magnifique, demandez-vous ou ressentez ce qu’implique le fait d’être libre du « subissement ». Que sommes-nous sans notre conditionnement ? Quand je me dis ou me rappelle, juste ici et maintenant, que je ne subis absolument rien, je me sens parfaitement libre ou comme dans un espace vaste et lumineux, aussi en paix et dans l’amour. Avez-vous votre propre impression ? Si vous ne pouvez pas concevoir que vous ne subissez rien, vous n’honorez pas votre potentiel, votre nature profonde, et vous vous privez de l’effet immédiatement libérateur de la compréhension présumée.
« Nous faire nous-mêmes subir » (quoi que ce soit), c’est exercer nous-mêmes une action ou un pouvoir sur nous, et c’est ce que nous faisons en permanence, sans jamais y prêter attention. Comment nous traitons-nous ? Nous nous faisons nous-mêmes subir des choses aussi bien par nos retenues ou autres positionnements désavantageux que par la négligence de notre propre pouvoir que nous confions à d’autres, à l’extérieur, ce qui est également pernicieux. Et les occasions de nous traiter mal ne manquent pas !
En général, nous déplorons beaucoup, mais nous faisons peu. Par exemple, nous ne demandons pas, nous ne nous renseignons pas, nous ne vérifions pas, nous ne nous informons pas ou nous ne disons pas « non ». Nous ne revenons pas non plus sur nos erreurs devenues évidentes. Nous n’exprimons rien, sinon pas grand-chose ni surtout l’essentiel. Que n’allons-nous pas subir alors ? Ne pas se plaindre ou ne pas s’indigner n’empêche pas de ne pas être d’accord, de ne pas donner son accord, de ne pas décliner une offre, une proposition. Ne pas réagir, ni être dans le jugement, ne signifie pas ne rien dire au besoin. La réaction est toujours « malveillante » et la non-réaction permet la douceur, d’abord envers nous-mêmes, en nous-mêmes.
Ainsi, puisque nous nous traitons comme nous déplorons d’être traités, comme nous nous sommes toujours sentis traités, nous œuvrons peu en notre faveur. Pouvons-nous voir cela sans commentaires ? Si vous ne parvenez pas à voir la façon fâcheuse dont vous vous traitez, peut-être jusqu’à en douter, vérifiez donc honnêtement quand, comment, combien vous vous traitez réellement de belle manière. Soyez vrai et précis ! Sans nul doute, nous nous faisons subir bien des choses (moi aussi, évidemment), mais ne nous le reprochons en aucun cas : c’est si bon et purificateur de le découvrir, d’en devenir conscient !
Ce que nous croyons subir inconsciemment, ce que nous déplorons consciemment, ce ne sont que des effets de notre propre état d’esprit conditionné. Nous leur sommes soumis, nous ne subissons rien d’autre ! Même avec une certaine disposition à nous libérer émotionnellement, « nous nous intéressons » davantage à ce que nous « subissons » qu’à ce que nous faisons « subir », ce que nous émettons, faisons passer, ce que nous occasionnons… Notre impression de subir l’existence n’est maintenue ici et maintenant que par ce que nous émettons, que par ce que nous occasionnons, et le penser réactionnel est notre outil de prédilection.
À ne pas pouvoir, à ne rien pouvoir, nous avons pu renoncer, mais après avoir renoncé, nous ne pouvons plus, définitivement (jusqu’à éveil) ! Nous avons perdu ou plutôt brider notre pouvoir. Rester positionné comme si nous subissions le monde, y croire, permet de ne pas avoir à nous remettre en question, empêche de voir nos propres vieux schémas dysfonctionnels. Rien ne nous arrivant par hasard, tout étant donc sensé, quand telle est devenue notre compréhension, nous ne pouvons plus nous en tenir à considérer que nous subissons quoi que ce soit. La « soumission désinvolte » ou la posture capricieuse sont alors abandonnées. Considérons ces deux attitudes puériles avec amusement !
En pleine conscience, nous ne pourrons donc plus surajouter l’impression de subir à une déploration. La chose déplorée nous implique toujours, du revécu étant concerné, et de plus, elle comprend une invitation libératrice. L’Intelligence infinie nous invite sans cesse à nous éveiller, à nous libérer. Ne maintenir notre attention que sur ce qui nous est infligé, qui semble l’être, c’est laisser intact ce qui en nous le cause, l’attire, et qui, de sorte à nous éveiller enfin, provoquera pire. En fait, nous subissons principalement la peur, et plus nous la reconnaissons, la considérons, moins nous la subissons, avons l’impression de la subir. Au lieu de la subir, nous nous en libérons. La peur peut aussi bien faire pousser des ailes que les couper, mais dans les deux cas, elle est à reconnaître, à libérer.
Nous subissons la peur en écho à la honte ou au sentiment irrationnel de culpabilité qui nous habite. Sachons-les de même et préférons, invoquons la paix et l’amour, ce que nous sommes. Nous reconnaissons peu notre peur et nous ignorons beaucoup que la peur crée l’ennemi, l’adversité. Persiste ce à quoi l’on résiste : advient ce que l’on craint. Ne nions surtout pas nos divers malaises, pas même les petits, mais rappelons-nous aussi que nous pouvons davantage préférer la paix et l’amour ou les invoquer de plus en plus souvent…
Quand nous pouvons substituer à tout malaise, physique ou conflictuel, la paix et l’amour, nous sommes dans le pardon. Faisons-le-nous « subir » ! En fait, offrons-le-nous ! Que va-t-il se passer en nous-mêmes, en cas de revécu hostile, auto-accusateur ou de tout état douloureux, si nous invoquons la bonté, la douceur, la paix et l’amour ? Tentons l’expérience et renouvelons-la souvent ! Nous ne pouvons pas compter sur la puissance divine, laquelle est alors envisagée comme devant provenir de l’extérieur, en conservant intacte en nous l’impression de subir un pouvoir maléfique.
C’est quand nous avons pu substituer au subir la puissance divine ou le « je peux » ressenti que nous finissons par le manifester, par en témoigner. Sentir « je peux » est une chose, le prétendre une tout autre. Subir un pouvoir extérieur est une chose, le souffrir est l’effet éprouvant, problématique. Le « j’aime » et le « je peux » vont de pair, parce que rien n’est plus puissant que l’amour. L’ego ou le mental n’est en rien impliqué ici. Ajoutons-y l’innocence, laquelle dément le sentiment irrationnel de culpabilité.
Subir, c’est à la fois souffrir et être positionné en victime ou « subisseur », donc être dans l’accusation, mais c’est surtout un appel indirect au pardon. Revenons-y justement : la disposition au pardon est l’idée d’être libéré de toute forme de ressentiment, une idée qui est alors chérie. Le temps est venu de substituer l’amour, le plein accueil, l’innocence parfaite au jugement, à la réaction, à la déploration, afin de favoriser le miracle intérieur. Il est guérisseur, transformateur, libérateur, purificateur… Le monde a besoin d’être béni, illuminé, que nous l’accueillions, que nous ne le jugions point, ni nous prenions pour ses victimes. Et recevons en plein cœur ces derniers mots, ceux de Gitta Mallasz : « Accueille tout et tous, c’est ta tâche. Je ne peux pas faire passer par toi la grâce du Père si tu n’accueilles pas le monde non délivré ». (À suivre)
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