194 – Le décalage
Quand nous nous sentons plus ou moins mal sans cause apparente, nous ne faisons que revivre un malaise en nous depuis toujours. Et quand nous sommes directement confrontés à une circonstance que nous interprétons faussement comme la cause de notre contrariété du moment, ce même vieux malaise est encore impliqué de façon prédominante. Cela ne veut évidemment pas dire que les circonstances présentes devraient être niées. Tout problème incriminé n’est jamais LE problème, pouvant toutefois rester un problème à résoudre. Nous pouvons dire d’emblée que nous abordons nos problèmes en étant complètement « à côté de la plaque », à savoir « en décalage ».
La vraie cause de toute souffrance est notre conditionnement global. Il est constitué à la fois de blessures psychiques (les cinq blessures dont je parle régulièrement) et de l’impression atavique de séparation d’avec notre nature profonde. Dans cette chronique, cependant, nous allons nous en tenir à un aspect particulier et essentiel de la souffrance humaine : le décalage colossal entre nos préférences ou les vraies aspirations de notre cœur et la réalité existentielle telle que nous la vivons, telle que nous l’endurons. En fait, nous maintenons notre mal de vivre du seul fait de rester pris dans des décalages jamais considérés.
Beaucoup n’en sont pas du tout conscients, mais nous aspirons TOUS à la paix, à la joie et à l’amour. Tous, nous avons besoin de nous épanouir, d’être épanouis. En d’autres termes, nous avons besoin de vivre et de manifester ce que nous sommes. Ce que nous sommes et que nous ne pouvons pas ne pas être, est seulement voilé par notre conditionnement. Ce dernier, nous l’ignorons ou le dédaignons, tout en lui accordant crédit et alors même qu’il domine tout le temps. Ce qu’exprime le cœur est étouffé par ce que crie le mental, le penser. Les décalages que nous pouvons finir par déplorer sont d’abord ceux que, malgré nous, nous mettons en place ou que nous cultivons. Nous sommes aussi responsables des décalages qui nous occasionnent tant de « chutes » et de déconvenues…
D’une manière habituelle, vous sentez-vous en accord avec ce que vous vivez, au travail, à la maison, dans vos diverses relations (intimes, amicales, professionnelles, associatives…) ? Vous sentez-vous régulièrement en harmonie avec autrui ? Faites-vous l’expérience de vrais partages ? Avez-vous plus ou moins du mal à vous adapter aux nouvelles situations (rencontres, activités, déménagements…) ? Et trouvez-vous un écho favorable ou bienveillant aux choix qui vous semblent évidents ? Vos réponses pourraient révéler le degré auquel vous vous sentez parfois en décalage. Nous ne déplorons pas tous les décalages à travers lesquels nous évoluons effectivement, parce que nous nous y sommes habitués, et ce sont leurs effets qui nous font réagir au quotidien.
Autour de nous, nous voyons beaucoup de gens être à côté de la plaque, mais soyons-en sûrs, c’est ainsi que ces mêmes gens (sinon d’autres) nous voient également. D’ailleurs, outre la projection souvent concernée, nous sommes réellement tous à côté de la plaque en moult circonstances. Être faussement identifié, c’est être à côté de la plaque. Le penser intempestif et surtout le jugement compulsif en sont des témoignages très édifiants. Ne nous sommes-nous pas maintes fois rendu compte que ce que nous avions pensé s’était avéré complètement faux ? Et finalement, peu importe car il reste que se sentir décalé fait mal !
En plus d’être parfois une réalité tangible déplorée, le décalage est en lui-même un ressenti douloureux très éprouvant. On souffre d’un « décalage psychique » quand on ne se sent pas en phase avec qui que ce soit ou face à une circonstance plus ou moins incohérente. En effet, ce décalage psychique est en soi une épreuve, outre un autre revécu émotionnel qui peut être réactivé simultanément.
Par exemple, la solitude est une douleur possible et elle peut aussi s’inscrire dans un gros décalage relationnel, accompagner une perception des choses qui n’est absolument pas partagée avec son environnement immédiat. Encore jeune homme déjà aveugle, j’étais pris par une incompréhension très troublante, parce que je voyais de plus en plus de choses et que j’ignorais que j’étais généralement seul à les voir. Quel décalage auquel être confronté en permanence !
Il y a parfois un gros décalage entre ce qui se passe extérieurement et ce que nous pouvons ressentir, ce que nous pouvons voir d’un tout autre point de vue. Par exemple, vous seriez censé vous réjouir de l’annonce d’un mariage alors même que la mésentente totale du couple vous « saute aux yeux ». Peu après le mariage, c’est le divorce que l’on vous annoncera (vécus personnels) ! D’une manière plus générale, si vous ne pouvez pas exprimer ce que vous avez sur le cœur, dans diverses interactions relationnelles, vous restez malencontreusement en décalage avec ce qui se joue autour de vous.
En certaines circonstances, quand tout le monde affiche une insouciance extraordinaire ou quand tout le monde croit tout ce qui est faussement propagé, si vous savez une autre réalité, vous pouvez éprouver un décalage terrible. Par exemple, il n’est pas simple de détenir des informations ou une compréhension ignorées par le plus grand nombre : on peut avoir l’impression de ne pas habiter le même monde et se sentir alors démuni. Et si l’on devient conscient de ce phénomène possible, on le gérera d’autant mieux au besoin. « Un homme averti en vaut deux », répétait souvent mon père.
Un décalage peut donc en lui-même constituer l’éprouvé ou la difficulté du moment. Sur le plan psychique comme sur le plan physique, c’est au minimum très inconfortable d’être en décalage. Il y a comme un malaise quand, sans le savoir, des partenaires ne vont pas dans la même direction ou quand ils ne sont pas sur la même longueur d’ondes… Or, le décalage entre une certaine réalité et notre ressenti peut être causé aussi bien par une mauvaise interprétation de la réalité que par la dysharmonie entre la réalité incontestable et notre état de conscience. Parfois, il vous faut un bon niveau de présence pour maintenir votre bonne humeur dans un groupe où règnent les hostilités…
Nous ne sommes pas toujours conscients des décalages qui fondent l’essentiel de notre malaise du moment, mais il arrive qu’ils soient plus importants ou plus manifestes, voire très criards. Si l’on vous parle d’une bonne nouvelle avec jalousie, sans conscience, vous n’entendrez pas pleinement la bonne nouvelle, la jalousie faisant elle-même trop de bruit. Quand j’ai besoin que l’on me décrive un environnement physique, si la personne me dit en réponse l’indignation que suscite pour elle cet environnement, je pourrais revivre mon décalage de toujours, l’impression parfois très forte d’être en décalage…
Toute expression a ou peut avoir sa place, mais il est mieux, bien sûr, que nous ne mélangions pas tout, que nous ne disions pas une chose à la place d’une autre, que nous ne profitions pas d’une demande pour faire valoir autre chose que ce dont il est question. En prenant avec joie des nouvelles d’un ami que vous n’avez pas vu depuis longtemps, ne risquez-vous pas de vous sentir comme en décalage si cet ami vous « accueille » en vous reprochant de ne pas vous être manifesté avant. Le seul fait d’envisager les échanges relationnels à partir d’un systématique « c’est maintenant à son tour » fait fi de la spontanéité. La spontanéité défait souvent des décalages. La spontanéité est toujours ajustée. Si elle ne l’est pas, elle n’est que réaction.
Face à l’insouciance environnante ou à la seule préoccupation des petits tracas quotidiens des uns et des autres autour de lui, l’enfant qui endure une douleur constante doit aussi composer avec le décalage qu’il subit et qu’il ne peut évidemment pas gérer. Mon vécu douloureux d’enfant était permanent et aucune circonstance extérieure ne m’épargnait un gros décalage, lequel constituait un problème supplémentaire (juste un conditionnement spécifique). Si votre propre entourage familial d’enfant faisait comme si votre condition de vie éprouvante n’existait pas, vous avez-vous-même été inscrit dans un gros décalage (juste un conditionnement spécifique). Rappelez-vous que la reconnaissance de ses vécus éprouvants n’a jamais pour but d’établir des culpabilités.
Nos décalages pesants actuels sont-ils des problèmes supplémentaires ou la seule reproduction de notre problème originel ? S’ils sont légion ou réguliers, la réponse est évidente. En d’autres termes, un décalage peut être un contexte qui permet la remontée de vieilles douleurs ou être en tant que tel un rappel. Bien des enfants font l’expérience d’une mise à l’écart, du fait de l’indisponibilité de leurs parents ou de la façon directe dont ceux-ci les traitent. C’est l’histoire possible d’enfants non désirés, d’enfants qui ne vivent pas avec leurs deux parents ou encore d’enfants handicapés. Quoi qu’il en soit, cette mise à l’écart pourra ultérieurement être reproduite à travers de nombreux décalages. Faire des différences, notamment entre enfants, c’est fabriquer de la séparation et donc du décalage.
Quand quelque chose n’est pas considéré, n’est pas pris en compte, par autrui ou par soi-même, il en résulte forcément un décalage, une dysharmonie (dans un domaine ou dans un autre). Dans certaines communications, un décalage pourrait amener un intervenant à dire : « Mais de quoi tu me parles ? » ou encore « Mais je ne te parle pas de ça ! » Et si nous donnons des informations ou des explications dictées principalement par notre peur ou nos croyances (non assumées), ceux qui les reçoivent ressentent à leur tour un malaise qui peut s’appeler « décalage ». Donc, du fait de notre conditionnement, nous pouvons tout aussi bien être amenés à endurer un décalage qu’à en provoquer un nous-mêmes, ce que nous faisons à chaque fois que nous retombons dans la réaction.
Nos positionnements réactionnels peuvent se perpétuer éternellement, parce qu’ils sont des réponses décalées au douloureux tapi en nous, non reconnu. Nous avons souvent besoin, non pas de nous exprimer, d’autant moins quand nous parlons beaucoup, mais de reconnaître ce dont nous sommes porteurs, ce que nous ressentons. On ne peut pas se libérer émotionnellement, voire vivre un éveil spirituel, sans se heurter à des décalages relationnels, mais on peut surtout les reconnaître, donc les identifier et les accepter. Dès lors que nous nous voyons dans un décalage, nous nous disposons à en sortir d’une manière ou d’une autre.
Le décalage que nous nous faisons endurer entre nos vieilles douleurs et nos réactions à celles-ci n’est pas unique ou ne s’arrête pas là. Quand nous sommes dans la réaction, quelle qu’elle soit, nous laissons et nous nous laissons croire que nous voulons une solution. S’il advient qu’une solution se présente, nous nous précipitons sur une autre occasion pour réagir de plus belle, trouvant sans peine ni délai cette occasion. Nous restons décalés. Il s’agit du décalage entre ce que nous disons ou nous nous disons, de façon très sérieuse, et notre positionnement consécutif (en contradiction).
Proportion gardée, nous trouvons le même phénomène avec l’attente, avec le « vouloir » (désir, envie, exigence, revendication, espoir). Par exemple, on passera des heures, des jours, des semaines à envier une chose et en situation de l’obtenir, on jettera immédiatement son dévolu sur une autre. Tout jeune homme, je me suis battu pendant deux ans et demi pour trouver quelqu’un pouvant m’aider à me lancer dans la chanson. Quand je l’ai trouvé, je n’en ai rien fait, je suis passé à autre chose. Il s’agit du décalage entre ce que nous disons ou nous nous disons, de façon très sérieuse, et notre positionnement consécutif (en contradiction).
Si nous pouvons reconnaître combien nous avons pu nous-mêmes bien des fois être impliqués à notre niveau par ce qui est expliqué dans ces deux derniers paragraphes, par exemple, nous pourrons relativiser notre incompréhension face à ceux de notre entourage qui se manifestent soudainement à l’inverse de leur discours ordinaire. Nous pourrons remplacer nos jugements et autres réactions par la tolérance ou même la compassion. Beaucoup sont « à côté de la plaque », nous aussi, quand ? Un exemple actuel possible : « Je ne vais pas me laisser injecter cette soupe, ça va pas, non ? » Quelques jours plus tard : « « Désolé, je n’ai pas pu venir, j’ai fait ma première dose ! »…
Il est des décalages reconnus qui imposent de respecter une distance bienfaisante, laquelle est alors une « vraie protection ». Ce qui peut ressembler à une « vraie protection » n’est en réalité rien d’autre que la manifestation du respect pour soi-même. Ce que nous sommes en essence n’a besoin d’aucune protection, mais il est parfois impossible de rectifier un décalage trop marqué. Si un décalage éprouvé peut d’ordinaire laisser espérer un rapprochement unificateur, celui-ci n’est manifestement pas toujours réalisable et il est alors sain de sortir d’un jeu incongru persistant. Ce n’est pas parce que l’on s’éveille que son entourage s’éveille de même et il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un décalage puisse être constaté, non pas forcément éprouvé.
En principe, nous sommes tout à fait capables d’avoir des intérêts qui sont à l’opposé de ceux de notre entourage immédiat, sans que cela suscite le moindre malaise. Il est pourtant des compréhensions que nous vivons comme saisissantes, bouleversantes, et qui ne produisent pas le moindre effet sur certains de ceux à qui nous tentons de les faire partager. Le décalage peut alors être un peu troublant. En fait, il est le rappel d’un partage non vécu. Le manque éprouvé de partage est une occasion privilégiée pour nous sentir en décalage : l’un donne et l’autre prend, puis va voir ailleurs (ce n’est qu’un exemple)…
Si nous faisons une chose ou si nous nous maintenons dans une activité (voire dans une relation) dont nous n’avons pas ou plus envie, nous ne pouvons que nous sentir en décalage, même s’il ne nous vient pas de formuler ainsi notre malaise. D’ailleurs, si vous ne sauriez dire s’il vous arrive de vous sentir parfois en décalage, demandez-vous si vous vous sentez toujours dans le partage, si vous pouvez vraiment vivre le partage. L’opposé du décalage relationnel éprouvé est le vrai partage. Vivons-nous souvent et aisément le vrai et plein partage relationnel ? Celui-ci implique la paix, la joie ou l’amour, indépendamment de ce qui peut occuper l’interaction du moment. C’est la présence qui est alors partagée.
Parce qu’il s’abstient de toute demande d’aide et autant il peut donner, l’abandonné ne se met pas en situation de vivre un vrai partage.
Soumis à sa vieille peur du manque et à ses seules envies successives, le dévalorisé n’est pas enclin à favoriser un vrai partage.
Ne pouvant pas exprimer ce qui lui fait, a fait le plus mal et ce qui le met en joie, le maltraité se prive des occasions de vrai partage.
Ne pouvant pas être à l’écoute de ceux qui l’écoutent, le rejeté exclut pour lui toute occasion de vrai partage.
Du fait de sa honte d’aimer, de sa peur de déranger et de son auto-isolement, le trahi tue dans l’œuf les occasions de vrai partage qui s’offrent à lui.
Lors des décalages relationnels, on pourra aussi éprouver de la honte, de la solitude, de l’insatisfaction, de l’incompréhension ou même de la peur. Un décalage caricatural est celui que chante Brassens dans sa chanson « Marinette » où, à chaque intention décalée, il a « l’air d’un con », il a donc honte ! Les décalages n’occasionnent pas forcément de la honte, mais la profonde honte occasionne toujours des décalages. Cette honte-là retient en arrière, alors que la personne concernée aurait besoin d’aller de l’avant. Elle reste en retrait – donc décalée –, parce qu’elle croit (inconsciemment) qu’elle n’a pas le droit d’exister. Son penser est à l’avenant.
Nous n’avons rien à penser à propos de rien, mais comme nous n’arrêtons pas de penser, alors que nous nous sentons mal, nous restons pris dans des décalages infernaux. Si vous regardez de près ce que vous pensez souvent, vous ne devriez pas avoir trop de mal à relever la distance parfois énorme entre vos cogitations secrètes et votre réalité quotidienne. Penser inutilement, c’est « se décaler », fabriquer un décalage ; c’est cristalliser l’idée fausse de la séparation. Et quand une personne en met une autre à distance, par exemple, un décalage est créé, reste à savoir au détriment de qui.
Le décalage relationnel est un désaccord, un défaut de justesse, une rupture à quelque niveau que ce soit. Moins il est reconnu, plus il est éprouvant. Quand on est dans un décalage relationnel, le discours est inadapté, donc totalement vain, et la vraie rencontre ne peut pas ou ne peut plus avoir lieu. Nos vraies rencontres sont plaisantes et fécondes, parce qu’alors, nous nous sentons au diapason. Le contact est établi, ce qui est exclu en cas de décalage. Dans certaines de nos relations plus ou moins problématiques, on pourrait dire qu’il y a « mauvais contact » et le besoin d’identifier le décalage. En général, l’un est dans le cœur, l’autre dans sa tête ou vice versa.
Alors, dans vos diverses relations, vous arrive-t-il de ne pas vous sentir en phase, de vous sentir en décalage ? Comme suggéré précédemment, c’est alors l’expérience du vrai partage que vous ne faites pas ! Il y a, il y aura beaucoup à dire sur le partage, sur le vrai partage, et ce sera l’objet de la prochaine chronique. D’ores et déjà, voyons combien nous pouvons faire nôtre cette affirmation : « Je m’ouvre à la vérité et au vrai partage ». Le flou ou le « mal-dit » ne prédispose pas au vrai partage.
Il se peut, ici ou là, que nous déplorions un manque de clarté, voire de vérité, mais il peut tout autant y avoir bien des choses que nous préférons ignorer, que nous ne voulons pas voir. Dans les deux cas, sans même avoir à l’esprit la notion de décalage, nous l’éprouvons forcément. Du fait du conditionnement humain collectif et individuel, le faux tient une place de choix. Ce n’est plus seulement un décalage avec lequel nous composons, mais c’est un gouffre abyssal et redoutable. Le déni ne pourra plus tenir très longtemps et ce sera la chute ou… l’éveil !
Nous maintenir inconsidérément dans nos divers décalages, c’est rester prisonnier du faux, des mensonges. Il y a peut-être bien des mensonges que l’on dit, mais il y a surtout les mensonges auxquels on croit. On peut être enclin à mentir, mais c’est seulement parce que l’on croit d’abord aux mensonges. Quand on me parle d’un enfant qui ment, j’invite à reconnaître le mensonge familial à son sujet, lequel peut impliquer sa naissance même. En lien à son contexte originel, on se laisse dire et faire tout et n’importe quoi, et même si l’on ne dénonce pas un décalage, on finit tôt ou tard par en éprouver des effets amers. Nous avons profondément besoin de nous réaligner sur notre cœur, sur notre âme, sur le vrai, sur notre nature profonde…
Plus on s’éveille, au début, plus on éprouve un décalage ; plus on s’éveille encore, plus disparaissent toutes les distances. Le décalage le plus crucial, le plus éprouvé sans conscience, se trouve entre ce pour quoi l’on se prend et ce que l’on est. Ce décalage est aussi le plus colossal. L’éveil véritable est la mort du « je pensant », du « moi séparé », mais il y a aussi la mort à son vieil environnement. On a pris son corps et le monde pour ce qu’ils ne sont pas. Dans l’éveil, le décalage éprouvé, puis juste reconnu, peut représenter une transformation qui peut donner une idée de la « mort » : on est sorti de l’existence illusoire et l’on est comme jamais en paix et dans l’amour. En fait, cette mort-là est une naissance, une re-naissance, la naissance à ce que nous sommes, la naissance à la Vérité.
Mourir à tout attachement est une libération et donc une « naissance » : on sort d’un conditionnement claustrant, voire d’un environnement limitatif, comme on est un jour sorti de la matrice devenue trop étroite, « claustrante ». Et comme on est sorti un jour de cette matrice, nous devons désormais sortir du penser accrédité. Il est devenu notre piège, insoupçonné ! Il est manifesté notamment par nos attachements affectifs. Ils sont principalement la réponse compensatrice aux épreuves de décalage, de déphasage, en fait de non-partage. Ce décalage « constamment » auto-infligé est maintenu entre ce que nous ressentons et ce que nous pensons, disons, faisons…
Il y a une façon simple et puissante de défaire le décalage fondamental qui nous éprouve : évoquer la Paix intérieure, la joie du cœur, l’Amour parfait, penser à Dieu. Il pourrait être d’autant plus judicieux de nous rappeler Dieu ou l’Amour parfait quand nous nous surprenons pris dans le penser ou par un état émotionnel, quand l’ego ou le mental domine, quand nous nous prenons pour le penser. Nous n’avons pas besoin de « penser à Dieu » quand nous sommes pleinement présents, en paix, dans l’amour, parce qu’alors, nous le manifestons, nous le sommes. Se rappeler Dieu ou ce qui peut le représenter pour nous, c’est relâcher doucement l’impression de séparation. C’est défaire le déphasage fondamental, c’est comme vivre un miracle intérieur.
Toute posture séparatrice provoque infailliblement un décalage, éprouvé par autrui, par soi-même ou par les deux. L’impression de séparation, laquelle est éprouvée comme étant réelle, est forcément accompagnée par un décalage terrible. Ainsi, pour en « finir » avec l’impression de séparation, invoquons la Conscience Une. Nous la partageons avec tout ce qui nous entoure. Nous sommes la même Conscience ! Ce que nous sommes en essence méconnaît en réalité la séparation et donc toute possibilité de décalage. Ne nions pas nos décalages, mais ne les dramatisons pas non plus, ils sont illusoires ! Il n’est pas un décalage qui puisse nous éloigner de Dieu, ni de notre véritable nature : Cela est partout, toujours !
Imprévisible, ce que sera cette nouvelle année en termes de contenu dépend toutefois de nos propres aspirations et de ce que nous aurons encore conservé en nous-mêmes et qui nous apportera donc de quoi le refléter à l’extérieur, juste pour le libérer enfin. Nous n’endurons jamais rien d’autre que ce dont nous avons encore besoin ! C’est vrai individuellement aussi bien que collectivement.
Alors, de tout notre cœur, aspirons à la paix, à l’amour, à l’éveil, et que de plus en plus, nous chérissions vraiment cette aspiration, qu’elle nous sourie, tout de suite ! Préférons l’écoute au déni, le plein accueil au jugement, la paix au conflit, l’amour à la peur, la lumière à l’obscurité… Bonne et heureuse année
Commentaire
194 – Le décalage — Aucun commentaire
HTML tags allowed in your comment: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>