187 N’ignorons ni ne nous reprochons nos erreurs, remercions-les !
Plus ou moins envahissant, le mal de vivre sous toutes ses formes peut être utilement compris à partir de nos perceptions erronées, à partir des erreurs dans lesquelles nous restons enfermés. Ces erreurs peuvent prendre la forme de convictions, d’accusations, d’intentions prêtées à autrui, de malentendus ou simplement de vieilles postures habituelles, jamais remises en question. Imaginez juste un instant que l’on puisse se dire « je ne suis mal que parce que je suis dans l’erreur », avec la possibilité que cette affirmation ouvre la porte à la lumière !
En général non identifiées, nos croyances sont des erreurs, parfois terribles. Les intentions que nous prêtons au monde en sont un exemple et une illustration intéressante. Sans en être conscients, la plupart du temps, nous prêtons erronément à autrui des intentions nuisibles. Nous pourrions avoir du mal à y voir l’aspect « croyance », parce que l’on finit toujours par vivre ce que l’on croit, d’autant plus quand la croyance n’est pas pleinement reconnue. D’autre part, si l’on cultive un conflit, mieux encore si l’on en est à l’origine, il s’avérera utile de se demander ce qu’est notre propre intention envers l’autre. Celle-là aussi est une erreur.
Si nous pouvons mettre au jour les intentions que nous prêtons inconsciemment au monde, nous comprendrons nos réactions, notre compulsion à réagir. Par exemple, si nous continuons de nous attendre à ce que l’on nous fasse du mal, de quelque manière que ce soit, il n’y a vraiment rien d’étonnant à ce que cela dicte nos positionnements ordinaires. Ainsi, redoutant (plus ou moins inconsciemment) une intention nuisible, tantôt on réagira fortement, tantôt on se montrera discret, docile, généreux, arrangeant… Rester dans l’erreur n’est donc pas sans effets !
Nous sommes dans l’erreur la plupart du temps, nous le sommes tous, que nous soyons placés du côté des « bons » ou du côté des « méchants ». Serait-ce une erreur d’envisager cela ? Ne serait-ce pas plutôt une erreur d’en douter ? Quoi qu’il en soit, la matière ou les occasions ne nous manqueront pas, si nous avons un minimum de bonne foi, pour noter nos propres erreurs, la façon dont nous restons dans l’erreur. Or, peut-être vaut-il mieux que nous continuions de l’ignorer, de faire comme s’il n’en était rien, s’il devait nous être impossible de considérer nos propres égarements sans nous culpabiliser une fois de plus. Se culpabiliser est l’erreur la plus répandue, personne n’y échappe ! C’est en effet une erreur effroyable que nous faisons tous et qui précède toutes les autres.
En quelque domaine que ce soit, personne ne progresse sans faire preuve de maladresse, ni faire d’erreurs. Et si nous ne voulons pas faire d’erreurs, ce qui reste impossible, nous ne pouvons rien apprendre, nous restons figés, nous ne pouvons pas évoluer, encore moins nous éveiller. Ne pas vouloir faire d’erreurs est une erreur. Notre appréhension de l’existence, nos tentatives relationnelles et nos divers investissements pourraient-ils ne pas être émaillés d’erreurs ? Quelle erreur serait-ce d’en douter, en effet, mais une autre encore de ne pas en tenir compte ! Et cette dernière reste en tête de nos erreurs les plus conséquentes.
“L’erreur agite ; la vérité repose” (Joseph Joubert).
Les gens sont … ; la vie est … ; l’époque est … Chacun d’entre nous pourrait compléter ces phrases avec des qualificatifs plus ou moins différents, même si nous ne serions pas en peine pour en trouver qui partagent notre point de vue. Or, si nous sommes deux ou trois à considérer que la vie est injuste, par exemple, de bonne foi, nous pourrons encore noter que chacun s’exprime avec une véhémence ou une intensité variable. En réalité, tout le monde a une vision des choses qui lui est très personnelle, tout un chacun étant bien certain que la sienne est la vérité ultime. Quelle erreur !
Nous jugeons les choses comme nous les jugeons, de façon machinale et péremptoire, sans imaginer un seul instant que nous pourrions être à côté de la plaque. Nous constatons bien des fois que nous nous trompons, mais droits dans nos bottes, nous continuons de juger de même, avec la même hâte. Qu’importe que nous soyons seuls à penser et réagir comme nous le faisons, à tout moment et dans bien plus de domaines que ceux qui peuvent nous impliquer, nous restons positionnés comme si nous détenions la vérité. Ainsi, « avec une polyvalence à toute épreuve », nous serions donc celui ou celle qui sait. Cette attitude est plutôt drôle, finalement, même si elle est la cause de nos malaises et qu’elle les entretient.
D’où nous vient l’idée que ce que nous pensons ne souffre pas le moindre risque d’erreur ? N’est-ce pas plutôt étrange ? En fait, nous n’avons pas besoin de savoir pourquoi nous nous trompons, le cas échéant, mais nous pourrions bénéficier grandement d’une remise en question systématique de nos postures habituelles. Autant le redire ici, nous sommes dans l’erreur la plupart du temps. Et s’il s’agit des moments où nous ne nous sentons pas bien, nous sommes forcément dans l’erreur à un niveau ou à un autre. De surcroît, maintenir un jugement, voire le revendiquer, implique déjà une posture erronée.
Nous ne perdrions rien, nous ne pourrions rien perdre si nous nous questionnions ainsi : « Et si je me trompais ? Et si j’étais dans l’erreur ? Et si quelque chose m’échappait ? Et si je n’en savais pas assez pour penser ce que je pense, m’exprimer comme je le fais, faire ce que je fais… ? » Des réponses à ces questions pourraient bien surgir, pour peu que nous nous les posions vraiment, sincèrement ! Elles méritent d’être posées à chaque fois que nous sommes affectés, dans une forme de réaction ou de posture relativement rigide. Sachons que les réponses sont toujours bénéfiques, toujours à notre avantage. La découverte d’une posture erronée finit toujours par offrir un effet libérateur.
J’insiste tout de suite sur une « première » erreur qui pourrait bien être la vôtre, celle de la plupart d’entre vous, et qui dit quelque chose comme : « C’est mal d’être dans l’erreur, inadmissible, voire honteux ». Proportion gardée, être dans l’erreur fait mal, cause un trouble, mais le juger est donc encore une erreur. Cette dernière fait mal aussi, d’autant plus qu’elle incite évidemment à ne surtout pas reconnaître ses erreurs. Tout le monde est dans l’erreur, tout le monde se fait mal (moi aussi), mais l’ignorance de cela (une erreur) est ce qui fait le plus mal puisque tout mal est alors dédaigné, maintenu et empiré. Et ne pas prendre réellement soin de soi, c’est une erreur !
Les erreurs qui nous lèsent le plus sont celles que nous n’admettrions pas, que nous ne pouvons donc pas reconnaître, que nous préférerions nier, sinon ignorer. Il en est bien sûr que nous ignorons vraiment, sur lesquelles nous n’avons jamais eu notre attention. Quant aux erreurs les plus préjudiciables, elles impliquent une posture psychique et reposent sur des jugements catégoriques, maintenus de longue date. En gros, ces jugements nous font tenir pour vrai ce qui est faux aussi bien que pour faux ce qui est vrai. On peut dire que le seul jugement est en lui-même une erreur en ce sens que ce que nous jugeons n’a ordinairement pas besoin d’être jugé.
Et pour commencer à nous défaire au besoin du jugement négatif que nous portons sur nos propres erreurs, voyons si nous pouvons nous rappeler quelque expérience heureuse, associée à une erreur. Ne vous est-il jamais arrivé de vivre comme un instant de bonheur ou de libération en découvrant que ce que vous aviez cru était faux ? Ce que vous aviez cru vous faisait mal et vous avez un jour appris que la réalité était toute différente. Par exemple, vous avez pu croire que quelqu’un vous en voulait terriblement pour le voir tomber des nues quand vous avez pu lui en parler. C’est le fameux « j’avais cru que… » qui peut s’appliquer à un a priori négatif aussi bien que positif, une erreur en l’occurrence dans les deux cas. Il y a toujours du bon à dissiper n’importe quelle erreur.
Malheureusement, même si l’on a pu régulièrement faire cette expérience heureuse du « j’avais cru que », ce n’est pas sûr pour autant que l’on soit devenu plus prudent, que l’on ait cessé de croire de façon autodestructrice. Nous continuons de nous croire inutiles, indignes, mauvais, méchants, dérangeants ou pire. Eh oui, nous restons dans l’erreur ! Ce que nous projetons sur le monde, à tort, c’est ce que nous croyons à notre sujet, à tort. Que d’erreurs ! Et les intentions nuisibles que nous prêtons au monde renvoient singulièrement à ce que nous nous faisons à nous-mêmes. Nous traiter mal est une erreur, à l’évidence ; ne pas nous en rendre compte en est une autre.
Revenons à l’image que nous avons de nous-mêmes, tantôt déplorable, tantôt très avantageuse. Elle constitue précisément une erreur fondamentale. Toujours une erreur, parfois encouragée, serait de vouloir changer cette image. Nous n’avons pas à améliorer l’image de nous-mêmes, ni à en adopter une autre, car il nous suffit de renoncer à toute image, ce que nous faisons à mesure que nous reconnaissons cette image à laquelle nous avons tant tenu. Nous ne sommes pas une image, nous ne sommes pas une apparence, nous ne sommes pas un produit manufacturé ; nous ne sommes pas un corps, une personnalité, un comportement… Nous sommes, Être, nous sommes la Présence, la conscience, l’Unité avec le Tout. Vouloir embellir son image, c’est ignorer sa vraie nature.
Toutes nos innombrables erreurs, différentes d’une personne à l’autre, découlent de l’erreur originelle que nous avons tous en commun là encore : l’impression fausse de séparation d’avec le Divin ou notre véritable nature. J’aime me rappeler que, quand j’ai lu la première fois sur cette « illusion de séparation », il y a une trentaine d’années, la chose ne me parlait pas, ne produisait sur moi pas le moindre effet. En l’espèce, je ne l’avais pas interprétée comme étant une « erreur », une évocation erronée, mais mon aveuglement était encore trop prononcé pour que je puisse avoir accès à certaines de mes visions limitées ou erronées. Quoi qu’il en soit, nous tenons généralement pour faux ce que nous ne sommes pas à même de sentir, de percevoir, de reconnaître… Il est tentant ou facile de balayer ce que nous ne comprenons pas (par peur, par honte, par orgueil…).
« Les autres feront des erreurs et toi aussi, aussi longtemps que l’illusion d’un monde semblera être ta demeure » (Un cours en miracles).
Et ce qu’Un cours en miracles appelle ici « erreurs », il l’élargit à ce qui donne lieu au sentiment très prononcé de culpabilité, à ce que nous vivons comme des « péchés ». « Il n’y a pas de péchés », nous explique-t-il, « il n’y a que des erreurs, des erreurs à corriger ». Or, il semble que beaucoup d’entre nous vivent la moindre erreur comme étant précisément un péché. Ainsi, si le péché n’est pas un péché, l’erreur peut d’autant moins en être un. Un sage a dit : « Le seul péché qui existe est la conscience du péché ». Et pour le paraphraser plus ou moins, on pourrait dire que l’erreur existe en revanche, mais que se la reprocher, s’en trouver mal, « c’est un péché » !
Comme déjà indiqué, nous nous sentons plus ou moins mal, juste parce que nous sommes dans l’erreur et que nous ne l’envisageons pas. Il nous est arrivé d’obtenir ce que nous voulions absolument ou encore de résoudre un problème qui fut longtemps très éprouvant pour nous retrouver très vite aussi mal, voire parfois encore plus mal. En fait, notre vrai besoin – parce qu’il existe – n’était pas du tout d’obtenir la chose voulue, ni de régler le problème déploré.
Aussi insoupçonné qu’il soit ou incroyable qu’il paraisse, notre vrai besoin est de cesser de nous prendre pour ce que nous ne sommes pas. C’est mettre fin à l’erreur humaine et collective la plus ancienne : l’impression de séparation. Erronément, nous nous vivons comme si nous étions séparés de nous-mêmes, de notre véritable nature, de notre essence commune… Et nous prenons donc pour ce que nous ne sommes pas, nous nous faisons mener une vie épouvantable à bien des égards.
On n’acceptera difficilement le fait que l’on tient à vivre ce que l’on déplore, on comprendra d’autant moins qu’on le fabrique, que l’on se l’attire. Par exemple, puisque l’on aime se plaindre, s’indigner ou ruminer, on s’attire et se maintient de quoi le faire. C’est maintenant que l’on veut être traité comme on se sent traité, que l’on veut être malade, que l’on veut avoir le problème dont on dit vouloir se débarrasser. Nous restons dans la contradiction, cultivons des contradictions, et nous ne le savons pas, refuserions de le voir, de l’admettre. Rien de mieux pour continuer de le faire. Autrement dit, nous dominent les erreurs que nous ignorons ou que nous résistons à envisager, à reconnaître.
Notons ici une autre erreur, apparemment assez répandue : la confusion entre responsabilité et culpabilité. D’aucuns voudraient remettre en question le fait que tous nos malaises, maladies et autres conditions de vie éprouvantes ne font que refléter notre état d’esprit, notre état de conscience. « C’est culpabiliser les gens », disent-ils, quand en réalité, ces mêmes gens sont surtout invités à se libérer de leur culpabilité irrationnelle en cause. Ce qui signifie que l’aide va consister, non pas à les culpabiliser, mais à favoriser la reconnaissance et la libération de leurs sentiments irrationnels de culpabilité. Redisons-le autrement : tous nos problèmes reflètent nos faux sentiments de culpabilité que nous gardons au chaud.
En consultation, quand vient le moment pour une personne de considérer la façon dont elle s’est sentie traité notamment par ses parents, elle peut résister un temps, soucieuse de ne surtout pas les accuser. Et en effet, même des « psys » semblent avoir du mal à faire la différence entre l’identification d’un éprouvé, donc d’une douleur, et la désignation d’un coupable. Ainsi, pour ne pas courir le risque d’accuser papa/maman, on laisserait crever des ex-enfants dont les éprouvés douloureux n’auraient pas le droit d’être enfin pleurés, quelle erreur !
Pour mieux montrer peut-être que la culpabilité éventuelle des parents ne nous préoccupe pas, quand il s’agit de dépasser notre blessure, prenons l’exemple de « l’abandonné ». Certes, à l’origine de la blessure d’abandon, on peut trouver par exemple une mère ou un père qui n’avaient pas l’âme d’un parent, mais encore qui étaient régulièrement absents pour cause de maladie. La personne s’est donc sentie abandonnée quoi qu’il en fût et la reconnaissance du ressenti « abandonné » sera potentiellement libérateur. Il en sera de même avec les ressentis « dévalorisé, maltraité, rejeté, trahi ».
Quand j’ai pu pleurer la tristesse associée au sentiment confus d’être trahi par ma mère, qui m’avait bizarrement laissé à l’hôpital ou qui avait plus étrangement encore consenti à un placement précipité en pension, ce fut bien la tristesse en moi que j’ai pu enfin pleurer et non pas du ressentiment. Cela dit, s’il y a du ressentiment en nous, ce serait encore une erreur que de s’en refuser l’accès et donc la libération… On peut comprendre que notre culpabilité nous fait faire bien des erreurs et nous en sommes toujours victimes.
Alors, ne commettez pas ou plus l’erreur d’ignorer vos erreurs, ni l’erreur de vous les reprocher, de ne pas vous les pardonner. Au passage, disons que « pardonner », c’est notamment mettre fin à une erreur, l’erreur qu’implique tout jugement. Tout apprentissage nécessite des erreurs ou toute erreur aboutit tôt ou tard à un apprentissage. Ainsi, faire des erreurs n’est pas en soi une erreur. Même « amusés » si possible, voyons-nous tranquillement dans nos postures diverses, dans nos comportements conditionnés, et confions le tout à l’Amour !
Plus on souffre, réagit, manifeste sa souffrance et sa réaction, plus on « proclame » qu’il n’y a pas d’amour pour soi (erreur terrible).
On n’est jamais contrarié pour la raison à laquelle on pense (Un cours en miracles) et c’est merveilleux qu’il en soit ainsi, cela pouvant éliminer une kyrielle de contrariétés.
Apprécier ce qui se présente à soi est excellent, être positionné comme s’il nous manquait quelque chose est une erreur humaine.
Dans la réaction, tout le monde est toujours dans l’erreur et nous pouvons être de ceux qui s’en rendent compte.
Toute réaction est erronée, illusoire, et le penser intempestif est une réaction, une réalité à laquelle personne n’échappe.
En toute circonstances, s’il est excellent de vérifier ce que l’on ressent, il est souvent nécessaire également d’identifier ce que l’on pense, en soupçonnant là une erreur fondamentale.
Si nous nous surprenons dans le jugement, voire avec un comportement malveillant, rappelons-nous simplement que l’erreur est humaine et que notre conditionnement ne peut pas être de bon conseil.
Nous n’avons rien à faire de mieux que de reconnaître purement et simplement ce qui est, en toute circonstance : « Il est de la nature-même de l’erreur de disparaître quand elle est vue » (Nisargadatta Maharaj).
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